Tout commence avec le roman de Bram Stoker en 1897, Dracula. Oscar Wilde dira de lui qu'il s'agit peut-être du plus beau roman de tous les temps. C'est en tout cas l’œuvre qui a donné, presque à lui seul naissance à la notion de pop culture. Créant un imaginaire et un personnage fantasmagorique dont il est possible de reprendre le mythe pour l'adapter aux influences de l'époque et du genre souhaité. Le mythe du vampire n'est pourtant pas abordé pour la toute première fois par Stoker. D'autres œuvres antérieures sont référencées comme Carmilla de Sheridan Le Fanu en 1872 ou The Vampyre de John Polidori en 1819. Mais c'est Stoker qui établi les codes du vampire moderne (la morsure au cou afin de rajeunir, les pouvoirs surnaturels tels que l'hypnotisme ou la télépathie...). C'est également lui qui dote son personnage d'un charisme et d'une élégance sans commune mesure. Ceci rendra le Dracula tel que Bram Stoker le voyait propice au développement de sa légende, notamment grâce à un média naissant au début des années 1900 : le cinéma.
Le mythe du vampire, bien au-delà de ce que Stoker en a fait, trouve écho dans une infinité de culture. De l'Afrique à l'Europe, en passant par les Amériques et l'Asie, énormément de peuple ont une croyance plus ou moins reliée au mythe originel du vampire. Cela regroupe plusieurs notions communes : une créature maléfique buvant le sang de ses victimes, revenant d'entre les morts pour hanter les vivants, plus ou moins séducteur et capable de contrôler l'esprit des jeunes femmes selon les récits, capable de se changer en créature volante parfois à plumage ou à écailles... C'est un des mythes fondateurs de l'imaginaire collectif de l'Humanité. Rien d'étonnant à ce que le vampire se retrouve propulsé au rang de cible à abattre dans un jeu vidéo, presque cent années après la publication du roman de Bram Stoker.
À l'époque, un tel univers était encore relativement inédit dans le microcosme du jeu vidéo. Nous étions plus habitué au jeu d'action militaire où, armé d'un pétoire, il nous fallait dézinguer la bande de mercenaires adverse. Les shoot themp up de science-fiction où on livrait une lutte féroce contre des extra-terrestres dans l'espace ou à la surface de planète étrangère étaient également commun en 1986. L'univers inédit, fort en symbole et disposant d'une réelle personnalité est un des gros points forts de Castlevania (contraction de Castle of Transylvania). L'histoire se déroule en 1691, une famille livre un combat sans merci depuis des générations déjà, celle des Belmont (Belmondo au Japon, en hommage à l'acteur français Jean-Paul Belmondo). Ils luttent contre Dracula, le prince des ténèbres, qui revient sans cesse pour mener ses armées de créatures démoniaques sur Terre. Cette fois-ci, c'est au tour de Simon de se présenter aux portes du château de Dracula, et une chose est sûre, le périple ne sera pas de tout repos tant le domaine du vampire le plus coriace de l'Histoire est surprenant et dangereux.
Castlevania se présente comme un jeu d'action 2D. Simon dispose d'un outil remarquable pour lutter contre les squelettes, momies et autres chauve-souris qui peuplent le domaine de Dracula : un fouet. Relique familiale nommée Vampire Killer, il peut être upgradable et multiplier sa taille par deux pour plus de portée. Comme dit plus haut, déjà en 1986 il fallait trouver un moyen de se différencier. Outre le contexte vampirique, Castlevania met à disposition du joueur un arsenal assez inédit composé du fouet, véritable symbole indémodable des jeux de Konami, mais aussi une kyrielle d'armes secondaires. Dagues qui balayent l'écran, haches qui exécutent une parabole dans les airs avant de retomber lourdement, eau bénite qui brule le sol, montre magique qui fige les ennemis pendant un court laps de temps... Mais ce n'est pas tout. Le fouet sert aussi à ruiner le mobilier de Dracula, notamment les candélabres, autre symbole visuel de la série et les murs fait de matière friables. Se faisant, on découvre de nombreux bonus comme les cœurs qui, contrairement aux autres jeux ne sont pas là pour remplir une jauge de santé mais pour vous permettre d'utiliser les armes secondaires (chaque dague lancée par exemple coûte un cœur, vous pouvez en cumuler 99 à la fois, ce qui ajoute une difficulté car il vous faudra faire un bon stock avant de rencontrer les boss et ne pas mourir entre temps sous peine de voir ses réserves s'envoler au pire moment). Les rôtis, eux, serviront à restaurer votre vie, les potions d'invisibilité vous rendront invulnérable pendant quelques secondes et les crucifix revêtent le même rôle que les smartbomb d'un shoot them up : réduire à néant l'intégralité des monstres présents à l'écran.
Acquérir la maitrise parfaite des armes et bien connaître leur comportement (trajectoire de lancé, dégât, efficacité plus ou moins élevée sur certain monstres...) est essentiel. Car le jeu est dur, les boss impitoyables et les ennemis nombreux. Mais le jeu est juste, il est exigeant mais sait récompenser ceux qui font l'effort de l'apprivoiser. De plus, il met beaucoup de chose du côté du joueur pour lui permettre d'affronter l'armée des ténèbres de la meilleure des manières. La rigidité des contrôles est compensée par une précision technique évidente, je m'explique.
Simon a un manche à balais dans le fondement. Pire, c'est lui-même, le manche à balais. Il saute avec la souplesse d'une rhinocéros enceinte et il nous est impossible de modifier la direction de son saut une fois celui-ci effectué. Il faut attendre qu'il atterrisse, peu importe où, pour pouvoir changer de direction et esquiver les ennemis, souvent dans la plus grande des urgences. Il faut dés lors calculer précisément là où on veut sauter pour ne pas être surpris. De plus, si les monstres vous touche, Simon a tendance à subir un petit recul qui peut le faire plonger dans une fosse pleine de pics mortels. L'attaque au fouet à un infime temps de latence auquel il faut s'habituer. Mais en échange, les hitbox sont programmées avec finesse et vous n'aurez presque jamais la sensation que le jeu vous a vaincu de manière injuste. Contrairement à certains passages très frustrants de Battletoads testé précédemment.
La progression linéaire n'est ici pas un défaut, elle fait parti des fondations de la saga. On débute dans les jardins pour pénétrer dans le manoir. On y explore une partie avant d'être contraint de descendre dans les douves et de remonter par le laboratoire pour enfin débarquer dans le donjon au sommet duquel se trouve l'infâme Dracula. Si cette première version du château de Dracula ne dissimule aucune salle secrète ou niveau caché, le level design tant par sa construction que par son identité visuelle est très vite devenue culte. À l'instar d'un Ghost'n Goblins qui dans un certain sens a inspiré Castlevania (il semblerait que dans les années 80, Capcom et Konami était en rivalité et se répondait beaucoup par jeu interposé), la progression par la défaite et l'apprentissage est possible. Le die & retry est peut-être sensiblement moins primordial dans Castlevania, mais nul doute que le challenge est attrayant et demeure dans le fond très bien dosé.
Graphiquement, Castlevania peut être la source de quelques petits débats. Selon moi, il est joli, surtout pour un jeu de 1986 sur une NES déjà à mi-parcours, mais pour d'autre, il n'est pas plus exceptionnel que cela. Les animations sont simplistes, rendant le personnage trop rigide (et handicapant un peu le gameplay) et parfois, des clignotements surviennent. Peu visible sauf pour un œil averti, ils se produisent surtout lorsqu'il y a beaucoup d'ennemis à l'écran. Mais c'est en terme d'imagerie que le jeu fascine et plait. Comme dit plus haut, l'univers vampirique est assez inédit pour l'époque, l'inspiration gothique (même si en 1691, année où se déroule le jeu, le gothique est légèrement anachronique, laissant sa place au premier mouvement de la Renaissance) nourrit un aspect visuel riche. Le jeu joue énormément sur les ombres, avec des pixel en fond de décors tout de noir vêtus qui suggèrent la présence immuable et menaçante du château de Dracula.
Les vitraux semblables à ceux d'une sombre église une nuit d'orage ; les lourdes grilles d'acier à pointe clôturant le domaine du vampire ; les larges fenêtres du hall du manoir couvert d'un rideau rouge sang qu'on devine fastueux des siècles auparavant, avant que le temps ne les réduisent inévitablement en tissu moisi et écorché ; les frises sculptées à même la pierre ancestrale des colonnes croisées dans les jardins ; les braseros illuminant faiblement la nuit inquiétante entourant le brave Simon... Tous ces détails de level design contribue à donner force et vie à Castlevania.
Certain joueurs se sont plaint du côté ''sale'' des graphismes. Mais au contraire, la crasse sur les murs, la rouille sur les éléments métalliques, les lierres parasites sur la pierre, les chaines entravant des cadavres squelettiques dans les cachots, les intérieurs délabrés et autant d'autres détails donnent un cachet inimitable au soft. Ils décrivent un château de Dracula à l'abandon où même le décors, indépendamment des monstres pullulant, veut votre mort. L'animation perfectible et la modélisation de certain sprite assez moyenne sont dés lors rattrapées par une somme de détail, notamment située dans les décors tout à fait impressionnant. S'inspirant tout azimut de l'imaginaire fantastique et horrifique de ces cent dernières années, Castlevania se part en sus d'un bestiaire très vaste. Des sempiternelles chauve-souris de taille plus ou moins imposantes, aux homme-poissons hantant les douves, autres chevaliers noirs en armure, jusqu'à la Mort elle-même assujettit aux immenses pouvoirs de Dracula, Castlevania nous mène de surprise en surprise. Ce premier jeu d'une série aujourd'hui si culte qu'elle en est devenu immortelle, un peu comme Dracula himself, pose des bases solides pour la suite. Peu importe par quel aspect on l'aborde, Castlevania s'échine à être unique en son genre. Gameplay, arsenal d'outil de combat, graphisme, ambiance... le jeu de Konami fait montre d'une créativité singulière et c'est ce pourquoi le jeu intrigue toujours autant.
On l'a dit, Castlevania s'inspire beaucoup de l'imaginaire horrifique du siècle dernier. Certaines créatures semble même être reprises des films du genre (les hommes-poisons de L’Étrange Créature du Lac Noir, 1954), le second boss du jeu, une tête de Méduse géante renvoi directement à La Gorgone de 1964. La conception visuelle de la Mort provient vraisemblablement du film Le Septième Sceau de 1957, avec le charismatique Bengt Ekerot en grande faucheuse. Tandis que la créature de Frankenstein et le fossoyeur Igor rappellent évidemment le Prométhée Moderne (roman du même genre que le Dracula de Bram Stoker, écrit en 1818 par Mary Shelley) et plus encore, le très célèbre film de 1931 avec Boris Karloff. Ce même film ayant bénéficié d'innombrable suite dont sept d'entre elles virent Christopher Lee incarner la créature et Peter Cushing (le Grand Moff Tarkin dans Star Wars Episode IV) le docteur fou. Christopher Lee fut bien entendu reconnu pour son rôle de Dracula au studio britannique Hammer, rôle qu'il reprendra une dizaine de fois, marquant de sa patte unique la légende du cinéma et faisant de lui au côté de Dark Vador l'un des plus emblématiques méchants de l'histoire de l'imaginaire.
Et l'équipe de développement, encore aujourd'hui auréolée de mystère tant la plupart de ses membres voulaient se faire anonymes (chose assez courante dans le milieux du jeu vidéo à l'époque), a pousser le vice encore plus loin. Allant jusqu'à prendre des pseudo pour écrire le générique, devinez de quoi ils se sont inspiré... des films d'horreur, dans le mille ! Ainsi, le romancier Bram Stoker devient Vram Stoker. Le réalisateur Terence Fisher (Frankenstein s'est échappé, Le cauchemar de Dracula, Le Chien des Baskerville...) devient Trans Fishers. Christopher Lee se change en Christopher Bee. Béla Lugosi ayant incarné Dracula dans le film de 1931 est Belo Lugosi. Boris Karloff mute en Boris Karloffice. La reine des Gorgones Barbara Shelley est quant à elle Barber Sherry. John Carradine, autre Dracula dans le film La Maison de Frankenstein (1944) se voit être finalement Jone Candies...
Si visuellement, la série Castlevania a toujours sut tirer son épingle du jeu grâce à une puissante identité et un charisme certain (la touche gothique si caractéristique et les magnifiques artwork de Ayami Kojima à partir de Symphony of the Night ne sont que le perfectionnement d'une patte artistique déjà présente en 1986), on est en droit de se demander s'il en est de même pour la partie sonore. Et comme bon nombre de grands jeux d'époque sorti sur des hardware aussi limités que celui de la NES, on ne peut pas dire des musiques de Castlevania qu'elles soient particulièrement belles. Surtout pas trente ans plus tard. Mais une chose est sûre, c'est qu'à l'instar des Final Fantasy, Megaman, Super Mario Bros., Metroid et autres The Legend of Zelda, les responsables du sound design de chez Konami ont sut contourner les limitations techniques du matériel à gros coup d'ingéniosité. Il n'est pas rare qu'en 1986, un compositeur de musique de jeu vidéo soit premièrement un programmeur et un sound designer au sens large du terme avant de se mettre à imaginer quelques jolies mélodies. Aussi, la musique de Castlevania se devait de jouer l'efficacité immédiate.
Une sensibilité artistique toute féminine a fait de la bande-son de Castlevania ce qu'elle est. En effet, de l'équipe de développement d'origine, deux des rares noms qu'on a eu la chance de voir ressortir sont ceux de deux jeunes femmes très talentueuses : Satoe Terashima et Kunyo Yamashita. Esprits jeunes et audacieux, les deux compositrices choisissent la voix du rock pour les rythmes et du baroque pour les sonorités. L'emprunte de Jean-Sébastien Bach, génie du baroque ayant vécu au XVIIIème siècle et auteur du cultissime Toccata et Fugue BWV 565 (dite ''en ré mineur'') est plus que palpable. Un Castlevania ultérieur, sous-titré The Adventure et qui sortira sur Gameboy en 1989 reprendra d'ailleurs la Fantaisie Chromatique du même compositeur allemand. En dépit de son cheaptune obsolète, le thème mythique Vampire Killer de Terashima marque l'identité sonore à lui seul de toute la saga. Par la suite, la série saura se renouveler à partir de la même base pour accentuer son côté rock orchestral (Curse of Darkness sur PS2 et XBOX, 2005), proposer des thèmes d'ambiance à instruments synthétiques et tribaux (Super Castlevania IV sur SNES, 1991), voir même dynamiter son action par des consonances techno (Vampire's Kiss sur SNES, 1995).
Castlevania premier du nom pose des bases solides, et même si depuis bon nombres d'opus l'ont surpassé dans chaque compartiment de jeu, on ne peut lui enlever le fait qu'il fut un précurseur à l'aura surpuissante. Parmi les meilleurs jeux d'action/plate-forme 2D des années 80, véritable socle créatif déjà riche en codes et en background, il a une importance inestimable sur la croissance de la série toute entière. On a tendance à penser que le producteur légendaire de la série Kôji Igarashi, arrivé dans l'aventure en 1997 avec Symphony of the Night, est à l'origine de tout ce qui se fait de bien dans Castlevania, mais force est de constater que non. Castlevania faisait d'ors et déjà parti de la légende.
Paradoxalement, Castlevania n'aura jamais fait parti des poids lourds commerciaux de l'industrie. Son image est celle de l'excellence, de l'exigence, de la créativité, du lyrisme, de la classe, du raffinement artistique (visuellement et musicalement), mais aussi parfois de l'exotisme (au Japon surtout, ils sont très friands de la culture médiévale européenne). Et pourtant, loin du succès impressionnant d'un Metal Gear Solid du même éditeur, Castlevania n'aura jamais franchi le cap significatif du million de vente, peu importe la console sur laquelle la série se sera installée. On peut expliquer ceci par le fait que la majorité des opus de la saga soit des jeux 2D, incrustant ainsi en elle le sceau du retrogaming quand bien même une bonne 2D peut tout à fait être synonyme de modernité même en 2017. Mais même les épisodes 3D, tentant de profiter du regain d'intérêt du public pour le beat them all entreprit par le Devil May Cry de Capcom n'ont pas sut changer la donne. Il aura fallu attendre le dépoussiérage et l'émancipation des codes indéfectibles de la série avec Lord of Shadow, réinvention du mythe (comme Castlevania le faisait déjà avec Dracula, Frankenstein & co en 1986 ! ) pour que Castlevania entre enfin dans la cour des grands !
