Alors, te sens-tu capable de vaincre le War-loque ?
Warlock sur Super Nintendo et Megadrive est l'adaptation vidéoludique d'un film d'épouvante-fantastique sorti en 1989. Plus précisément, il est calqué sur le second film d'une trilogie qui sera produite par Trimark, co-éditeur du jeu, société relativement anonyme dans notre beau loisir. L'autre parti éditant Warlock se trouve être LJN avant qu'ils ne soient acquit par Acclaim. L'un comporte dans sa besace le tristement célèbre bousin White Men Can't Jump sur la non moins mauvaise Atari Jaguar ; L'autre est accusé d'avoir parfaitement massacré un tas de super-héros Marvel probablement plus pour l’appât du gain que pour la passion du jeu vidéo. Et comme vous le savez pertinemment, adaptation vidéoludique et grands noms du cinéma ne font que rarement bon ménage. Alors qu'obtient-on lorsqu'on mélange éditeur catastrophique, mauvaise licence de cinéma et jeu vidéo ?
Bah, sans surprise, c'est pas fameux ! Bon, je vais être honnête avec vous, j'avais bien aimé Warlock à son époque. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être est-ce que c'est parce qu'il a fait parti de ma ludothèque très tôt et qu'en étant plus jeune, j'ai appris à l'accepter, à le tolérer, voire à le considérer comme meilleur qu'il ne le fut en réalité ? Je ne sais pas. Il y a de nombreux jeux comme cela qui peuvent être objectivement médiocres ou mauvais, mais auxquels on accorde un certain attachement, coupable et inexplicable. Comme The Bouncer sur PS2, ou Star Wars : Jedi Power Battle sur PS1. Cela ne concerne peut-être que moi, mais j'ai de l'affection pour ces jeux, ce qui me fait les voir pas si désastreux que d'autres joueurs veulent bien nous le faire croire. Warlock fait parti de ces jeux très particuliers attirant ma clémence. Globalement, il s'agit là du piège principal de tous retro gamer, qu'il soit d'expérience ou pas, qui n'arrive pas à juger à sa juste valeur des jeux d'il y a vingt ou trente ans. Le prisme à travers lequel on voit ces soft n'est souvent pas celui de la réalité ou de l'objectivité, mais de la nostalgie et de l'idéalisme.
Par chance, pour compenser les deux boulets que sont LJN et Trimark Interactive, le studio de développement est Realtimes Associates. Durant les années 80, ils ont été partenaires privilégiés de LucasArts et ont accomplis de chouettes portages consoles des jeux de tonton George. Maniac Mansion sur NES, The Rocketeer (la version SNES de Novalogic est désastreuse, la version NES de Realtimes est correcte), ou encore Loom sur PC-Engine font parti de leurs quelques réussites. Avec un tel passif, on se dit que les développeurs - des anciens de chez Mattel Electronics, ayant développé des jeux sur Intellivision – ont appris comment faire des produits avec une goutte de gameplay un minimum intéressant. L'apport d'un socle cinématographique leur servira simplement à nourrir leur imagination, et leur talent pour concevoir des jouabilités bien huilées fera le reste.
Vous y croyez ? Que c'est dommage …
Mais commençons par le commencement. Comme dit plus haut, le jeu se base d'avantage sur le second film de la trilogie sorti dans les mêmes eaux. Dans le premier film, il était question du fameux Warlock, puissant magicien diabolique jurant fidélité à Satan et s’apprêtant à lui servir le monde sur un plateau d'argent à l'aide d'un grimoire séparé en trois parties permettant d'obtenir un pouvoir absolu. Il fut arrêter in extremis par un chasseur de sorcière mais dans le second film – et dans le jeu, ipso facto -, le culte qui voue son existence au Warlock le fait renaitre une nuit de pleine lune. Une fois revenu, l'affreux se met en tête d'invoquer Satan à nouveau à l'aide de runes magiques qu'il s'empresse de réunir. Mais pendant sa disparition, fort heureusement pour l'Humanité, une guilde de druides aux pouvoirs mystiques s'est formée pour veiller et combattre le Mal sous toutes ses formes. Un de leur descendant, vous, se charge de mettre la main sur les runes avant le Warlock et le mettre hors d'état de nuire.
Le scénario n'est qu'un prétexte pour nous faire vagabonder au cœur de décors (évoquant parfois Shadow of the Beast et ses teinte de couleurs opalines) emprunt d'une ambiance ténébreuse qui, on doit l'avouer, est très bien fichu ! À vrai dire, graphiquement, je ne peux reprocher grand chose à Warlock. Pour un jeu de 1995 (il serait sorti l'année d'avant en Europe mais les sources fiables manquent), ce n'est sûrement pas le plus impressionnant, mais le soft s'inspire suffisamment du film et à recours à quelques artifices pour se doter d'une ambiance marquante. Certain sprites sont assez mal définis, comme ces espèces de démons apparaissant au sommet des cryptes, mais les décors se parent de jolies couleurs dégradées, oscillant entre le bleu et le mauve. Ils sont bien travaillés et présentent des détails graphiques amusants, comme les squelettes enfouis dans la terre et dont on voit le crane dépasser, ou les colonnes de pierre ternies par le temps et tombant en ruine ci et là. Sur la version Super Nintendo, à mes yeux la plus évoluée graphiquement, le contraste est moins prononcé si bien que sur Megadrive, les noirs et les ombrages prennent possession de l'image. Cependant, les environnements ne sont jamais trop obscurs et illisibles comme on peut le déplorer dans Alien 3 ou Batman Forever par exemple. La version SNES dispose d'une palette de couleur un peu plus élargie également, et les sprites sont un peu plus fins. Quelques détails supplémentaires viennent ternir la performance de la console de SEGA comme l'absence de couleur lors de certaine cut-scene. En contrepartie, la version de Nintendo perd quelques effets d'hémoglobine ou d'explosion un peu trop violentes. Enfin, on peut noter une fluidité identique et très satisfaisante sur les deux machines.
Musicalement, là encore, le jeu fait le job. Il dispose de quelques musiques sympathiques qui s'articulent quasiment toute autour d'un thème principal. Entendre la musique du Warlock, stressante au possible, dès le premier niveau alors que ce dernier apparaît devant nous et nous bombarde de boule d’énergie bleutée, ça donne le ton. Les bruitages sont, si pas originaux, en tout cas bien choisit et bien utilisés pour distiller l'ambiance idoine. Grognements de monstres, sifflement de foudre lancée des mains du Warlock, râles de zombies, plaintes du personnage qui se fait (souvent) taper dessus... tout y est !
C'est du côté du gameplay que ça pèche véritablement. Pour vous défendre, vous disposez d'un orbe magique avec lequel vous pouvez attaquer de quatre façon différente. Selon la direction que vous lui donnez au D-pad, l'orbe exécutera un certain mouvement. La touche avant lui fait suivre un chemin en vague, un peu comme les projectiles dans Docteur jekyll & Mister Hyde sur NES. La flèche du bas envoie l'orbe décrire un arc de cercle. La touche arrière envoie l'orbe vers l'arrière avant qu'il ne revienne à son propriétaire en accomplissant une parabole vers le haut. Et pour finir, la touche haut propulse tout simplement l'arme vers les cieux. Seulement voilà, justement comme Docteur Jekyll & Mister Hyde précédemment cité, le projectile a une fâcheuse tendance à ne jamais toucher le moindre putain d'ennemi ! Les décors sont construit de telle façon qu'il y a de nombreuses plate-formes, escaliers, ou dénivelés qui placent par le fait les ennemis dans un angle mort. Bien souvent, votre orbe va virevolter autour de sa cible sans lui occasionner le moindre dégâts, et il est impossible de lui faire changer de trajectoire avant qu'il n'ai terminé son pattern et soit revenu à son propriétaire. Ceci nous oblige donc à deux choses pour plus d'efficacité. La première, c'est prendre des risques et attendre que l'ennemi se pointe à quelques pas droit devant votre nez pour être sûr de le toucher. Mais se faisant, ça créé régulièrement des situations délicates où vous vous retrouvez encerclé et victime d'un gang-bang incontrôlable.
La seconde option que vous ayez, c'est d'utiliser votre second pouvoir, celui d'envoyer des tirs d'énergie façon Hadoken du pauvre. Mais là encore, c'est terriblement mal foutu. Les monstres comme les araignées (géantes ou miniatures, peu importe) passent sous vos tirs et se déplacent assez vite, vous obligeant à manger quelques coups ou à sans cesse sauter comme une chèvre pour les esquiver. Il y a bien un moyen de tirer vers le bas, mais ce n'est pas en s’accroupissant puisque même en vous mettant à genoux, votre tirs se fera à la même hauteur que si vous étiez debout. Il faut sauter et ensuite tirer mais ce n'est pas le remède miracle puisque votre tir part à la diagonale. Il faut dès lors calculer avec précision le mouvement ennemi afin de lui balancer une salve d'énergie au bon moment en lui sautant devant le nez comme un clown. Même constat pour les ennemis volants et ceux situés en hauteur comme les espèces de serpents hantant les plafonds des grottes. Votre tir orienté vers le haut ira en diagonale. Il vous faudra donc vous placez presque au pixel prêt pour avoir une chance de toucher au but, en prenant en compte le fait que vous avez de grande chance de vous bouffer un projectile avant même que vous ayez le réflexe d'attaquer...
