La Nuit des morts-vivants de George Romero n'a pas tout à fait inventé le zombie, cette créature en putréfaction avide de chair humaine. Mais lors de la sortie de son film en 1968, il l'insère nettement dans un bestiaire fantastique déjà généreux. Loup-garou (La Nuit du loup-garou, 1961), vampire ( Le cauchemar de Dracula, 1958 ), créature des marais (L'étrange créature du lac noir, 1954), momie (La momie, 1932), tout y est déjà pour faire la fête. Et quand au milieu des années 90, un certain Shinji Mikami se voit confier le développement d'un nouveau jeu au départ voulu très modeste, car ses patrons n'ont pas très confiance en lui malgré son talent indéniable, le zombie n'est plus très populaire dans la sous-culture de l'horreur, ni dans l'imaginaire collectif. L'essentiel de ses apparitions les plus notables appartiennent au cinéma, même si les romans (souvent eux) ont jeté leur dévolu et leur imagination sans borne sur le sujet dès les années 20 sous l'impulsion de Howard Phillips Lovecraft. Aussi, le mythe du zombie originel vient du versant maléfique du culte vaudou, religion païenne dont le berceau se trouverait vraisemblablement en Afrique de l'Ouest, et qui se serait largement exporté au cœur des Caraïbes et jusqu'au Nouveau Monde au XVIIème siècle. Zombie, ou "revenant" en créole désignerait donc un cadavre réanimé, ou plus vaguement un esprit possédé par un chaman ou un esprit supérieur, une entité, souvent malveillante. Bien loin des considérations pseudo scientifiques à base de virus et de modification de l'ADN comme peut nous le raconter Resident Evil. Mais là est le propre de tous les mythes fondateurs, sa propension a être malléable, adapté, assimilé et digéré pour répondre aux idées personnelles de chacun des créateurs qui en prendrait possession.
Si le sous-genre du film de zombie vit ses belles premières heures dans les années 40, il se fait plus discret par la suite, écrasé par les innombrables film de la Hammer mettant en scène le charismatique Christopher Lee dans le rôle de Dracula. On l'a vu, début des années 70, Romero relance un peu malgré lui la machine avec le premier volet de ce qui deviendra sa trilogie sur fond complètement incontrôlé et involontaire de critique acerbe des inégalités sociales. L'assaut des zombies sur un centre commercial durant tout le long métrage de 1978 n'est pas anodin et sera vu par la plupart des critiques comme une allégorie de la prise de pouvoir sur la société et les modes de vie de chacun du capitalisme et de la surconsommation. Les événements socio-politiques mondiaux de 1968 compléteront ce phénomène de prise de conscience qui placeront définitivement et bien malgré lui La Nuit des morts-vivants au panthéons des films cultes. S'engouffrent dans la brèche plusieurs autres cinéastes jusqu'au déclin du média à la fin des années 70. On constate dès lors que le succès des zombies au cinéma est particulièrement périodique, fait de haut et de bas. En 1978, Romero, toujours, donne un second souffle au genre qu'il a lui-même pour ainsi dire popularisé avec son Dawn of the Dead. Pendant la décennie suivante, les producteurs italiens, spécialistes dans l'hyper violence s'emparent de la nouvelle vague de film de zombie mais en oublie la moelle narrative à base de passation de message politique pour se focaliser sur l'horreur brute et purement visuelle. Le filon est exploité à outrance, le grand guignol, sous-genre de l'horreur zombiesque s’effiloche à mesure que les abus de mise en scène sont perpétrés et que cela ne fasse plus très peur, bien au contraire, tant certaine réalisation frôle le nanar et la parodie. La censure sévit et dans tous les médias, la brutalité et le réalisme de l'horreur dans sa plus stricte définition est adoucit, le public perd son appétit pour les films de zombies. Le zombie tombe à nouveau dans l'oubli au début des années 90, faute de réel renouvellement scénaristique ou stylistique. Tandis que la nouvelle vague de slasher (film d'épouvante avec un tueur en série massacrant à la chaîne un groupe d'adolescent ou de jeune adulte, typiquement destiné à un audimat lucratif : la jeunesse américaine) naquit de Wes Craven et de son Scream en 1996, c'est dans ce contexte que Resident Evil et son zombie passé de mode verra le jour.
C'est en 1990 que Shinji Mikami entre chez Capcom après avoir obtenu un diplôme en marketing à l'université de Doshisha à Kyoto, suite à un quiproquo aussi loufoque qu'inespéré. En effet, déjà passionné de jeu vidéo et de film d'action – notamment ceux de Bruce Lee -, il est poussé par un ami à se rendre à un buffet organisé par Capcom dans le cadre d'une campagne de recrutement. Mikami, de son propre aveux ne désirait pas s'y rendre avec de faux espoirs ou avec un plan de carrière bien établi, mais pour déguster un bon repas aux frais de la princesse (mais qui est cette foutue princesse, bon sang ?! ) et passer une bonne soirée. En palabrant avec les gens de Capcom, il se ravise et postule tout en se rapprochant également de Nintendo. Plus tard, il fera un choix et privilégiera la compagnie d'Osaka à celle du plombier moustachu. Entre 1990 et 1994, Mikami travaille à des postes divers sur autant de soft de plus ou moins grande envergure. Le premier, un jeu de plateau nommé Capcom Quiz : Hatena? no Daibōken le place immédiatement en friction avec ses supérieurs car sa méticulosité et son amour du travail bien fait lui font dépasser les délais de production. Sa hiérarchie devra le menacer d'annuler la sortie du jeu pour forcer Mikami à terminer le jeu dans les plus brefs instants. Par la suite, il aura un premier contact avec le milieu de l'animation occidentale puisqu'il s'occupe de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, toujours sur Gameboy. Le jeu marche bien aux USA mais passe inaperçu au Japon. Mikami devra ronger son frein et courir après la reconnaissance encore un petit moment car même avec la célèbre adaptation de Aladdin sur Super Nintendo en 1993, ses performances seront ternies. En effet, ses supérieurs voient d'un mauvais œil les critiques et les comparaisons qu'on peut faire dans la presse d'époque, plaçant le Aladdin de David Perry sur Megadrive souvent au-dessus de celui de Capcom, quand bien même le Aladdin de Mikami était de grande qualité. Un nouveau budget, revu à la baisse est alloué à Mikami pour s'occuper d'un autre jeu à licence Disney, immédiatement définit par Capcom et par Mikami lui-même comme un titre de seconde zone, un petit puzzle game mâtiné d'aventure faible en ambition : Goof Troop. Nul doute que la légende de Mikami ne s'écrira pas avec ce jeu là non plus, le bonhomme est maussade et déplore sa carrière qui stagne. Néanmoins, les têtes pensantes de Capcom, et notamment Yoshiki Okamoto, concepteur du mythique Street Fighter II, remarquent son caractère bien trempé et son perfectionnisme.
