Après des dizaines d'heures de travail, le collègue @blondexgf vous propose un (énorme) dossier rétrospectif sur la saga Smash Bros.
Au programme : rétrospective de l'ensemble de la saga, histoire du développement de chaque volet, analyse et évolution du crew et du système de jeu, anecdotes, studios impliqués, impact de la licence sur le versus fighting et bien sûr, beaucoup d'infos sur son principal créateur : Masahiro Sakurai.
Comme d'habitude, le début du dossier est mis ici à disposition, la suite sera sur le site-source Gameforever.
Vous pouvez faire vos retours et commentaires directement ici en commentaire en les adressant à son auteur @blondexgf.
Bonne lecture!
Simple mais efficace, le logo de Smash Bros symbolise le lieu de croisement entre différents univers, où tout devient cohérent.
Licence Nintendo incontournable devenue l’une des plus importantes de la firme au même titre que Super Mario, The Legend of Zelda ou Mario Kart, Super Smash Bros a pour ainsi dire apporté au genre des jeux de baston un style unique mêlant plateformes et combat, et permet de faire s'affronter entre elles les grandes vedettes de l’univers Nintendo (et même au-delà). L’aura de la série est même telle que la simple vue de son logo dans une vidéo suffit à provoquer l’hystérie des fans !
Rouleau compresseur commercial, la série Smash Bros est aussi un véritable hommage au jeu vidéo, et a souvent ressorti de l’ombre des héros oubliés ou des franchises délaissées… quand elle ne les a tout simplement pas relancés.
Comme toute grande série qui se respecte, Super Smash Bros est indissociable de son créateur : Masahiro Sakurai, l’homme qui ne vieillit jamais !
> Le succès surprise d'un premier volet expérimental
Développeur au sein de HAL Laboratory, un studio contrôlé par Nintendo, Masahiro Sakurai, tout juste âgé de 20 ans, dirige son premier projet avec Kirby’s Dream Land (sorti en 1992 sur Game Boy), un jeu de plateformes simple et accessible à tous, dont il signera également la conception du design de Kirby. Chez HAL Laboratory, il dirige plusieurs jeux Kirby (dont Kirby’s Adventure sur NES et Kirby’s Fun Pak sur SNES) et côtoie un certain Satoru Iwata, programmeur qui prendra rapidement la tête du studio avec l’appui de Nintendo, avant de devenir plus tard (en 2002) le PDG de Nintendo.
Au bout de quelques années, Sakurai se lasse de ne se consacrer qu’à Kirby, et expérimente un jeu de baston d’un genre nouveau, jouable jusqu’à 4 joueurs simultanément – et non en tag battle. Au sein d’une petite équipe à laquelle participe Iwata, il conçoit un premier prototype avec des personnages génériques, lequel prendra pour nom Kakuto-Geemu Ryuoh (Dragon King – The Fighting Game). Les informations concernant ce projet ont par ailleurs été révélées lors d’un « Iwata demande » consacré à Super Smash Bros Brawl… autant dire, directement à la source !
Le concept de Super Smash Bros est né avec Dragon King, dont l’image du prototype a été diffusée par Sakurai lui-même.
Cet échange entre Iwata et Sakurai nous apprend que d’ores et déjà, l’idée centrale de ce que sera Smash Bros est posée : les combattants n’ont pas de barre de vie comme il était – et est encore – de coutume dans les jeux de baston, mais des pourcentages de dégâts qui, lorsqu’ils sont élevés, permettent d’éjecter plus facilement un combattant d’une arène ouverte. Le KO n’est donc pas fonction d’une quelconque barre d’énergie.
Sakurai est encouragé par Iwata à poursuivre son projet, mais ce dernier ne pourra sans doute être mené bien loin s’il conserve des personnages spécialement créés pour l’occasion : ce nouveau jeu partirait de zéro avec un nouveau concept, qui plus est sur une Nintendo 64 qui a cumulé les échecs aussi bien critiques que commerciaux en matière de jeux de baston. Or, Sakurai est convaincu qu’un nouveau jeu de combat sortant directement sur consoles doit pouvoir s’appuyer sur des bases connues du public s’il veut un tant soit peu fonctionner.
Il décide donc de remplacer les personnages génériques du projet Dragon King par Mario, Donkey Kong, Samus et Fox. Sakurai craignait toutefois un refus de la firme, et plus encore, un rejet de la part des fans.
La structure caractéristique du stage de Kirby servira de modèle au Champ de Bataille, terrain de jeu privilégié des puristes.