Pour parfaire le tout, les monstres (qui pour la plupart ne meurt pas au bout d'une attaque, ce serait pas marrant sinon), bénéficient d'une absence totale de hitstun. C'est à dire qu'ils continuent leurs actions comme si de rien n'était lorsqu'ils encaissent une attaque, si bien qu'ils peuvent immédiatement vous faire mal même après avoir pris une boulette d'énergie dans la tronche. À contrario, à chaque coup encaissé, votre personnage chute et met au moins deux bonnes secondes à se relever, laissant à loisir les ennemis s'approcher de votre position pour vous encercler. Vous comprenez dès lors que la gestion de l'espace (le zoning, pour les puristes des jeux de baston) devient très compliqué face à des monstres qui ne reculent jamais et avec un personnage si fragile.
Sa fragilité, parlons-en, tiens ! Certains ennemis sont abusivement résistant et réclameront entre cinq et dix tirs d’énergie pour trépasser, sachant qu'ils repop assez régulièrement. Joie ! Mais vous, vous êtes un bonhomme en pain d'épice. Il ne vous faudra que quelques touchettes pour crever. Les développeurs ont cru avoir une bonne idée en reprenant l'interface de Doom sorti fin 1993, c'est à dire le visage du personnage se dégradant au fur et à mesure des coups subit jusqu'à terminer en squelette sanguinolent. C'est visuellement pas mal, ça contribue à l'ambiance malsaine du soft, mais d'un point de vue purement gameplay, c'est une fausse bonne idée ! Là où Doom accompagne ce genre de trouvaille par une jauge de vie en pourcentage, histoire qu'on se rende clairement compte à quel stade de santé on se situe, Warlock ne propose pas cela. Si bien que lorsqu'on est pas habitué (et on le devient pas vraiment, même à la fin du jeu, en fait...), on a toujours du mal à savoir s'il nous reste un ou trois points de vie avant le game over...
Que retenir de ce Warlock, au final ? Je vous ai déjà donné le ton en début de test et je doute sincèrement de mon objectivité (comme su presque tous les test que j'ai déjà écris sur Retro Gamekyo, en vérité). Mais je serais tenté de dire tout de même que dans l'exercice délicat de l'adaptation de film en jeu vidéo, Warlock s'en sort relativement mieux que certain cas d'école de la médiocrité sur 16-bits comme Last Action Hero, Cliffhanger, Cool World, Home Alone, The Rocketeer ou Waterworld... Son ambiance oppressante très communicative est notable car il est toujours très compliqué de faire réellement peur avec de simples graphismes de Super Nintendo. La 3D et le gain de réalisme du jeu vidéo avec le temps a permit aux jeux d'épouvante de se faire moins abstraits, plus concrets, et de ce fait plus effrayants car plus crédibles. Mais Warlock réussit à propager son atmosphère morbide notamment par des bruitages qui glacent le sang et des musiques très dans les tons. Reste que la maniabilité du personnage fait réellement défaut et rend le jeu inutilement dur. Même si on en a l'habitude avec des jeux de cette époque, ça reste dommageable.
Un jeu relativement intéressant dans la forme, donc, qui manque de maitrise dans le fond en revanche, malgré quelques idées (la sphère que l'ont peut manipuler dans plusieurs directions différentes) qui méritent notre attention. Et avec l'équipe de bras cassé d'éditeur qui ont commercialisé le jeu, on peut d'autant noter la performance surprenante de ce jeu somme toute assez honnête. Warlock rejoint ce puits sans fond du retro gaming rempli d'autres jeux ayant du potentiel, mais fâcheusement fauché en plein vol par on ne sait quoi de problématique. Manque de moyen, manque d'investissement, fausse bonne idée de gameplay à l’œuvre, ou peut-être tout cela cumulé.
Écornifleur! Flibustier! Fils de pute bouffeur de bite!
- Capitaine Haddock, 1960 -
Infogrames avait déjà acquis depuis quelques années les droits d'exploitation de certaines bande-dessinées franco-belges pour le jeu vidéo. Mais jamais le succès ne fut tant au rendez-vous qu'avec le trio de cartouches destinées à Astérix sur NES, SNES et Gameboy. Près de trois millions de jeux furent vendus rien que sur le territoire européen, un triomphe retentissant qui donne confiance à Infogrames. Le partenariat avec le petit studio prometteur Bit Managers, d'origine espagnole, est renouvelée pour programmer les versions consoles portables des prochaines productions. Tandis que l'éditeur lyonnais se relance dans l'aventure cette fois-ci avec les Schtroumpfs de Peyo, malheureusement décédé très peu de temps avant la sortie du jeu sur 16-bits. Beaucoup de héros de BD passent à la moulinette d'Infogrames, seul le Marsupilami - initialement parut dans un album de Spirou - esquive la case Infogrames puisque c'est SEGA qui parvient étonnamment à récupérer les droits et en fait sa propre adaptation en exclusivité sur Megadrive. Si chronologiquement, les Schtroumpfs est le jeu qui paraît après Astérix sur Super Nintendo et Megadrive, c'est plutôt à un autre jeu sorti un poil plus tard sur lequel on va s'attarder : Tintin au Tibet.
Entre Astérix et la suite des adaptations des héros de bande-dessinées, il est néanmoins utile de constater certains changements, afin de mieux comprendre ce qu'on pourrait reprocher au jeu qui nous intéresse aujourd'hui. Conceptuellement tout d'abord. Si Astérix dispose dès le départ d'un univers taillé pour faire du jeu vidéo, il n'en est pas forcément de même pour d'autres. Pensez-donc, dans Astérix, on a un personnage bagarreur et malin ; on a des ennemis clairement identifiés (les romains) et qui savent également se défendre ; on a des item célèbres qui apportent des bonus et des effets tout aussi connus (potion magique qui augmente la force, sanglier qui redonne de la santé...) et pour finir, on a des décors variés et des aventures palpitantes pour s'inspirer et construire de nombreux level de jeu vidéo. C'est l'idéal, du véritable pain béni pour tout studio de développement. En revanche, la définition de tout cela est un peu plus compliquée pour certains autres univers de bande dessinées, si bien que cela force les développeurs à broder un tas d'idée autour du matériaux d'origine afin de donner plus de consistance à leur jeu. À partir de là, c'est déjà très ardu, et la moindre erreur de game design peut avoir des répercussions désastreuses sur l'ensemble.
Le problème étant que pour Tintin au Tibet, il n'y a pas réellement d'ennemi. L'histoire est la suivante : suite à un cauchemar prémonitoire, le jeune reporter belge s'en va au Tibet afin de secourir son ami Tchang (rencontré auparavant dans l'album du Lotus Bleu), perdu dans la montagne après un crash aérien. Seulement voilà, si le choix de s'inspirer de l'album Tintin au Tibet est malin pour réaliser un bon jeu d'aventure car on y voit du pays et on mène une enquête intéressante, cela n'est pas si évident pour un pur jeu d'action. Tintin n'affronte pas ici une bande de criminels comme dans Le Secret de la Licorne ou Le Trésor de Rackham le Rouge, ou des indigènes comme dans ses aventures au Congo. Comment faire alors, pour en faire un jeu d'action et de plate-forme correct, qui tienne le joueur (souvent jeune, car c'est le cœur de cible de ce genre de produit) en haleine ? Hé bien la réponse est aussi rebutante qu'incontournable : on meuble.
Voilà tout le problème du game design de Tintin au Tibet. Tintin est un putain de fragile qui se cogne au moindre bidule du décors jusqu'à en mourir. Pourtant, il n'est pas si rare que cela que Tintin ose devenir bagarreur, on l'a déjà vu plusieurs fois dans ses albums jouer des poings et même tirer au pistolet pour se défendre face à ses agresseurs ! Ici, rien de tout cela, Tintin est aussi doux qu'un agneau tombé du berceau et sa pire Némésis devient le décors, fourmillant d'obstacles aussi variés qu'invraisemblables. Les sempiternels gouffres sans fin - que l'ont comprend mortels – et les vapeurs brûlantes de locomotive côtoient des choses plus ridicules comme de simples clochettes accrochées au fronton d'un marchand de légumes, ou les femmes de ménage qui passe l'aspirateur avec tant d'intensité qu'elle nous écrase littéralement les pieds sans pitié. Et Tintin au Tibet est plombé par ce genre d'idiotie afin de compenser le manque de challenge que l'aventure de base, celle de la BD, ne peut fournir au joueur. Des enfants qui vous bousculent, des petits cailloux qui tombent du plafond, des gens qui jettent leurs ordures par la fenêtre d'un train à l'arrêt, des bouts de métal presque invisibles qui pendent de la carcasse d'un avion en ruine … bref, tout, et surtout n'importe quoi peuvent tuer Tintin.