Le manager de la division ''console de jeu'' de Capcom (en opposition à la division arcade), Tokuro Fujiwara, aussi connu pour avoir créé ni plus ni moins que Ghost'n Goblins et Commando et avoir produit Megaman et Ducktales vient voir Mikami avec une question simple : ''aimes-tu avoir peur ?''. Ce à quoi Mikami répond immédiatement que non, il déteste ça ! Fujiwara lui propose alors un projet de nouvelle licence à destination de la Playstation de Sony, Fujiwara veut qu'il s'agisse d'une suite spirituelle à un autre titre de Capcom, confidentiel, sorti en 1990 sur Famicom : Sweet Home. Fujiwara déclarera plus tard : "Si Mikami m'avait dit adorer avoir peur, ou s'il m'avait dit qu'il n'avait jamais eu peur de rien dans sa vie, jamais je ne lui aurais demandé de faire un jeu d'horreur, il aurait forcément été mauvais ! ". Mikami aborde un virage décisif de sa carrière.
Mikami se pose tout de même des questions, notamment sur la réussite et la portée commerciale assez limitée d'un tel projet. Ce à quoi Fujiwara répondra qu'il n'y avait aucune inquiétude à avoir car les business plans de Capcom ne prévoyaient pas des ventes au-delà de cent cinquante mille exemplaires. Le genre de l'horreur n'étant pas encore extrêmement populaire sur console de salon, et la Playstation de Sony venant à peine de pointer le bout de son nez, trop d'inconnu rendait l'équation indéchiffrable et bien malin aurait été celui qui aurait prédit un carton monumental. Ça, c'est la raison officielle. Mais en coulisse, et malgré les qualités reconnues de Mikami, on désire y aller prudemment avec lui. On lui donne dés lors un projet de moindre envergure tout en lui donnant l'illusion qu'il a une liberté créative complète. Mikami s'attelle donc à la tâche en révisant ses classiques, et surtout le fameux Sweet Home. Inspiré du film éponyme de Kiyoshi Kurosawa, le soft mêle J-RPG à l'ancienne et épouvante. Dans un manoir selon toute vraisemblance hanté, une équipe de cinq protagonistes sont à la recherche des trésors cachés dans les lieux par l'ancienne propriétaire. Mêlant réflexion, exploration, combat au tour par tour et en vue subjective à la Dragon Quest, de nombreux détails de gameplay et de représentation rappelle manifestement ce que sera Resident Evil plus tard. L'inventaire limité pour forcer le joueur à faire des choix et à progresser avec précaution ; les ouvertures de portes qui donnent lieux à des petites interactions ; des documents étoffant le background à récolter à travers les décors... Si le bien connu Alone in the Dark (PC, 1992) inspire Mikami par ses plans de caméra, sa mise en scène et son ambiance, nul doute que Sweet Home l'inspire par sa jouabilité et son game design.
Très vite, Mikami se concentre sur le gameplay, le cœur du jeu et ne s’embarrasse que très peu de scénario. Capcom le somme de produire un document afin qu'ils sachent où ils mettent les pieds et le créateur, presque à reculons, indique quelques vagues éléments d'histoire. Un manoir, une équipe d'agent d'élite ou de militaire, des monstres de diverses natures, et le tour est joué. Dès le début, Mikami rejette l'idée d'un manoir hanté, les fantômes ne lui font pas peur. Il préfère une menace réelle et tangible, physique, avec des êtres ''vivants'' comme des animaux. Quelque chose que le joueur puisse identifier facilement comme faisant partie de son quotidien. Mikami s'inspire de la philosophie de Romero, dont il a étudié l'oeuvre plus jeune, ce dernier disait que la pire peur provenait des éléments de la vie de tous les jours que l'on considère d'ordinaire comme bien, rassurante et sécurisante. Pervertir ces éléments là, les rendre mauvais et dangereux, et la peur créée n'en sera que plus forte. Romero dira aussi que ''la chose la plus effrayante, c'est nous-même''. Outre l'analyse économico-sociale qu'on peut en faire, cela veut tout simplement dire que si du jour au lendemain vos voisins, votre famille et vos amis se transforment en zombie dans une incroyable apocalypse à l'échelle mondiale, la peur se mêlera à la tristesse et au désespoir absolu car les figures amicales et rassurantes de votre entourage seront transformées en horreur cruelle et violente. Une première ébauche du jeu est ainsi créée après que Mikami ai fixé la ligne directrice du jeu. La première version est un FPS, comme on l'a récemment appris via différentes interview. Le jeu est d'après les propos rapportés époustouflant, très immersif, mais très difficile à programmer et étrangement, l'équipe d'une vingtaine de personnes n'arrivent pas à trouver l'astuce pour insuffler la peur. Tout est reprit de zéro quelques semaines après le début véritable du développement. Mikami et son perfectionnisme quasiment maladif sont mécontents. Resident Evil est sans nul doute un jeu qui sera enfanté dans la douleur...
Nous sommes alors quelque part en fin d'année 1994. Mais faisons une ellipse temporelle pour arriver directement à la sortie du jeu, le 22 mars 1996 au Japon. Mikami fait la gueule (pour pas changer). En effet, l’événement pour lequel fut invitée la presse quelques temps auparavant s'est assez mal passé. Resident Evil fut accueilli de façon modérée par les journalistes sur place, tandis que Yoshiki Okamoto a décidé de jouer un vilain tour à son compère en lui faisant croire que les premiers retours concernant Resident Evil était très insatisfaisant. La blague ne tient pas très longtemps quand Mikami découvre que son jeu obtient dans le commerce un succès croissant. Capcom annonce fièrement qu'il s'agit du premier jeu de la Playstation à atteindre le million d'exemplaire vendu rien qu'au Japon. Si le background s'est largement enrichi au fil des jeux et grâce aux nombreux documents qu'on découvre dans l'aventure, le scénario de base nous ai présenté comme suit : près de la petite ville paisible de Raccoon City, dans la région montagneuse et forestière d'Arklay se trouve un lugubre manoir. La tranquillité du coin est perturbée par des attaques de ce qui semblent être des gens malades, aliénés, particulièrement violents. Ils n'hésitent pas à dévorer n'importe qui leur passerait sous le nez et très vite, plusieurs victimes sont à déplorer. L'enquête est menée et les autorités comprennent bien vite que les responsables de ce genre d'attaques atroces ne sont plus tout à fait eux-mêmes, une maladie épouvantable les ronge, les obligeant à se transformer en impitoyables cannibales. L'élite de la police de Raccoon City, les STARS (pour Special Tactics And Rescue Service) remontent la piste de ces créatures à l'aspect humaine mais au comportement dangereux et bestial jusqu'à la forêt aux abords de la ville, là où se cache le manoir. L'équipe Bravo des STARS est la première sur les lieux mais au bout de vingt-quatre heures d'investigation, le contact est mystérieusement coupé. On apprendra plus tard qu'il leur ait évidemment arrivé bien des malheurs en plein milieu de cette forêt sinistre peuplé de monstres cannibales. L'équipe Alpha est envoyée en renfort pour secourir l'équipe Bravo, celle-ci se fait à son tour attaquer par les animaux de la forêt devenus incroyablement dangereux. Une nuit de cauchemar débute alors où les quelques membres survivants de l'équipe Alpha se voit dispersé à travers la forêt, certains trouvent refuge dans le manoir mais ils sont loin de se douter des sordides mystères qu'ils vont découvrir … Au fil des investigations, Chris Redfield, Jill Valentine, Barry Burton et leur chef Albert Wesker, qui cache de lourds secrets, vont découvrir une machination de la multinationale Umbrella qui développe un virus dans le cadre d'un projet d'arme biologique. Ce virus modifie l'ADN de toutes espèces vivantes pour les muter en créatures cannibales, féroces et insensibles à la douleur...
