Début juillet,
l’affaire Ubisoft avait déjà pris une tournure inattendue.
Quelques jours seulement après la condamnation de trois anciens cadres pour harcèlement moral et sexuel, une nouvelle procédure judiciaire était engagée contre Yves Guillemot, PDG et cofondateur du groupe, aux côtés de l’ex-DRH Marie Derain et d’Ubisoft en tant que personne morale. À l’époque, il s’agissait d’une citation directe déposée par
Maude Beckers, avocate des parties civiles. Une initiative qui marquait la volonté de viser cette fois la direction, mais qui restait encore au stade procédural.
La différence, aujourd’hui, est majeure : la convocation est désormais officielle. Le tribunal correctionnel de Bobigny a fixé l’audience au 1er octobre 2025. On ne parle plus d’une hypothèse ou d’une procédure en attente, mais d’un procès inscrit au calendrier. Pour la première fois,
la direction d’Ubisoft sera sommée de répondre directement aux accusations.
Cette convocation vient combler le vide qui avait marqué le procès de juin.
Les trois anciens cadres avaient été condamnés à des peines de prison avec sursis, mais Ubisoft en tant qu’entreprise, Yves Guillemot et la DRH, pourtant régulièrement cités, étaient restés hors du box. L’impression dominante avait alors été celle d’un procès inachevé :
sanctionner des individus, mais laisser le système intact.
L’accusation vise précisément ce décalage. Elle reproche à la direction d’avoir maintenu en poste, en connaissance de cause, des cadres signalés à plusieurs reprises pour des comportements abusifs. Une inaction devenue, selon les parties civiles, une complicité par inertie.
En d’autres termes : ce ne sont plus seulement les abus qui sont jugés, mais le choix de les couvrir ou de les ignorer.
Ubisoft, de son côté, a confirmé la convocation auprès de ses salariés dans un mail interne, tout en réaffirmant sa volonté de “coopérer pleinement avec la justice”. Une communication déjà entendue depuis 2020, et qui contraste avec les témoignages recueillis lors du premier procès, où l’omerta RH et le silence hiérarchique avaient été décrits comme systématiques.
Le 1er octobre sera donc un moment clé. Non plus le procès de comportements individuels, mais celui d’une gouvernance. Et la question centrale, celle que la justice posera cette fois au plus haut niveau, reste inchangée :
comment prétendre ignorer ce que toute l’entreprise murmurait ?