Surprenamment changeante, Castlevania a mainte fois évolué même si la série a sut garder une identité forte et cohérente au fil des décennies. Si une vue d'ensemble peut nous montrer des jeux très identiques, des tests plus approfondis prouveront que Castlevania est riche en secret et a sut proposer moult innovations dans sa recette pour garantir cette qualité constante.
Retro Gamekyo reviendra sur Castlevania dans le futur, cela ne fait aucun doute !
En 1984 né un phénomène de la pop culture qui, il faut l'avouer, a pris beaucoup de monde par surprise. Dans le domaine des comics américains, il y avait déjà une plâtrée de superstar. Spider-Man, les X-Men, Batman et Superman, et tous les autres. Difficile de se faire un nom là-dedans. La nouvelle mode de la bande-dessinée vient des manga japonais et de leurs fiers étendards tels que Dragon Ball, Saint Seiya, Captain Tsubasa, City Hunter, Hokuto no Ken, Cobra... et pourtant, deux auteurs pas franchement destinés à devenir créateurs d'une des franchises multimédia les plus juteuses des prochaines années ont réussis à redynamiser le genre (ou du moins, à y contribuer, avec plusieurs autres auteurs réinventant les personnages sus-cités pour les moderniser) : Peter Laird et Kevin Eastman. Les Tortues Ninja débarquent dans nos librairies. Les premiers numéros sont très loin de ce que nous connaissons et se destinent clairement à un public d’adulte. Il faut dire que les tortues et leur maître n’hésitent pas à découper leurs adversaires en rondelles et que le tout est assez sanglant. Les héros n'en sont pas vraiment et préfèrent allègrement régler leurs comptes en massacrant le moindre adversaire du clan des Foot. Leur apparence horrifique est parfois mis en avant pour questionner leur psychologie torturée (tortue, torturée, vous l'avez?) et leurs actions parfois alambiquées. Mais la série évoluera plus tard vers un audimat plus jeune. C'est une véritable explosion populaire aux USA, la licence devient vite très appréciée et de nombreux projets multimédias voient le jour, à commencer bien entendu par les principaux en ce temps : jouets, série animée et films.
La folie Tortues Ninja dure environ jusqu'au milieux des années 90. Quand bien même la venue de la trilogie de film produit par New Line Cinema et la série TV de 1997 fait perdre sérieusement son souffle à la création de Laird et Eastman. Mais dans le courant des années 1990-1991, les quatre chevaliers d'écailles font encore trembler les comptes en banque de beaucoup de parents assommés par leurs bambins des aventures de Donatello, Michelangelo, Leonardo et Raphaël. Un jeu sur NES, légendaire de difficulté fut même produit par les non moins légendaires Konami. Si un cador du domaine vidéoludique a fait l'effort d'obtenir les droits pour en faire un jeu, c'est qu'on imagine la manne financière potentielle que la licence peut représenter. Il n'en faut pas plus pour donner l'inspiration à Rare, officiant déjà depuis longtemps sur NES et généreux créateur de licences inédites à l'époque.
Et une chose est sûre, c'est que Battletoads - outre le fait qu'il soit manifestement très inspiré des Tortues Ninja - m'a filé des cheveux blancs... (à Shanks aussi, enfin oui et non, puisqu'il n'en a déjà plus beaucoup de toute façon …). Après avoir testé les deux premiers Dragon Quest pour en faire des articles aussi complets et précis que possible ; après avoir taillé bavette avec sir Arthur dans son affreuse épopée Ghosts'n Goblins ; après avoir exterminé la menace extra-terrestre dans un R-Type à la hitbox millimétrée ; après avoir fait pleurer le diable dans un Devil May Cry dopé au mode Dante Must Die coriace à en mourir... je pensais être bien rodé. Et pourtant, Battletoads a puni mon insolence et mon outrecuidance juvénile. Battletoads m'a mis la fessée comme rarement.
Rash, Zitz, Pimple, alias les trois Battletoads (des crapauds mutants experts en baston, donc) et leur mentor intellectuel, le professeur T.Bird sont en mission d'escorte de la princesse Angelica, désireuse de retrouver sa planète. Mais c'est sans compter la Reine Noire qui attaque nos valeureux guerriers. Elle capture Pimple et Angelica mais ces derniers parviennent à envoyer in extremis un signal de détresse. T.Bird, Zitz et Rash comprennent alors que leur frère et amie sont retenus prisonniers sur la planète Ragnarok, non loin de leur position. Il n'en faut pas plus pour justifier une ribambelle de douze niveaux d'une variété extrême (pour l'époque et le genre). Mais gare à eux, car l'armée de porcs mutants cybernétiques et de rats géants aussi vicieux que nombreux donneront du fil à retordre à Zitz et Rash, aussi gros soient leurs biceps ! Outre les niveaux de castagne classique, c'est au travers d'épreuves délirantes mais ô combien retorses que les deux compères vont devoir se frotter : virée de motojet, glissade sur la banquise, séquence de surf intergalactique... Les niveaux rivalisant de curiosité autant que de difficulté offrent un contenu riche en surprise à Battletoads et contribuent à rendre le jeu unique. Rare montre qu'ils ont le goûts des héros loufoques et des scénarios déjantés, choses qu'ils confirmeront plus tard avec des jeux comme Banjo-Kazooie ou Conker's Bad Fur Day, tout deux sur Nintendo 64.
Ce déluge d'excentricité est un prétexte pour donner au soft des phases de jeu variées. Battletoads est un beat them all dans la plus pure veine de Double Dragon, régulièrement entrecoupé de niveaux bonus (ou pas) au concept plus original. L'éventail de coup dont disposent les crapauds mutants n'est pas digne d'un Streets of Rage sorti la même année, mais dès le premier niveau, le jeu propose trois phases plus ou moins distinctes. Le combat à mains nues, suivi du combat armé d'une barre en fer et enfin une séance à dos de créature volante pour conclure le niveau. Le premier niveau sert d'amuse-bouche, probablement dans le but d'habituer le joueur aux commandes et le familiariser avec les hitbox. Les ennemis s'enchainent sans nous submerger et leurs déplacements sont relativement lents, ce qui nous donne l'occasion d'envoyer un ou deux super coups dans leurs gencives.
Ici, pas d'avalanche d'effets lumineux ou d'explosions tonitruantes, mais quelque chose qui quelque part colle infiniment mieux aux racines très comics US dont se revendique Battletoads. En effet, à chaque fin de combo, tels de véritables personnages de cartoon sur lesquelles les lois de la physique et de la logique n'auraient aucune influence, Zitz et Rash voient leurs pieds ou leurs poings devenir gigantesques pour tabasser de façon éclatante le vilain d'en face. Accompagnée d'un bruitage percutant, c'est un plaisir de voir la botte d'un des crapauds de combat devenir XXL pour pulvériser les fesses des méchants. Et quand ce n'est pas avec leurs pieds ou leurs poings, c'est carrément avec des cornes de bouc enragé qui leur poussent subitement sur le front que les Battletoads défoncent tout sur leur passage, jouissif !
Le soft est un des plus sophistiqués de la NES. En 1991, la console de Nintendo est largement en fin de vie, d'aucun dirait qu'elle avait atteint ses limites bien avant. Jamais elle n'aura eu la primeur d’accueillir autant de jeux magnifiques qu'en fin de vie, aux alentours de 1989-1990-1991. Aussi, bon nombre d'animation sont à mettre au crédit du jeu de Rare. Toujours dans cet esprit cartoon/comics US, voir Zitz ou Rash effrayés et avoir les yeux écarquillés de surprise à l'approche d'un gros boss a de quoi faire sourire (avant de pleurer face à la purge de difficulté que représentent certains boss). Par exemple, dans le niveau final, The Revolution, l'ascension d'une colonne autour de laquelle on s'échine à progresser donne un effet de perspective particulièrement bien rendu. Exempt de ralentissements parasites, Battletoads sait où se trouvent ses limites, si bien qu'il n'affiche pas plus de quelques sprites en mouvements à la fois. Cela reste compensé par un gain de faciliter non négligeable et par une animation toujours de qualité. Globalement, les décors se font variés et c'est surtout les différentes techniques de scrolling (vertical, horizontal, à vitesse variable, parfois partiellement séquentielle...) qui font de Battletoads une prouesse complète. Les hitbox sont suffisamment affinées (hormis pendant les phases de plate-forme, nous y reviendrons) pour faire montre d'un soucis du détail évident. Le jeu de couleurs psychédéliques donne une identité aux soft. Entre loufoquerie funk, comics US, space-opera déjanté et frénésie d'action, Battletoads met un sacré uppercut !
Cette surenchère visuelle ne saurait que trop contrebalancer une difficulté diabolique, atrocement frustrante et violente avec le joueur. Car vous n'êtes pas sans savoir que Battletoads est devenu une légende sur Internet en terme de difficulté. Pour mieux se rendre compte du défi que le jeu nous réserve, prenons le temps de découvrir chaque niveaux.
Niveau 1 : Ragnarok Canyon
C'est probablement le niveau le plus simple du jeu, et ce le sera aussi dans le remake Battletoads in Battlemaniacs sur Super Nintendo. Niveau de beat them all pur, il bénéficie aussi d'une des musiques de l'OST parmi les meilleures (et certainement aussi une de celles qui reste le plus en tête étant donné que beaucoup de joueurs n'ont pas sut à l'époque dépasser les premiers level). Comme dit plus haut, il se sépare en trois phases où vous devrez combattre à mains nues, avec une barre d'acier puis à dos de créature volante avant d'atteindre le boss. Ce dernier s'affronte de façon très originale puisque c'est du point de vue de ce dernier que vous devrez vous déplacer, comme si vous voyez à travers le cockpit de la machine géante qui vous attaque. Encore aujourd'hui, cet affrontement en vue FPS reste unique dans les beat them all.
Niveau 2 : Wookie Hole
Le trou d'un Wookie (Chewbacca, l'espèce de grand singe poilu et grognon qu'on voit dans Star Wars, okay, vous y êtes?), voilà en gros ce que nous propose de visiter Battletoads. Ce niveau n'est pas très compliqué, à l'instar du premier, mais son concept change de façon surprenante. Le scrolling se fait à la verticale désormais, suspendu à un filin, le crapaud de combat doit esquiver les pièges de ce canal qui descend au centre de la planète. Il est possible de dénicher un petit paquet de vie bonus et c'est réellement ce que vous devrez faire en prévision de la suite...
Niveau 3 : Turbo Tunnel
Voici que le jeu se corse brutalement. Il s'agit certainement du premier niveau qui en a découragé plus d'un à l'époque de la sortie du jeu, si bien que peu de joueurs ont sut le franchir. Et pourtant, nous en sommes qu'au quart de l'aventure ! Si la première partie du stage est une phase de beat'em all classique, il se compose majoritairement d'une grande phase en moto supersonique assez délicate. La moto peut bondir, ce qui ne sera pas de trop pour esquiver les murets qui se dressent devant vous parfois au dernier moment. En outre, il faudra emprunter des tremplins pour sauter au-dessus de gouffres mortels. Le dernier tier du niveau augmente la vitesse du scrolling qui était déjà conséquente jusqu'à un degrés de difficulté dingue. Il vous faudra apprendre le parcours quasiment par cœur pour réagir, souvent au pixel près afin d'esquiver les obstacles qui s'enchainent !
Niveau 4 : Arctic Caverns
Un petit niveau de beat them all là encore un peu particuliers mais en soi pas très difficile, il permet de souffler un peu du moment que vous prenez votre temps. Il suffit de savoir gérer l'inertie particulière de votre personnage puisque celui-ci glisse comme sur une banquise. Une bonne dose de plate-forme s'invite donc dans la recette Battletoads. Par ailleurs, un bien joli niveau avec ses teintes bleutées agréables à l’œil.
Niveau 5 : Surf City
Même principe que pour le niveau 3, à ceci près que la motojet est remplacée par un hoverboard façon Retour vers le Futur (ou Silver Surfer pour rester dans les références comics US). Mais en toute honnêteté, ce niveau reste bien plus abordable que le troisième, la vitesse du scrolling n’accélère pas de façon brutale et l'alignement d'obstacle est bien moins vicieux que précédemment. Deux niveaux somme toute assez reposant pour vos nerfs, mais Battletoads n'en a pas terminé avec vous …
Niveau 6 : Karanth's Lair
Voici un des deux niveaux qui m'ont réellement fait m'arracher les cheveux par touffe entière. Si les joueurs les plus adroits ont sut franchir le niveau 3, c'est face à celui-ci que, bien souvent, ils se sont fracassé le nez. Rappelant le fameux jeu Snake (créé vraisemblablement en 1976 mais devenu ultra populaire à partir de 1998 lorsque Nokia l'a intégré sur ses téléphones mobiles), il nous faut escalader des serpents géants qui errent ci et là dans de grandes grottes tout en évitant les pics mortels. Bémol, les serpents vont vite et même accroché à leur dos, vous ne serez pas en sécurité. Les sauts sont millimétrés et les phases de plate-forme distillées dans ce niveau cauchemardesque sont irritantes au possible. Plus haut, je vous disais que les hitbox étaient bien travaillées hormis lors des phases de plate-forme, et bien voilà. Il n'est pas rare dans ce niveau de vous voir glisser vers la mort alors que vous vous situez au bord d'une corniche. La façon d'aborder les sauts en devient d'autant plus stressante.
Niveau 7 : Volkmire's Inferno
Nouvelle course-poursuite, cette fois-ci en chevauchant un avion miniature comme ceux qu'on trouve dans les fêtes foraines. Sauf qu'ici, le plaisir et la détente ne sont pas au programme. Il vous faudra être d'une précision exemplaire pour se faufiler à travers de grandes barrières électriques, éviter un barrage de boules de feu et des missiles téléguidés. Peut-être pas aussi incroyablement difficile que le niveau 3, encore une fois, mais assurément un niveau qui vous donnera du fil à retordre !
Niveau 8 : Intruder Excluder
Nouveau level de plate-forme relativement plus abordable que les autres. Le jeu s'amuse à nous offrir quelques instants de répit artificiel avant de hacher et de réduire en bouillie le reste de notre courage. Ici, les sauts sont à nouveaux millimétrés et la hitbox des plate-forme s'avère hasardeuse. Il vous faudra en sus éviter les pièges comme les nuages de gaz mortels ou les ventilateurs qui n'attendent qu'une chose : vous aspirer pour vous réduire en charpie de crapaud sanguinolente. Petite saloperie de la part des développeurs : ici le scrolling est ascendant. Vous devez donc remonter vers la surface. Mais si vous avez le malheur de chuter dans le vide, vous ne pourrez vous rattraper à la plate-forme d'en dessous quand bien même vous savez pertinemment qu'il y en a une. Si la plate-forme disparaît de l'écran, elle est considéré comme tout bonnement inexistante. Pour faire simple, ne tombez jamais en dessous du bord de l'écran sous peine de mort !
Niveau 9 : Terra Tubes
Voici le second niveau qui m'aura fait hurler de rage. Il se sépare en deux portions distinctes. Tout d'abord, vous devrez échapper à de grandes roues crantées façon scie circulaire qui vous pourchasse. Le par cœur est ici de mise pour savoir où sauter et à quel moment, quand bien même peu d'obstacles se dresseront réellement sur votre chemin. Mais c'est surtout la seconde partie du niveau qui est atrocement difficile. Un petit voyage sous-marin vous attends, et ce n'est pas sans rappeler l'horrible niveau du barrage de Tortues Ninja sur NES, développé par Konami en 1989. Malheureusement, la maniabilité ici est on ne peut plus perfectible et il est difficile de nager, d'éviter les pics et les poissons. L'inertie est étrange et notre personnage très lourd à diriger... Énième petit coup de couteau dans les reins de la part des développeurs, les canards jaunes. À priori inoffensifs, on croit de prime abord qu'il s'agit là d'une petite blague pour détendre l’atmosphère (qui à ce stade du jeu est assez tendue, il faut l'avouer...). Eh bien non ! Ne les touchez surtout pas, esquivez les comme s'il s'agissait d'une caisse de nitro dans Crash Bandicoot car ces vulgaires canards jaunes sont en réalité mortels. Le jeu se fout littéralement de notre gueule ! On dirige des crapauds de combats aux muscles surdimensionnés, depuis le début on finit écrasé, brûlé, découpé, empalé ou que sais-je, et maintenant, ce sont de ridicules petits canards jaunes qui nous tuent ! Ta mère la reine des putes le jeu …
Niveau 10 : Rat Race
Pardonnez mon emportement. Dans ce dixième niveau (pour un beat them all de l'époque, c'est déjà une belle collection de niveau, même les ténors du genre que sont Double Dragon ou Streets of Rage n'en n'ont pas tant), il vous faudra faire la course (encore!) avec des rats qui menace de faire sauter une bombe afin d'en finir avec vous. Mais cette fois-ci, point de surf intergalactique, de motojet ou de quelconque machineries du genre. C'est à la force de vos guibolles que vous y parviendrez. Un niveau relativement simple d'accès. Du moins, jusqu'à l'arrivé du boss. Un pur rageux qui nous donne violemment envie d'insulter la console en hongrois tant ce passage est injuste et malhonnête à souhait. En effet, il suffit d'une fois au boss pour vous réduire à néant. Ne le laissez surtout pas vous attraper, ou sinon, il vous tabassera jusqu'à ce que mort s'en suive, peu importe le nombre de point de vie qu'il vous reste. Frustrant.