Resident Evil, de la volonté de Mikami s'inscrit dans une démarche de terreur réelle, en opposition à la terreur fantasmée ou symbolique. Comme nous l'avions vu plus haut, il désirait mettre en scène des gens normaux, en aucun cas des super héros ou des preux chevaliers, en proie à d'ignoble monstres savamment inspirés de la faune et la flore très rependue sur notre planète. Et de par le fait, coutumière à chacun, ce qui renforce le pouvoir d'identification du joueur dans les malheurs des différents protagonistes face à l'horreur ''vivante'' que communique le jeu. Un des exemples les plus connus de l'horreur symbolique au Japon réside dans la figure du lézard géant Godzilla, qui outre sa formidable puissance de destruction, représente les frayeurs du nucléaire et des catastrophes naturelles qui ont bouleversé l'histoire moderne du Japon (Hiroshima et Nagasaki en 1944, le séisme du Kantō en 1923, jusqu'à récemment avec la célèbre catastrophe de Fukushima). Resident Evil exploite un autre thème fort très lié à l'idée de progrès et de modernité comme on l'entend au Japon, à savoir la biotechnologie. Et pour cause, sujet d'actualité dans les années 90 avec les premiers essais de clonage (la brebis Dolly est née en 1996), le génie génétique et les multinationales pharmaceutiques faisant joujou avec l'ADN de toutes les espèces vivantes possibles cristallisent une peur et un malaise véritable causant moult problèmes. Conflit avec la religion (l'homme est la création de Dieu et nul autre n'a le droit de la modifier, menant dans les cas les plus extrême au rejet pur et simple de la médecine moderne) ; creusement des écarts sociaux entre les classes pauvres et riches qui peuvent se soigner plus ou moins bien selon comment est pourvu leur compte en banque, démolissant ainsi toute considération d'éthique... Un autre jeu, et plus globalement une série toute entière exploite également ce genre de thématique très importante dans la culture japonaise et son rapport au progrès : Metal Gear Solid et sa brocarde anti-nucléaire éloquente.
Si on ne retrouve pas dans Resident Evil le sous-texte et la critique sociétale à travers le zombie comme a pu le faire George Romero, il n'empêche que son scénario en fait un jeu résolument moderne sur le fond. Sous couvert d'une action hollywoodienne peut-être parfois abusivement rentre-dedans en opposition à des jeux d'horreur décrits comme plus psychologiques (Silent Hill, Eternal Darkness...), Resident Evil s'avère plus profond qu'il n'y paraît.
Obnubilé par le gameplay, Mikami voulait une prépondérance de la mécanique sur la narration. Le vecteur de peur devait être le cœur du jeu, les éléments qui lient le jeu au joueur en permanence, et non un prétexte scénaristique sitôt oublié qu'on aura zappé une scène cinématique. Et pour traduire un sentiment de frayeur, plus ou moins directement lié à celui d'impuissance et de stress, Mikami a l'idée de rendre le maniement des personnages si pas pénible, au moins contraignant. Un pari risqué auquel Yoshiki Okamoto – pour qui le fun et l'accessibilité est une chose importante dans le jeu vidéo – n'adhère absolument pas. Ce dernier aura de nombreux différends avec Mikami dont le suivant, probablement celui qui aura le plus secoué l'équipe de développement : les rubans encreurs. En effet, Okamoto, conscient que le joueur allait vivre une aventure riche et difficile, avec une pléiade de retournements de situation et énormément d'allers-retours dans les décors, un peu à l'instar d'un grand jeu d'aventure ou d'un RPG, estimait que les rubans encreurs ne devaient pas être si rares. Selon lui, le joueur se concentrerait trop sur la récolte de ces précieux objets de peur de perdre leur progression faute de pouvoir sauvegarder, et ainsi tournerait en rond dans chaque salle du manoir à la recherche de ruban encreur, sans faire attention aux énigmes et sans avoir envie de réellement progresser dans l'histoire. Ce qui conduirait fatalement à une frustration profonde et un abandon du joueur pur et simple. Mikami ne transigera pas avec son jeu et fera fi des oppositions de son aîné de quatre ans. Okamoto déclarera même à EGM quelques années plus tard ne pas comprendre comment peut-on prendre du plaisir à jouer à un jeu dont le seul but est de gâcher le plaisir du joueur, justement...
Il est vrai que le gameplay lourd et volontairement restrictif de Resident Evil avait de quoi déplaire. Au sortir de la génération 16-bits, nous étions habitués à des jeux fluides, fun, jouables et parfois même carrément explosifs. La science du gameplay de Capcom a façonné ce bon goût sucré des gameplay de jeu 2D d’antan, comme avec les Megaman X, les Ducktales et les Street Fighter. Mais le gameplay de Resident Evil ramène à une considération on ne peut plus utilitaire de l'utilisation du gameplay afin de véhiculer la peur, volonté primaire de Mikami. La lourdeur du personnage ne sert donc qu'à une chose, empêcher le joueur de se sentir trop à l'aise. Comme dans un de ces cauchemars, du genre qu'on a tous probablement eu au moins une fois, où on a l'impression de ne strictement rien maîtriser, où on ne peut absolument rien empêcher, et où on est condamné à affronter l'horreur en face sans avoir la chance de fermer les yeux ou d'en réchapper. Avec le déplacement lent et lourd de ses personnages, Resident Evil parvient à pincer nos pires craintes avec brio, en nous mettant en sensation de danger quasi permanente. L'appréhension des affrontements avec le moindre zombie est systématique. La gestion de l'inventaire, et surtout des munitions, véritable cadeau divin quand on en découvre un petit peu dans les décors, devient alors autant obsessionnel pour le joueur que le gameplay l'était pour Shinji Mikami.
