L’annonce ou plutôt le leak (c’est un jeu Ubisoft) de
Far Cry 6 a fait l’effet d’un « Ah... », soit à peu de choses près ce que l’on a ensuite ressenti à la première présentation, puis la suivante et ainsi de suite jusqu’à la sortie. Propulsé avec le troisième épisode et plus particulièrement son antagoniste hautement emblématique, la série avait en effet la plupart des atouts pour tenir sur la longueur, ce qui se fait en matière de ventes il faut bien le reconnaître, beaucoup moins du coté de la hype et de l’intérêt premier. Car d’un quatrième épisode qu’on avoue avoir un peu oublié puis un cinquième intéressant mais trop imparfait (y a eu
New Dawn aussi mais bon...),
Far Cry n’a finalement surpris qu’avec ses spin-off, de
Blood Dragon à
Primal. Et voici
Far Cry 6 donc, l’épisode qui veut se placer sous le thème de la révolution à défaut de la porter lui-même, misant plutôt sur une sorte de retour aux sources dans ses décors faussement paradisiaques, tandis que le reste… En fait, vous y avez déjà tous joué.
Et là ce n’est pas histoire de jouer les blasés de service, mais c’est fou de voir à quel point la franchise
Far Cry s’est enfermée dans un élan d’immobilisme globale qu’on a l’impression qu’il existe un cahier des charges gravé dans le marbre où les développeurs se contentent d’apposer un nouveau contexte et deux/trois modifications pour la forme. Avec des risques d’ailleurs mais on va y revenir. Car déjà la structure de
Far Cry 6, c’est celle des précédents depuis le 3, limite au poil de cul : vous prenez une introduction linéaire et scriptée, ici ambiance un peu
Call of, vous enchaînez avec une espèce de phase « tuto » dans une zone libre mais fermée, puis l’immense carte s’ouvre avec ses secteurs et ses objectifs principaux à faire dans l’ordre que vous souhaitez (plus ou moins), incluant des généraux à buter jusqu’à pouvoir faire tomber le grand méchant. Fin.
Le grand méchant qui est ici Antón Castillo, interprété comme chacun sait par Giancarlo Esposito à qui les développeurs ont dit
« Fait comme dans Breaking Bad, c’était bien », et en résulte l’habituel dictateur glacial mais un peu timbré par sa volonté de dominer par la peur cette espèce de Cuba qui n’en a pas le nom. Comme d’habitude dans
Far Cry, chacune des apparitions du méchant fait partie des cinématiques à retenir mais comme d’habitude encore une fois, on comprend vite qu’on ne va quasiment jamais le voir du jeu, à part surtout au début. Et à la fin. Aucune surprise donc de ce coté, même si l’on retiendra un final plutôt bien foutu et un coté beaucoup plus sanglant (on aime ou pas) et il faut le reconnaître une volonté pour Ubisoft de pousser ENFIN un peu la narration, avec davantage de dialogues durant les missions (par la présence d’un acolyte temporaire ou via la radio), des cinématiques qui ne sont plus à la première personne pour donner de la personnalité au héros (homme ou femme) et tout simplement des personnages secondaires peu surprenants mais plus sympathiques que d’habitude. Ça progresse.
Et cette envie de pousser un peu le scénario se ressent également dans la progression car plutôt que du copié/collé sauvage des situations,
Far Cry 6 va cette fois se tourner vers
Assassin's Creed (il n’y avait pas loin à observer visiblement) pour plutôt proposer des sortes d’arcs à chaque zone, et des missions qui proposent davantage de variété, contrairement aux aspects secondaires proches de la grande routine, entre libération de camps et collectibles à gogo, mais aussi de petites gourmandises comme des grottes annexes assez intéressantes et des mini-jeux (courses de jet-ski, combats de bestiole…). Bon en gros, c’est du
Far Cry et ça se laisse globalement vivre sans réel ennui, marque des productions Ubisoft grand public (oxymore…), avec une durée de vie d’environ 30h pour faire le plus gros, des armes qui ont suffisamment de punch et un rendu graphique qui n’a pas besoin d’être full New Gen pour être satisfaisant, ne brillant pas toujours par sa démesure (c’est fou à quel point il y a aussi peu d’habitants dans les villes) mais qui nous offre un combo 4K/60FPS sur les dernières machines. On prend.