Plusieurs autres détails nous font nous demander si le game design avait été précisément étudié et défini et si le genre de jeu même a bien été compris par les gens d'Infogrames. En effet, l'inaptitude de Tintin à se défendre et le nombre incalculable de pièges et dangers du décors nous indique qu'il ne s'agit pas d'un jeu d'action stricto sensu. De plus, Tintin peut esquiver la plupart des obstacles lorsqu'on appuie sur la flèche directionnelle du bas, ce qui fait passer le personnage au premier plan. C'est malin et bien pensé, ça permet d'ornementer les niveaux de détails supplémentaires et ça sert à Tintin de converser avec des PNJ. Peu à peu, le jeu prend donc des aspects hybrides entre plate-forme et enquête, se revendiquant presque des jeux d'aventure micro-ordinateur et des point'n click. Ceci est renforcé par le fait qu'il faille parfois accomplir de fastidieux aller-retours entre les décors afin de rencontrer divers protagonistes qui feront avancer le cheminement de l'histoire.
Seulement voilà, si on peut accepter le fait que Tintin soit simplement un jeu d'aventure ridiculement difficile à cause d'environnements atrocement vicieux et piégés, pourquoi nous avoir foutu un putain de timer ?!
Un timer, c'est un chronomètre, en gros, hein. Son rôle, surtout dans les jeux d'action pur jus, c'est de faire en sorte que le joueur agisse rapidement afin de le mettre au défi et d'assurer un rythme impressionnant. Le timer d'un Super Mario oblige donc le joueur à bien sauter et à virevolter autour des koopa et des goomba pour s'en tirer. Le timer d'un rail shooter sert à presser le joueur pour le forcer à viser juste et à abattre ses ennemis avec panache. Le timer prend tout son sens quand le personnage du jeu est habile et quand le joueur peut le contrôler aisément ou quand le but du jeu exige qu'il faille aller vite. Or, dans Tintin au Tibet, le timer n'est qu'une écharde plantée dans la main du joueur, un véritable piège à ours accroché à sa cheville meurtrie. Tintin est lent, il est aussi souple qu'un frigidaire et le timer est souvent très serré. Le nombre de piège que comporte le décors nous force à nous méfier du moindre pixel qui paraît suspect, on prend donc notre temps pour repérer autant que possible les dangers de mort. Les va-et-vient pour courir après un maudit PNJ qui ne tient jamais en place nous fait également perdre du temps. Et le timer, impitoyable, nous laisse aucune seconde de répit. Bref, le style de jeu de Tintin n'est clairement pas adapté à la présence d'un timer. C'est une hérésie de game design qui ruine une grosse partie du gameplay. C'est comme si on imposait un timer dans Resident Evil ou Dark Souls !
Si le but de Tintin au Tibet est d'enquêter et d'esquiver les innombrables pièges, pourquoi ne pas en avoir fait un jeu d'aventure véritable, voir même un point'n click comme l'aurait très bien fait LucasArts sur PC ? Pourquoi nous avoir imposé des mécaniques de jeu d'action totalement incompatibles avec le reste du gameplay ? Et pourquoi diable ne pas avoir donné la possibilité à Tintin de frapper ses ennemis (encore aurait-il fallut y en avoir, outre les bandes de garnements armés de leurs meurtriers bilboquets et les perfides femmes de ménage...) ? Même dans les Schtroumpfs et dans Spirou il est possible de ''combattre'', soit en sautant sur la tête des méchants façon Mario, soit en leur tirant dessus au pistolet.
Vous en voulez encore ? Au rayon des maladresses de conception, que dire des sauts millimétrés qu'il faut accomplir sur des plate-formes capricieuses voir parfois tout bonnement invisibles ? Les décors sont certes très beaux, parfaitement dans l'esprit de la BD, mais sont parfois trop abstraites pour être lisibles. Les plate-forme où l'ont peut sauter ne se démarquent pas du reste du décors si bien qu'on passe son temps à sauter sur ce qu'on croit être une corniche pour finir dans le vide fatal. C'est bien beau tout ça, mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agisse avant tout d'un jeu vidéo et qu'en tant que tel, il a besoin de règles et d'éléments concrets pour donner un minimum d'indication au joueur afin de le rendre jouable. Sinon, autant regarder un des célèbres dessins animés diffusés jadis sur France 3. Le niveau le plus problématique avec cela est certainement celui de la montagne enneigée. Du blanc sur du blanc, évidemment, c'est pas facile à discerner. Et n'espérez pas voir cet espèce d'asthmatique rouquin de Tintin s'accrocher au bord des plate-formes, faut pas trop lui en demander, on est pas dans Prince of Persia non plus !
Le level design est chaotique au possible sur bien des niveaux. Le niveau de la montagne verdoyante (niveau 5) nous fait sans cesse divaguer de haut en bas, puis de gauche à droite, avant de nous faire remonter le long de pentes abruptes, et nous faire revenir sur nos pas. Il nous faut ramasser des paquets d'herbe bien grasse afin d'attirer les buffles tibétains et une fois que ceci sont occupés à grailler, il nous faut sauter par dessus afin d'emprunter le chemin ainsi libéré. Mais la disposition des corniches n'a aucun sens et si on ne fait pas très attention, on perd vite le fil de la progression et on ne sait plus d'où on vient. Dans ces conditions, et quand on est pas sûr de quelle plate-forme emprunter car on ne sait pas s'il s'agit d'une vrai plate-forme ou d'un élément du décors, cela devient très pénible. C'est là encore, dans ce genre de condition que la présence du timer est plus que superflue et énervant, comme évoqué précédemment.
Même le premier niveau, censé être le plus simple - peu importe le jeu auquel on joue - et qui est censé faire découvrir tranquillement les commandes au joueur est mal fichu. Vers la fin du level, on s'improvise funambule sur des rails de train endommagées suspendues au-dessus d'une rivière au courant déchainé. Si on chute dans un petit trou jusqu'à toucher l'eau, c'est le game over. Pourtant, arrivé à un certain point des rails, Tintin décide de sauter de lui-même dans l'eau afin de secourir son ami Tchang en train de se noyer. Je pose donc la question qu'on s'est certainement tous posé à ce moment là : pourquoi avons-nous un game over quand on tombe et que nous n'en avons pas un dix mètres plus loin ? Parce que les concepteurs en ont décidé ainsi, tout simplement ? Eh ben moi je dis non. Le jeu est suffisamment frustrant et illogique comme ça pour qu'en prime on soient obligés d'endurer les lubies de concepteurs qui n'ont pas tout à fait la tête sur les épaules !
Un autre élément de réflexion nous ai parvenu bien après la sortie du jeu, lorsque Stéphane Baudet, réalisateur, game designer et tête pensante derrière Astérix ou les Schtroumpfs (mais qui n'a pas participé au développement de Tintin au Tibet) nous explique pourquoi le jeu semblait si dur. ''Le jeu fut effectivement jugé très difficile, mais ce sont surtout les adultes et les journalistes qui se sont plaint de la difficulté. Les enfants étaient plus enclins à réitérer plusieurs fois le même passage corsé dans l'espoir de parvenir au niveau suivant.'' On peut en effet imaginer qu'en étant môme, on ne se rendait pas forcément compte qu'un jeu puisse être plus dur qu'un autre car on manquait de mémoire ou de modèle de comparaison. Et oui, j'imagine qu'à l'âge de 5-6 ans, parfois un peu moins ou un peu plus, la difficulté d'un titre nous importait peu. Ce qui comptait, c'était de retrouver nos personnages favoris pour vivre une joyeuse aventure supplémentaire à leurs côtés. ''Le problème vient du fait que les jeux ont été bêta-testés par des hardcore gamer, des gens dont c'était le métier de jouer à des jeux incomplets et buggués ou mal fichus justement pour corriger le tir et aider les développeurs à s'améliorer. Ces gens là avaient donc l'habitude de jouer à des jeux très difficiles et ils parvenaient à finir les jeux en une heure seulement. Nous même nous connaissions nos jeux par cœur, donc nous avions tendance à les rendre plus durs sans s'en rendre compte. L'un des problèmes de nos jeux étaient également qu'il avaient une courte durée de vie, on augmentaient donc la difficulté pour occuper les joueurs plus longtemps devant leur télévision et améliorer le rapport investissement/temps joué.''
En résumé, les concepteurs de chez Infogrames se sont emmêlé les pinceaux et n'ont pas sut sur quel pied danser. Mêlant les genres de jeu avec peu de fortune, il en résulte un soft aussi grotesquement pénible que frustrant. En ce qui concerne Tintin au Tibet, il ne s'agit définitivement pas que d'une question de difficulté mal dosée, mais bien d'erreur de conception et d'un manque de logique qui donne au jeu sa légendaire réputation de jeu intraitable et cruel.