Le choix du zombie tel qu'il est illustré dans Resident Evil comme opposant principal n'est pas anodin. Et même si Shinji Mikami ne s'est jamais exprimé à ce sujet, on peut imaginer ce qui est passé à travers l'esprit de l'équipe créative du jeu lorsqu'il fut question de savoir quoi ou qui affronter dans le manoir. Tout d'abord, le zombie est lent, ça tombe bien, nous aussi. Il aurait été impensable et inutilement frustrant de devoir affronter des super mutants vifs comme l'éclair (encore que, avec le Hunter...) alors que nos personnages eux-mêmes s'apparentent à des baleineaux. Le zombie est idiot également, il fixe bêtement le mur, se heurte à tous les meubles et obstacles qu'il croise sur son chemin et est très prévisible : il vous voit, il veut vous bouffer. Cela le rend facile à programmer pour les responsables de l'intelligence artificielle, et son déshumanisation profonde entre en conflit avec son apparence bel et bien humanoïde. Rien de plus crispant que de voir un tel monstre en se disant "je pourrais devenir ainsi, si je me fais mordre...". La lenteur des ennemis n'a d'égal que leur résistance et leur dangerosité s'ils sont nombreux et dans un espace confiné. Ainsi, ça permet au joueur de lui donner l'entière responsabilité de son parcours. S'il les combat tous, il n'économisera pas ses munitions et cela deviendra très difficile par la suite. Mais s'il esquive quelques zombies il se peut qu'il soit un moment ou un autre forcé de retourner dans certaines pièces pour résoudre une énigme ou récupérer un objet, et le zombie sera de nouveau présent …
L'inclusion d'énigmes est quelque chose de très important également. Parfois volontairement fantaisiste afin de brouiller les notions de réalisme et de logique pour que le joueur se demande sans cesse si tout ce qui l'entoure est normal ou bien si c'est un horrible cauchemar, les énigmes ont longtemps apportées une petite caution ''intelligence'' aux jeux Resident Evil. Leur donnant parfois à tort une apparence de jeu difficile d'accès, à réserver aux joueurs avertis, mais pas pour les bonnes raisons. Il n'était pas rare qu'en 1996 on dise à un enfant ''ne joue pas à Resident Evil, c'est trop compliqué, tiens, prend plutôt un Mario'' à cause de ses énigmes tarabiscotées sans même que les images horrifiques traumatisantes ne nous viennent à l'esprit. Reliquats des point'n clic du PC et des micro-ordinateurs, les énigmes enrichissent un game design qui malgré son assujettissement à une volonté maîtresse de faire peur – et donc interdire le joueur de triompher trop facilement -, réécrit en quelque sorte la recette du jeu d'aventure classique. À cause des énigmes, qui sont loin de n'être qu'à base de clé et de carte de couleur à utiliser sur les bonnes portes, le jeu nous pousse à l'exploration du manoir et ses entrailles. Lorsque l'on croise une porte verrouillée, on change de direction en se disant qu'une fois qu'on aura trouvé la clé ou le code du terminal informatique la bloquant, on reviendra. Puis on tombe au fur et à mesure sur d'autres salles présentant leur particularité, entre cachettes secrètes obstruées par un meuble, petits objets à manipuler dans un réceptacle pour débloquer un mécanisme, ou carrément pièges à démanteler pour échapper à la mort. Il faut dès lors garder la tête sur les épaules, mémoriser le level design et se souvenir de plusieurs endroits clés à la fois afin d'y revenir sans trop de soucis une fois qu'on est en mesure de résoudre une énigme. C'est là que l'aspect survie prend tout son sens. Savoir s'orienter, prendre des décisions entre combattre et éradiquer absolument tous les ennemis sur votre chemin ou fuir et économiser les balles ; puis savoir assembler le bon objet à la bonne énigme à force de jugeote et de déduction, tout cela compose le game design exigeant mais passionnant de Resident Evil.
Mais si ce gameplay impitoyable et exigeant est destiné à servir une cause plus grande - qui est celle de mettre mal à l'aise le joueur et l'effrayer à chaque instant, le déboussoler et mettre sa patience ou son courage à rude épreuve dans le labyrinthique manoir -, il est aussi le fruit d'une nécessité : celle de la mise en scène. Autre hantise envahissante de Mikami, certainement conséquence de son amour pour le cinéma (bien que celui-ci soit quelque peu différent de celui qui anime Hideo Kojima, créateur de Metal Gear Solid), la mise en scène devait elle aussi à tout prix répondre à un impératif avec lequel aucune négociation n'était permise : foutre la frousse au joueur !
Comme on l'a vu plus haut, Resident Evil était censé prendre l'apparence d'un FPS avant que le perfectionnisme de Mikami ne vienne tout chambouler. La colère des programmeurs ayant travaillé pendant des semaines pour rien atténuée, le jeu devient une aventure vue à la troisième personne avec des décors en précalculé où seul les personnages et les monstres seront en 3D. Cette représentation permet une abondance de textures finement travaillées sans apporter une surcharge de calcul au processeur de la console. Les graphistes de Resident Evil font dès lors preuve d'une imagination certaine en façonnant chaque salle du manoir, ses alentours (hormis le cimetière et la cabane de la famille Trevor qui seront de cauchemardesques ajouts du remake sur Gamecube) et le laboratoire souterrain glauque à souhait qui se cache sous ses fondations. Mais l'alchimie opère grâce à bien plus qu'une bonne modélisation 3D ou quelques textures riches en détails. Le level design, l'architecture, la gestion de l'espace et les cadrages de caméra se conjuguent pour créer une atmosphère et bouleverser les angles de vue du joueur à chaque instant. Le défi était de prime abord de ne pas perdre le joueur d'un écran à un autre. Immédiatement, le joueur devait savoir d'où il venait et vers où il pourrait aller afin de se repérer. L'utilisation de technique de mise en scène de cinéma est dès lors rendue toute naturelle, avec ligne de fuite, cadrage et autre vue contre plongée. Concrètement, cela fait voir le jeu différemment à chaque instant. Voir son personnage en gros plan et de face est sympa pour constater à quel point sa modélisation 3D est de bonne facture, mais ce n'est pas très rassurant quand dans le même temps on entend hors-champ un râle de zombie qui nous attend un peu plus loin. Le plan suivant, s'il place la caméra en hauteur et fort éloigné du personnage, peut créer un effet d'écrasement en laissant voir au joueur la quasi intégralité de l’architecture monumentale de la pièce, donnant au manoir de véritables airs de château gothique surnaturel. Quant au personnage, il sera représenté en taille parfois très réduite, permettant au joueur de relativiser sur son emplacement dans la pièce et sur la dimension de ce qui l'entoure. Contribuant ainsi à donner l'illusion d'un dédale immense, ou au contraire d'étroite coursive mal éclairée stimulant la sensation de claustrophobie.