En temps normal, ce genre de production se prend une relative bonne note au moins pour valider l’efficacité mais vous avez capté plus bas qu’on n’y est pas totalement, donc c’est quoi qui foire ? On explique. Le véritable ennui de
Far Cry 6, ce n’est pas forcément l’aspect redite mais la tentative pour les développeurs d’avoir voulu modifier le système de progression du personnage. Normalement on félicite la prise de risque, mais faut quand même que ça fonctionne. Car pour un jeu qui reprend des mécaniques RPG (chose que fait
Far Cry et même Ubisoft dans sa globalité depuis longtemps), il en oublie le plus important : le sentiment de montée en puissance. Le pari proposé est en effet le fun, jusqu’à tomber parfois dans quelques aspects WTF en totale contradiction avec les propos hautement sérieux du scénario mais on a déjà vu ça (salut
Yakuza), et de ce coté, ok c’est réussi.
Rien que l’arrivée rapide du « Supremo » donne le ton, sorte d’énorme sac à dos vous conférant une capacité ultime (d’autres seront à débloquer) en plus de pouvoir y stocker du matos type grenade et cocktails Molotov. On ajoute à cela des potes animaux (les « Amigos ») qui peuvent aller du crocodile à un coq en passant par le très mignon teckel Chorizo, sans oublier tout ce qui tient du matos. Et tout cela pourra être améliorer, que ce soit vos compagnons en remportant des défis, et bien entendu Supremo comme armes, avec surtout plusieurs types de balle dont des enflammées ou empoisonnées. Ça explose vite dans tous les sens, quand bien même le titre impose de miser un minimum sur la discrétion vu la difficulté certaine (le level-design est fait pour, l’IA non, comme d’habitude), et quand l’alarme sonne, on ne résiste pas à sortir tout notre attirail jusqu’à quelques délires comme un lance pieu très satisfaisant. Et il y a aussi les véhicules, toujours nombreux, souvent armés, mais dont certains misent malheureusement avant tout sur le mode coop (la jeep et sa tourelle par exemple).

Alors on y revient : c’est quoi le problème ? J’y viens. Dans Far Cry 6, on nous propose de jouer un peu comme on veut finalement, mais une fois le bon feeling trouvé, absolument rien ne vous poussera à changer pendant des heures, voire jusqu’aux crédits de fin. Moi-même en simple exemple, avec comme arme principal un fusil longue portée équipé d’un silencieux, récupéré dans les toutes premières heures, je pouvais nettoyer la majorité des camps en toute discrétion et ce que j’avais en stock pouvait finir le travail en cas de problème. Et non, je ne joue pas en Facile. L’efficacité est là, pourquoi changer ? Il n’y a pas de montée en puissance puisque les améliorations des armes sont en fait des modifications (vous changez de style), et encore, quand vous le pouvez : les meilleures armes, dite ultime, ne peuvent être personnalisées. Même chose coté fringue avec une tripotée de choses à mettre sur votre avatar mais là encore, une fois un rang 3 ou 4 entre les mains pour des bonus satisfaisant, vous ne changerez plus. Et si vous faîtes partie de ceux qui ont des points sur l’Ubi Store, vous aurez de base ce qu’il faut pour retourner le jeu sans avoir à ouvrir un seul coffre.
Et on ne sait même pas si l’on peut parler d’une erreur des développeurs puisque tout le game-design va dans ce sens, jusqu’à avoir fait disparaître l’arbre de compétences pourtant habituel dans la franchise. A la place, une sorte de jauge par territoire qui augmente en fonction de vos actions, avec des rangs pour pouvoir acheter plus de matos, et la possibilité d’améliorer certains campements. Mais on revient à ce même foutu point : à moins de vouloir jouer au rigolo sur le twitch-game (et encore, il aurait fallu balancer de la coop à 4 pour pousser le délire jusqu’au bout), pas grand-chose ne vous poussera dans l’exploration et les améliorations constantes une fois le bon équipement entre vos mains. Quelque part on revient à une sorte de formule classique où l’on peut se consacrer uniquement à l’essentiel ou presque, ce qui pourra plaire à ceux qui n’ont pas envie de farmer pour pouvoir démonter des bases de sacs à PV, de l’autre, les annexes n’ont jamais aussi bien portées leurs noms puisqu’on peut arriver à la fin en passant complètement à coté, toujours les deux mêmes armes entre les mains.