Une interview complète de Kazuo Hirai, PDG de SONY par Julien Dupont-Calbo pour LES ÉCHOS
Au dessus c'est le soleil
Comment va Sony ?
Notre plus gros défi, c’est l’électronique. A mon arrivée à la tête de Sony, il y a deux ans et demi, je m’étais donné trois années pour transformer la société. Nous avons déjà beaucoup changé en sortant du marché du PC, en détachant la partie TV du reste du groupe. Tout ceci a généré beaucoup de coûts et de dépréciations d’actifs. Désormais, il n’y en aura plus, ou alors des petites sommes. L’an prochain, nous gagnerons donc beaucoup d’argent, sauf catastrophe qui ne dépend pas de nous.
Les japonais sont pourtant pris en tenaille entre les américains, rois du marketing et du software, et les chinois, très agressifs côté hardware…
Je ne parlerai pas pour les autres. D’accord, chez Sony, nous n’avons pas toujours rencontré le succès. Mais j’ai confiance pour la suite : nous disposons d’un patrimoine unique en matière d’audio, d’écran, de photo. Nous vendons d’ailleurs nos capteurs d’image à Apple. Nous avons également une excellente marque, des contenus dans la musique, le cinéma… Je mets au défi quiconque de faire mieux que nous en matière de télévisions, de smartphones ou de tablettes ! Et puis, nous-aussi fabriquons nos produits en Asie du sud-est ou en Chine, nous avons les mêmes coûts que les autres.
Quel est le rôle de « Sony UX », votre nouvelle division ?
Nous avions trop de responsables en contact avec le public : un pour les ventes mondiales, un pour la marque, un pour l’interface, un pour l’exécution commerciale, et même un qui gérait les grands salons comme le CES ou l’IFA... Ce n’était pas si catastrophique, mais il était temps de les réunir sous le même toit. Maintenant, il n’y a plus qu’un responsable en charge du dialogue avec les consommateurs, et il me rend des comptes personnellement. C’est plus pratique.
Ce n’est donc pas une division chargée d’unifier vos interfaces utilisateurs, parfois décriées …
Non, mais cela en fait quand même partie. Nous avons beaucoup travaillé sur l’ergonomie pour proposer les mêmes sensations sur nos différentes gammes de produits. Tout n’est pas encore parfait, mais nous avons fait de réels progrès pour une grosse organisation comme la nôtre.
Parlons produits. Vous avez sorti à l’IFA une nouvelle montre connectée. Pourquoi ce marché peine-t-il à décoller ?
Tout le monde cherche encore l’application fatale, celle qui décidera les gens à ajouter un objet sur son corps. Ce n’est pas évident : avec deux poignets et un cou chacun, l’espace est limité ! D’autant qu’il faut trouver le bon équilibre entre l’autonomie, les applications et le design, élément primordial pour ce type de produits. Par exemple, pour l’instant, il faut un petit écran si l’on veut que la batterie tienne assez longtemps pour un vrai usage… Personne n’a encore résolu l’équation. Le marché reste à prendre.
La Playstation 4 rencontre un succès fou, malgré la concurrence du jeu sur mobile…
A ceux qui me demandaient à quoi une console pouvait encore servir, j’ai toujours répondu que ce n’était pas la même chose. L’expérience de jeu est incomparable. C’est comme la différence entre regarder un bon film sur un smartphone ou aller le voir au cinéma. Ceux qui pensent que le jeu mobile va éradiquer les consoles ne sont pas des joueurs, ils ne peuvent pas comprendre.
Vous aviez lancé un chien robot en 1999… Où en êtes-vous sur le sujet, qui revient au premier plan ?
Comment s’appelait-il déjà ? Ah oui, Aibo ! Grâce à lui, nous avons beaucoup de connaissances sur la robotique. Elles sont très utiles à la coentreprise que nous avons monté avec Olympus dans le domaine médical. Mais c’est vrai, beaucoup d’ingénieurs viennent me voir en proposant des projets de robots, souvent très intéressants et disposant d’un vrai modèle économique à mes yeux. Cependant, nous ne ferons pas de robots humanoïdes. J’imagine plutôt des robots de loisir, faits pour jouer.