Faisons trêve de cruauté nous-même et voyons le bon côté des choses, car malgré tout, il y en a dans ce Tintin au Tibet. Si le gameplay est miné des problèmes évoqués ci-dessus, on ne peut ignorer le fait que les développeurs ont essayé de varier les aspects de l'aventure. De la plate-forme, de l'exploration, une phase d'ascension maintenu par une corde à son partenaire (le capitaine Haddock), de la nage en évitant les tourbillons et les branches d'arbres qui nous blesse … Ça a le mérite d'être là mais ce n'est pas toujours très réussi. Comme lors de ce niveau où on doit dévaler une longue pente abrupte en étant forcé de passer à gauche des chörtens (sorte de monument funéraire bouddhique plus ou moins semblable aux chapelles chrétiennes, servant également de reliquaire) pour éviter de nous attirer le malheur et la malédiction. C'est un passage clé de la bande-dessiné et les fans prendront certainement plaisir à le retrouver dans le jeu, mais en l'état, c'est très particuliers et compliqué à maitriser. La vue y est plus ou moins isométrique et Tintin peut sauter d'une ligne de déplacement à une autre en devant esquiver les gros rochers et les chörtens qui lui bloquent la route. La difficulté vient du fait qu'il faille anticiper les obstacles car on ne les voit que très peu de temps avant de se les prendre en pleine figure ! L'apprentissage par cœur du parcours est dès lors nécessaire. Si graphiquement, ce segment de jeu est impressionnant grâce à un scrolling efficace et un cadre très large, on aurait préféré tout de même un passage en vue de derrière un peu à l'instar d'un Crash Bandicoot ou d'un Disney's Hercule sur Playstation.
Autre petite trouvaille de gameplay qui tente de donner de la variété au jeu mais qui n'est pas très bien exécutée, ce niveau d'escalade où Tintin est lié par une corde au capitaine Haddock. On contrôle tour à tour les deux personnages qui doivent donc grimper le long d'une paroi tantôt glacée, tantôt rocailleuse. Le piolet qui sert à prendre appuie ne peut être fixé n'importe où, seules quelques portions de surfaces rocheuses peuvent soutenir les deux personnages. Si vous plantez le piolet là où il ne faut pas, le personnage chutera inexorablement, retenu par le second qui sera toujours accroché à la paroi. Seulement voilà, le personnage ayant chuté se balancera de gauche à droite au bout de la corde sans s'arrêter, à moins qu'il ne passe devant une nouvelle surface où s'accrocher. Dès lors il pourra reprendre son ascension en tentant une nouvelle approche. Mais si par malheur il se balance à un niveau de la paroi où il n'existe aucune surface pour s'accrocher, il sera tout bonnement inutile de tenter d'y planter le piolet. Rien n'y fait, il ne pourra plus s'accrocher et le second personnage ne peut continuer à grimper tant que le premier valser tel un balancier de pendule. Seule solution : faire lâcher prise les deux personnages et perdre une vie pour recommencer au checkpoint précédent. Navrant !
Bon, cette fois-ci c'est vrai, je vais arrêter de tabasser ce pauvre Tintin et vous parler des qualités du soft. Tout d'abord graphique, et Infogrames en fera sa marque de fabrique avec ses adaptations de BD franco-belges. Tintin au Tibet est splendide. Voilà, c'est dit. L'univers de Hergé est retranscrit à la perfection, ou en tout cas aussi bien qu'il puisse l'être sur un hardware 16-bits. Si la modélisation des personnages peut paraître simpliste pour certain, c'est surtout très respectueux du trait d'origine de l'auteur. On y retrouve cette façon si chère au maitre de Etterbeek (Belgique) de dessiner ''la ligne claire''. La ligne claire est une technique de dessin, et notamment de mise en couleur qui consiste à éviter les ombrages noires et les hachures pour rendre les cases plus lumineuses et plus colorées. Les aplats de couleurs délimitent à eux seuls les personnages et les parties du décors. Mais si cela donne un effet visuel proche du cel-shading avant l'heure du plus bel effet, ça handicape (encore ! ) le joueur en terme de gameplay. En effet, puisque un petit élément dangereux du décors gris sur fond gris ne se démarquera pas assez et viendra donc coûter de précieux points de vie au joueur. Idem pour les plate-formes qui paraissent tellement bien imbriquées dans l'ensemble du décors qu'on ne sait jamais si elles sont exploitables ou pas. Ce style graphique très proche des BD et rendant le jeu exceptionnellement beau et charmant est donc à double tranchant. Décidément, même dans ses qualités, Tintin trouve le moyen de commettre quelques fautes …
En ce qui concerne le son et la musique, là encore, nous avons droit à du travail de qualité. La musique d'intro opte pour une ambiance très mystérieuse avec un tempo lent et quelques clochettes qui viennent cristalliser le tout, tandis qu'on découvre les empruntes de pas du yeti dans la neige. La musique du premier niveau propose une mélodie assez urgente qui se fait au départ joyeuse et qui invite à la curiosité. Puis une petite boucle qui assombri l'ambiance arrive, comme pour accompagner l'effrayante découverte qui a fait s'arrêter le train dans lequel vous voyagez au beau milieux de nul part. Celle du second niveau qui est probablement l’hôtel le plus malfamé de toute l'histoire dispose pourtant d'une musique très sympathique où on se surprend a dandiner la tête sur son rythme saccadé et ses notes amusantes. La musique du marché nous sert un panel de sonorité qui fait un tantinet plus penser à la culture musicale indou qu'à celle du Tibet mais qu'importe, car celle-ci assure là encore une ambiance idoine. Le niveau d'après, qui prend part dans le même décors cette fois-ci abattu par des pluies torrentielles et menacé par un puissant orage s'offre une musique d'ambiance sombre, oscillant entre caisse de résonances et percussions très rapides pour apporter une notion d'urgence et de danger à l'auditeur. La musique de la haute montagne sais se faire imposante, avec des notes ronflantes semblables à des trombones qui donnent cet aspect de plus en plus mystique au lieux, à mesure qu'on s'approche de la tanière du légendaire yeti, tout en haut de l'Himalaya. Bref, le jeu est globalement comme cela du début à la fin, garni de belles petites mélodies. Certaines restent plus en mémoire que d'autre, dépendant surtout du nombre de fois où vous avez dut recommencer le niveau avant de le franchir. Mais il serait injuste de ne pas reconnaître que les deux compositeurs Fabrice Bouillon-LaForest et Emmanuel Régis ont rendu une copie sonore très satisfaisante, avec des thèmes qui collent parfaitement aux différents niveaux.
Tintin au Tibet est un sacré cas d'école. L'irrationalité de son gameplay et son impitoyable difficulté n'ont d'égal que la popularité qu'il a eu au moins en France lors de sa sortie. Car oui, paradoxalement, il revient dans bon nombre de liste de ''souvenirs'' d'enfance de joueurs français aux côtés de Super Mario World et autres Street Fighter II. Et c'est là qu'il est extrêmement ardu de juger objectivement un tel jeu car quand bien même il est d'une infamie totale avec son game design délirant et son personnage aussi fragile qu'un morceaux de sucre, on ne peut se résoudre à le détester totalement. Tintin au Tibet est typiquement le genre de produit qu'on embelli forcément avec le temps, quand bien même on se souviens avec douleur des game over à répétition qu'il nous a infligés.
Au delà de cela, le jeu est graphiquement impeccable, le style visuel de Hergé, très reconnaissable, n'aurait pas put être mieux rendu. La bande-son est également de bonne qualité et outre son épouvantable difficulté, il dispose d'une bonne durée de vie et d'une variété intéressante de niveaux/décors.
Il aurait probablement eu une chance d'être un must-have complet de toute l'ère 16-bits si seulement certaines errances de conception absolument idiotes n'auraient pas explosé notre plaisir de jeu en plein vol...
qu'avec l'autre blondasse, là, mais c'est cool quand
même !
Sa musculature monumentale s'ébroua, comme lorsqu'un taureau furieux s'apprête à bondir sur sa cible, sa poigne d'acier se referma sur le manche de son imposant glaive tandis que son regard malveillant et acéré se planta sur le malheureux que Kaor avait à ses pieds. L'autre n'était qu'un paysan à la gueule carrée, mastiquant ce qui lui restait de chicots après s'être fait rentrer dedans par son imposant adversaire impitoyable. Sa petite lance en bois brisée lui prédisait un destin semblable. Kaor, engoncé dans son plastron couleur cuivre brandit son épée et trancha d'un coup net, l'air siffla, et le crâne du maroufle se fendit en deux, laissant s'échapper une cascade d'hémoglobine. Mais Kaor n'eut pas le temps de savourer cette victoire sur son opposant que déjà, un second énergumène s'approchait dans son dos. Le guerrier sauvage et brutal fit volte-face pour assener un violent coup de coude au visage du second impudent qui tomba à la renverse. Sans attendre, Kaor se jeta sur lui et entreprit de lui corroyer la tronche à grand coup de poing jusqu'à ce que les fragments de ses os crâniens soient suffisamment émietté pour en faire une salade. Kaor soupira longuement, ses muscles puissants se détendirent, un sourire satisfait lui vint aux lèvres. Son front large ruisselait de sueur et son torse volumineux gonflait sous ses respirations profondes. Il entendit une voix caverneuse l'interpeller :
- « Euh, frangin ... » Il s'agissait du frère de Kaor, Igor, portrait craché de son abruti d'ainé à ceci prêt que lui portait une armure d'argent et une hache à double tranchant en lieux et place d'une épée. Kaor lui prêta attention.