Niveau 11 : Clinger Wingers
Ce onzième niveau marque le retour d'une monture mécanique loufoque. Ici, c'est un disque qui sert à découper les pizza qu'il faudra chevaucher pour échapper à une sorte de boules à facette disco dans un niveaux complètement sans dessus-dessous. Oué, les développeurs s'étaient dis que leur jeu était pas encore suffisamment maboul comme ça, alors... Il suffit d'indiquer avec la croix directionnelle dans quel sens doit aller la machine, mais une fois encore, le par cœur vous sera utile car la moindre erreur vous sera fatale. En général, il est impossible de rebrousser chemin pour emprunter une autre direction, le piège vous aura rattrapé dans la seconde et le game over sera votre.
Niveau 12 : The Revolution
Niveau final de cette monumentale punition vidéoludique, la tour de la Reine Noire ! Le niveau n'est pas des plus ardus, il se sépare en deux parties. La première consiste à grimper en faisant le tour de l'édifice, ceci nous offre un effet de perspective avec une pseudo-3D très sympathique à voir. Les porcs cybernétiques cèdent leur place à des rhinocéros (un peu comme Rocksteady, comme dans... Tortues Ninja, tient dont...) et quelques obstacles seront à esquiver. Les ennemis sont assez vicieux ici car ils sont eux-aussi capables de tourner autour du pilier central que vous escaladez, si bien que vous les verrez souvent arriver dans votre dos au dernier moment ! N'oubliez pas de récupérer la barre de fer, elle vous permettra de frapper plus fort, ce qui facilitera un tantinet votre labeur. La seconde partie est un peu plus délicate car des souffles d'air vous éjectent des plates-formes, direction le vide mortel ! Il vous faudra vous accrocher à celle-ci avec une bonne dose de réflexe pour vous en sortir. La Reine Noire sera évidemment le boss finale de ce jeu et est... étonnante de facilité !
À la lecture de ceci, vous pouvez désormais vous rendre compte plus facilement de la difficulté diabolique du jeu, mais aussi sa générosité sans commune mesure. Chaque nouveau niveau est une découverte totale en terme de level design et d'aspect visuel. Vous irez vers le haut, puis la fois d'après de côté, puis en bas, dans toutes les directions à la fois. Vous sauterez, ferez la course, tabasserez des méchants, rebondirez sur des ressorts ou sur des bumper. Battletoads prend un malin plaisir à repousser vos limites, et les siennes ! Comme si les développeurs savaient qu'ils avaient incroyablement abusé sur le challenge de leur production, ils n'ont pas omis d'implémenter plusieurs warpzone afin de sauter un paquet de niveaux d'un coup et raccourcir le calvaire. À bien y réfléchir, on se demande si Battletoads est réellement un beat them all tant les niveaux de cette nature se font rares. Ces derniers sont d'ailleurs assez abordables en comparaison des courses et niveau de plate-forme cruels, parfois même un brin buggués. L'esquive des obstacles ne se fera pas sans avoir apprit par cœur le level design, et il vous faudra bien souvent ''ressentir'' le niveau plutôt que de le ''penser'', pour paraphraser un éminent Maitre Jedi.
Outre le plan graphique de bonne facture évoqué plus haut, c'est aussi d'un point de vue sonore que Battletoads se démarque. En effet, l'OST est pêchue comme jamais pour un jeu NES. David Wise, qui se fera connaître plus tard pour Donkey Kong Country ou StarFox Adventures (récemment : Yooka-Laylee) met en exergue sa science du tempo pour donner aux musiques du jeu un rythme ravageur. Malgré les faibles capacités de la 8-bits de Nintendo, on sent les influences hard-rock (Title Theme, Ragnarok Canyon) ou groove (Surf City) qui donne une superbe énergie à la bande-son. D'autres titres comme Turbo Tunnel partie 2 sont des modèles de rythme endiablé, la maitrise du cheaptune NES par David Wise est totale ! Mais la plupart du temps, si les musiques sont impétueuses et nous mettent sous tension, c'est trompeur ! Car le jeu permet, aussi étonnant que cela puisse paraître, d'observer afin de mémoriser certaines séquences. L'environnement et ses pièges seront votre némésis mais la progression est possible par la patience, le calme et la mémorisation. Ainsi, les musiques empressantes et tapageuses sont en contraste avec ce que le jeu vous force parfois à faire.
Battletoads est un jeu parfois haït et à juste titre tant sa difficulté est frustrante. La difficulté, ça a souvent du bon quand c'est bien dosé. Ça permet de perfectionner notre technique. Ça nous expurge de quelques tensions intérieures parfois, car ça nous défoule et ça nous fait rager un bon coup. Puis une fois le pallier de difficulté franchi et le prochain niveau atteint, on ressent un grand soulagement et une petite once de satisfaction personnelle. C'est souvent par la difficulté qu'un jeu tient en haleine son joueur, surtout lorsqu'on parle de jeu vieux de trente ans qui n'avaient pour la plupart aucun scénario à faire valoir. Mais la difficulté est à double tranchant si elle est abusive. Battletoads s'est clairement fâché avec beaucoup de joueurs pour cela et c'est pour cette raison qu'il est encore aujourd'hui considéré comme un jeu de seconde zone. La majorité lui préfèreront un bon vieux Super Mario Bros. 3 ou un Castlevania, lui aussi coriace mais largement moins que le jeu de Rare. Pourtant, Battletoads a bon fond et n'est certainement pas dénué de qualité. Techniquement bien élaboré, avec une identité tant visuelle que sonore véritable, une variété de niveau très généreuse et par conséquent une durée de vie convaincante, Battletoads est objectivement un bon jeu.
Seul son challenge sadique, abominable, qui ne laisse que peu de répit aux nerfs de celui qui s'y frotte, et qui parfois – comble de l'erreur de game design – se fait complètement injuste (une hitbox mal programmée, un boss déloyal qui pulvérise tous vos points de vie en un coup de façon totalement arbitraire...) peut réellement entacher ses performances.
Lorsqu'il m'est venu l'évidence qu'il me faudrait rendre un verdict sur Final Fantasy, à l'approche des trente ans de l’œuvre colossale et précurseur de Squaresoft, j'ai eu des doutes. Vénérant au-delà de toute raison la saga aux double F de Sakaguchi, Uematsu et Amano, j'ai eu peur de redécouvrir la genèse de la série comme j'ai put le faire avec Dragon Quest. Peur de trouver dans un soft de 1987 une vision archaïque, injouable et suranné du J-RPG. Elle qui aura donné ses lettres de noblesse au genre à l'international, elle aussi qui encore aujourd'hui fait montre d'un passé obscur, insoluble. La naissance tant que l'évolution de Final Fantasy fait pourtant parti intégrante de la grande histoire des jeux vidéo et demeure un pilier central de notre loisir favoris. Impossible de passer outre quelque soit son image et sa valeur. Au lendemain de sa très certainement plus mauvaise itération (qui pourtant s'est vendu mondialement aussi bien que l'un des meilleurs Dragon Quest, le huitième, sacré injustice...), le sort de Final Fantasy reste flou. Posons les choses à plat et essayons de revenir au tout début de cela.
Difficile d'évoquer l'avènement des J-RPG (terme cloisonnant un certain type de jeu de rôle basé sur les habitudes culturelles et ludiques des joueurs japonais, et pourtant beaucoup plus proche des inspirations et conventions nord-américaines qu'on ne le croit) sans parler de la popularisation des jeux de rôle sur table et à base de plateaux/figurines dans l'Archipel. Ces derniers provenaient dès la moitié des années 70 du pays de l'Oncle Sam via l'éditeur le plus reconnu de l'époque : Avalon Hill. Les premiers jeux du genre, wargame, jeu de stratégie, jeu de rôle, sur touts les supports possibles sont principalement introduits au Japon via des petites entreprises d'import de jeu. Mais ceci a un coût : le transport est à l'époque extrêmement cher, surtout pour des produits jugés dispensables (comprenez tous les produits de loisirs, tout ce qui n'est pas alimentaire ou médical), si bien que les jeux de stratégie et de plateau se font rares. De plus, les communautés solides et passionnées, déjà réunies autour de Donjons & Dragons depuis 1974 aux USA, peinent à voir le jour au Japon, question de culture, de façon d'aborder le jeu. Autre détail qui différencie le point de vue japonais du point de vue occidental et qui continuera de persister dans les Final Fantasy et les autres grands classiques du J-RPG : le personnage. En effet, les jeux de rôles occidentaux proposent et rendent naturel la phase de création et de personnalisation de son avatar d'aventure. Encore aujourd'hui, il est impensable d'imaginer un Baldur's Gate ou un The Elder Scroll sans création de son guerrier de la tête au pied. Les japonais sont quant à eux plus habitués, d'un point de vue créatif, à accompagner un héros prédéfinit, disposant de caractéristiques physiques et morales qui lui sont propres et ceci pour diverses raisons : scénaristiques, culturelles, marketing...
En parallèle, des GI américains installés sur les bases militaires au Japon font eux-même provenir des jeux de table de leurs compatriotes et quand bien même cela reste dans le cadre d'un cercle très privé au départ, il se trouve que des japonais y ont accès par ce biais également. Des petits groupements de passionnés se forment, tout d'abord moins pour jouer que pour adapter les règles et les textes foisonnants à la langue locale, ce qui demande un travail considérable. Akitoshi Kawazu, qui sera designer sur Final Fantasy I & II sur Famicom est de ceux-là, il a déjà la fibre créatrice et joue à des jeux comme Tactics II et Panzer Leader. Ils seront nombreux, aujourd'hui reconnus à voir naitre la tendance et à baigner dans cette nouvelle culture du jeu de rôle et de stratégie. Yoshio Kiya (Dragon Slayer), Yuji Horii (Dragon Quest), Yoko Taro (Nier), Hidetaka Miyazaki (Dark Souls), Kou Shibusawa (Nobunaga's Ambition, Ni-Oh)... tous ont été nourris à la sève des Donjons & Dragon et Livre Dont Vous Êtes Le Héros à la popularité grandissante au début des années 80. Pour conforter leur seconde grande passion qu'est le bidouillage informatique, bon nombre d'entre eux auront à faire à l'Apple II, micro-ordinateur de la célèbre marque à la pomme californienne. Faire la liste des célèbres créateurs, producteurs et graphistes ou programmeurs qui ont écrit en autodidacte leur première ligne de code rudimentaire sur un Apple II serait un travail de longue haleine tant ces gens-là sont nombreux. Ainsi, Hironobu Sakaguchi déclarera à Satoru Iwata, illustre et regretté PDG de Nintendo entre 2001 et 2015, lors d'un de ces légendaires « Iwata Ask » : ''Lors de mon apprentissage du codage sur Apple II J-Plus (ND Anakaris : la version de la machine spécialement conçue pour le marché nippon), j'ai analysé de nombreux RPG PC de l'époque et j'ai pu alors décider quels éléments de ces titres pouvaient être utilisés et implémentés sur la NES.''
À l'instar du test sur Dragon Quest qui s'articulait autour des trois grands noms principaux qui ont façonné la saga : Yuji Horii, Akira Toriyama et Koichi Sugiyama, il me semble évident (et éminemment pratique) de faire de même pour Final Fantasy. Le fait que l'héritage du jeu ai fait naturellement ressortir trois personnages clés en priorité est du pain béni pour tout journaliste et/ou écrivain d'article amateur qui cherche à s'intéresser aux racines retro de Final Fantasy. La Sainte Trinité, déjà bien connue des internautes est la suivante : Hironobu Sakaguchi, game designer et scénariste ; Yoshitaka Amano, character designer et directeur artistique ; et Nobuo Uematsu, compositeur de la bande-son.
Sakaguchi ne se destine pas à un métier dans le jeu vidéo. Il découvrira en réalité cette passion relativement sur le tard alors qu'il s'est procuré une contre-façon de l'Apple II, à cette époque très populaire mais aussi très cher sur le sol japonais. Musicien dans l'âme et ayant apprit à jouer de plusieurs instruments tels le piano et la guitare, il dispose d'une sensibilité artistique réelle. Si bien qu'une surprise lui atterrit en plein visage dés lors qu'il joue à des jeux comme Transylvania, sorti en 1982 (une aventure textuelle dans un monde fantastique peuplé de vampires et de gobelins). Les jeux vidéo sont capables de raconter une histoire. À la façon d'un certain George Lucas qui a choisi le cinéma pour s'émanciper et se donner les moyens de conter de fabuleuse aventure au fond narratif véritable, Sakaguchi s'intéresse de plus en plus au jeu vidéo grâce à ce vecteur. Vient les expériences Wizardry et Ultima qui vont faire germer les graines de l'imagination ultra fertile dans l'esprit de Sakaguchi. Mue par un désir de reproduire ce qu'il découvre, voir d'inventer ses propres créations, il s'intéresse à la technique, étudie les hardware et dépiaute des disquettes et des périphériques pour comprendre comment de tels logiciels peuvent être conçus. Quelles sont les réactions et raisonnements logiques entre ce qui se passe à l'écran et ce que le joueur décide de faire. Un authentique game designer naquit de cette réflexion. Non pas un simple producteur de jeu vidéo, un fantasque individu qui aime imaginer des bestioles bizarres et des mondes féeriques. Mais un touche-à-tout qui sait se mettre tant à la place du joueur que du concepteur. À force d'étudier, de jouer avec les outils d'édition et divers programmes mis sur le marché pour modifier les données et sauvegarde d'Ultima, et en conjuguant son apprentissage de plus en plus intensif du langage informatique (l'Apple BASIC), Sakaguchi en arrive à une question existentielle dont la réponse guidera le restant de sa vie : ''Je peux le faire ?''. Sous-entendu qu'il peut faire comme ceux ayant fait Ultima, Wizardry et consort. Et de la possibilité à la volonté, il n'y a qu'un pas que Sakaguchi franchit. Tout d'abord peu assuré de ses capacités, il toque à la porte d'une modeste entreprise, car de son propre aveux, il ne se sentais pas prêt à tenter sa chance chez les cadors du secteur (Namco, Nintendo, Taito...). Le voilà entrer au sein de Square, en 1983.
On connait à peu prêt tous la suite. Square est en réalité une filiale d'une société plus grande, Denyūsha Electric Company, Sakaguchi et son compère sorti de l'université au même moment, Hiromichi Tanaka (Secret of Mana, Final Fantasy XI...), deviennent aussitôt membre de la première équipe Planning & Development de Square (studio de développement, en gros) qui se destine à créer des logiciels informatiques. Ils créaient The Death Trap 1 et 2 puis Square se sépare définitivement de sa maison-mère en 1986. La production de jeu vidéo s'intensifie, surtout depuis qu'une nouvelle machine particulièrement enthousiasmante vient d'arriver sur le marché nippon, la Famicom de Nintendo. Sakaguchi produit des jeux comme Cruise Chaser Blassty, Rad Racer et 3-D Worldrunner tandis que Tanaka s'occupe de son côté de Alpha. Les jeux son bon mais rapportent trop peu, si bien que Square termine rapidement en difficulté financière. Pourtant, Cruise Chaser Blassty, très méconnu et injustement omis de beaucoup d'article historique sur la carrière de Sakaguchi ou sur la création de Final Fantasy jusqu'alors a beaucoup d'importance. Ce jeu marque l'influence des deux opposés culturels qui bercent les jeunes années de Sakaguchi.