L'utilisation sélective de la lumière est très intelligente car elle dénote d'une compréhension des instincts des êtres humains de la part de Mikami et de son équipe. En effet, et il paraît tout naturel de se l'avouer, il est évident qu'on sera plus rassuré à l'idée de se diriger vers une source de lumière plutôt que vers un coin d'ombre. Ainsi, dans les décors, l'orientation de la lumière et son intensité son précisément paramétrées pour créer des zones obscures dans lesquelles on ne peut parfois même pas se rendre (derrière un meuble, au détour d'un buisson, sous un escalier...) servant à nourrir l'imagination du joueur. Une sorte de vide visuel qui ne tient qu'au joueur de combler à grand renforts de psychose et de crainte plus ou moins personnelles, secondées souvent par une bande-son pesante et laissant place à un suspens névrosant. Cette gestion du rythme et le choix fait par Mikami de laisser voir au joueur certaines choses et en cacher d'autres pour attiser sa paranoïa est traduite par un très célèbre moment dans toute la saga Resident Evil : les ouvertures de portes. Véritable institution (reprise à Sweet Home comme on l'a dit précédemment), au même titre que les documents et les rubans encreurs qui composent le cœur du système, les ouvertures de portes sont tout autant artistiques qu'instrumentales. D'abord, ces petites transitions vidéo permettent de découper plusieurs zones. Le temps de cette courte séquence vidéo, la console charge la zone suivante en ayant accès aux contenus du disque de jeu. C'est une parade incroyablement futée pour camoufler joliment les temps de chargement, soulager au maximum le hardware de la machine et ajouter encore plus d'immersion à l'exploration. Aussi, chacune de ces séquences, surtout quand on ne connait strictement rien au jeu, a un impact psychologique fort. Car si on sait ce qu'on fuit (la douceur d'une salle de sauvegarde sans aucun danger par exemple), on ne sait presque jamais sur quoi on va tomber derrière la porte que l'ont franchi. Un couloir sombre mais paisible ? Ou une salle exiguë hantée par un grand nombre de monstruosités qui vont vous sauter dessus à la vitesse de l'éclair, flanqués d'une musique stressante qui s'emballe ?
Dans son obsession du game design, Mikami a trouvé le moyen d'assembler défi de gameplay, surprise de jouabilité et mise en scène remarquable. Ainsi, chaque salle du manoir, agencée de façon plus ou moins logique, a été pensé et conçu comme autant de scène de long-métrage. Une salle clé du manoir est égal à une scène forte d'un film. Il fallait qu'elle soit reconnaissable au premier coup d’œil, comme peut l'être une scène importante qui pouvait être replacée précisément dans la chronologie par le spectateur. Il fallait que le joueur puisse se dire "ah, je me souviens être passé par ici, je reconnais ce tableau accroché au mur !", ou encore "ça y est, je suis sur la bonne voie, je me souviens de ce couloir, si je tourne à droite à ce moment là je retrouverais la salle de l'énigme que je ne pouvais résoudre auparavant !". La composition architecturale et décorative des pièces du manoir a donc fait l'objet d'un travail minutieux. Il fallait imaginer et dessiner des objets du décors qui puissent donner de l'identité aux salles visitées, comme une grande bibliothèque, une superbe sculpture ou un piano. Si d'un point de vue visuel, il est évident que cela donne à la direction artistique de Resident Evil un cachet inimitable et à l'allure du manoir une idée du faste, du détail et du disparate, c'est aussi très important du point de vue du gameplay car cela aide le joueur à s'orienter dans le labyrinthe.
L'usage de la 3D précalculée (décors en 2D qui simulent une 3D) serait une solution de facilité si on écoutait les cancaniers. Mais c'est surtout un moyen de rendre les environnements plus viscéraux, plus authentiques que les froides modélisations aux polygones peu détaillés que pouvaient envoyer la Playstation à cette époque. Et dans le cadre d'un jeu d'épouvante, on ne peut nier que cela peut constituer un avantage certain. Silent Hill par exemple ne sera pas mieux loti puisqu'au final, les équipes de Konami auront eux aussi recours à ce genre d'artifice pour soulager le hardware trop peu puissant de la Playstation, avec de la brume par exemple, limitant le champ de vision. Ce qui n'est pas visible par le joueur n'est pas forcé d'être modélisé en temps réel, logique. Un véritable cache-misère en somme ! Globalement, le jeu était graphiquement très impressionnant à l'époque et si on fait l'effort de le replacer correctement dans son contexte, on peine à véritablement lui en vouloir d'accuser vingt trois années. Même avec l'arrivé plus tard de celui qui reste son sublime remake sur Gamecube, Resident Evil premier du nom reste digne. Malgré tout, on pouvait et on peut toujours noter des modèles 3D quelque peu brouillons, une incrustation des modèles 3D dans les décors 2D parfois laborieuse et une pixellisation à certaines occasions outrancière.
La musique de Resident Evil n'est pas un élément qui a besoin d'être restreint pour créer la peur et la panique dans l'esprit du joueur. Mais elle remplit un rôle presque autant fonctionnel que son gameplay. Ainsi, la musique n'accompagne que très rarement des scènes d'action cruciales, elle n'est pas là pour illustrer le caractère des personnages comme dans tout bon jeu de rôle japonais et elle ne sert pour ainsi dire aucunement l'histoire. Mais elle façonne une ambiance morbide avec brio. Le groupe de compositeur formé par Makoto Tomozawa, Masami Ueda et Akari Kaida pour Capcom d'une part, et Koichi Hiroki en indépendant d'autre part produit des pistes lancinantes et terrifiantes. Des violons et des pianos synthétisés s'accompagnent de moment de silence dans certaines salles du manoir, à dessein. L'irruption brutale d'un morceau saisissant et gothique lorsqu'on pénètre dans un couloir inconnu nous fait immédiatement hérisser les cheveux sur la tête (sauf pour Shanks) et nous fait comprendre qu'on vient de quitter un endroit calme pour pénétrer dans un endroit très dangereux, souvent suivi par l'attaque surprise d'un zombie, ou pire encore... L'ensemble des musiques ne brillent pas particulièrement pour leur qualité d'écriture mais remplissent à merveille leur rôle, jouer avec les émotions du joueur, installer une lourde ambiance horrifique et intensifier l'adrénaline quand c'est nécessaire. S'affranchissant d'un côté plus onirique et plus poétique comme peut l'être Silent Hill et ses étourdissants thèmes chantés par la talentueuse Mary Elizabeth McGlynn, l'oeuvre de Capcom fait également abstraction des rythmes dynamiques de style pop-rock qu'Akira Yamaoka aura donné à la série de Konami. Resident Evil préfère le concret de l'horreur, avec des instruments et des rythmes particulièrement évocateurs, quitte à faire un peu dans le cliché.
