Cet article est notamment une retranscription de l'analyse de Rob Fahey pour GamesIndustry.biz
En 2022,
Sony mettait 3,6 milliards de dollars sur la table pour acquérir Bungie, studio connu pour être historiquement le créateur de la franchise
Halo du côté de chez
Microsoft, mais plus récemment de
Destiny, et posait ainsi les bases d’un virage stratégique ambitieux :
faire du jeu service un nouveau pilier de sa division PlayStation. Mais trois ans plus tard, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Dans une analyse fouillée publiée sur GamesIndustry.biz,
Rob Fahey revient sur les promesses initiales, les résultats contrastés, et les signaux préoccupants d’une stratégie qui semble aujourd’hui piégée dans sa propre logique.
Le raisonnement de départ paraissait cohérent : les blockbusters solos sont chers à produire, les ventes sont concentrées sur quelques semaines, et la croissance sur console plafonne depuis la PS2. Pour franchir un nouveau cap,
Sony voulait s’inspirer du modèle Fortnite, avec des titres capables de générer des revenus récurrents sur plusieurs années.
L’achat de Bungie devait servir de catalyseur, en apportant à la fois du savoir faire, des outils et une méthodologie à répliquer au sein des autres studios PlayStation.
Mais la réalité est tout autre.
Bungie a surtout accumulé les déboires :
résultats inégaux sur Destiny 2, ambiance interne décrite comme toxique, licenciements massifs… Loin d’inspirer les autres équipes, le studio est devenu un problème à gérer pour
Sony. Et malgré ces difficultés,
le groupe ne semble pas vouloir freiner.
Pour
Rob Fahey, la clé de lecture se trouve ailleurs :
Sony aurait intégré une logique de “venture capital” à sa stratégie jeux service. En clair,
accepter l’échec massif de la majorité des projets, en misant tout sur la réussite d’un seul, capable à lui seul de justifier l’investissement global. C’est une vision typique du monde des startups tech, où l’on finance 50 entreprises en sachant que 49 disparaîtront, mais que la 50ème remboursera tout avec un retour x100.
Le problème,
c’est que cette logique ne colle pas à un écosystème comme celui de PlayStation.
« Un fonds d’investissement peut se permettre de lancer des projets ratés en silence. Sony, non. Chaque échec est visible. Chaque projet annulé ou mal reçu laisse une trace. »
Et justement, les signaux ne sont pas bons.
Concord, l’un des rares jeux-service à avoir vu le jour, a été retiré de la vente rapidement.
Le calendrier initial de douze jeux service prévu d’ici 2026 a été réduit à six, et même ce chiffre semble optimiste au vu de l’état actuel des projets. Certes,
Helldivers 2 a su trouver son public, mais il apparaît aujourd’hui comme l’exception, pas la norme.
Pour
Rob Fahey, le danger n’est pas uniquement financier. Il est symbolique.
Sony s’est bâti une image de marque solide, basée
sur des expériences solo qualitatives, des récits forts, des productions soignées. En multipliant les projets live service moyens, mal reçus ou rapidement abandonnés, c’est cette réputation là qui est en jeu.
« L’argent est la monnaie la plus facile à risquer. La vraie valeur, c’est la confiance des joueurs, et une fois qu’elle est érodée, elle est très difficile à regagner. »
Sony semble pour l’instant continuer d’y croire.
Le lancement récent du studio teamLFG, entièrement dédié au jeu-service, montre que l’orientation stratégique est toujours en place, malgré les revers. Mais à force de parier sur un modèle aussi instable, le groupe pourrait finir par y perdre ce qui faisait jusque-là sa force :
une ligne éditoriale lisible, cohérente et respectée.