Dans ce jeu, on se déplace en vue à la première personne, notamment dans les environnements comme les bases ennemies, ce qui n'est pas sans rappeler les célèbres jeux de rôle occidentaux et leurs donjons labyrinthiques. Les combats quant à eux se déroulent au tour par tour, rappelant les règles les plus élémentaires des wargame et jeux de rôle sur table exportés au Japon dans les années 70 et 80. Le visuel du jeu est assuré par un mecha-designer à l'époque renommé, Mika Akitaka, déjà responsable de Gundam ZZ pour donner à Cruise Chaser Blassty cet aspect anime déjà populaire sur le sol nippon (Mazinger Z qui a lancé la mode des robots géants en dessin animé est sorti en 1972, presque quinze longue année avant ce jeu! ). De grandes représentations des mecha adverses, tout de pixel fait sont visibles lors des combats et les attaques sont rendues avec moult effets lumineux pour rendre le tout dynamique. Un vœux de Sakaguchi très précoce de faire se rapprocher le jeu vidéo du cinéma, ou plutôt de l'anime dans le cas qui nous intéresse ici. Précurseur, quand on sait ce qu'est devenu le jeu vidéo en 2017. Et visionnaire sur sa propre histoire quand on se remémore les aspects infiniment plus cinématographiques de Final Fantasy VII ou VIII, sans parler du film que Sakaguchi produira lui-même en 2001...
Intrinsèquement, les bases de Final Fantasy sont déjà enracinées dans la carrière de Sakaguchi. Des scénario bien élaborés comme dans The Death Trap là où la plupart des jeux proposaient des expériences arcade avec comme seul objectif non pas la découverte d'une histoire mais le franchissement d'un score numérique pour gagner, pour vaincre le jeu ; des combats au tour par tour avec des effets visuels dynamiques qui rendent le tout agréable à l’œil avec Cruise Chaser Blassty pour tenter de marier jeu et cinéma... Il ne manque d'ors et déjà plus grand chose, et en même temps tellement d'élément pour donner naissance à la légende au double F.
L’histoire de Final Fantasy prend place dans un monde à l’agonie, dont le fragile équilibre était jadis maintenu par les quatre cristaux (dans la version américaine, on parle d'orbe) élémentaires du feu, de l’eau, du vent et de la terre. À force d'avoir recours à ces artefacts sacrés, leurs pouvoirs se tarirent et se pervertirent pour devenir noir, laissant s'échapper de leurs cœurs quatre entités maléfiques : Tiamat, Kraken, Liche et Marilith. Le cataclysme débuta et une avalanche de fléaux s'abattit sur le monde, le Chaos fit son apparition. Devant une telle accumulation de catastrophes, l’espoir commença à disparaître, laissant chaque habitant du monde avec la dure certitude que sa disparition n’était plus qu’une question de temps. Mais les contes et légendes nous ont appris que même au fond des ténèbres peut subsister un infime espoir, une petite lumière. Ainsi, le prophète Lukahn annonce la venue de quatre guerriers lumineux pour redonner vigueur aux cristaux et ainsi purifier le monde du mal qui l'assiège. Dès lors partent à l'aventure les quatre jeunes combattants qui portent la ferveur de tout un peuple. Ils aideront sur leur chemin les nains dans leurs montagnes sombres, les elfes dans leurs luxuriantes forêts, et délivreront une princesse du mal. Autant de mission somme toutes très classiques qui conduiront l'équipe, anonyme, à construire des relations entre les peuples et les êtres vivants de ce monde mystérieux afin de redonner de l'espoir et les faire se lever contre les armées de monstre qui les menacent. Une vague notion d'entraide est brossée, comme dans le Seigneurs des Anneaux où les races de la Terre du Milieu s'allient malgré leurs griefs historiques pour venir à bout de Sauron le maléfique.
Loin des sophistiqués Xenogears, Final Fantasy dixième du nom, ou encore Metal Gear Solid pour ne pas citer que des J-RPG, les jeux vidéo de rôle des années 80 et du début des années 90 sont dénués de background. Bon nombre se contentent de piocher plus ou moins brutalement des éléments dans Donjons & Dragons (bestiaire, races...), des noms originaux sont parfois inventés pour donner l'illusion de vivre une aventure inédite. Mais globalement, le travail sur l'univers tant visuel que narratif est placé en second plan. Dragon Quest tente bien diverses choses, notamment par son design plein de personnalité grâce à l'ingénieux et fantasque Akira Toriyama, mais Final Fantasy parait rester relativement plus sage. À l'époque où le jeu vidéo véritable vient à peine de naitre, un simple prétexte est suffisant pour embarquer le joueur dans une partie, parfois pendant plusieurs heures. Un démon à occire, une princesse à sauver, un gang à tabasser, une relique à découvrir... s'ensuit de la simple fantasy. Des clichés apportés dans la cartouche à la louche provenant des modèles narratifs et visuels du moment (et même encore aujourd'hui pour les créations récentes) : Star Wars, Seigneur des Anneaux, les contes et légendes du folklore de n'importe quelle région du monde. Final Fantasy n'échappe pas à ce constat. Tout y est abusivement imagé de façon simpliste, les textes sont peut nombreux et le manichéisme s'impose de lui-même. La trame est menée de façon mécanique, à chaque petite victoire son rebondissement expliqué de façon plus ou moins naturelle et logique vers une nouvelle péripétie jusqu'au fin mot du périple. Classique et prévisible, mais en 1987 bigrement efficace.
Avec le temps, Sakaguchi montrera encore une fois que l'influence des jeux de rôle papier a été grande dans la conception de la vaste cosmogonie Final Fantasy. En, effet, si avec le premier jeu rien ne laisse transparaitre de cela, l'univers Final Fantasy a largement gagné en personnalité avec les quelques opus suivant. Ainsi, des noms qui deviennent familier au joueur reviennent régulièrement, comme les quatre monstres servant le Chaos, Kraken, Liche, Tiamat et Marilith, devenant des boss récurrents dans énormément d'autres jeux de la saga. Plus tard seront créés des espèces et des termes spécifiques à la série comme les Chocobos et les Moogles, Final Fantasy se rapprochant toujours un peu plus de l'encyclopédique tendance à se construire un univers persistant et cohérent. Typique des jeux de rôle papier. Ce constat n'est malheureusement valable qu'aujourd'hui qu'on sait ce qu'est devenu Final Fantasy. Il faut bien entendu se souvenir qu'à l'époque, Hironobu Sakaguchi pensait qu'il s'agissait là de son dernier jeu, sa ''fantaisie finale'', aussi, il fut pensé comme un one shot (en vérité comme énormément de jeu à l'époque) et le monde, ses peuples et ses coutumes ne furent pas décrites comme étant liés à un univers tout entier. Peu de détails furent donc donné pour ne pas éveiller l'éventuelle curiosité des joueurs sur un background annexe mais maintenir leur intention sur le cœur du jeu même, l'aventure et son gameplay.
Néanmoins, on peut d'ors et déjà noter une des différences fondamentales entre le RPG occidental et le J-RPG : le modèle narratif. En effet, si dans le RPG occidental, bien souvent, le système de jeu et de progression fait la part belle au choix, à la diversité d'actions possibles et aux quêtes annexes plus ou moins nombreuses quitte à noyer l'histoire principale dans un flot d'attractions secondaires, le J-RPG choisit la voie du dirigisme. Dragon Quest et Final Fantasy en sont tout deux de parfaits exemples puisque dès le début du jeu, le joueur n'a d'autre choix que d'aller voir la figure autoritaire du coin (en l’occurrence, le roi) pour se voir exposer les grandes lignes du scénario. Sans cela, l'aventure ne débute pas, vous n'aurez même pas l'occasion d'aller secourir un chat perché en haut d'un arbre. Le sentiment de perte total ressenti dans un Ultima n'est pas la façon de faire de Final Fantasy ni de Dragon Quest qui guide le joueur d'une quête à une autre de façon claire tout en distribuant précisément les quêtes annexes plus ou moins intéressantes au fil de la progression afin de variées les expériences. Autant pour faire varier le gameplay que pour maintenir le joueur en haleine et lui donner une envie viscérale de voir la suite, Sakaguchi n'hésite pas à implémenter un maximum d'idées dans Final Fantasy. L'apparition du navire, la carte secrète, les éléments futuristes (détonant de façon pas si incohérente que cela avec l'univers med-fan que nous présente le jeu depuis le départ), l'éveil des personnages suite à la rencontre avec le mythique Bahamut, le voyage temporel final …
Narrativement, c'est du jamais vu dans un jeu vidéo, les péripéties même si de prime abord n'ont pas l'air capitales pour le déroulé de l'aventure sont nombreuses. La quête s'écoule et rebondit plusieurs fois de façon inattendue. Le coup de théâtre final commet l'ultime retournement de situation et dévoile l'identité de notre ennemi juré, s’évertuant à finaliser cette aventure riche en étonnement du début à la fin. Le voyage et d'ensemble bien plus palpitant que ''l'ennuyeuse'' série de village et grotte à explorer que nous offre en toute simplicité Dragon Quest (j'exagère bien sûr, mais le fond de ma pensé est là). L'immense force créative qu'on trouve dans Final Fantasy, fer de lance des productions japonaises et qui deviendra celui des RPG de Square, est le génie de ce jeu et la raison la plus évidente de son succès.
Mais au delà du scénario, Final Fantasy, c'est aussi un game design et un gameplay que l'ont doit en bonne partie également à Hironobu Sakaguchi. Si le jeu reprend les bases du jeu de rôle établi par des socles créatifs aussi variés que Donjons & Dragons et Dragon Quest, il insuffle lui-même bon nombre de notions inédites à la recette pour s'affranchir. Tout d'abord, les combats se font plus stratégiques, plus complexes et plus passionnants. La faute à la présence non pas d'un protagoniste jouable, mais quatre, que l'ont devra d'ailleurs choisir au tout début du périple selon six classes distinctes : guerrier, moine, voleur, mage blanc, mage rouge et mage noir. Chacun a ses spécialités en terme de force physique, de puissance magique, de résistance au coup, de vitalité ou possède des aptitudes spéciales liées à leur avantage naturel en statistique. Le voleur par exemple dispose d'une chance plus élevée et sa présence dans votre groupe améliorera la capacité de toute votre équipe à prendre la fuite en cas de coup dur. Comme dit plus haut, la rencontre avec le roi des dragons Bahamut, pivot scénaristique majeur du jeu sert aussi le gameplay puisque c'est avec cet événement que les quatre héros s'éveilleront à un stade de puissance plus élevé. Ainsi, en fonction de leurs classes de départ, ils pourront perfectionner leurs talents est devenir des paladins, maîtres, ninjas, sages blancs, sages noirs et sages rouges. Avoir quatre héros implique aussi une répartition des points d'expérience et des revenus pour faire équitablement prospérer sa petite équipe. Tout cela demande plus de temps et d'efforts pour avancer mais façonne l'aspect stratégique cultivé par les RPG. Ainsi, un groupe mal équilibré se retrouvera possiblement en difficulté face à quelques ennemis très spécialisés et ceci augmentera sans le vouloir la difficulté ainsi que la replay value (car pour l'époque, il était extrêmement intéressant et quasiment inédit de varier les capacités de nos personnages pour aborder différemment les combats).
Final Fantasy fait des choix drastiques dans la conception de son ergonomie. S'échappant de son héritage qui l'affilie plus ou moins directement au jeu de rôle traditionnel et s'éloignant par la même occasion de son rival principal qu'est Dragon Quest, Final Fantasy simplifie toute son interface. Ainsi, les commandes, lourdes et contraignantes à utiliser pour parler, fouiller, emprunter un escaliers et bon nombre d’interaction du genre sont regroupées en une seul touche d'action polyvalente.
Fondamentalement, Final Fantasy n'étonne pas dans le microcosme du jeu de rôle qu'il soit sur table ou sur machine électronique. Des points de vie, de magie, différentes commandes de combat (attack, magic, drink (boire une potion de soin), item et run) définissent les combattants. L'écran de combat est séparé en cadran, celui de droite présente nos héros tandis qu'à gauche se rangent les monstres. Jusqu'à neuf bêtes peuvent se dresser face aux joueurs, quatre à la fois pour les plus volumineuses et un seul sprite énorme pour le boss. Le tour par tour est de rigueur, l'Active Time Battle, une évolution majeure et ultra intelligente du système de combat n'arrivera que plus tard dans la série. Volontairement très proche de Donjons & Dragons, Final Fantasy apporte diverses spécificités qui font sa force face aux autres productions du même genre en 1987, et surtout face à Dragon Quest. Ainsi, l'influence élémentaire devient importante car plusieurs monstres se verront plus sensibles au feu, d'autre à l'eau, et il faudra le deviner par le biais de plusieurs indices, ou parfois complètement au petit bonheur la chance. S'en souvenir facilitera la progression et l'aspect tactique se voit renforcé même si la simplicité intrinsèque d'un jeu sur une console aussi primitive que la Famicom ne sert pas complètement la profondeur du gameplay (avec un pad doté de si peu de bouton, les miracles ne sont guère permis). Même si cela n'a plus rien d'incroyable aujourd'hui, recontextualisé, Final Fantasy apporte une profondeur de gameplay en terme de combat et d'intelligence qui surclasse celle de Dragon Quest haut la main.
Final Fantasy voit l’apparition des états anormaux pour vos personnages. Ainsi, certaines attaques des ennemis pourront altérer votre statut (pour un total de sept altérations d’état) et diminuer certaines de vos statistiques. Par exemple, le poison fera perdre des points de vies au personnage touché à chaque tour, tandis que le mutisme empêchera vos mages d’utiliser la magie (autant dire que ça les rend inutile car ils ne sont physiquement pas très forts). Avec le recul, ce premier Final Fantasy est sans doute celui qui dispose du système de magie le plus étonnant, mais son efficacité relative poussera les concepteurs à l'abandonner rapidement. Ici, les magies s'achètent dans les boutiques de sorciers et leurs utilisateurs ne peuvent en posséder que trois par niveau de magie alors qu'il en existe quatre pour chaque niveau. On dénombre huit niveaux de magie et plus on gravit les échelons, plus on accède à des sorts de forte puissance. Parfois des évolutions de sort de base comme Soin + ou Foudre X, mais parfois des sorts complètement inédits comme les dévastateurs Atomnium et Sidéral. Dans la version originale (le système sera repensé pour le portage du jeu sur Gameboy Advance), l'utilisation des magies est limitée en nombre. Autrement dit, chaque sort lancé fait baisser d'un point le capital de magie disponible pour le niveau de magie correspondant. Par exemple, si on épuise tout son stock de magie de niveau 1, on peut tout de même lancer un sort dans un autre niveau de magie. Chaque niveau de magie est un pallier à franchir, accessible via le propre niveau du personnage (jusqu'à 50, alors que Dragon Quest limitait la progression de son personnage à 30). C'est ainsi fait pour garder la difficulté sous contrôle, pour éviter d'abuser des meilleurs pouvoirs et même si cela oblige le joueur à réfléchir, à prévoir ses prochaines actions et à mesurer son utilisation des magies (ce qui n'est pas forcément un mal), ce système privatif ne bénéficie pas d'une ergonomie des plus remarquables.
Un autre problème de conception qui découle directement de cette limitation dans l'usage de la magie : la gestion des objets de soin. En effet, pour pallier au nombre limité de sort de soin, on achète régulièrement des objets aux même effets. Trop régulièrement. Le stock entier que votre inventaire peut contenir (99) ne sera pas de trop, surtout en prévision de l'exploration d'un donjon. Ses propriétés curatives étant si faibles qu'on les consomme par paquet de dix. Petit détail exaspérant, contrairement aux prochains Final Fantasy ou à Lufia, par exemple, il est impossible d'acheter plusieurs objets à la fois. Il vous faudra acquérir unité par unité l'objet voulu. Appuyer sur le bouton d'action afin de clore la boite de dialogue avec le commerçant, de nouveau sélectionner l'objet voulu et en acheter une unité. Et ainsi de suite. Alors, lorsque vient la nécessité d'en acheter en grande quantité, vous imaginez la redondance et la perte de temps causé par l'opération.