Exemple parfait de cet aspect fonctionnel qu'endosse sur ses épaules la composition : la musique de la save room. Les fans la connaissent par cœur, les autres en ont certainement déjà entendu parler tant cet élément fait partie des poncifs communs au genre qu'aura instauré Resident Evil. Une telle salle n'a d'autre but que d'offrir un petit havre de paix complètement dénué de danger pour le joueur, afin qu'il reprenne ses esprits et puisse sauvegarder. Ce n'est pas très cohérent en réalité, c'est un élément de game design qui ne trouve sa vocation que dans un jeu vidéo, fondamentalement surréaliste (car dans la réalité, si un zombie veut vous attaquer dans une salle dite ''paisible'', rien ne l'en empêchera). Mais c'est surtout le thème musical de tel genre d'endroit, réparti dans le manoir, qui a marqué les joueurs. Répondant à l'aspect fonctionnel de la bande-son, la musique des save room apaise, elle suit le principe même de ce genre de paradis placé à des endroits stratégiques par le game designer du jeu. D'un point de vue purement musical, on constatera avec le recul que les versions suivantes seront plus agréables à entendre, disposant de plus de variations dans les intonations et d'une instrumentation plus riche. Mais la musique de la save room de Resident Evil premier du nom a quand même ceci pour elle qu'elle berce autant qu'elle communique un suspense insoutenable. Comme pour nous faire garder dans un recoin de notre mémoire les horreurs et les mystères qui se cachent au-delà de cette porte protectrice et inviolable.
Resident Evil aura généreusement inspiré un sous-genre tout entier du jeu vidéo. Une des têtes pensantes derrière la série Dead Space, Wright Bagwell, avec qui j'ai pu échanger quelques mots me disait : « Resident Evil m'a beaucoup inspiré, surtout pour Dead Space 2 où les bases de notre série étaient posées mais où on voulait en faire beaucoup plus. La gestion du rythme et de la peur que procure Resident Evil a été un modèle pour moi car je ne voulais pas que le joueur soit lassé de trop de combat, trop de jumpscare ou trop de phase passive. J'ai dû mettre de côté une tonne d'idée pour essayer de respecter un bon rythme de jeu, il fallait alterner correctement entre des énigmes, des combats et des scène choc comme lorsque les dobermans éclatent les vitres du couloir étroit dans le manoir. C'était un véritable choc pour moi à cette époque ! ».
Il est aisé aujourd'hui de témoigner de l'apport majeur qu'aura fait Resident Evil au jeu vidéo. Mais peut-être pas à l'époque. À tout le moins, si on le remet dans son contexte, on pouvait lui reconnaître un impact non négligeable. Le service marketing de Capcom manipulant l'opinion publique et faisant œuvre d'audace utilisera dès lors le terme de survival-horror, ce qui finira d'écrire définitivement la légende de la saga. Resident Evil était indubitablement joli, en son temps, même si aujourd'hui on peut juger que les modèles 3D des personnages ont vieilli et que l'ambiance horrifique s'est étiolée (surtout en face de son remake sur Gamecube, beaucoup plus sombre et aux décors infiniment plus détaillés). Mais Resident Evil premier du nom est un monument, un pilier. Il jette les bases, la mythologie : Chris Redfield, Jill Valentine, Barry Burton, Albert Wesker, quatre des personnages centraux qu'on reverra mainte fois durant les vingt années à venir. Le manoir hanté, déjà élément de langage essentiel dans le genre de l'épouvante devient une base pour Resident Evil qui même lorsque la série se réinvente n'hésite pas à s'en servir (le château dans Resident Evil 4...). Un subtil mélange entre séquence d'action sous haute pression à coup de compte à rebours et des phases de réflexion avec énigmes filandreuses ; des sauvegardes contraignantes et un maniement du personnage qui fait presque aussi peur que ces zombies puants, et le tour est joué. Resident Evil est archi innovant, c'est un coup d'éclat, objectivement comme subjectivement, on ne peut nier l'importance de son rôle dans la ludothèque Playstation et dans la grande histoire du jeu vidéo tout entier.
Maintenant, la question est comment Capcom, Mikami et Resident Evil vont-ils négocier la suite des opérations ?
INTERVIEW EXCLUSIVE DE KOJI ODA, CAMERA WORKER
Anakaris: Bonjour Koji Oda-san, vous avez travaillé sur la série Resident Evil, pouvez vous vous présenter un quelques mots ? Koji Oda: Je m’occupais du planning et des caméras sur Resident Evil en 1996, nous étions plusieurs. J’ai ensuite réalisé Resident Evil 0 puis je suis devenu producteur pour Capcom.
Anakaris: Les termes liés au cinéma comme ligne de fuite, cadrage ou encore plan fixe étaient donc votre lot quotidien dans votre travail sur Resident Evil ? Koji Oda: Oui, Mikami-san était passionné par le cinéma et plus particulièrement par le genre de l'horreur, du fantastique et de la science-fiction. Il voulait donner à son jeu un aspect cinématographique, c'est lui-même qui a expliqué et appris quelques notions de base à environ la moitié de l'équipe de production lorsque nous travaillons sur Resident Evil. L'équipe était très jeune pour la plupart, peu d'entre nous avions de l'expérience, pas même sur des technologies 2D, alors avec l'aspect cinématographique et 3D que Mikami-san voulait donner à Resident Evil, nous avions dut apprendre beaucoup de chose sur le tas.
Anakaris: Vous vous occupiez des placements de caméra sur Resident Evil, c'est ça ? Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre travail sur Resident Evil ? Koji Oda: Oui, c'est moi qui devait établir les placements de caméra pour faire les plans fixes des décors du jeu dans certaine partie du manoir. Mikami-san tenait absolument à ce que le joueur voit les décors du jeu et le personnage qu'il dirige de certaine façon afin d'augmenter l'angoisse car il voulait jouer sur la peur du joueur qui ne voit pas le danger qui le guette. Le détour d'un couloir peut être caché car la caméra est placé à tel ou tel endroit, Mikami-san voulait que les bruitages accompagnent ce que le joueur voyait à l'écran pour qu'il puisse se servir de tout ses sens et comprendre avec son ouïe ce qu'il ne pouvait pas voir avec ses yeux. La principale difficulté était que d'un plan fixe à un autre, la position de la caméra devait changer. Mais la liaison entre les deux écrans devait être cohérente pour ne pas désorienter le joueur, il fallait la plupart du temps une ligne de fuite claire pour que le joueur sache immédiatement où il devait se diriger et pour que son champ de vison soit dirigé facilement vers les éléments importants du décors. C'est pas si compliqué à faire quand le décors n'est qu'un couloir avec un départ et une fin. Mais quand il s'agit d'une grande pièce avec beaucoup d'élément décoratif et des angles de caméra différents, maintenir une cohérence dans le tout peut devenir compliqué. D'un plan fixe à un autre nous tenions à ne pas proposer strictement le même angle de vue au joueur. Sur un plan fixe la caméra devait donc se placer en vue plongeante, tandis que sur le plan fixe d'après elle devait venir face au joueur, par exemple.
