







l'information contrôlée et révisée, les moeurs ou encore l'idéologie officielle ne peuvent pas s'effacer d'un simple regard vers l'avenir, même à une période où le premier Taikonaute a pénétré la voute celeste. Marché du développement et de la R&D Pour mieux comprendre le phénomène de la délocalisation des unités de production en Asie, et principalement en Chine, il faut se rendre compte des coûts engagés dans la conception et la commercialisation d'un jeu vidéo de nos jours. Le budget type d’un jeu vidéo, conçu pour console et visant plus d’un million d’unités vendues, est le suivant : - Développement : 5 M€, 16% de la production (sous traitée au studio) - Marketing : 5 M€, 16% - Fabrication : 10 M€, 33% (payée au fabricant de consoles) - Marketing/licences de tiers : 2 M€, 7% - Distribution : 6 M€, 20% - Marge (avant impôt) : 2 M€, 7% - Total : 30 M€ Ces dépenses faramineuses, même si elles font toujours l'objet de prospections préalables, d'études de marché, et de veilles économiques, n'assurent toutefois pas l'obtention de ce que les économistes dénomment le ROI, qui est en bon français ce que l'on pourrait dénommer «retour sur investissement». Les dirigeants des grosses sociétés d'édition du secteur ne sont que des pions à la merci de leurs actionnaires, qui peuvent être remercié pour de mauvais résultats sur le court terme alors même que ceux ci sont dus à de judicieux investissements sur le long terme. Faut-il blâmer la myopie relative des marchés financiers, ou la financiérisation du secteur des jeux vidéo? Aucunement, car sans cette évolution le jeu vidéo n'aurait pas l'ampleur qu'il a aujourd'hui, avec des sociétés comme Electronic Arts qui se mettent à s'exclaffer devant les résultats des plus grands studios de cinéma hollywoodien, et des productions à la frontière entre film et jeu. Cependant cette contrainte de résultat qui pèse sur les entrepreneurs les force à chercher à faire de plus en plus de titres très vendeurs (les AAA) tout en optimisant leurs coûts abyssaux en ... allant chercher de la main d'oeuvre qualifiée là où elle est la moins chère. Et dans ce domaine, la Chine n'a pas d'égal. Selon le rapport Fries, l’Europe a longtemps eu ses « champions nationaux », Infogrames ou Ubisoft en France, Eidos ou Codemasters en Grande-Bretagne, qui avaient noué des relations étroites avec des fournisseurs domestiques et pouvaient encore faire vivre une production « régionale ». L’internationalisation à marche forcée des éditeurs au cours des années 90 a très naturellement distendu ces liens et privé certains studios d’un flux d’affaires « traditionnel ». Contraints de démarcher de nouveaux éditeurs - travail de longue haleine -, les studios se sont vu aussi concurrencés par de nouveaux acteurs : la délocalisation, depuis longtemps réalité dans le domaine du logiciel, a gagné l’univers du jeu vidéo, mettant en valeur les avantages compétitifs des pays à bas coûts (Chine, Europe de l’Est) ou à dispositifs attractifs (Québec/Vancouver). A la globalisation du marché correspond, là comme ailleurs, la spécialisation du travail et à cette aune, les studios français n’ont certainement pas été aidés par l’introduction des 35 heures qui, ne serait- ce que par un effet d’image, a eu un impact souvent dissuasif sur les grands éditeurs internationaux. La principale raison avancée de la délocalisation tiendrait à l’absence de flexibilité du travail, et plus largement aux coûts salariaux en Europe et aux Etats Unis. Est régulièrement dénoncée la contrainte exercée par les contrats à durée indéterminée - majoritairement utilisés dans cette industrie en France - sur la gestion de projets à géométrie variable. L'éditeur ayant le mieux compris l'intérêt de la délocalisation de la production en Chine, et qui joue le rôle de précurseur, est sans contexte le français Ubisoft. Michel Guillemot, Directeur Général Développement et Stratégie affirme : 'En Chine, nous avons découvert une mine de talents artistiques parmi les 'fans' de jeux . Ces jeunes gens sont devenus une véritable force pour le développement futur de l'industrie du jeu vidéo, en Chine et à l'international '. Et Yves Guillememot, le PDG, de marteler dans les colonnes du Monde : « il ne s'agit pas forcément de dégager des surplus financiers, mais d'abaisser des coûts de création, de développer des expertises sur les nouvelles machines comme la Playstation 2, d'assurer une distribution rentable en Asie et d'être présent dans tous les secteurs des nouvelles technologies - WAP, jeux sur Internet, consoles - dès que l'occasion se présentera. » Avec des bureaux à Shanghaï, Pékin, Tokyo et Hongkong, Ubisoft, dans son domaine, détient sans nul doute une position clef en Orient. Il faut dire qu' Ubi est le premier éditeur de jeu vidéo en Chine, et que, signe de sa totale intégration au marché, 97 % de ses employés parlent chinois! Au