Pourtant, le projet – développé à un stade plus avancé avant d’être présenté en 1998 – recevra l’approbation de Nintendo. Outre les 4 personnages évoqués plus haut, Super Smash Bros proposera une liste de combattants qui ont tous été les protagonistes de leurs jeux : Link, Yoshi, Kirby et Pikachu (sans doute le pokémon le plus célèbre) sont ainsi incorporés dans un jeu de combat mêlant plateformes et castagne, où tous les coups sont permis, y compris en utilisant des objets qui apparaissent de manière aléatoire dans l’arène (épée, pistolet, pokéball faisant apparaître un pokémon…). Le système de combat ne repose quant à lui pas du tout sur la même mécanique qu’un Street Fighter, les coups spéciaux se déclenchant via des combinaisons très simples n’utilisant qu’un seul bouton et une direction. L’accessibilité du jeu à tous les publics est la préoccupation première de l’équipe de développement.
Le roster initial des 8 combattants représente également un condensé de l’univers Nintendo. Pour ainsi dire, s’il ne devait rester dans un Smash Bros que les personnages les plus emblématiques de Big N, cela ne pourrait être que ces huit-là !
Les stages bonus (ici « Détruisez les Cibles ») sont des mini-jeux de plateformes.
Dû aux limitations techniques de la cartouche N64, seulement 4 personnages supplémentaires sont à débloquer, portant le nombre total à 12 combattants. Luigi ne reste pas caché bien longtemps (visible dès la démo), tout comme Captain Falcon, sortant de son bolide F-Zero pour asséner son célèbre « Falcon Punch », ainsi que le pokémon Rondoudou, popularisé par le dessin animé. Bowser et le Roi Dadidou commençaient également à être développés, mais faute de temps, ils ne pourront intégrer le jeu. En revanche, Sakurai garda bien secret le dernier combattant, Ness, personnage principal d’Earthbound, un jeu méconnu sorti tardivement sur SNES (et alors inédit en Europe), développé… par HAL Laboratory.
Au bout du mode Classique, le combat contre la mystérieuse Créa-Main, boss emblématique de la série.
Pourquoi ce garçon plutôt qu’un Wario ou un Bowser, autrement plus connus ? Réponse à ce mystère plus tard, car il y a un autre mystère à résoudre d’abord, c’est la nature du boss final du mode solo : une main gantée nommée "Créa-Main" (Master Hand en engliche) ; la même main que l’on voit apparaître dans l’intro du jeu, sortant d’un coffre à jouets des poupées à l’effigie de personnages Nintendo pour les disposer dans une arène conçue à même un bureau. Voilà donc la raison de ce regroupement de stars : Smash Bros est ainsi un coffre à jouets virtuel ! Il suffit simplement de nous imaginer mômes, à jouer avec des figurines de toutes sortes. La partie finie (et Créa-Main vaincue), votre personnage redevient ainsi une simple poupée : retour au monde réel, le joueur quitte sa chambre et s’en va faire autre chose. Mais alors, qu’est donc la Créa-Main ? Eh bien, je vous laisse sur ce mystère !
Toujours est-il que perdurera par la suite cette différenciation entre un monde réel où les personnages ne sont que des jouets (ou des figurines), et un monde virtuel où ces personnages prennent vie et s’affrontent dans des décors tous inspirés des séries d’où ils proviennent.
En revanche, ce qui ne constitue dans ce premier volet qu’une timide déclaration, est l’amour sans limites de Sakurai pour la riche histoire de Nintendo. En 1998, parler de rétrogaming n’était pas du tout tendance, l’ère de la 3D ayant balayé les générations de consoles précédentes, et ringardisant cette bonne vieille 2D. Cette tendance n’allait toutefois pas durer, et Sakurai l’a senti très tôt. Si ce premier Smash Bros s’appuie fort logiquement sur les principaux jeux de la N64 que sont Mario 64, Star Fox 64, Yoshi’s Story et Zelda – Ocarina of Time, il constitue également la première apparition en 3D de Samus, l’héroïne de Metroid ; une série alors en pause, encore dans le souvenir de Super Metroid, et dont Nintendo peine à imaginer un concept en 3D.
Le stage caché « Super Mario Bros » sera suivi de bien d’autres stages rétro dans les volets suivants.
Mais Smash Bros voit encore plus loin dans le passé. Parmi les objets utilisables pour attaquer les adversaires, figure ainsi un marteau – par ailleurs redoutable – qui une fois attrapé, est accompagné d’une musique surgissant du Donkey Kong… de 1980 ! Et si le jeu ne compte initialement que 8 stages en Versus, un 9ème caché révèle un décor directement inspiré de Super Mario Bros, reprenant même sa musique 8-bits NES sans aucune modification.