Anakaris: C'est un peu comme le travail d'un storyboarder au cinéma, vous imaginez des positions de caméra afin de donner un angle de vue particulier au joueur/spectateur avant que tout cela ne soit modélisé par les graphistes. Koji Oda: On peut dire ça comme ça, il m'arrivait de gribouiller des semblants de décors avec une perspective un peu bizarre (rires) pour montrer mes idées plus clairement à l'équipe, Mikami-san validait et les graphistes s'occupaient de dessiner les décors 2D en plan fixe selon les documents que je leur fournissais.
Anakaris: Comment été Mikami-san au travail ? Koji Oda: Incroyablement exigeant, presque maniaque (rires), mais ça, je crois que c'est de notoriété publique. Il faisait attention à chaque détail et avait une collection entière d'idée avant tout le monde, il pensait à tout toujours très vite. Et même quand quelqu'un d'autre avait une idée avant lui, il trouvait toujours le moyen de rendre l'idée meilleure !
Anakaris: Vous rappelez-vous d'une anecdotes à ce sujet ? Koji Oda: Par exemple, à l'époque c'était Takeuchi-san qui était en charge des monstres du jeu. Je crois qu'il s'occupait de les concevoir et que parfois, il les modélisait sur ordinateurs également mais pas toujours. Mikami-san nous avait demandé d'imaginer des monstres différents des simples zombies, en s'inspirant des animaux et de la nature par exemple. Quand Takeuchi-san est arrivé avec son idée du Hunter, il était tellement content, il pensait avoir une bonne idée, et son idée était réellement bonne, mais selon Mikami-san il manquait quelque chose. Nous étions quelques personnes réunies dans un bureau lorsque Takeuchi-san discutait des monstres avec Mikami-san et ce dernier reprochait au Hunter de Takeuchi-san de ne pas être très différent des zombies. Il voulait bien sûr dire que d'un point de vue gameplay, il n'y avait presque aucune différence, les Hunter n'étaient pas plus forts ou plus dangereux. Mikami-san a trouvé une idée d'amélioration en quelques minutes. Il a dit à Takeuchi-san ''Et si tu lui ajoutais des griffes, des énormes griffes, il pourrait décapiter le joueur en un seul coup, par surprise !'', et le Hunter était soudainement devenu un monstre ultra dangereux et ultra effrayant, beaucoup plus que les simples zombies (rires).
Anakaris: Resident Evil 0 a malheureusement été parfois maltraité par les fan et la presse. Quel était votre but avec cette préquelle, pourquoi ce projet est-il né et pas un autre autour de Resident Evil ? Koji Oda: Notre but n’était pas de révolutionner la série. Mikami-san a commencé à demander à ses collaborateurs s’ils n’avaient pas des idées pour faire des jeux, Resident Evil ou pas, après la sortie du premier jeu. Au départ, rien n’était encore décidé mais Capcom voulait continuer les Resident Evil et les choses se sont tassées un moment pendant le développement de Resident Evil 2. Mais une fois que le jeu fut sorti, on s’est rendu compte que la série pouvait avoir un vrai avenir, alors plusieurs personnes ont eu des promotions (rires) (ND Anakaris : en effet, de simples programmeurs sur Resident Evil sont devenus réalisateurs et/ou producteurs sur Code Veronica ou plus tard Revelations, tandis que Hideki Kamiya devenait réalisateur de Devil May Cry. On peut dire que Resident Evil fut un véritable tremplin à la carrière de beaucoup de personnes). Notre but était surtout de travailler sur le personnage de Rebecca et de trouver le bon moyen de lier l’histoire de 0 à 1 en restant cohérent.
Merci pour cet article de qualité. Génial pour l'interview. Ce n'est pas tous jours qu'on en a une pour quelqu'un qui s'occupe d'une partie précise d'un jeu.
Du boulot de pro, c'est à qu'on voit la différence entre les articles mal écrits/mal traduits, balancés à l'arrache et du vrai travail de recherche et de rédaction, merci beaucoup !
squall294 je considère les angles de caméra fixe comme un des trucs principaux qui ont fait la renommé de Resident Evil old school, c'est de là que tout vient ou presque, la lourdeur des personnage, le sentiment de peur car on voit rien devant nous, le rythme, l'aspect labyrinthique des décors car on ne les voit jamais du même point de vue, etc. La principale très grosse révolution de la série viendra de l’abandon des caméras fixes, c'est pas un hasard. Donc je me suis dis que ce serait intéressant d'essayer d'avoir quelque mot d'un développeur ayant travaillé là-dessus plutôt que d'un scénariste ou autre truc plus classique
zmaragdus le patron des lieux, shanks, me paye convenablement en nature, oui
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maxff9zmaragdusgatdarkslynaturebiboyssquall294iglooo & les autres, j'ai essayé plusieurs petites nouveautés pour démarrer une nouvelle année sur Retro Gamekyo, notamment le design des encadrés "niveau bonus" avec une police d'écriture différente. J'aimais bien l'idée d'une police qui fait "naturelle", fluide, plutôt qu'une police trop carrée, trop mécanique comme du arial ou du franklin gothic.
Mais malheureusement, la police que j'ai choisi fait un peu empâtée et devient assez illisible selon certain retour que je reçois, d'autant qu'il y a beaucoup de texte. Il faudrait que je trouve le moyen d'aérer un peu le tout ou que je change de police d'écriture.
Est-ce que vous ressentez la même chose ou pas ?
Sachez juste que c'est un test et que j'essayerais de toute façon d'innover un peu au fur et à mesure pour trouver une nouvelle bonne formule
Anakaris Excellent test bien rédigé et tout rien à redire.
Je jouais pas à ce jeu à l'époque mais j'adorais regarder mon cousin y jouer dans la nuit avec les enceintes de la chaine Hi-Fi derrière le canapé....
anakaris perso ça m'a pas dérangé et j'ai un zoom plutôt éloigné. Soit t'augmentes la taille de la police utilisée, soit tu leurs prends rdv chez l'ophtalmo soit tu leurs conseilles de cliquer sur "Affichage/Zoom/Zoom avant" de leur navigateur
Très bon article, bon choix pour l'entretien (cf ton com' à squall294 ), bravo, tu nous régales.
anakaris Oui, c'est assez peu lisible. Dans mon cas, je les ai passé à ma première lecture. Je suis revenu dessus à la seconde lecture mais avec quelques difficultés pour les lire.
Excellent boulot, comme toujours. J'aime bien la nouvelle mise en page. J'aurais juste vu les titres de paragraphes en un peu moins gros. Ca manque peut etre aussi d'un peu d'aération pour les gros paragraphes mais ce n'est pas bien grave vu le boulot abattu.
L'interview en seconde partie Énorme. C'est exactement pour ce genre de chose que GK reste un site à part. Merci, ton implication et travail font vraiment plaisir à voir.
Pour les encadrés, c'est compliqué car de la presse papier à certains sites actuellement (genre Gamekult), ce style d'encadré sert pour de petites choses. Limite, c'est épongé en deux phrases.