Avec Akitoshi Kawazu, ancien journaliste au magazine Beep! (un des premiers magazines de l'Archipel consacré aux jeux vidéo, il périclitera jusqu'en 2012), Hironobu Sakaguchi concevra les premiers codes de sa saga de RPG. Et lorsqu'on remet tout à plat, on se rend compte que le terreau fertile de la créativité de Final Fantasy d'un point de vue gameplay provient d'influence vastes et très connues déjà pour l'époque. Final Fantasy est un véritable melting-pot conceptuel qui a ceci de réussi qu'il réuni des systèmes variés mais qui font corps dans une seule et même création avec cohérence et ingéniosité pour former un tout plus complexe et plus intéressant que la plupart des concurrents. Choisir la classe de son personnage (et à fortiori son orientation tactique, ses capacités de combat en fonction de la personnalité qu'on voudrait lui prêter) : Wizardry. Des versions plus puissantes de chaque classe de base sont aussi présentes dans Wizardry. L'influence des éléments naturels tels que le feu, l'eau, le vent et la terre, c'est de Donjons & Dragons. Le voyage temporel, point d'orge final à une épopée qui élève son degré d'épique à un seuil jamais atteint dans un jeu vidéo, Ultima (1981) l'a fait avant Final Fantasy. Même la représentation graphique des combats façon jeu d'échec vue de profil rappelant fortement les plateaux de wargame bourrés de petites figurines n'est pas s'en rappeler Archon sur Apple II (1983), un des jeux favoris de Sakaguchi par ailleurs.
Le second personnage prépondérant de cette équipe de développement est Yoshitaka Amano, le character-designer. Et comme pour Hironobu Sakaguhci autour duquel gravite plusieurs autres game designer et/ou concepteur tel que Hiromichi Tanaka et Akitoshi Kawazu, Amano est irrémédiablement lié à au moins deux personnes : Koichi Ishii et Kazuko Shibuya. Ishii était quelqu'un haut en couleur, arrivé très vite au début du développement de Final Fantasy, il rappelait vaguement un certain Hideo Kojima dans sa jeunesse. Sakaguchi se souvient de lui et le décrit comme suit : ''Nous essayons vraiment d'être différent (ND Anakaris : de Dragon Quest). Les graphismes étaient une partie importante de cet effort, la première chose que les gens remarquent et qui marque une différence entre les centaines de jeux commercialisés toute l'année, c'est ses graphismes. C'était le travail d'Ishii. Il avait de mauvaises manières, il portait un blouson en cuir (ND Anakaris : comme Kojima en 1987) et des lunettes de soleil même à l'intérieur des bureaux. Mais c'était quelqu'un de gentil et abordable contrairement à ce que laisserait penser son look. Lorsque vous regardiez son travail, il dessinait des Chocobos et d'autres choses mignonnes. C'est cette juxtaposition qui le rendait si fascinant. Son point de vue a réellement contribué à l'élaboration du monde de Final Fantasy.''. Sakaguchi ne s'était pas trompé en lui faisant confiance puisqu'il révèlera son profond génie un peu plus tard en devenant scénariste, game designer et producteur d'une bonne partie de la saga Seiken Densetsu. La consécration viendra certainement avec Final Fantasy XI qu'il dirigera en 2002.
Mieux encore, c'est Ishii qui suggérera Yoshitaka Amano à Sakaguchi pour s'occuper du design global du jeu, mais le patron refusera dans un premier temps. Suite à la lecture d'un magazine où il put y voir quelques toiles du maître, Sakaguchi eu l'illumination et choisit de recruter Amano. Bien entendu, et même si Sakaguchi n'avait pas saisi cela de suite, le recrutement d'un artiste tel qu'Amano n'est pas anodin. Dragon Quest s'était attaché les services du déjà célèbres Akira Toriyama, œuvrant sur Dr Slump et Dragon Ball, ultra populaire au Japon. Ce dernier avait apposé sa patte si particulière et reconnaissable sur Dragon Quest, lui donnant saveur et originalité. Cependant, Amano n'est pas Toriyama. Amano a un trait moins anguleux, plus éthéré, plus poétique. Peut-être plus adapté à une œuvre d'heroic fantasy quelconque comme l'est Final Fantasy, mais certainement pas aussi bien adapté que cela pour un jeu vidéo contraint aux limitations techniques de 1987. Amano fait preuve de bonne volonté et propose de faire des dessins directement sur ordinateur, alors que sa grande spécialité reste bien entendu le papier et la toile. L'équipe de développement préfère lui donner des indications plus ou moins précises pour coucher sur papier les personnages principaux et surtout les créatures (en particuliers les quatre généraux du mal : Liche, Kraken, Tiamat et Marilith) ainsi que Chaos. Sakaguchi insistera auprès de lui pour qu'il fasse ''du Amano'' tandis que c'est la graphiste Kazuko Shibuya qui s'occupera de tout retranscrire en pixel.
Alternant entre châteaux lugubres, déserts arides et autres lieux tout aussi inquiétants, ce premier épisode d’une longue saga a de quoi charmer les pupilles. Outre le fait que les sprite soient nettement plus clairs, les tiles mieux agencés et mieux travaillés que pour Dragon Quest, c'est aussi le design d'un point de vue artistique qui donne ses qualités à Final Fantasy. Les plus érudits d’entre-vous remarqueront aisément les innombrables références aux mythologies du monde entier, notamment au niveau du bestiaire qui jouira d’une énorme variété. La pléthore de créatures plus ou moins fantastiques est un gros point fort du background et du visuel de Final Fantasy. 51 monstres uniques, et 62 monstres calqués sur les originaux avec une variante de couleurs soit un total faramineux pour l'époque de 113 ennemis à occire contre seulement 37 pour Dragon Quest (6 boss pour Final Fantasy, 2 pour le jeu d'Enix).
Là encore, l'inspiration de Donjons & Dragons est pourtant très palpable. Des monstres aux USA connus sous les noms de Green Slime, Sahagin, Psicodemon (qui lui-même s'inspire des mythe de Chtulu) ou Carbuncle sont présents dans le RPG de Gygax et dans celui de Square. Même les artwork de certaines créatures (Beholder) signés Amano sont étrangement ressemblantes à ce qu'on peut trouver dans les livres de règle et de background de D&D publié au Japon entre 1977 et 1983. Mais qu'importe, l'apport d'une mythologie au bestiaire de Final Fantasy rend le tout plus intelligent, plus fascinant. Les simples gobelins et autres serpents côtoient les énigmatiques et légendaires Marilith, femme démon à six bras armés de sabres ; Manticore, équivalent perse du sphinx, terrible créature à tête humaine, corps de lion et queue de scorpion ; ou bien encore Tiamat, dragon divin de la mythologie mésopotamienne et déité opposée du non moins mythique Bahamut.
Des concessions sont faites, sur l'animation par exemple, relativement statique pendant les combats afin de privilégier le travail inestimable de graphiste de Ishii et Shibuya. Certains sprites, réellement monstrueux comme celui de Tiamat évoqué plus haut ou Chaos, le boss final, sont à couper le souffle. Une Famicom de 1987 ne semblait pas capable de telle prouesse, et le subtile équilibre entre bon goûts artistique et maitrise purement technique est bluffant. D'autres monstres comme Spirit Naga (GrNAGA), Nitemare, Dragon Zombi ou WarMECH ne sont probablement pas aussi mémorables que les boss mais sont tout de même des ennemis qui sortent de l'ordinaire. Mais les personnages alliés ne sont pas en reste et les classes de combattants sont étonnement bien représentées. Difficile de trouver cela crédible aujourd'hui, mais à l'époque, représenter un mage noir avec quelques pixel de trois ou quatre couleurs différentes, ce n'était pas chose aisée. Ces mages noirs, d'ailleurs, qui reviendront comme protagonistes emblématiques dans un grandiose Final Fantasy IX en 2000 deviendront une des figures de proue visuelles de la saga toute entière. Au même titres que les Chocobos et les Moogles plus tard, puis Chaos (qui sera considéré comme un boss si iconique qu'il reviendra dans DISSIDIA Final Fantasy sur PSP) et Orthros parmi les boss les plus repris dans la grande mythologie Final Fantasy, le mage noir reste un des sprites les plus populaires lorsqu'on évoque le retro gaming. C'est la marque des plus grands. Si chacun est aujourd'hui capable de reconnaître le sprite ancestrale de Mario, Link, Pacman ou encore Megaman, celui du mage noir est tout autant reconnaissable au moins au Japon et aux États-Unis, ce qui est déjà pas mal ! Il n'en fallait pas moins pour rivaliser avec le slime de Dragon Quest designé par Akira Toriyama.
Des gobelins, des trolls, des mages noirs en robe avec un chapeau pointu, des paladins en armure d'acier... même les dragons sont de pures représentations de ce genre de créatures fantastiques qu'on retrouve dans D&D et dans la majorité des œuvres occidentales du genre. Final Fantasy n'a en fin de compte pas grand chose de typiquement japonais d'un point de vue visuel. Et cela se constate dés la sortie initiale du jeu, qui sera un peu retouché pour une sortie américaine trois ans plus tard, mais pas au point de lui donner l'aspect occidental qu'il a déjà. Et pour cause, on sait déjà que Kawazu et Sakaguchi, les game designer sont très influencés par les RPG occidentaux. Mais il se trouve que le monster et chara designer, Yoshitaka Amano l'est aussi. Son style de dessin épuré et aérien rappelle la poésie des estampes japonaises, et pourtant, il grandit avec les comics de chez DC : Batman et Superman en tête. Neal Adams (célèbre auteur de comics) est un de ses maitres à penser. À seulement 15 ans, le prodige a l'occasion de faire vivre son imaginaire avec la science-fiction de Gatchaman et Mach GoGoGo, il est en effet recruté au studio d'animation Tatsunoko (oui, le même qui prêtera ses personnages pour faire le jeu de combat Tatsunoko vs Capcom en 2008 ).
Mais lorsqu'il s'agit de fantasy, c'est invariablement vers les États-Unis que son cœur se tourne. En particuliers avec un auteur : Frank Frazetta (Tarzan, Conan le Barbare, Vampirella...). Amano explique dans une interview de 2006 : ''Je n'avais pas reconnu son nom au départ, mais je me sentais déjà très familier avec ses peintures. Mon intérêt est né quand j'ai commencé à travailler sur un projet de film d'animation façon comic book américain. Un jour, sans vraiment m'en rendre compte, j'ai choisis de dessiner la fantasy dans son style. Il y a quelque chose de très asiatique dans le visage de ses personnages, dans le choix de ses couleurs. C'est parce que la fantasy tel que le conçoit Frazetta joue sur l'exotisme. Sa vision de la fantasy colle à la vision que beaucoup de monde se fait d'un lieux inconnu. Et l'Asie, ou le Japon plus particulièrement est un lieu inconnu de beaucoup de monde en occident.''. Frazetta distille une fantasy brutale, charnelle, avec des héros musculeux et des femmes sculpturales. Leurs poses, la dynamique de leurs corps et la façon dont sont traitées visuellement les matières comme le cuir des plastrons et l'acier des haches se retrouvent dans les artwork que Amano réalise au moins pour les débuts de la saga Final Fantasy. Plus tard, Amano concevra des artwork encore plus structurés, empruntant une mise en scène et un cadrage précis au manga, genre de BD explosant sa côte de popularité dans les années 90. Ou à l'inverse, il signera des dessins beaucoup plus oniriques et féeriques (Final Fantasy X, par exemple) collant volontiers un peu plus à l'image qu'on se ferait de la spiritualité artistique japonaise.
Scénario plus riche et évocateur que les canons de l'époque, identité visuelle forte et fascinante, game design qui conjugue modernité et base solide avec des notions éculées mais efficaces du genre, reste la bande-son. Est-elle au diapason de tout le reste ? S'il y a bien dans un genre de jeu où la bande-son, qui englobe tant les musiques que les bruitages, est importante, c'est bien le RPG. Aussi, on peut émettre des doutes en 2017 sur sa qualité tant la vétusté du hardware NES ne permettait pas de véritables prouesses auditives sur un jeu de 1987. Et pourtant, Nobuo Uematsu a sut contourner les restrictions techniques, celle-là même qui vont bien souvent de paire avec la créativité des plus grands. Et pourtant, un peu comme Sakaguchi qui ne pensait pas très jeune consacrer sa vie à la création de jeu vidéo, Uematsu est partagé entre sa passion pour la musique et le sport. Il rêve de devenir lutteur professionnel (certaines sources parlent du métier très respecté de sumotori au Japon ! ) ou athlète olympique, tandis qu'il ressort de l'université de Kanagawa avec un diplôme pour devenir médecin ou avocat. Malgré cela, il est très influencé par la musique originaire des États-Unis ou de Grande-Bretagne. Ses idoles d'alors se nomment Elton John, Stevie Wonder, mais aussi Led Zeppelin, Deep Purple. On peut également citer les groupes de rock progressifs Yes et King Crimson aux styles plus complexes et aux musiques structurées de façon plus précise, ce qui conditionnera sa façon de composer et d'arranger ses propres musiques pour les transformer en partitions de metal progressif complètement démentes avec son groupe The Black Mages, vingt ans plus tard. Là encore, à l'instar de Yoshitaka Amano et Hironobu Sakaguchi, la créativité de Uematsu est sous influence occidentale.
Entre ce qu'il rêve de faire, ce qu'on l'oblige à faire (c'est son père qui l'a inscrit à l'université de Kanagawa), et ce qu'il est capable de faire, Uematsu est probablement celui qui cherche le plus sa voie au sein de la sainte-trinité ayant donné vie à Final Fantasy. Il cède néanmoin à sa passion qu'est la musique et débute par quelques modestes projets de spots musicaux dans des publicités. Il est engagé à 27 ans par Sakaguchi pour composer la bande-son de sa fantaisie finale. Les contraintes techniques l'oblige à bidouiller énormement le hardware sonore de la Famicom et ses cinq canaux rudimentaires (trois étant réellement réservés à la musique, les deux autres étant pour les bruitages, mais il y avait moyen de contourner leur utilité primaire si on savait comment s'y prendre). Il s'amuse de ce genre de défi et même si la frontière entre ces deux métiers est très floue en 1987, il adopte la casquette de compositeur autant que de programmeur sonore. Il se sert alors de son ordinateur MSX pour expérimenter, moduler et tenter la moindre variation de note pour enrichir sa composition et créer une belle harmonie.
Cet autodidacte s'approprie une philosophie intéressante : ''plus les gens ont des contraintes, plus ils deviennent ingénieux.''. Il privilégie avant tout la transcription émotionnelle afin de donner à ses musiques une personnalité très marquée. Il aime mettre en avant la mélodie pure et la complémentarité de l'harmonie et cela sans effets de style, si bien qu'il a l'habitude de créer des musiques simples et universelles, qu'on peut écouter en dehors de toute partie de jeu vidéo, sans aucun support ni conditions particulières. Se laissant prédisposer par les grands artistes de la pop mondiale, il donne également beaucoup d'importance au rythme, au tempo. À ce sujet, il déclare : ''Il y a le rythme et la mélodie. J'adore composer des rythmes, mais quand je compose des musiques de jeu vidéo, je met beaucoup d'emphase sur la mélodie. Il y a le corps et l'âme. Le rythme touche seulement le corps, les mélodies au contraire atteignent l'âme.''
Bien loin des théorisations de musiques savantes au sens stricte du terme - domaine auquel il n'a d'ailleurs jamais voulu s'apparenter par modestie car n'aillant jamais eu la chance d'étudier cela autrement qu'en autodidacte -, on constate néanmoins que le sympathique bonhomme moustachu dispose d'une pensée intéressante et réfléchie sur la question. Avec Final Fantasy, les précédents projets réalisés en commun avec Square ne peuvent pas vraiment servir de modèle. Le jeu de rôle est trop complexe pour se permettre d'adopter la même façon de travailler ses compositions, c'est un nouveau défi qui est lancé à Uematsu. Des thèmes forts et marquants doivent être créés non seulement pour accompagner le joueur dans l'aventure, garantir une cohérence artistique au tout, mais aussi segmenter et mettre en valeur les moments clés du jeu. Le premier morceau entendu dans le jeu est en réalité le dernier a être né de la plume du compositeur. En effet, le thème du menu, réclamé au dernier moment par un Sakaguchi qui débarque en trombe dans le bureau de Uematsu fut composé en moins d'une heure.