- « Je crois que t'as fait une boulette, le type a qui t'as écrasé la face par terre, c'était le fermier du village, il voulait nous remercier d'avoir sauver ses poules... » Dit Igor, penaud et sincèrement affligé.
- « Fallait le dire avant, c'tous des baltringues de toutes manières ! » Rétorqua Kaor avant de jeter un regard aventureux vers l'horizon...
Voilà comment aurait put débuter l'histoire de Legend, parce que dans ce jeu, on ne perd définitivement pas de temps à tergiverser. On défonce la gueule de tout le monde sans discernement et le moins que l'ont puisse dire, c'est que c'est incroyablement fun. Mais la véritable histoire du jeu est la suivante. Kaor (et à l'occasion son frère, Igor, car Legend est jouable en coopération, on y reviendra) parcourt le monde de Selleck (oué, comme le gars qui joue Magnum). Ses habitants subissent depuis des décennies les attaques de bandits, pillards et autres créatures démoniaques, aussi, le guerrier désire mener l'assaut sur la forteresse de Beldor. Du nom de l'ancien tyran qui l'occupait, la forteresse est désormais au mains de Clovis (comme le roi des Francs) et le destin vous guidera jusqu'à la bataille finale où il faudra raboter le pif de ce malotru sur le tranchant de votre lame. Scénario anecdotique s'il en est, comme toujours dans les beat them all et les jeux d'action plus globalement, il est surtout prétexte à vous faire visiter une pelletée d'endroits tous plus malfamés les un que les autres.
Legend assume sans équivoque ses racines oldies et sa nature de beat them all bas de plafond. La recette d'un bon jeu d'action du début des années 90 sur 16-bits est on ne peut plus simple, et les deux petits gars de chez Arcade Zone l'ont bien compris : en foutre plein les mirettes aux joueurs. L'action y est débridée, l'amusement porté à son paroxysme, la fluidité et l'impact des combats étudiés pour donner un max de sensation au bout de la manette ! Se revendiquant plus ou moins ouvertement de quelques inspirations de bon goût (Golden Axe de SEGA, Knights of the Round de Capcom...), Legend combine tout les meilleurs éléments du genre pour un final divertissant et solide. Pour vous défendre, un combo et un coup retourné pour virer le malandrin qui aurait la mauvaise idée de vous attaquer par derrière, et à la manière des hit de SEGA, une besace de potions afin d'user d'une magie destructrice. Comme dans tout bon beat them all, on peut gérer l'espace et l'afflux d'ennemi avec une technique à la puissance qui va de pair avec sa porté très large. Le coup de pied sauté permet en effet de se dégager et de se déplacer rapidement d'un côté à l'autre de l'écran. Ajouter à cela une attaque spéciale qui en contrepartie de ses effets entame un peu la barre de vie et une parade via les gâchettes R et L du pad, et vous obtenez un panel de possibilité tout ce qui a de plus traditionnel pour ce genre de jeu. L'efficacité et la simplicité d'appréhension du gameplay sert Legend et en fait un jeu abordable, à la difficulté agréable notamment grâce aux continus infinis. Cela compense les autres ténor du genre beat them all couramment trop frustrant pour le commun des joueurs.
Mais outre son gameplay sans fioriture, c'est son aspect technique et graphique qui s'engage à assener gifles sur gifles aux joueurs. Legend nous fait déambuler dans son univers médiéval fantastique où le maitre mot semble en être plusieurs en réalité : voyage, variété, level design. On débute dans la campagne où des péquenauds en haillon viennent déguster la pointe de notre glaive et au bout duquel on croise un perchiste grand et malingre mais véloce. Au delà de la forêt ainsi traversée, un marécage brumeux est gardé par un arbre vivant maléfique au faciès creusé dans son écorce particulièrement effrayant. Le niveau d'après se déroule dans l'auberge d'une ville sombre et battue par les pluie venteuse. L'établissement louche et grand comme une église nous propose de castagner ses clients les plus inhospitaliers à grand coup de pompe dans les gencives. Puis vient le tour de magiciens reclus dans leur temple à l'architecture gothique du plus bel effet. Et ça ne s'arrête jamais, on sillonne le pays (avec une progression tracée sur une carte en mode 7) et on pourfend à tour de bras les ostrogoths nous barrant la route. On voit du pays, avec la possibilité de parcourir un niveau secret si on ne parvient pas à vaincre le mini-boss arbalétrier (il nous emmène dans des cachots desquels il faudra s'évader, très bonne idée que de vous épargner le game over pour vous faire explorer un niveau bonus à la place!).
Tout au long de ses niveaux à l'ambiance galvanisante, Legend nous sert un festin d'effets techniques et de sprite de qualité. Ces derniers sont volumineux, les boss sont réellement impressionnants. En sus d'une animation travaillée, on découvre des décors qui de prime abord semble ordinaire voir quelconque mais qui bénéficie d'une gestion de la couleur attrayante. Voir le rosée du lever de soleil à travers les vitraux du temple occulte tandis qu'on déchiquètent les sombres encapuchonnés par paquet entier ajoute quelque chose de presque poétique à la scène, d'épique et de grandiose. Les teintes qui oscillent entre le bleuet et le barbeaux des brumes du marécages offre à ce décors un mysticisme et une sombreur intéressante également.
Le soft d'Arcade Zone se la raconte, peut-être parfois trop. Effet de transparence et de brouillard, mode 7 (un passage où on dégringole le long d'une pente rocheuse sur une plate-forme a de quoi donner le vertige), distorsion (lorsque cet espèce de crâne de zombie vient vomir son pouvoir surnaturel sur les ennemis quand on invoque une magie ; ou quand on traverse l'antre enflammé d'un dragon). Bref, Legend s'efforce de sans cesse nous taper dans l’œil avec générosité, c'est un véritable festival. On croirait que les concepteurs ont tout simplement listé chaque possibilité technique réalisable sur la SNES et ont battit le jeu tout entier autour de cela en cochant les cases du cahiers des charges graphiques une par une au fil du développement.
Malheureusement, un tel déluge d'effet et de beauté a un coût que Arcade Zone n'a pas toujours sut payer. À de rare occasion où l'écran est submergé de brigands à avoiner sans ménagement, la fluidité aussi en prend un coup dans la gueule, genre dommage collatéral. Quelques micro ralentissements sont à noter au même titre que de très léger clignotements sur les sprite ennemis ou sur l'affichage des barre de vie de notre personnage. Aussi, l'usage parfois impressionnant et plaisant des éléments décoratifs en premier plan a de quoi laisser circonspect. La plupart du temps, ça aide à l'immersion, ça bouleverse la perspective et donne une profondeur inégalable au décors. Batman Returns sur Super Nintendo gérait très bien cela également. Mais lors de certains passages, Legend s'apparente plus à Fantasia sur Megadrive, avec ses colonnes et poutres envahissant bien trop l'écran et nuisant fortement à la visibilité de l'action, dommage !
Reste une ambiance immersive à souhait notamment via des musiques très dans les tons et parfois très mélodiques (la premier, Overworld, est une de mes musiques favorites touts soft SNES confondus!) et a des bruitages percutants. Le métal cinglant des épées s'entrechoquant et les bruits sourds de botes qui frappent les sacs de viandes que sont nos adversaires entrainent une puissance monté de virilisme incontrôlable en nous et assure un plaisir de jouer authentique. Sans détour, on abandonne son cerveau sur le côté du canapé pendant quelques heures de jeu et on martèle les boutons afin de découper en rondelle à tour de bras quiconque s'opposera à nous, et c'est jouissif ! L'équilibre fait entre challenge et difficulté et les surprises assurés régulièrement par un level design ingénieux et des prouesses techniques en nombre garantissent un potentiel de divertissement ultra élevé à Legend. Et pour un jeu vidéo, savoir divertir est essentiel.