Super Smash Bros sort ainsi début 1999 au Japon, seulement quelques mois après aux États-Unis où la N64 se vend encore bien, et fin 1999 en Europe. Les résultats ne se font pas attendre, et le jeu rencontre un succès commercial immédiat – excepté en Europe. Perçu par les critiques comme un jeu encore perfectible mais assurément amusant grâce à ses parties à 4 joueurs, Super Smash Bros devra cependant attendre un peu avant de gagner ses lettres de noblesse dans le domaine des jeux de baston. Il se vend néanmoins à 5,5 millions d’exemplaires (5ème meilleure vente de la N64), un chiffre tout à fait intéressant pour une licence toute neuve ; si intéressant même, qu’une suite est inévitable !
> La mêlée s'intensifie !
Dans la "guerre des consoles" du début des années 2000, Nintendo prend une nouvelle fois du retard sur Sony, la Game Cube sortant plus d’un an après la PS2. Ses premiers jeux doivent cependant être prêts pour le lancement de la console, et Nintendo mise énormément sur la suite de Super Smash Bros. Le succès du premier volet aidant, le nouvel épisode doit venir démontrer par l’exemple la différence sensible de puissance entre la N64 et la Game Cube. La pression est énorme sur les épaules de Sakurai et HAL Laboratory, car il revient à Super Smash Bros Melee de servir de locomotive à la console – Luigi’s Mansion et Pikmin étant des licences nouvelles, tandis que Mario, Zelda ou encore Mario Kart ne sont pas prêts.
L’intro culte de Smash Bros Melee fait encore frissonner les fans !
Et le temps est restreint ! Après 13 mois de développement intenses, HAL Laboratory parvient à livrer son jeu peu après le lancement de la Game Cube, même si Sakurai définira cette période de sa vie comme « destructrice » tant le projet lui demandera d’y consacrer toute son énergie.
Par ailleurs, pour impressionner le public, Nintendo souhaita intégrer une intro en images de synthèse, laquelle sera même utilisée pour la promotion du jeu à sa sortie (notamment durant les pages de pubs).
La courte période de développement n’empêcha pas HAL Laboratory de se montrer ambitieux, tant sur le nombre de personnages que les décors, les modes de jeux… et même encore plein d’autres surprises.
La sélection de personnages tout d’abord, reprend directement les 12 combattants originaux, auxquels s’ajoutent 14 nouveaux, portant le nombre total à 26. Parmi eux, Bowser et la princesse Peach font logiquement leur entrée, tout comme le pokémon Mewtwo – envisagé dans le premier volet – et la princesse Zelda. Concernant cette dernière toutefois, il s’agit d’un personnage "double" : elle peut ainsi se métamorphoser en son alter-ego Sheik, issue d’Ocarina of Time.
Quelques clones viennent ensuite s’ajouter au casting : Link enfant, Falco (l’équiper de Fox), Pichu (le bébé Pikachu), Dr. Mario, ainsi que Ganondorf (dont les mouvements sont basés sur Captain Falcon, avec qui il n’a pourtant rien à voir). Faciles à développer, ils offrent des alternatives de gameplay et peuvent même s’avérer assez différents de leurs modèles.
Avec Mr Game & Watch, accompagné de son stage dédié – un Game & Watch de gamme Gold spécial Smash Bros – Sakurai a amorcé le retrogaming comme une tendance pleine d’avenir.
Le reste de la sélection révélera toutefois de nombreuses surprises, qui en disent long sur les goûts de Sakurai et de son équipe. La période pré-Super Mario Bros de la NES devait en fait avoir un représentant, et des personnages issus de Balloon Fight, Excitebike, Clu Clu Land ou encore Urban Champion furent ainsi sérieusement envisagés. Finalement, les Ice Climbers et leur style unique de duo emporteront la mise et seront disponibles d’entrée de partie, malgré le peu de notoriété de leur jeu d’origine, Ice Climber.
Mais nous n’en avons pas fini avec la caution nostalgie de Melee. Un autre personnage secret (le dernier à être débloqué même) surgit d’un passé encore plus lointain : Mr Game & Watch ! Conçu entièrement en 2D, le combattant est accompagné des bips caractéristiques des jeux électroniques LCD, ainsi que de nombreux mouvements issus de quelques-uns des jeux Game & Watch (Ball, Judge, Fire, Parachute…), et même, d’un stage reproduisant un Game & Watch !
Pour finir avec les personnages étonnants (et cette partie casting), on ne peut oublier [...]