Les limitations techniques de la machine, surtout en terme de mémoire obligèrent Uematsu a programmer des loop de notes s'il voulait créer des musiques plus longues que quelques malheureuses dizaines de secondes. Cela ne l'a pas empêché de créer des musiques très communicatives qui couvrent une large gamme de sensation. Uematsu avait bien compris que la variété de situation qu'offrait une aventure de cette nature pouvait lui permettre d’expérimenter et de créer une multitude de musiques différentes. La mélancolie et la solennité du thème d'introduction (genre relativement inédit, contrastant avec les mélodies d'ordinaire énergiques et tapageuses des jeux d'arcade, censées galvaniser le joueur afin qu'il donne le meilleur de lui-même et explose les high score); l'urgence et le dynamisme du thème de combat (à l'époque unique, le thème qui différenciera combats normaux et combats de boss arrivera plus tard) ; l'exotisme des sonorités mêlé à l'espièglerie de la mélodie du Gurgu Volcano ; ou encore le paisible de l'ending theme qui semble accompagner de pureté et de calme le repos bien mérité des héros. Tout cela donne une véritable saveur à l'OST de Final Fantasy. Sa foisonnante créativité et la pluralité de ses inspirations fait de Uematsu un très grand créateur d'univers musical fantastique, rien de mieux pour une aventure pareille !
Outre les trois génies dont on vient de parler et l'apport qu'ils ont eu sur Final Fantasy, il y a bien quelqu'un d'autre. En vérité, il y a bien d'autres gens, évidemment. Quand bien même Sakaguchi avait, en 1986, une mauvaise réputation de bourreau de travail qui ne faisait aucun jeu vendeur au sein de Square, une petite équipe d'une dizaine de personnes avait acceptée de le suivre. Ce qui était moitié moins néanmoins que celle de son compère Hiromichi Tanaka pour développer Genesis la même année. Parmis les autres, il y avait quelqu'un en particuliers qui eut un poids conséquent et insoupçonné pendant énormément d'année. Ce quelqu'un se nomme Nasir Gebelli, resté dans l'ombre depuis toujours, il est pourtant crédité au générique du jeu sous son pseudonyme simpliste : Nasir. Né en 1954 en Iran, cet homme entame les années 80 avec des études d'informatique en poche et se passione pour la création de jeu vidéo. Pas tant pour assouvir sa soif de création et pour raconter de belles histoires comme Hironobu Sakaguchi, que pour bidouiller, écrire du code et tenter tout et n'importe quoi avec son hardware personnalisé. Il conçoit plusieurs jeux qui marqueront le tout début des années 80 sur Apple II comme Zenith, Cyber Strike ou Horizon V. Mais si Gebelli est un excellent programmeur, il est un piètre homme d'affaire et sa société de production et d'édition, Gebelli Software s'effondre rapidement. Entre 1983 et 1986, il voyage et ne s'occupe à priori plus d'informatique. Puis c'est en 1986 qu'il dépose ses valises au Japon et se fait engager chez Square. Il écrira le code de Final Fantasy auprès de Hironobu Sakaguchi.
Sa présence est d'autant plus surprenante qu'on ne l'apprend réellement que très longtemps après. Comme si on venait de découvrir un personnage vraiment très secret dans un de nos jeux de combat favoris, un personnage légendaire, fantasmé, que jamais personne n'avait réussi à débloquer jusque là (un peu comme Gouken dans Street Fighter II). C'est d'autant plus croustillant à apprendre qu'on n'aurait jamais imaginé la présence d'un Irano-américain au sein de la petite équipe très japonaise ayant façonné le mythe Final Fantasy. On ne sait pas trop où et quand a été confirmé l'information de la participation au développement de Nasir Gebelli, l'homme tenant toujours a rester discret. À priori, il s'agirait du fameux John Romero (Wolfenstein 3D, Doom, Daïkatana...), un ami de longue date qui aurait vendu la mèche lors de l'organisation de son festival ''Apple II Reunion'' en 1998. Cette réunion ayant pour but de regroupper de nombreux développeurs de jeu ayant fait leur début de carrière sur la machine d'Apple, avec keynote et témoignages à l'appuie.
Evidemment, l'arrivée de Nasir Gebelli fut du pain béni pour Sakaguchi qui s'interessait fortement à l'actualité du milieux de la programmation au moment du développement de Final Fantasy. Et voir débouler chez lui un des as de l'Apple II, machine qu'il garde toujours dans un coin de son cœur, ce fut une chance incommensurable. Nasir était quelque peu fantasque, il n'aimait pas travailler en équipe et il n'avait semble-t-il aucun don artistique. Mais la qualité d'écriture de son code de programmation était sans faille, très peu de bug subsistait dans ses programmes. Tout était optimisé de façon surprenante. Ses méthodes de travail étaient sans commune mesure, selon plusieurs témoignages, il avait en effet l'habitude d'écrire les codes de ses jeux d'une traite sans utiliser de disquette ou d'autre support de stockage. Si bien que ça l'obligeait à coder à même la mémoire de l'Apple II sans jamais éteindre la machine, et ceci très rapidement. John Romero raconte : ''Il buvait beaucoup de café et fumait des cigarettes, et il développait ses jeux à la chaine !''.
Chose ahurissante qui là encore nous fut dévoilé que très récemment : Final Fantasy (ainsi que d'autres jeux reconnus de Square comme Secret of Mana) furent bel et bien codés en premier lieux sur Apple II avant d'être convertis et adaptés comme il se doit au hardware Famicom et Super Famicom. Pour la première, ce ne fut pas un soucis, mais au contraire un choix stratégique de la part de Sakaguchi et Gebelli qui connaissaient bien l'Apple II et qui pouvaient donc programmer facilement dessus. En effet, puisque le processeur MOS 6502 du micro-ordinateur était un cousin du processeur MOS 6502 modifié par Ricoh de la Famicom.
Authentique monument du jeu vidéo, icône, roi et précurseurs d'un genre, tête d'affiche créative et artistique d'un média tout entier, les superlatifs ne manquent pas pour décrire Final Fantasy. Evidemment, Final Fantasy n'est objectivement pas exempt de défaut. Erreurs de jeunesse, errances conceptuelles inhérantes à l'époque, ou véritables maladresses des game designer, je ne saurais pas vous l'expliquer réellement. Mais la gestion inutilement contraignante du stock de magie comme s'il s'agissait de vulgaires objets, ou les menus d'équipements peu intuitifs gâchent un peu l'expérience de jeu. Aussi, les combats parfois longs et répétitifs, surtout en fin d'aventure où les monstres se font de plus en plus coriaces ont de quoi ennuyer un tantinnet, même si une fois encore, cela reste absolument dépendant du genre de jeu lui-même.
Mais outre cela, Final Fantasy est grand, généreux, novateur. Il prête à rêver. C'était encore assez rare à l'époque car le grand public n'était pas capable d'imaginer les évolutions technologiques et les fantasmes qui pouvaient en découler, mais Final Fantasy fut dans le domaine du jeu vidéo un de ces phénomènes qui éveillèrent l'imaginaire des joueurs et les firent s'emerveiller. Tout simplement. Final Fantasy, au même titre que The Legend of Zelda sorti une année plus tôt, était de ces jeux qui faisaient dire aux gens ''waouh, si c'est aussi fantastique en 1987 avec ce jeu, qu'est-ce que ce sera dans dix ans avec des consoles plus performantes, des jeux encore mieux conçus ?!''. Final Fantasy est clairement devenu dès le début de son existence une locomotive majeure du jeu vidéo, tirant vers le haut tout ce jeune et fascinant média.
Et puisqu'on n'a eu de cesse de faire le parralèl entre Dragon Quest et Final Fantasy tout au long de ce retro test, autant conclure par là. Libre à vous d'adopter l'angle de vue qui vous plait le plus car en vérité, comparer DQ et FF n'est pas réellement pertinent dans le sens où Final Fantasy est sorti prêt d'un an après Dragon Quest. En vérité, si on veut être tatillon et tout à fait précis, il convient de comparer Final Fantasy à Dragon Quest troisième du nom, sorti dans les même eaux au Japon. Si Dragon Quest est la préhistoire du J-RPG, l'archétype d'un genre tant sur son fond que sur sa forme, Final Fantasy en est l'accomplissement. Ce concept primaire né sur NES trouvera sa première phase de perfectionnement avec Final Fantasy et sera enterinné avec ses deux suites ainsi qu'avec Dragon Quest III & IV qui seront autrement mieux conçus, plus matures et plus ambitieux encore. Si au Japon ce constat est moins certain qu'en occident car même face à l'éternel, Dragon Quest continue de se vendre bien mieux qu'un Final Fantasy, il me paraît clair que la saga de Sakaguchi n'est pas uniquement opportuniste. Elle l'est indubitablement, mais elle l'est intelligement. Car novatrice, ambitieuse, avec un caractère qui lui est propre, une intelligence de direction insuflée par des créateurs inspirés.
Au fond, toujours mettre en rivalité ces deux grandes sagas ne sert pas à grand chose tant, dès le départ, elle ont clairement adopté deux philosophies dfférentes, résumant leur nature et le pourquoi de leur création. D'un côté, Dragon Quest, monolithique et traditionnel, de l'autre, Final Fantasy, intrépide, changeant et (parfois abusivement, peut-être) créatif. En somme, deux façons très différentes de voir le J-RPG, de voir le jeu vidéo, de voir l'exercice de la création artistique au sens global du terme. Mais deux façons toute aussi intéressantes l'une que l'autre, quoiqu'on en dise.
L'histoire des RPG (Pix'n Love), Retro Gamer Collection US
Quand un jeu vidéo arrive à concilier succès critique et commercial, il est tout à fait normal que l'on voit une suite débarquer dans les années suivantes. Beaucoup de licences ne peuvent se targuer d'avoir passé ce baptême du feu avec brio, mais dans cette étendue de sagas vidéoludiques se fut le cas pour une série bien connue des joueurs et dont la célébrité a franchie les frontières de son pays depuis bien longtemps.
Cette licence vous la connaissez tous... il s'agit de "Super Mario Bros". Quand on est fan de ce média il est totalement impossible de n'avoir jamais entendu parler de cette légende, encore aujourd'hui son aura est toujours bien présente et ses épisodes restent de bonne qualité, mieux encore son personnage principal est devenu la mascotte de son créateur au fil des années, de quoi peut-on rêver de mieux pour nos séries favorites? et bien qu'elles durent assez longtemps nous garantissant de nouveaux opus pour notre plus grand plaisir.
C'est très aisé de créer la suite d'une saga (que ce soit dans les domaine du cinéma ou bien de la littérature) là où c'est beaucoup plus compliqué c'est dans faire une de bonne qualité, je pense que plus on goûte à la véritable consécration plus il est difficile de pondre une suite qui contentera le public. Car les exigences des joueurs seront toujours de plus en plus nombreuses attendant au minimum l'équivalent en qualité du premier épisode ou quelque chose qui le surpasse, les développeurs doivent avoir une certaine pression sur les épaules au moment de la création de cet attendu second jet.
Du coup plusieurs choix s'offrent au firme du jeu vidéo, soit on prend pas de risque en sortant un titre qui garde les grandes lignes du précédent histoire de laisser le joueur sur un terrain connu, avec quelques ajouts pour justifier le fait de repasser à la caisse, soit on change tout le cahier des charges pour proposer du neuf en espérant que ce coup fasse mouche auprès des fans tout en touchant une nouvelle fanbase afin de grossir les ventes, mais ce cas est plutôt dangereux dans le sens ou soit on réussit ce prodige soit on se viande méchamment, un choix cornélien quand on tente de faire percer définitivement une jeune franchise. Et bien chez Nintendo on ne choisit pas on fait les deux!! un acte audacieux visant à plaire à toutes les audiences, une bonne idée si le travail derrière est bien fichu, le jeu traité dans cet article en est le parfait exemple.
Alors que le monde se remet tout doucement du choc de la première aventure de Mario, le second pointe le bout de son nez quelques printemps plus tard. C'est vers la fin des années 80 que débarque le tant attendu "Super Mario Bros 2" aux States et en Europe toujours sur la mythique Nes, titre qui n'arrivera au Japon qu'en 1992. Mais comment se fait-il qu'un jeu japonais ne sorte que bien plus tard dans son pays d'origine, chose totalement invraisemblable à l'époque? et bien c'est simple ce jeu est un imposteur (voilà le mot est lâché!) en fait ce deuxième Mario n'est pas le véritable "Super Mario Bros 2".
L'authentique second opus est sorti bien avant uniquement au Japon, ressemblant beaucoup au premier mais avec quelques différences notables, comme par exemple des aptitudes plus nuancées entre Mario et Luigi mais surtout des niveaux avec une difficulté plus accrue. Nintendo décide donc de ne pas sortir cette version hardcore dans le reste du monde, pensant sûrement que le jeu ne conviendrait pas au public occidental (hé ouais bande de noobs) nous ne découvrirons que ce jeu bien plus tard dans la compilation "Super Mario All-Stars" sorti sur Snes, revenu rien que pour nous sous le nom de Super Mario Bros mais accompagné du sous-titre "The Lost Levels", jeu assez corsé comparé au titre de base.
"Comparaison entre notre SMB2 et Yume Kōjō: Doki Doki Panic"
Mais alors quelle est donc cette cartouche qui trône fièrement dans la fente de ma console Nes? c'est juste le "Super Mario Bros 2" pour nous les occidentaux. il s'agit en fait de l'adaptation d'un autre jeu Nintendo, sorti en 1987 sur Famicom Disk System, portant le nom de "Yume Kōjō: Doki Doki Panic". C'est un jeu se déroulant dans un univers emprunté aux mille et une nuits sur lequel Nintendo à transposer un skin de Mario, qu'ils s'agissent de musiques ou d'objets bien connus de la série, afin de l'incorporer dans le monde des champignons, voilà pourquoi cet opus possède peu de similitudes avec le reste de la chronologie du plombier.
Au vue de la popularité grandissante de Mario et sa bande et à l'instar de la galette japonaise, notre mouture rejoindra aussi la compilation "All-Stars" réunissant enfin tous les épisodes Nes dans une seule boite, avec upgrade graphique par la même occasion. On peut dire que ce titre fait office de petit canard boiteux de la famille, jusqu'à le renommer "Super Mario USA" au Japon, D'ailleurs le scénario du jeu s'apparente à un simple rêve de Mario, histoire de pouvoir justifier simplement sa place dans la saga.
Ce jeu reste tout de même assez plaisant même si les codes ne sont point respectés, mais bon c'était beaucoup moins grave à l'époque étant donné que la série n'avait pas encore atteinte son apogée. Si la même situation se reproduisait aujourd'hui, vu le nombre de titres sortis à ce jour, c'est sûr que son gameplay déstabiliserait pas mal de fans de Mario.
Du coup comme le jeu est juste une adaptation dans le fond, on peut s'attendre à des changements manette en main? c'est bien évidemment le cas, le gameplay s'éloigne fortement du premier épisode, à l'époque on aurait pu parler de renouveau mais de nos jours le titre est en totale contradiction avec ce que l'on est en droit d'attendre d'un "Mario", je parle de la série principale bien sûr étant donné qu'il en fait partie à 100%. Pour commencer une surprise de taille, le joueur peut choisir de contrôler Mario ou Luigi mais aussi Toad et Peach (sûrement pour se rapprocher le plus du jeu original)
Soyons clairs le jeu peut être complété en jouant toujours le même personnage, pas de passage tordu vous obligeant à switcher (hum), même si certains passages seront bien entendus plus faciles en choisissant tel ou tel protagoniste et inversement, un bon point pouvant offrir des expériences différents en fonction de votre choix, après vous aurez toujours la possibilité de changer au début de chaque niveau si vous éprouvez une certaine difficulté en cours de partie. Qui dis plusieurs personnages sélectionnables dis une variété dans le gameplay, ainsi pour ne pas simplement servir de skins interchangeables les différents héros/héroine possèdent chacun des particularités bien distinctes, Mario sera le personnage équilibré par excellence au niveau de ses caractéristiques (saut, force et vitesse) tandis que Luigi lui sera supérieur quand il s'agira de bondir mais verra ses autres statistiques en baisse. Quand aux deux petits nouveaux, Toad sera en totale opposition de Luigi avec une balance vitesse/force en hausse mais un saut de faible portée, la princesse quand à elle sera la plus faible en tout point sauf qu'elle aura la faculté de flotter dans les airs quelques secondes à chaque virevoltement histoire de palier à ses aptitudes médiocres.