Il est d'autant plus dommage que le jeu d'Arcade Zone n'ai pas bénéficier du succès qui lui été légitimement dut. La faute principalement à une distribution très confidentielle notamment en Europe. Si la Super Nintendo a compté bon nombre de beat them all de qualité dans sa ludothèque, assez peu sont parvenus jusque chez nous. Undercover Cops, Sonic Blastman II, The Peace Keepers (Rival Turf 3) et tant d'autres n'ont jamais eu la chance de sortir en France. Si bien que le créneau était largement prenable, hormis avec un ou deux Final Fight se baladant ici et là, il y avait de la place pour un concurrent supplémentaire. Même les soft de références précédemment cités comme Knights of the Round et King of Dragons ne sont pas sortis en Europe. D'autant plus navrant que les jeux français n'ont jamais été boudé de part chez nous. Astérix, Spirou, Mr.Nutz, Rayman et tant d'autres, tous on eu un impact culturel et commercial significatif peu importe les consoles sur lesquelles ils existaient. L'éditeur européen, Sony Imagesoft, était probablement plus occupé à la médiatisation de soft plus bankable tels que l'adaptation de Cliffhanger sur 16-bits (le film avec Stallone) ou les aventures de la célèbre souris Mickey Mouse dans Mickey Mania (test disponible ici dans sa version Playstation) sorti dans les mêmes eaux.
Legend est un jeu injustement oublié et mésestimé, quand bien même il aurait gagné un semblant de notoriété grâce à Internet ces dernières années. Très beau, parfaitement jouable, avec une durée de vie honnête, des décors et des situations variés et un fun indéniable, le soft d'Arcade Zone est une franche réussite. S'inspirant des plus grands, Legend bénéficie néanmoins d'une forte personnalité qui lui est propre. Les ''petits'' français Carlo Perconti et Lyes Belaïdouni signent une impressionnante œuvre à même de rivaliser avec les meilleures productions japonaises du genre et que ce soit dans les années 90 ou aujourd'hui en France, cela reste excessivement rare et donc remarquable.
Dommage que ces deux purs talents du jeu vidéo français se fassent si discret depuis des années …
Si la licence PES (Pro Evolution Soccer) a perdu de sa superbe durant l'ère HD tandis que son concurrent le plus féroce, le FIFA d'Electronic Arts prenait la place de leader, la simulation de football de Konami a gardé un noyau de fan fidèle. Le gameplay ''à la PES'' a marqué une génération entière de joueur et a réalisé un apport décisif à tout le genre de jeu de sport. Jusqu'à l'arrivé d'International Superstar Soccer en 1994 sur Super Nintendo, la vedette du genre restait Super Soccer, déjà testé sur Retro Gamekyo. Un brin vieillot en fin de vie d'une console 16-bits qui pourtant avait de l'ambition à revendre, le soft d'Human Entertainment était dépassé tant dans son contenu que dans sa forme même si encore aujourd'hui on lui prête des qualités ludiques indéniables. ISS arrive pour sérieusement moderniser tout cela.
Modernité et ambition sont les maîtres mots de la branche d'Osaka de Konami. Ainsi, la générosité du panel d'équipe laisse d'emblée admiratif. 36 équipes différentes réparties sur six régions du globe, et une foultitude de mode de jeu. En premier lieu, on trouve l'open game qui permet de faire un match d'exhibition, de participer à un mini-championnat à six équipes ou une mini-coupe à huit équipes. Vient ensuite le mode international qui s'apparente tout simplement à une Coupe du Monde avec une première phase de poule puis une seconde à élimination directe. En troisième position vient le World Series qui représente une vraie saison avec matchs aller-retour : voici incontestablement le mode le plus complet offert par International Superstar Soccer. Le mode training propose diverses situations de jeu pour nous aider à peaufiner notre technique selon différentes configurations (attaque, défense, coup franc, placement et appel de balle, corner etc). Mais le meilleur reste le mode scénario, l'atout majeur d'ISS, la cerise sur le gâteau. En effet, celui-ci, unique en son genre vous place au cœur d'une équipe menée au score à quelques minutes du coup de sifflet final, et tel le messie qui débarque sur le terrain, c'est à vous qu'il incombe la lourde tâche d'inverser la tendance. Rapidité, stratégie et talent seront les moteurs du mode scénario offrant suspense, sensation et palpitation au joueur !
Le jeu de base étant déjà formidable, la version Deluxe que Retro Gamekyo test ici réalise l'exploit d'être encore plus complet. Diverses améliorations furent apportés. En vrac, on peut citer la possibilité de jouer à deux en coopération contre l'ordinateur, idéal pour passer un bon samedi après-midi entre ami devant la console. Quelques sprites ont été retouchés pour plus de clarté et la physique de la balle notamment lors des contrôles consécutifs à une passe longue distance a été améliorée. Aussi, des équipes ''All-Stars'' peuvent être débloquées, ces dernières comportant les meilleurs joueurs du monde même si ceux-ci sont de nationalité différente.
Dans un soucis de précision et de réalisme, Konami a orienté son titre vers la simulation et même s'il ne s'agit pas forcément du premier jeu à opter pour cela, ISS est indéniablement l'un des meilleurs. Les équipes, quand bien même leurs joueurs ne sont pas nommés comme il se doit sont très proches de celles qu'on pouvait trouver au milieux des années 90. C'est devenu avec le temps une marque de fabrique de la série de Konami, n'ayant pas le plaisir de la licence officielle FIFA, les concepteurs se sont amusés à inventer des noms se rapprochant de ceux des vrai joueurs. Galfano pour Roberto Baggio, reconnaissable à sa coupe de cheveux catogan ; Murillo pour Carlos Valderrama, le génie du milieux de terrain colombien et sa tignasse afro blonde platine (véridique ! ) qui tranche littéralement avec tout le reste sur le terrain ; le grisonnant attaquant Fabrizio Ravanelli qui a fait les beaux jours de la Juventus est aussi présent sous le pseudonyme de Carboni. Il y a même un joueur français du nom de L.Funes, clin d’œil tout ce qui a de plus cliché et amusant à la culture baguette-camembert de l’Hexagone.
ISS se veut stratégiquement pointu, le jeu offre un panel de placements et de tactiques qui, couplées aux différentes spécificités des équipes peuvent rendre le soft très riche. L'Italie par exemple dispose d'une défense de fer, tandis que l'Allemagne est très offensive. Le Brésil et l'Argentine ont la maitrise du jeu au milieux de terrain grâce à leurs passes précises et à leurs joueurs techniques. Ainsi, il devient compliqué pour ne pas dire impossible de vaincre le Brésil avec la Corée. Chambouler le placement des joueurs pouvaient avoir de fâcheuse conséquence sauf si vous aviez une stratégie bien précise en tête et une expertise du maniement des joueurs réelle. Dans cette optique de réalisme, le travail sur l'animation est remarquable. Les stars du ballon rond peuvent se permettre quelques skills de folie grâce à une incroyable collection de gestes techniques. Outre les passements de jambes, les jongles, amortis et même les retournés acrobatiques, il est désormais possible de réaliser des coups du sombréro, une véritable révolution qui met une claque aux concurrents. Konami inclus un système de fatigue des joueurs obligeant le coach (vous) a gérer ses troupes. Représentée par des pastilles colorées, une violette signifiait que votre joueur était complètement grillé et qu'il n'arriverait à rien sur le terrain. En revanche, une rouge était synonyme d'un joueur en feu, près à réaliser tous les exploits. Enfin, la passe en profondeur est désormais possible, et si cela nous paraît évident en 2018 dans les itérations modernes de FIFA et PES, cela reste une innovation qui a beaucoup plût aux amateurs de football en 1994 !
Le jeu de passe est indispensable dans ISS Deluxe, hors de question de traverser tout le terrain avec un seul joueur, balle au pied, tel un valkyrie dans un épisode d'Olive & Tom en espérant doubler tout le monde pour planter le but final. Un attaquant qui arrive en bout de course va se faire découper par la brochette de défenseur adverse avant même qu'il n'ai le temps de dire ''penalty pour Lyon'' ! Il faut se servir de toutes les commandes à votre disposition pour contourner la défense au mieux, faire tourner la tête aux adversaires en milieux de terrain et créer une brèche dans laquelle s’engouffrer. Les gestes techniques sont assez étoffés pour varier les actions et jouer des matchs divertissants. Le déplacement des joueurs se fait avec beaucoup plus de souplesse qu'avec les petits soldats de plomb de Super Soccer. Et la précision de l'ensemble (physique de la balle, placement automatique des joueurs...) fait montre d'une programmation bien plus qualitative que dans les FIFA Soccer d'Electronic Arts.