jour d'aujourd'hui, tous les grands éditeurs entreprenent par leurs actes d'emprunter le chemin du géant français. Distribution et Edition C'est là que le bât blesse. Malgré l'immensité du marché et la proximité du Japon, la Chine est totalement délaissée des constructeurs et des éditeurs de jeux vidéo qui n'osent pas soumettre leurs titres et consoles au marché chinois. Sans oublier que les éditeurs chinois ont beaucoup de mal à s'exprimer dans le monde du fait de leur production trop tournée vers le marché intérieur. En clair, le bloc communiste serait toujours aussi imperméable qu'autrefois ? La situation n'a rien à voir avec le passé, et les chinois ne sont d'ailleurs pas les derniers à goûter aux délices des jeux vidéo sur des consoles qui ne sont pourtant pas officiellement sorties chez eux, ou si peu. Pour preuve, dernièrement une version pirate de ... Winning Eleven 8 (!) tourne sur le marché chinois, pour les consoles PS2 pirates compatibles. Disponible sous le manteau à moins de 2 EUR en Chine, le jeu ne sortira dans sa version aboutie qu'au mois d'Août au Japon comme vous pourrez le constater en lisant le test import au coeur de l'été de notre ami Aurélien Lapeyre. Et c'est justement le problème : le piratage des jeux et des systèmes, le non respect flagrant des copyright et des marques déposées, le pouvoir d'achat des ménages trop faible, et le système de distribution hérité du communisme sont autant de freins au développement du marché intérieur OFFICIEL du jeu vidéo, qui est le pilier de la création. Des clones de NES aux allures de Playstation ou de Xbox, des cartouches famicom de qualité douteuse contenant parfois plus de 200 jeux dont des surprises comme ... Sonic (!), des consoles Dreamcast « portables » avec un écran LCD intégré et une compatibilité MP3, des lecteurs de ROMS pour Game Boy Advance, des puces permettant de dézonner les consoles et de jouer aux copies de sauvegarde (...), ou encore des contrefaçons à l'identique des consoles officielles, voilà tout ce qu'un petit périple en Chine pourrait vous permettre d'apercevoir. Cependant, le potentiel de croissance ouvre un chemin d'expansion pour les firmes particulièrement intéressant, et chacun décide d'y aller de ses propres initiatives afin de pénétrer le marché intérieur chinois pour ne pas être pris au dépourvu lorsque celui ci sera réellement rémunérateur. Ubisoft commercialise déjà quelques un de ses jeux phares en Asie, dont les Rayman qui se sont vendus à plus de 500 000 exemplaires en langue chinoise : ridicule au vu de la taille colossal du marché (moins de 0,0003 % du nombre d'habitants), mais un bel exploit pour le secteur et pour une firme étrangère. Une étude récente menée par Niko Partners and International Management Group indique que pour l'heure le marché des jeux vidéo massivement multijoueur sur Internet est le seul secteur qui n'est pas trop touché par le piratage en Chine, avec ses méthodes de paiement relativement étranges pour les joueurs occidentaux : l'achat de cartes prépayées permettant de jouer un certain nombre de temps. Cela a ouvert une brèche pour les éditeurs et les développeurs locaux qui commencent à avoir une longueur d'avance, ou du moins aucun train de retard, dans ce domaine. En ce qui concerne les constructeurs, la XBOX, la Playstation 2 et la GBA sont les seules consoles à être officiellement distribuées dans des territoires comme Taiwan ou Hong Kong, mais en Chine même, seule la Playstation 2 a fait une timide sortie (totalement manquée) cet hiver alors même que son ainée n'est jamais sortie officiellement sur ce territoire. Finalement, le constructeur qui a peut être le mieux cerné le marché chinois est sans doute Nintendo : plutôt que de contraindre un marché intérieur chinois aux consoles traditionnelles, peut être vaut il mieux dans un premier temps y sortir une console qui lui est dédiée et qui s'adapte au marché plutôt que de le subir. Ainsi est né le pari de l' iQue Player , qui se révèle être une Nintendo 64 intégrée dans une manette qui doit être branchée directement sur le poste de télévision. Les jeux sont contenus sur une memory card réinscriptible qu'il faut alimenter de nouveautés en passant par des bornes disponibles dans des boutiques spécialisées, et prochainement via un site web sécurisé sur Internet : une bonne méthode pour éviter d'avoir trop à subir le piratage et pour diminuer les coûts en préfigurant la solution de distribution du futur. Cependant cet accessoire d'un ancien temps, à une époque où les PS2 pirates sont légions dans le pays, n'aurait selon nos sources en Chine pas fédéré énormément d'attention pour l'heure. Anticipations : Troyes ou Los Angeles ? Si les éditeurs et les constructeurs ont bien compris l'intérêt de déplacer leur production vers la Chine, il n'en est toujours pas de même pour le marché interne qui est gangréné par le