"Notre équipe au complet avec une Peach virevoltante"
Une fois s'être fait les mains avec cette équipe hors du commun intéressons-nous d'un peu plus prés au coeur du jeu c'est à dire son système général, le soft est divisé en 7 mondes fragmentés en plusieurs zones parfois se finissant par un boss, la plupart du temps il s'agira d'une version de Birdo, première chose frappante il est impossible quel que soit votre personnage d'écraser un ennemi en lui sautant dessus... oui je sais c'est plus ou moins inattendu dans une mouture estampillée "Super Mario Bros". la seule solution sera de littéralement arracher un légume du sol pour le jeter sur les monstres environnants, si aucune plante à l'horizon vous pourrez monter sur la tête de la pauvre bestiole passant par là et l'attraper afin de soit la balancer dans le vide pour vous en débarrasser ou bien de prendre une autre pour cible de façon à faire d'une pierre deux coups.
Un principe assez ingénieux et addictif avec lequel on s'habitue assez rapidement, ouvrant une vision élargie de la façon avec laquelle vous allez pouvoir franchir chaque étape dans les niveaux, avec le temps vous apprendrez
à prendre l'habitude d'utiliser votre environnement ainsi que le bestiaire à votre avantage qu'il s'agisse de prendre appui sur certains ennemis afin d'atteindre des zones surélevées ou bien à dos d'aigle qui vous conduira vers de mystérieux passages secrets. Il existe aussi d'autres sortes de projectiles à usage infini (à moins de le faire tomber dans un trou) pouvant être ramasser autant de fois que le joueur le souhaite, fortement utile en terme de bouclier ou d'arme de lancée et parsemés la plupart du temps dans la salle des boss, vous pourrez même renvoyer leurs propres munitions contre eux afin de pouvoir conserver une chance de battre votre adversaire.
"A vous de choisir comment vous défaire de vos ennemis"
Beaucoup d'autres objets seront accessibles, certains surtout ajoutés afin de faire la passerelle avec le reste de la série comme les étoiles, champignons ou bien les carapaces, les plus importants sont des clés protégées par des masques fantômes qui vous courseront jusqu'à la mort afin de récupérer leurs biens, il faudra faire preuve de dextérité durant cette course folle dans le sens où il n'y aucun moyen de les éliminer, sans compter que si vous lâchez cette clé elle retournera à sa place après un certain laps de temps. L'autre item utile est des espèces de potions magiques créant une porte qui donne sur une dimension miroir du monde dans lequel vous évoluez, pendant un court instant vous aurez la possibilité de ramasser des pièces ou des vies supplémentaires, elles conduisent aussi certaines fois vers les fameuses Warps Zones, l'utilisation des pièces ramassées se fera à chaque fin de stages via une roulette permettant d'engranger encore plus de vies. Globalement le jeu est très bon, et on arrive à comprendre sans mal le choix de Nintendo pour ce second épisode, niveau difficulté le soft se révèle correct même s'il est plus facile que le modèle de base étant donné que les développeurs ont ajoutés une fonction de course pour conserver l'esprit Mario aux yeux des fans.
"Une fois la clé en votre possession, filez sinon..."
Malgré son statut de version modifiée d'un autre jeu, cette variante sera intégrée avec brio au reste de la chronologie au point que plusieurs personnages intégreront les futures aventures de la bande à Mario, montrant clairement l'attachement à la série. Au niveau de son habillage on est largement un cran au dessus de son aîné (par conséquent de "The Lost Levels" aussi) la matière première provient en grande partie de "Yume Kōjō: Doki Doki Panic" mais malgré cela la patte du plombier ressort de la plus belle manière possible. Le jeu propose des sprites beaucoup plus détaillés de grandeur tout à fait honorable donnant plus de distinction entre les personnages, fini le temps où Mario et Luigi se ressemblaient comme deux gouttes d'eau là les frères arborent des physiques uniques réussis.
Les zones des niveaux sont comparables à de larges étendues colorées, le monde des rêves est un endroit plein de vie, même si le premier "Super Mario Bros" n'était pas avare au sujet de son aspect esthétique ce deuxième jet apporte un plus en terme de diversité artistique, la transition est parfaite qu'il s'agisse de traverser de verdoyantes plaines, des zones enneigées, des sombres grottes ou bien un désert aride, sans compter que chaque étape est habillée avec des nouveaux décors donnant un véritable plaisir de découverte au fil de votre avancée, principe qui sera sublimé dans le prochain opus sur Nes. Petit point fort sympathique, montrant que les graphismes peuvent être au service du scénario, la fin du jeu vous gratifiera de magnifiques illustrations (à l'époque évidemment) représentant notre héros en plein sommeil jusqu'à son réveil, signant en même temps l'aboutissement de son périple. C'est presque rien mais c'est le genre de détail qui donne un cachet supplémentaire à un jeu vidéo, comment un truc qui dure 30 secondes peut graver un jeu dans votre mémoire pour l'éternité.
Qu'en est-il du point de vue musical? et bien comme à l'accoutumé nous sommes face à un bon gros copié/collé du jeu original, mis à part quelques variations dans les thèmes choisis et bien sûr des réarrangements majeurs plutôt bénéfiques augmentant la qualité du son. On notera quand même le rajout de nouvelles pistes collant parfaitement à l'univers de Mario, faut quand même qu'on sache clairement où on pose les pieds dans ce jeu.
Le compositeur n'est d'autre que Kōji Kondō, grand habitué aux licences de Nintendo et réputé dans le monde du jeu vidéo, son travail est complet sur ce titre dans le sens où il est autant le créateur de la bande-son de "Yume Kōjō: Doki Doki Panic" que des réajustements sur sa seconde forme aux couleurs du plombier, je ne présenterais pas le palmarès du Monsieur étant donné qu'il est aussi long que mon bras mais sachez juste qu'il a boulotté sur une grande partie des licences les plus prestigieuses de Nintendo.
En décortiquant un minimum on remarque un ensemble de pistes ne manquant pas de rythmes, un thème principal plutôt entraînant qui restera dans les mémoires de par sa nature joviale, il n'y pas grand chose à dire sur le reste malheureusement même si je ne me permettrais jamais de le dénigrer, c'est loin d'être transcendant mais quand même de bonne qualité, petit coup de coeur pour le thème de fin qui conclura cette aventure d'une bien belle façon de par son caractère chaleureux.
"Thème principal de cet opus"
"Un repos bien mérité pour Mario"
Mon avis:
Au final nous sommes face à un très bon jeu, le qualifiant même de valeur sûre sur son support, un gameplay plein de fraîcheur muni d'une enveloppe de bonne facture, on s'éloigne énormément du schéma Mario mais ce n'est pas ce point qui vous empêchera d'apprécier ce titre du début à la fin, j'ai pris autant de plaisir à m'y replonger de nos jours que le première fois où j'ai posé mes mains dessus... j'irais même jusqu'à dire que je trouve le jeu tellement bien fichu qu'il est même dommage que Nintendo en ai fait un Mario. C'est vrai quoi le titre possède de grandes qualités qui se suffisent à elles mêmes, un petit quelque chose rendant le mélange final assezaccrocheur même si on lui enlève la touche Mario, franchement j'aurais autant apprécié le jeu dans sa forme original s'il était sorti en l'état sur la Nes. Mais bon je peux comprendre que cela devait être beaucoup plus vendeur de lui coller cette étiquette, mais malgré tout ça je ne peux m'arrêter de penser à ce pauvre "Yume Kōjō: Doki Doki Panic" complètement éclipsé par son créateur et qui malheureusement ne récoltera jamais les éloges qui lui sont dues. En tout cas quel que soit la version à laquelle vous allez jouer vous y passerez de bons moments et sincèrement n'est ce pas le plus important?
À la suite du retro test sur le premier Dragon Quest, vous avez été quelques un à ne pas comprendre l'apparente sévérité de la note. Il est vrai que pour moi, en mon for intérieur, cela pouvait paraitre parfaitement justifié et explicite, selon mon propre mode de pensé et de jugement. J'avais une façon précise de juger le jeu et faire une review de sa suite (et de Dragon Quest III au minimum) était nécessaire pour rendre la note plus légitime et plus compréhensive. Dragon Quest, c'est basiquement le genre de jeu très difficile à traiter de façon rétrospective tant d'années après sa sortie initiale tant celui-ci s'inscrivait dans une logique de construction originale à son époque. Dragon Quest doit se vivre avec beaucoup d'imagination, de patience et l'envie de voir toujours un peu plus loin dans le jeu, c'est ce qui motive à continuer jusqu'à la fin, car je ne vois pas grand chose d'autre à vrai dire. Mais il était dit aussi qu'on y verrait probablement plus clair en constatant les évolutions de la saga au fil du temps. C'est à cette condition qu'on réalisera que Dragon Quest premier du nom était un jeu unique autant pour de bonnes que pour de très mauvaises raisons. En abordant ma (re)découverte de Dragon Quest II sous cet angle, cela m'a conforté dans cette vision que j'avais du premier titre de la saga.
Car si de prime abord Dragon Quest II ressemble impudemment à son ainé, c'est en s'y plongeant pour découvrir ses secrets et ses détails de conception qu'on s'aperçoit que celui qui a réellement lancé le J-RPG et ses bases, c'est lui. Et non pas l'autre ! Histoire de tuer le suspens dés maintenant, oui, Dragon Quest II est la digne suite du premier, une évolution dans le bon sens du terme, comme dans le mauvais. En ajoutant quelques concepts et en améliorant certaines lourdeurs de gameplay, il en a créé d'autres. Comme un éternel bloc de pâte à modeler que ses auteurs ne cessent de façonner en y ajoutant des boules de gommes de toutes les couleurs jusqu'à trouver le mélange parfait.
Sur la défaite du Dragonlord, on quittait le héros de la lignée du légendaire Erdrick (Roto, en japonais), et la princesse Laura qui choisirent de s'exiler du royaume d'Alefgard pour de nouvelles contrées. Ils fondent un nouveau royaume et pendant cent ans, la lignée est perpétuée, la descendance règne et la paix s'installe. Mais soudain, le château du royaume de Moonbrooke est sauvagement attaqué par les forces du sorcier Hargon. Le roi est assassiné, la princesse disparaît et les lieux sont ravagés. Un soldat de la garde royal parvient à échapper au massacre et à gagner le royaume voisin de Midenhall (Laurésia, dans la version japonaise, et c'est important car il est nommé d'après la princesse Laura). Après avoir reçu l'appel de détresse du pauvre soldat, le roi de Midenhall enjoint son fils, le prince, à parcourir le monde pour s'allier aux autres descendant de Roto : son cousin le prince de Cannock (Samartria, en japonais) et la princesse de Moonbrooke qu'il doit rechercher après son départ précipité de son château en ruine.
De gauche à droite: Le Prince de Cannock, le Prince de Midenhall et la Princesse de Moonbrooke. En haut, leurs artworks japonais, en bas, leurs artworks américains.
Dans l'immédiat, on se rend compte que Dragon Quest II ne change guère du premier. Mais si on observe de façon un peu plus attentive, on peut dénoter quelques changements. Les couleurs semblent tout d'abord plus vivaces, avec des verts plus intenses. Certaine tiles (ou tuiles en français, qui sont des éléments de décor récurrents qu'on colle les uns aux autres pour composer des arrières plans en utilisant peu de mémoire graphique) sont repris directement du précédent volet et retapées substantiellement pour se voir ajouter un ou deux pixel. D'ensemble, c'est légèrement plus détaillé, les murs et monuments de villes gagnent en perspective. Les donjons et endroits importants sont matérialisés sur la carte et quelques ennemis communs aux deux soft gagnent dans Dragon Quest II un jeu de pixel supplémentaires pour simuler les ombrages. En revanche, si les combats se faisaient dans un petit encadré avec un fond de décors lié à votre emplacement sur la carte (forêt, plaine, donjon...), désormais, vous n'aurez droit qu'à un tout nouvel écran bien distinct sur fond noir des plus austères. On imagine que cela a dut être nécessaire pour permettre au jeu d'afficher plus d'un monstre à la fois (on y revient un peu plus bas). On comprend vite qu'avec seulement huit mois de développement, Chunsoft a préféré capitaliser sur ce qui avait déjà était fait dans son précédent titre plutôt que de tout reprendre de zéro.
Du demi-mégabit, on passe enfin à un mégabit complet (de 64 à 128 Ko, si vous préférez), ce qui va permettre aux auteurs d'accomplir un peu plus de choses. Ce qui se traduit directement, non pas par des graphismes infiniment plus impressionnants, on vient de le voir, mais par un contenu plus complet. Akira Toriyama, monsieur Dragon Ball, reprend du service (je vais pas le répéter à chaque retro test d'un épisode de la saga, il a signé l'intégralité du chara-design de la série. Hop, comme ça c'est dit) et son coup de crayon très personnel entre medieval-fantasy et humour enfantin apporte à nouveau une touche savoureuse à Dragon Quest. Dans le premier jeu, nous avions droit à un bestiaire fort sympathique de pas moins de quarante monstres, boss compris. Dans Dragon Quest II, c'est un peu plus du double qui nous est proposé !
L'univers gagne clairement en richesse et continue de se construire une identité unique avec des monstres qui deviendront rapidement des emblèmes de la série tels que les Cyclops (サイクロプス), les Mudman (どろにんぎょう) ou encore les Flame (フレイム ). C'est aussi avec Dragon Quest II que la série se pare de cette apparence vaguement anachronique avec ce mélange atypique d'univers médiévale fantastique et de science-fiction. En effet, le bestiaire voit l'arrivé d'un ennemi d'un genre nouveau, de type machine et souvent très dur à battre : les killer machine. À noter que selon les ébauches de monster design pendant la production du titre, le monstre n'était pas censé s'équiper de carquois ni d'épée mais uniquement d'une arbalète automatisée.
La seconde chose qui frappe après avoir débuté le jeu, si on connait le précédent, c'est la disparition de ce système meurtrier du fun à base de commande rébarbative et lourde à souhait. C'est un soulagement insoupçonné car croyez moi, le système de commande de Dragon Quest - obligatoire pour réaliser des actions aussi simples que parler à un badaud ou gravir un escalier - était un véritable crime contre la notion d’ergonomie. Stairs, Door, Take, parmi les commandes les plus usitées tout au long du jeu sont désormais automatiques. Même si la commande Talk subsiste, et même si on est toujours obligé d'aller chercher la clé de la porte que l'ont veut ouvrir dans le menu, on fait un véritable bond en avant. Il ne faut surtout pas cracher dans la soupe, car c'était pas gagné d'avance.
La bonne idée que j'évoquais dans le retro test de Dragon Quest, à savoir l'inventaire qui s'auto-gère disparaît ici mystérieusement. La revente d'équipement n'a plus lieu toute seule lorsqu'on achète une nouvelle pièce, il faut s'en débarrasser soi-même au marchand du coin. Cette décision partage. Car les adeptes de la micro gestion d'inventaire et du troc contre des espèces sonnantes et trébuchantes retrouveront là une des facettes qui a fait la nature de tout bon jeu de rôle. Mais cela aurait été profitable si seulement en retour, l'encombrement de notre besace à item ne s'avérait pas excessivement chaotique !
L'inventaire ne peut pas être réorganisé comme dans les J-RPG plus modernes où il est possible de classer les items par catégorie. De plus, les informations sur chaque équipements sont pour ainsi dire inutiles et rien ne nous est dit sur son utilité concrète en combat. On prend donc l'habitude de partir du principe que si l'arme est plus chère, c'est qu'elle est plus efficace que les autres. Mais on continue de douter, de s'emmêler les pinceaux, parfois de vendre l'épée qu'on voulait garder sans même s'en rendre compte avant plusieurs combat effectués dans la douleur armé d'un cure-dent récupéré trois heures plus tôt. Et dite vous que ce genre de problème se conjugue avec la présence de non plus un, mais de trois combattants à l'équipement qui leurs est propre.