Côté graphisme, Konami a là encore voulu mettre l'accent sur le réalisme. Si les gros sprites des joueurs (notamment lors des phases de tir au but) sont bien détaillés et on un côté Arcade, c'est surtout les détails qui font la différence. Les arbitres (même ceux de touche) ; les photographes le long des tribunes ; la façon dont certain courbe leur jambe au moment de prendre appui pour exécuter une frappe lourde devant les cages adverses ; les joueurs qui se roulent au sol après un tacle trop appuyé ; ceux qui lèvent les bras au ciel dans un geste de frustration et de contestation après avoir encaissé un carton jaune... tout cela contribue à donner un aspect visuel immersif et fignolé à ISS. Le jeu vit avec son temps et Konami a décidé que le temps des petites têtes blondes façon Playmobil que se tapaient les vingt deux joueurs présents sur le terrain dans Super Soccer était révolu. Ainsi, de nombreuses coupes de cheveux différentes font leur apparition et beaucoup de joueurs ont des teintes de peau variables selon les pays. Un commentateur parfois un peu trop zélé nous fait également le plaisir de sa présence. Ses interventions sont sans cesse décalée avec ce qui se joue à l'écran et parfois complètement hors de propos (il nous sort un « nice shot ! » alors qu'on exécute une simple passe à un coéquipier trois mètres plus loin...) et le son de la voix digitalisée semble grésiller sur la version Megadrive. Mais les voix digitalisées, à fortiori dans un jeu de football 16-bits sont suffisamment rares pour qu'on évite de faire la fine bouche.
Tout au long du test, je sous-entend plus ou moins clairement que ISS est meilleur que Super Soccer, mais ce n'est pas aussi simple que cela. Il est plus évolué, c'est indéniable et on ne peut en vouloir à Super Soccer de souffrir des affres du temps, ça arrive à presque tous les jeux. Mais force est de reconnaître que beaucoup de grands noms du jeu vidéo n'ont jamais sut apprivoiser correctement le jeu de football jusqu'à l'arrivé de Konami et de son ISS. Nintendo aura tenté sa chance en 1985 avec World Cup et son intelligence artificielle plus que limitée malgré de jolis graphismes. Taito aura produit des jeux bien trop primitifs aux débuts des années 80 pour que je puisse en parler sur ce test. Seules les capacités hardware supérieures aux consoles de salon de l'Amiga permirent à Dino Dini's Kick Off de travailler sa physique de balle et jouer à fond la carte de la technicité. Dans un registre un peu moins terre-à-terre, Nintendo World Cup de Technos et ses frappes de folie façon Captain Tsubasa ou Soccer Brawl de SNK n'ont que faire du réalisme et propose à la place le fun et l'explosivité d'un gameplay typé Arcade. Reste que le côté simulation du football est orphelin de représentant honorable.
Si on a l'habitude de savoir que la série ISS est l'ancêtre des Pro Evolution Soccer d'aujourd'hui, on sait parfois moins que Konami n'en est pas réellement à son premier coup d'essai. En effet, en 1992, ils avaient déjà tenté le coup avec Konami Hyper Soccer sur NES. Et c'était relativement mauvais, dispensable. Seulement trois joueurs par équipe, des gestes techniques absents, impossible de doser la force de sa frappe ou de sa passe, pas d'arbitre, très peu d'équipe différente, bref, ce jeu est le prototype d'ISS si vous le voulez mais toujours est-il qu'il était médiocre. Et c'est d'autant plus surprenant de voir trois années plus tard ISS culminer à un tel niveau d'excellence.
Si le célèbre manga d'Akira Toriyama a été adapté bien des fois en jeux de combat sur la console de Nintendo, un certain goût amer restait dans la bouche de tous les joueurs qui avaient placé leurs espoirs en un Dragon Ball Z : Ultime Menace se présentant finalement comme le moins bon opus d'une trilogie pourtant prometteuse. Et pour cause, amputé de son mode histoire qui pourtant faisait vibrer d'impatience les petites têtes blondes que nous étions à l'époque, nous n'avions put endosser le rôle du célèbre Goku pour de nouveau combattre Boo ; ou celui de Gohan pour nous confronter au maléfique Dabra. C'est un véritable gâchis produit à la va-vite à des fins commerciales, car nous offrir la possibilité d'incarner des personnages relativement exotiques (avant que les Budokai Tenkachi sur 128-bits nous propose une collection hétéroclite de combattants) tels que Kaiō Shin ou Dabra avait de quoi séduire. D'autant que le soft disposait de qualités techniques indéniables.
Malgré cela, le jeu se vend fort bien et Bandai n'est aucunement découragé. La firme lance plusieurs projets de jeux Dragon Ball Z dont une sorte de best of nouvelle génération à la trilogie Butōden qui s'intitulera Shin Butōden, destiné à la Saturn de SEGA. Mais c'est Hyper Dimension, promis tardivement à une Super Nintendo vieillissante qui nous intéresse aujourd'hui. Ce jeu est particuliers à bien des égards, surtout au regard du passif de la saga sur SNES. Tout d'abord, vous l'aurez compris, il est commercialisé tard, très tard. Le 29 mars 1996, cela fait déjà un an et demi que les Playstation et Saturn se livrent une guerre sans merci sur le sol nippon, ces dernières ont même déjà un pied à terre en occident ! Aussi, Hyper Dimension tranche radicalement avec la série des Butōden puisqu'il n'en reprend que très peu d'éléments. En effet l'écran n'est cette fois-ci plus splitté (il est possible de se battre en l'air si on y envoi l'autre, mais notre personnage rejoint l'adversaire automatiquement et le décors change de lui-même), les graphismes ont considérablement évolués pour donner un rendu totalement inédit. Et plus que tout, le gameplay a bien changé. Si Super Butōden premier du nom avait instauré une sorte de recette typiquement Dragon Ball, nécessaire pour adapter les combats fulgurants des personnages surpuissants de la saga, Hyper Dimension se veut plus ''terre-à-terre'' et singe le fonctionnement d'un Street Fighter II avec plus de rigueur.
Cependant, commençons par le commencement, et déjà un bémol se présente. Du moins dans la version française, puisqu'à nouveau, comme pour Super Butōden 3, le mode histoire a foutu le camp ! C'est des plus frustrants quand enfin un jeu Dragon Ball Z sur Super Nintendo nous permet de vivre les affrontements finaux du manga, les plus grandioses, les plus incroyables tant ceci se font explosifs et spectaculaires. Adieu Goku, Ultimate Gohan et Gotenks contre Boo, ou Goku contre le mythique Majin Vegeta... Mis à part cela, je ne vous ferais pas l'affront de vous conter l'histoire du manga (déjà parce que j'ai la flemme) et je conclurais en disant que le roster de combattants, bien qu'un poil restreint regroupe les personnages les plus intéressants de cette fin de manga. Même ceux qui sont largement dépassés à ce stade du récit en terme de puissance mais qui restent de fortes icônes du manga tels que Freezer et Cell sont présents.
Poursuivons par ce qui nous semblent le plus immédiat, la refonte graphique : Hyper Dimension est sublime. Quoiqu'en disent ses détracteurs, le jeu nous en met plein la vue. Les sprites ultra détaillés suivent le modèle du manga qui de son côté devient lui aussi de plus en plus précis, avec beaucoup de traits sur les vêtements, dans les cheveux ou sur les muscles des protagonistes. Le style de dessin d'Akira Toriyama devenant plus anguleux et plus brute pour les besoins de scénario de son œuvre (rendre crédible un combat dont l'enjeu est la survie de l'univers avec les traits rondouillards et enfantins du premier tome du manga n'aurait pas été possible...), le développeur Tose fait l'effort de rafraichir sa patte graphique pour tenter de coller au mieux à cela. Les sprites des combattants sont donc riches en détails, vous l'aurez compris.
Les liserés rouges sur les bottes de Goku et Gohan, l'anatomie très spécifiques des bras de Piccolo, le ''M'' sur la ceinture de Boo, les potala de Vegeto, les écailles de Cell... tout est minutieusement reproduit. Les plus aguerris noteront même de très subtiles différences faisant montre d'un soin d'orfèvre apporté au jeu par les graphistes. Par exemple, vous aurez remarqué la forme que prend la tunique de Ultimate Gohan, calquée sur les plus belles illustrations du personnages présentes dans le manga, et qui diffère légèrement de celle de Goku, la faute à une morphologie sensiblement distincte entre le père et le fils.
Le jeu de couleur chatoyantes flatte la rétine à tous les instants. Cet aspect très légèrement délavé aux différentes teintes permet d'éviter la saturation et donne un équilibre chromatique très agréable à l’œil. Les décors sont quant à eux parmi les plus emblématiques de la série, offrant chacun trois nuances temporelles (jour, crépuscule, nuit) pour une approche visuelle différente et enrichissante. Mention spéciale au ring du tournoi des arts-martiaux, mythique pour tout fan qui se respecte, et le stage de la ville en ruine, bluffante par ses animations de flammes et son éclairage en arrière plan. Extrêmement immersif.
Autre point fort technique du soft, les animations. Elles sont constantes, rarement un personnages se trouvera parfaitement fixe. Le torse imposant de Cell se gonfle à chaque respiration, des éclairs d'énergie zèbrent le corps de Goku toutes les secondes, la cape mauve de Boo flotte dans les airs... les auras qui entourent les personnages lorsqu’ils rechargent leurs énergies sont toutes customisées : Majin Vegeta hurle de douleur à a manière d'un Broly dont le pouvoir maléfique le ferait souffrir, Boo fait siffler de la fumée de ses tempes, Piccolo s'entoure de flammes vertes et tutti quanti.