Si y a beaucoup de choses à dire, mieux vaut miser sur des encadrés à la horizontale. ça permet d'aérer le reste de la page et t'es davantage libre dans le passage de ligne.
J'en profite qu'on soit à peu prêt tous réuni ici pour vous annoncer qu'il y aura un nouveau concours d'ici le mois de mars ou avril. ce sera pas un gros concours comme celui qui s'est déroulé en 2018, ce sera bien plus simple et bien plus court. Il vous suffira de participer à une petite épreuve que je vous décrirais plus tard. Tout le monde pourra y participer car ça vous prendra assez peu de temps et peu d'effort ! Condition sine qua non: savoir écrire le français
aiolia081 moi j'ai le souvenir d'un let's play de notre cher shincloud sur Director's Cut qui se fait victimiser par deux Hunter dans un sombre couloir souterrain
Pas en qualité je parle en nostalgie, je pense que le 1 est plus culte, a bordel la scène du plafond, le chien, l'intro, la first save room, la musique du Hall quand Wesker est introuvable etc
c'est méga culte mais le 2 aussi j'avoue mais le premier a un coté énigmatique que le 2 possède pas, mais autant j'aime autant les 2, c'est méga culte, l'interview est super classe au passage, dommage que c'était pas avec Mikami mais ce mec est un vrai ninja tout le contraire de Kojima
marchand2sable pour moi le premier est le certainement plus "fondateur", normal c'est le 1er après tout, mais personnellement mon culte concernant la période old school Playstation reste le 3
Pour interviewer Mikami c'est mort, je ne suis pas un professionnel après tout, je n'ai aucune légitimité, le gars ne me connait pas, s'il devait accorder un entretien à tous ses fan anonymes il n'en sortirait jamais t'imagine
Kojia Oda est tout de même le réalisateur de Resident Evil 0 et du récent Megaman 11, c'est lui aussi un grand bonhomme
Oui Oda déchire j'aime beaucoup son RE 0 qui est injustement boudé par la presse, et j'espère un RE 3 au RE Engine parce que j'ai fait 2H sur RE 2 Remake hier soir et c'est juste une tuerie le machin. Puis Jill vs Nemesis quoi
marchand2sable pareil j'ai fais quelques hier sur RE2 depuis jeudi, je sais pas pour toi mais étrangement Mr.X me déçoit, je le pensais plus énorme et plus impressionnant graphiquement. Peut-être que j'étais pas dans les bonnes conditions ... j'attends de finir de fond en comble le jeu pour me prononcer. Hormis ça il est très sympa et fidèle à l'opus d'origine
Pour moi simplement la référence du jeu d'horreur. Comme tu dis, il a bien vieilli, mais perso, je pourrais encore y jouer et m'éclater. D'ailleurs j'ai refait la version HD du remake de Gamecube sur ma PS4 il y a quelques années et j'ai autant aimé que la première fois.
GG pour l'article.
Merci en tout cas, c'était génial à lire !
zmaragdus le patron des lieux, shanks, me paye convenablement en nature, oui
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maxff9 zmaragdus gat darksly nature biboys squall294 iglooo & les autres, j'ai essayé plusieurs petites nouveautés pour démarrer une nouvelle année sur Retro Gamekyo, notamment le design des encadrés "niveau bonus" avec une police d'écriture différente. J'aimais bien l'idée d'une police qui fait "naturelle", fluide, plutôt qu'une police trop carrée, trop mécanique comme du arial ou du franklin gothic.
Mais malheureusement, la police que j'ai choisi fait un peu empâtée et devient assez illisible selon certain retour que je reçois, d'autant qu'il y a beaucoup de texte. Il faudrait que je trouve le moyen d'aérer un peu le tout ou que je change de police d'écriture.
Est-ce que vous ressentez la même chose ou pas ?
Sachez juste que c'est un test et que j'essayerais de toute façon d'innover un peu au fur et à mesure pour trouver une nouvelle bonne formule
Je jouais pas à ce jeu à l'époque mais j'adorais regarder mon cousin y jouer dans la nuit avec les enceintes de la chaine Hi-Fi derrière le canapé....
Très bon article, bon choix pour l'entretien (cf ton com' à squall294 ), bravo, tu nous régales.
L'interview en seconde partie
la police est correct.
Pour les encadrés, c'est compliqué car de la presse papier à certains sites actuellement (genre Gamekult), ce style d'encadré sert pour de petites choses. Limite, c'est épongé en deux phrases.
Si y a beaucoup de choses à dire, mieux vaut miser sur des encadrés à la horizontale. ça permet d'aérer le reste de la page et t'es davantage libre dans le passage de ligne.
J'en profite qu'on soit à peu prêt tous réuni ici pour vous annoncer qu'il y aura un nouveau concours d'ici le mois de mars ou avril. ce sera pas un gros concours comme celui qui s'est déroulé en 2018, ce sera bien plus simple et bien plus court. Il vous suffira de participer à une petite épreuve que je vous décrirais plus tard. Tout le monde pourra y participer car ça vous prendra assez peu de temps et peu d'effort ! Condition sine qua non: savoir écrire le français
À la clé, comme d'hab, un petit cadeau
Cool
"Condition sine qua non: savoir écrire le français" vu mes soucis en Français, j'ai perdu d'avance
Bravo
Sinon GG c'est toujours plaisant de lire tes articles rétro.
marchand2sable plus que le 2 ?
Pas en qualité je parle en nostalgie, je pense que le 1 est plus culte, a bordel la scène du plafond, le chien, l'intro, la first save room, la musique du Hall quand Wesker est introuvable etc
c'est méga culte mais le 2 aussi j'avoue mais le premier a un coté énigmatique que le 2 possède pas, mais autant j'aime autant les 2, c'est méga culte, l'interview est super classe au passage, dommage que c'était pas avec Mikami mais ce mec est un vrai ninja tout le contraire de Kojima
Le test également, du gros boulot bien fait
Pour interviewer Mikami c'est mort, je ne suis pas un professionnel après tout, je n'ai aucune légitimité, le gars ne me connait pas, s'il devait accorder un entretien à tous ses fan anonymes il n'en sortirait jamais t'imagine
Kojia Oda est tout de même le réalisateur de Resident Evil 0 et du récent Megaman 11, c'est lui aussi un grand bonhomme
On en rigole mais bon, j'aime bien ses let's play, c'est divertissant au moins
Sinon désolé mais RE c'est pas ma tasse de thé mais retro test forte intéressante à lire.
Oui Oda déchire j'aime beaucoup son RE 0 qui est injustement boudé par la presse, et j'espère un RE 3 au RE Engine parce que j'ai fait 2H sur RE 2 Remake hier soir et c'est juste une tuerie le machin. Puis Jill vs Nemesis quoi
---SPOIL début RE 2---
j'ai stop au premier boss avec Leon (j'aime pas finir mes jeux trop vite), donc toujours pas fait Mr.X, j'ai hâte de le voir ce soir quand même
FIN DU SPOIL