piratage comme nous l'avons analysé ci-dessus. Cependant, le secteur du jeu n'est pas le seul touché : le pays est actuellement chef de file en matière d’importation de biens contrefaits et devra sérieusement affronter ce problème. La Business Software Alliance estime que plus de 90 % des logiciels utilisés dans les entreprises chinoises sont des copies pirates. Le manque de ressources et la difficulté de faire respecter des lois qui changent selon la région géographique compliquent d’avantage la mise en œuvre des règlements. En fait, à l’heure actuelle, les lois chinoises ne criminalisent pas l’importation ou l’exportation de produits enfreignant les droits de propriété intellectuelle. Nonobstant ces difficultés, nous avons vu que chacun se prépare à intégrer le marché chinois, plus ou moins timidement, et surtout avec de bonnes raisons d'y espérer un retour. De fait, le logiciel rentre de plus en plus au coeur de la croissance. Après la production manufacturière, la Chine s'impose comme un acteur incontournable de la scène logicielle selon le JDN. Les chiffres parlent d'eux mêmes : + 25,8 %. Telle est la prévision de hausse des ventes de logiciels pour l'année 2003 en Chine (sources IDC). Une progression à deux chiffres qui ne faillit pas depuis le milieu des années 1990. L'activité de développement logiciel (offshore programming), véritable gisement de croissance, emprunte la même voie. La zone Chine / Inde devrait s'adjuger quelque 60% des développements logiciels des grandes entreprises mondiales d'ici 2005, toujours selon IDC. Les activités de services IT draineront, selon le cabinet Gartner, plus de 27 milliards de dollars en Chine d'ici 2007. Un mouvement de fond qui ne s'explique pas seulement par des coûts de main d'oeuvre inférieurs à ceux pratiqués en Europe ou aux Etats-Unis. Selon une information provenant du premier forum sur les jeux en ligne organisé le 26 janvier au Guangdong, la Chine compte actuellement 40 millions de joueurs en ligne et la valeur de production annuelle des jeux en ligne a atteint un milliard de yuans et s’est accru à un rythme de 50%. D’après Zhang Guoxin, directeur général adjoint de China Unicom pour le Guangdong, le marché des jeux a atteint 16,5 milliards de dollars en 2001 dans le monde entier, dépassant celui du cinéma évalué à 16 milliards de dollars. Parmi les 60 millions d’internautes chinois, 40 millions jouent en ligne. Cette année, la valeur de production des jeux en ligne dépassera 6 milliards de dollars dans le monde entier et plus de 30% des internautes joueront en ligne. La Chine aura donc de belles perspectives dans ce domaine. L’année prochaine, la valeur de production des jeux en ligne dépassera 2 milliards de yuans en Chine. Mais cet optimisme largement partagé et faisant rêver d'un avenir prolifique est il vu d'un bon oeil par tous les économistes? Si la majorité des courants de pensée s'accorde à dire que la Chine représentera tôt ou tard le premier marché mondial, d'autres voix s'élèvent pour faire allusion au phénomène économique du cheval de Troyes : selon eux la période actuelle de très forte croissance de la Chine est due à l'ouverture de son marché (avis partagé par tout le monde) mais ne devrait pas durer à cause de trop gros problèmes d'adaptation structurelle. De façon imagée, les taux de croissance exceptionnels que publie la Chine sont l'arbre qui cache la forêt d'immenses problèmes qui ne garantissent pas sa croissance à long terme ; ils seraient donc le cheval de Troyes moderne de la Chine vis à vis du commerce mondial. Si l'avis de ces économistes à contre courant s'avère vrai, alors le marché interne chinois restera désespérement fermé et les quelques compagnies ayant tenté de le pénétrer se mordront les doigts d'y avoir investi leurs yens, dollars, ou euro, ... même si évidement la Chine restera quoiqu'il en soit un paradis pour ce qui est de la production à bas prix. Même s'il est très dur de se prononcer sur l'avenir réel de la Chine, nous avons tendance à croire que ce sera bel et bien la future économie mondiale dominante. En d'autres termes, le marché chinois serait le marché du futur, et les agents économiques, particulièrement dans le domaine du jeu vidéo, auraient tout intérêt à y investir afin de s'octroyer les meilleures parts de marché possible... ce qui est typiquement le cas de tous les mouvements actuels. Les tentatives timides d'aujourd'hui seront peut être les coups de maitre de demain. A condition que les autorités chinoises continuent à prendre des mesures pour enrayer le piratage et s'ouvrir totalement aux investisseurs étrangers. La PS4 sortira t'elle en première sur le territoire chinois? Ce n'est pas forcément une vision utopique... (Données : Ministère de l'Economie, des Finances, et de l'Industrie ; Département du développement du Quebec, OMC, et autres sources signalées dans l'article)"/>