La lourdeur du système - dont les principales carences n'ont clairement pas toutes été corrigées - garde donc les racines de son fonctionnement, déjà en 1986 complètement désuet. Même si dans la version américaine, comme pour le premier, la présence d'une pile de sauvegarde est une bénédiction, cet ignoble principe du mot de passe de sauvegarde de vingt caractères de long dans Dragon Quest est toujours aussi détestable. Le fait qu'on puisse commander trois guerriers entraine la présence logique de plus d'un monstre à la fois sur le champ de bataille. Ce qui rend les joutes plus stratégiques où il faudra agir et envoyer diverses attaques sur la bonne cible et dans le bon ordre pour optimiser ses tours et éviter de prendre trop de dégât. Si on note des améliorations, le rythme de progression de l'aventure (que l'ont peut scinder grossièrement en trois parties, que nous allons voir juste après) s'occupe de rendre l'expérience de jeu définitivement haïssable et horripilante.
Comme dit plus haut, le jeu peut se séparer en trois grosses parties principales. La première consistera à - à l'instar de Dragon Quest premier du nom – voyager seul à travers le monde. Si on a l'habitude du fonctionnement des Dragon Quest old school (ils sont tous old school de toute façon, même ceux sortis en 2016), on se souvient vite des réflexes de survie. À savoir ne pas trop s'éloigner d'un lieux sûr, ville, village, château ou peu importe, afin de s'aventurer très progressivement sur la worldmap. Doser un peu le bestiaire des environs, connaître le potentiel des ennemis, enchainer doucement mais sûrement quelques victoires et ainsi accumuler de l'expérience pour grimper en niveau. On se rend compte que la campagne de Dragon Quest II est bien plus grande que celle du premier. Et pour cause, Alefgard devient ici logiquement une petite parcelle dans le grand ensemble du monde qui réuni plusieurs royaumes. Alefgard que l'ont pourra d'ailleurs revisiter, ou du moins en partie, un peu comme dans Zelda II sorti la même année. Jusqu'à présent, le premier tier du jeu se déroule sans accroc. On rencontre nos deux compagnons qu'on enrôle dans cette longue aventure et on progresse de façon relativement linéaire entre villages, grottes et autres petits donjons sans importance jusqu'à ce que le scénario opère un virage important. C'est à peu prêt à cet instant que les ennuis commencent.
Tout d'abord, l'objectif est de se rendre à Alefgard, île de son état. Ainsi est introduit dans Dragon Quest II un élément prépondérant dans la recette ancestrale du RPG à la japonaise : le moyen de transport. Le grand rival de toujours, Final Fantasy, s'en donnera à cœur joie dés ses premiers pas avec des vaisseaux volants, des créatures à domestiquer et un tas d'autres choses nous permettant d'engloutir très rapidement des distances épatantes. Dès lorsqu'on acquiert un navire, le jeu semble exploser, se consumer pour mieux renaitre, plus grand, plus vaste. Un nouveau monde s'ouvre, de prime abord étourdissant, bien trop vaste. On se sent littéralement perdu, on découvre au gré de nos voyages un peu hasardeux sur l'océan une kyrielle d'archipel sans trop savoir où on doit se rendre. On ose s'aventurer, on rebrousse chemin quand on constate que les monstres du coin sont infiniment trop forts pour nos pauvres petits combattants et on continue de fouiller la worldmap. Et c'est précisément ce à quoi je fais référence. On touche là un problème dans la progression de l'aventure, inhérente à toute la saga Dragon Quest. On est paumé !
Les indications ne sont pas bien nombreuses, on patauge, et le joueur doit apprendre à trouver tout seul sa route. La découverte à l'aveuglette se fait à nos risques et périls car comme dans le premier jeu, un faux pas, un écart de trajectoire de quelques pixel sur la région d'à côté et on se voit immédiatement punit par une bande de créatures incroyablement cruelles de puissance. Cette découverte dangereuse, parfois même effrayante tant on n'ose plus s'aventurer n'importe où, occasionne beaucoup trop de prise de précaution et d'aller-retour pour la jouer ''safe''. Sauvegarder un nombre incalculable de fois ; avancer pixel par pixel (j'exagère à peine) ; éliminer à tour de bras des dizaines, des centaines de groupes de monstres pour gagner difficilement un niveau ou deux avant d'atteindre le point de sécurité suivant. Voilà en résumé la seconde partie du jeu, qui se dote ainsi d'un rythme si haché qu'on en perd fatalement le fil de l'aventure. Les enjeux ne compte plus, l'histoire est passée au second plan tant la survie nous importe plus que n'importe quoi d'autre.
Pourquoi aller à Alefgard, alors ? Et bien pour retrouver les artefacts et équipements légendaires de Roto, le héros qui a vaincu le Dragonlord (vous dans Dragon Quest, en l’occurrence). Le second élément du trialisme de Dragon Quest II prend aussi la forme d'une chasse aux trésors, un peu comme à la fin de Dragon Quest où il faut jouer les détectives, fouiner et recueillir des indices auprès des PNJ pour se diriger au bon endroit. Si vous n'aviez pas apprécié cette phase d'enquête et de recherche dans le jeu précédent, vous risquez de ne pas être très copain avec Dragon Quest II. Laborieuse serait le qualificatif parfait pour cette chasse à l'artefact.
La combinaison d'indices vagues, de choses trop bien cachées et de villes éparpillées aux quatre coins du monde fait de la seconde partie du déroulement de l'aventure un véritable sacerdoce. Il vous faudra beaucoup, vraiment beaucoup de pugnacité pour venir à bout de Dragon Quest II, et les choses sérieuses ne font que commencer. On vous demandera de retrouver un personnage, lui seul à même de vous aiguiller efficacement vers votre prochain objectif. Mais le dit personnage n'apparaitra précisément que si vous allez parler à quelques autres personnages qui vous donneront quelques menus indices. Cela n'aurait pas été plus simple de caser le PNJ quelque part, bien caché ou pas, et de le faire attendre votre venu ? Plutôt que de littéralement ne pas le faire apparaître avant d'avoir rempli quelques conditions sine qua none complètement approximatives que jamais le jeu ne prend la peine de vous expliquer ?
Le jeu continue à enfiler les choix abracadabrantesques de conception comme sur un chapelet pour finir de ruiner le rythme de progression de l'aventure. Un des objectifs pour retrouver un objet utile à l'aventure consiste à trouver l'épave d'un navire mythique au milieux de l'océan. En soi, c'est bien trouvé, ça prêt à l'aventure, ça fait rêver. Pensez vous, partir à la recherche d'une antique ruine en plein cœur d'un dangereux environnement comme les fonds marins. Mais on déchante bien vite quand on commence à sacrément galérer pour trouver cette fichue épave perdue. Le secret consiste en l'orientation de notre recherche sur la map. Littéralement. Il faut orienter son personnage correctement selon les quatre points cardinaux, à un emplacement très exact de la carte afin de trouver son bonheur et espérer gagner la précieuse relique. Là encore, on ne nous explique rien. Il faut le deviner. Il y a d'autres exemples. Je ne vais pas m'éterniser sur le grand classique ''fouille chaque carré de pixel de la pièce où tu te trouve, qui mesure la taille d'un terrain de football, au hasard, sans indication ni indice, pour trouver l'objet que tu veux. Sans oublier de subir les combats aléatoires qui se déclenchent toutes les quatre secondes. Connard.''
Manifestement, le second tier du jeu subit une révolte brutale de la difficulté qui décide de devenir carrément odieuse. Si on est pas préparé, c'est un véritable coup de fouet à épine sur le cul qu'on encaisse sans le voir arriver. D'un point de vue global, les monstres deviennent plus costauds, les donjons plus labyrinthiques. Ils multiplient les voies secondaires ou les impasses qu'on est irrésistiblement poussé à explorer vainement dans l'espoir d'acquérir un petit objet de soin salvateur. L'agencement des donjons, volontairement fourmillant de direction avec des couloirs et des chemins visuellement identiques nous fait vite perdre toute notion d'orientation. Mais ce qui exaspère le plus, c'est bien cette utilisation abusive du hasard dans la progression de l'aventure. Pour réussir à avancer, glaner quelques indices, rencontrer les bons PNJ et mettre la main sur les objets que l'ont recherche depuis de longues heures, la chance est trop fortement impliquée. Et comme pour s'assumer totalement, c'est aussi à ce moment du jeu que la petite feature typique du J-RPG du jeu de loterie fait son apparition. Mais là encore, cruel et insondable, Dragon Quest II vous crachera littéralement au visage des centaines de fois avant que vous n'ayez le bonheur ultime de gagner le moindre lot. Abominable quand on sait que les offrandes de ce mini-jeu sont de parfait petits trésors hyper pratiques, comme le wizard's ring (anneau de sorcier) qui restaure vos points de magie, indispensable à haut niveau. Ou les golden card (cartes dorées) qui vous octroie une ristourne de 25% sur n'importe quel achat (arme, armure, objet de soin...).
La solution pour s'en sortir ? C'est moche, c'est peu glorieux, certes, mais ça devient nécessaire : l'utilisation d'un guide ou d'une solution. Ah ! Que c'est vilain. Mais quand on prend du recul, on découvre que ce n'est pas là une tare exclusive à Dragon Quest. Bon nombre de jeu d'aventure et/ou J-RPG de l'époque (Ys, Hydlide, Megami Tensei, Momotarō Densetsu, Musashi no Bōken...) ont été conçus par des développeurs et des game designer qui avaient énormément de mal à se mettre à la place des joueurs. Ou qui ne s'embêtaient pas la moindre seconde à tenter de la faire. Le concept de critique, de retour et de bêta-test était inexistant. Les équipes de développement ne prenaient aucun avis extérieur en compte, ou si peu. Si bien qu'il était impossible de se rendre compte si le jeu était facile à appréhender ou pas pour l’œil profane, le néophyte. Dans les années 70 et 80, les game designer étaient pour la plupart des autodidactes pure souche. Des passionnés qui s'appuyaient presque intégralement sur quelques idées dont ils avaient le secret, sur leur amour du bidouillage électronique et sur leur passion inépuisable qui les faisaient travailler quinze heures par jour. Mais très peu d'entre eux avaient bénéficiés d'une formation, d'un cursus universitaire ou d'étude théorique sur le métier naissant de game designer. Plus tard, dans les années 90 et 2000 viendront les premières générations de game designer qui furent avant cela simples joueurs (les Satoshi Tajiri, Hideki Kamiya et autres Tetsuya Nomura). Cela même qui utiliseront leurs (parfois mauvaises) expériences de joueurs pour affiner les concepts déjà créés par leurs ainés et ainsi équilibrer, souvent de façon extrêmement précise, la difficulté des jeux modernes.
Vous pensiez avoir vu le pire avec cette seconde phase de jeu longue, imbuvable et ennuyeuse ? Eh bien vous êtes loin du compte, mes amis. Le tier final de Dragon Quest II est un condensé de ce qu'il y a de pire dans la recette de la série d'Enix/Chunsoft. Dans le premier Dragon Quest, on parvenait difficilement au niveau le plus élevé en fin d'aventure, en l’occurrence le trentième avec un total de 65535 points d’expérience. Ici, une fois la phase finale de Dragon Quest II entamée, on se retrouve en moyenne qu'au quart du potentiel que peut obtenir nos combattants, et on a déjà l'impression d'avoir gobé une séance de ''pexage'' atrocement répétitive. Le level maximal va jusqu'à 50 désormais, avec un pallier final d'un million de points d’expérience tout rond.
Et cet Everest du farming s'avère quasiment indispensable pour pouvoir affronter le dernier tier du jeu sans trop paniquer. S'engage alors une odieuse course aux points d'expérience, une monté de level au forceps particulièrement écœurante comme seuls les Dragon Quest en ont le secret. La dernière zone du jeu, la région où se situe le palais d'Hargon (la région, glacière, se nomme Rhone, mais pas comme les montagnes de chez nous) n'est pas bien étendue en comparaison de tous le chemin qu'on a déjà effectué. Mais elle regorge d'ennemis incroyablement coriaces. Des robots tueurs, des dragons parmi les pires et des flammes humanoïdes entre autre créatures qui peuvent tuer votre équipe en une seule attaque : le sort Defeat. Équivalent du ''Ankou'' de Final Fantasy VIII qui déclenche instantanément la mort sans qu'on ne puisse s'en protéger, et ceci, peu importe le niveau de puissance de votre guerrier. Particulièrement frustrant, on en vient à se demander alors à quoi bon s'acharner à monter nos personnages jusqu'au level maximum si c'est pour mourir misérablement face à un seul ennemi qui spam son sort complètement cheaté comme un idiot.
La grotte - comme qui dirait l'avant-dernier donjon du jeu - qui mène au palais du boss final est un calvaire. Pour vous imager la chose, souvenez-vous des bois maudits dans The Legend of Zelda. Dans lesquels vous revenez à votre point de départ si vous empruntez le mauvais chemin, et ceci inlassablement jusqu'à ce que vous ayez mémorisé la bonne direction à suivre. Ensuite, ajoutez-y des monstres comme dit plus haut sans pitié, et des pièges invisibles au sol qui si vous tombez dedans vous font chuter dans une salle annexe bourrée d'encore plus d'ennemis intraitables. Enfin, saupoudrez par une pincée d'objets (trois au total) à retrouver impérativement car indispensables à la suite de l'aventure ce qui vous force à explorer le moindre cul de sac de la caverne, et vous obtenez une véritable torture vidéoludique.
La fin du jeu, vous allez la payer de votre sueur, de votre patience et de vos pouces endoloris à force de se crisper sur la manette, garanti. Le constat est sans appel, Dragon Quest II est une purge, une véritable saloperie tant la difficulté et l'exigence d'un entrainement répétitif et long sont grandes. On finit par très clairement ne plus s'amuser. Si on parvient à persévérer, on finit par entrer dans un état second de comportement automatisé si primaire qu'on est en droit de se demander si le joueur ne devient pas une machine, à force de combattre et de répéter les même opérations inlassablement pour grappiller quelques points d’expérience.
On s'abrutit devant l'écran de trop longues heures pour acquérir une maigre récompense qui ne garanti en rien notre victoire finale. La notion de fun disparaît, signe révélateur que le jeu n'a pas ou peu subit de test pour savoir si il était équilibré et jouable. Le numéro du 11 novembre 1986 du Weekly Shonen Jump révèle que selon Yuji Horii, le jeu devait être plus dur encore et qu'il devait sortir en décembre de la même année, pour être repoussé à janvier 1987 afin d'être ajusté. Incroyable, ces gens sont réellement fous...
Contrairement à The Legend of Zelda ou Final Fantasy qui seront durs à leur manière, comme tout bon jeu d'époque ceci dit, Dragon Quest II est mal calibré. Abject, malhonnête, le constat est pourtant paradoxal parce qu'il s'avère être un jeu remarquable de part ses idées et son fonctionnement. Dragon Quest II est précurseur, alors même que son prédécesseur l'était déjà lui aussi. La fin qui laisse le joueur sur un flottement où il peut retourner au contact des gens du monde afin de découvrir de nouveaux dialogues, par exemple, est une petite trouvaille de Dragon Quest. Le trio de héros, au lieux d'un personnage solitaire est aussi de son fait. Le grand rival de toujours, Final Fantasy, dont le premier opus sortira seulement en décembre 1987 alors que le troisième jeu Dragon Quest est déjà en préparation s'inspirera fortement de son ainé. Quasiment tout dans son contenu et sa construction chez la saga au double F à ses débuts renverra à Dragon Quest. Même chose pour la série Phantasy Star de SEGA, et même bien plus tard dans les années 90 avec les Lufia de Neverland. À la fin des années 80, seul Megami Tensei d'Atlus saura se démarquer notamment grâce à un background riche à base de démons et de mythologies diverses.
La fin du jeu est aussi infecte qu'il est globalement important dans la longue histoire du RPG en jeu vidéo. Il est le façonneur dominant des codes d'un genre aujourd'hui encore vivace. Il est le bâtisseur des quelques piliers indémodables de touts RPG d'origine japonaise. Et si certains détails de son game design sont impardonnables, il n'en reste pas moins celui qui a tout fait avant tout le monde. Difficile dés lors d'évaluer objectivement sa qualité, que ce soit à l'époque ou aujourd'hui.
Noble patriarche créatif à qui l'ont doit un chapitre entier de notre beau loisir qu'est le jeu vidéo ; ou infâme punition pour le joueur à base de game design cruel et capricieux à l'excès ? Il se pourrait qu'on arrive jamais à se mettre d'accord sur la question...