Enfin, si dans les Super Butōden les attaques se ressemblaient légèrement entre chaque personnage, ici, les combattants peuvent enfin se targuer de détenir un moveset personnalisé à l'image de leurs attaques les plus mémorables dans le manga. Piccolo s'arrache un bras pour feinter son adversaire, Cell fait naitre en direct sur le champ de bataille ses rejetons miniatures, Gotenks matérialise ses délirants fantômes kamikazes et Vegeto emploi sa mortelle lance d'énergie pure. Ceci occasionnant bien entendu autant de poses inédites à chaque combattants, reconnaissables immédiatement pour tout mordus du manga ou de l'anime. Tose a eu de l'esprit jusque dans les détails. Gohan et Piccolo se partage un combo par exemple (logique, puisque le premier fut l'élève du second) mais le Namek a une animation plus lente et une force de frappe légèrement meilleure. Cela colle avec sa carrure plus grande, ça fait sens. La ribambelle d'effets spéciaux qu'on nous sert (lumière, transparence...) prouve que Tose maitrise l'intégralité du hardware SNES.
En résumé, Hyper Dimension dispose d'une esthétique terrible. Une patte graphique de très haute qualité, doublé d'un gouts artistique certain surtout en ce qui concerne le choix des couleurs. Une véritable pépite 2D. Mais cette avalanche sidérante de beauté pixelisée a un coûts : la fluidité. En effet, le jeu se fait moins vif que ses prédécesseurs sur la même console. Cela peut être considéré comme un défaut. Mais paradoxalement aussi comme un avantage si on considère que ça sert un gameplay basé sur les combo et les affrontements au corps à corps plus que sur l'échange de rayon d'énergie comme nous avait habitué les Super Butōden. La version NTSC-J (japonaise) du soft s'en sort mieux de ce côté, la faute à un 50 hertz handicapant dans notre verte contrée. Cependant, il est à noter, histoire de relativiser, que d'autres jeux de renom ont eu le même soucis de fluidité sur Super Nintendo, tel que Street Fighter Alpha 2.
Comme évoqué précédemment, Hyper Dimension s'apparente à un Street Fighter II en terme de jouabilité. La bonne idée du split screen des Butōden est ici abandonnée pour faire combattre les deux adversaires principalement sur un seul plan. Les joutes se font avec plus de proximité, ce qui favorise donc les enchainements au corps à corps. Et si le roster parait peu exhaustif, il compense par des combattants à l'intérêt véritable et au gameplay différent les un des autres. Outre la puissance et la vitesse d’exécution propres à chaque combattants (rassurez-vous, l'ensemble est très bien équilibré malgré tout), c'est surtout en terme de maniabilité qu'ils se démarquent. Chaque personnage dispose d'un panel de combo personnel en plus de ceux commun à tous, et la série de touche nécessaire à leur utilisation est vaste. Certain ont des combo relativement simples à sortir à l'instar de Boo (le gros), d'autres sont plus complexes notamment à cause du fait qu'il y ai plus de touches sur lesquelles appuyer très rapidement. Goku et Cell sont par exemple parmi les personnages les plus exigeants, mais le Saïyen offre quelque un des combo les plus esthétiques et plaisants de voir à l'écran. En effet, ce dernier, l'espace de quelques secondes se transforme selon ses trois stades de puissance (Super Saïyen 1, 2, puis 3) pour lyncher littéralement l'ennemi, grandiose !
Si chaque combattant dispose d'une série d'enchainement classique fait de coup de poing et de pied, certain offre quelques subtilités supplémentaires. Pour le fameux Kamehameha de Goku par exemple, on a le choix de charger la puissance de son attaque en maintenant le bouton A (le rouge), ce qui occasionne logiquement plus de dégâts mais nous rend vulnérable face à une contre-attaque éclair. Ainsi, la maitrise complète d'un personnage peut influencer grandement le rythme d'un combat et face à un second joueur expérimenté ou contre l'ordinateur (dont le niveau de difficulté devient vite exigeant), les combats deviennent aussi techniques que spectaculaires ! La movelist des personnages réservent réellement bien des surprises. Goku (encore lui) peut se téléporter, comme dans l’œuvre d'origine, en avant ou en arrière selon une manipulation spécifique. Mais là où ça devient très intéressant, c'est que si le déplacement instantané (le nom de la technique) est fait à la seconde prêt vers l'avant, il est possible d'esquiver le rayon d'énergie adverse. Surprenant et jouissif quand ce genre de coup de génie manette en main réussi. Vegeta peut quand à lui se protéger des vagues d'énergie grâce à un bouclier et Cell est le seul à pouvoir envoyer un Kamehameha en diagonal. Utile lorsque le combat se déroule en l'air et où votre adversaire ne daigne pas vous faire face !
Si vous ne parvenez pas à maitriser la délicate et surprenante technique du déplacement instantané, le jeu vous offre un dernier recours plus simple. En effet, chaque personnage peut esquiver l'attaque adverse via une manipulation des gâchettes du pad SNES. Ainsi, le rayon d'énergie traversera l'écran tandis que votre combattant s'enfoncera dans l'arrière-plan du décors pour revenir brusquement vers sont opposant. Même si l'animation est relativement lente, on ne peut nier que les affrontements soient dynamiques, les personnages bougent sans cesse et dans toutes les directions, supplée par des combos à la mise en scène explosive.
Dernière nouveauté de gameplay intéressante, et pas des moindres, la gestion du ki et de la santé ! C'est une chose qui n'a sûrement pas fait l'unanimité hier comme aujourd'hui, mais ça couvre Bandai qui ne peut être accusé de formatage ou de copier/coller dans ses jeux Dragon Ball. Dans Hyper Dimension, la barre de santé partage celle du ki, là où dans Super Butōden, on avait deux jauges distinctes. Si bien qu'à chaque utilisation d'une boule ou d'un rayon d'énergie, on perd également de la vie ! Cela favorise définitivement l'usage des combinaisons au corps à corps. Envoyer une super attaque spéciale nécessitera de détenir au minimum 80 points de vie (le compteur qui se situe juste à côté des jauges) et si ce genre de technique occasionne d'impressionnant dégâts, il faudra néanmoins veiller à ne pas se mettre inutilement dans la panade. Lorsque vous envoyez la sauce, il faudra être sûr que votre adversaire ne s'en relèvera pas sous peine de finir à cour de vie face à un ennemi revanchard ! Heureusement, il est possible de concentrer son énergie afin de remplir sa jauge de ki et de santé, mais attention, pendant ce laps de temps, votre combattant ne pourra se défendre ! Ce n'est pas de la stratégie de haute volée, mais ça garanti des combats un peu plus rocambolesque qu'à l'accoutumé, où les retournements de situations peuvent être légion.
Dragon Ball Z Hyper Dimension est assurément un très bon jeu de combat de l'ère 16-bits. Mais il faut raison garder. Le jeu a la chance de bénéficier d'une source (le manga, l'anime) riche en combats épiques et en rebondissements. Ainsi, nous ne saurions pardonner l'absence inexplicable du mode histoire dans cette mouture PAL. Et le fait que le jeu soit sorti tardivement sur une console obsolète comme la SNES alors que d'autres jeu plus ''fringants'' occupaient déjà le terrain des Saturn et autre Playstation ne me semble pas être une excuse valable quant à l'absence du mode histoire. Ce n'était pas non plus pour éviter le spoil puisque les derniers tomes du manga étaient déjà parus chez nous. Dommage...
De plus, si la série des Super Butōden (et à fortiori, l'anime, menée par un royal Shunsuke Kikuchi) a su s'octroyer une bande-son avec quelques morceaux très notables (bien que le compositeur Kenji Yamamoto fut accusé de plagiat pour une partie de son travail), on ne peut pas réellement en dire autant de Hyper Dimension. Reste quelques thèmes musicaux sympathiques. Comme celui du mode histoire de la version japonaise, justement, (ou celle de l'apparition de Boo, très typée western...) mais rien d'aussi mémorable que la musique de Vegeta dans Super Butōden 3 ou celle de Perfect Cell dans Super Butōden 1.
Malgré cela, et vous le verrez avec la note dithyrambique que je lui octroie, Dragon Ball Z Hyper Dimension atteint les sommets aisément. J'ose le dire, ce fut une véritable baffe alors que les consoles de la nouvelle génération étaient déjà bien installées dans le paysage commercial et vidéoludique de 1996. Le soft de Tose et de Bandai loupe le coche de l'incontournable jeu de peu, à cause de quelques menus détails. Un roster peut-être pas très étoffé malgré l'intérêt technique qu'ont chacun des combattants. Une bande-son peu inspirée. Un mode histoire absent. Sans ce genre de boulet à se trainer aux chevilles, le soft ferait à mon humble avis parti des tout meilleurs de la console. Il fait déjà parti des meilleurs de la licence Dragon Ball, et c'est déjà pas mal !