A l'occasion de la sortie de la Lunar Remaster Collection, je sors de ma grotte car je suis curieux de connaître vos avis sur... la compil Suikoden sortie un mois plus tôt
Autant sur la qualité ou non du remaster que sur les jeux eux-mêmes, d'ailleurs. En fait, pour ceux/celles qui avaient fait les jeux à l'époque, je trouverais même intéressant de se prêter à l'exercice de la confrontation avec ses souvenirs : est-ce toujours aussi bien ?
A l'inverse, je serais aussi curieux de savoir ce qu'en pensent ceux qui n'y avaient jamais touché à l'époque et ont sauté le pas avec cette compil.
C'est d'ailleurs mon cas. J'étais complètement passé à côté à l'époque, et quand j'ai eu envie de m'y mettre, les jeux (surtout le 2) atteignaient déjà des sommes folles en occasion...
J'étais prêt à rattraper mon retard avec la compil annoncée par Konami (d'autant que je m'étais préparé psychologiquement, ayant fait tous les autres épisodes juste avant, sauf celui sur PSP), mais ces andouilles ont mis trop longtemps à la sortir, j'ai fini par me décider à faire les jeux "dans leur jus" en version Playstation sur ému Ouais, le rétro bien rétro, ça m'fait pas peur. Tellement pas peur que dans le cas du 2, j'ai même poussé le vice jusqu'à jouer à la VF d'époque... P'tet pas la meilleure idée que j'aie eue, pour le coup
Bref, pour ma part, ce furent deux expériences très plaisantes, quoique pas dénuées d'un certain nombre d'archaïsmes. Certains sont inévitables puisque j'ai joué sur les versions originales, mais d'autres sont propres à la construction du jeu et n'ont probablement pas été atténués par les remaster.
Je regrette juste de ne pas avoir été transporté autant que je l'aurais voulu par ces deux jeux, notamment côté mise en scène/scénario, mais c'est un peu fatalement ce qui arrive quand tout le monde te le vend comme le(s) meilleur(s) RPG de tous les temps ^^' (ça plus le fait qu'à mon grand regret, je n'arrive plus à être aussi impliqué émotionnellement dans les histoires des jeux... c'est ça la vieillesse, je veux dire l'expérience ). Limite j'ai plus apprécié le 3 sur cet aspect, mais c'était bien aidé par le fait que j'avais lu le manga juste avant (c'est lui qui m'a motivé à me lancer enfin dans la série, d'ailleurs), qui construit beaucoup mieux sa narration que le jeu lui-même.
J'ai aussi eu un peu de mal avec le rythme des jeux qui alterne généralement entre les tunnels narratifs et les phases où on te lâche complètement (l'idée étant de te laisser un peu respirer pour aller recruter de nouveaux alliés), et si j'adore le principe de recruter 108 personnages, faut admettre que ce n'est pas de tout repos, notamment pour certains dont les conditions sont vraiment obscures et qui peuvent être définitivement ratés... paye ton fomo infini. Bon cela dit, ça reste des problèmes inhérents à tous les épisodes.
J'ai pas été très convaincu non plus par les phases de batailles d'armées, même si ce sont probablement les moins pires de la série (quoique j'ai bien aimé celles du 5)
Surtout, la "fameuse scène" du 2 me reste en travers de la gorge, j'avais tout fait pour que tout se passe bien mais la RNG n'a pas été avec moi... Idem pour le 1, je sais pas comment je me suis démerdé pour rater Leon Silverberg alors que je suivais une soluce
Ca n'en reste pas moins deux jeux incroyablement riches (surtout le 2, clairement le meilleur de la série sans forcer, quoique le 5 serait juste derrière pour moi) et je comprends sans difficulté pourquoi ils sont autant aimés.
J'ai conclu mon marathon (me manque toujours l'épisode PSP mais bon) en ce début d'année avec Eiyuden Chronicles, que je considère comme un prolongement évident de la série, et que j'ai trouvé vraiment très bon, très riche lui aussi, plus intéressant même que le 2 sur un certain nombre d'aspects, mais clairement moins inspiré côté scénar que le 2. Bref, un épisode très solide, que je me suis malheureusement gâché avec les tares techniques inadmissibles de la version Switch.
Donc voilà, j'arrête le blabla, j'attends vos avis !
Je poste plus grand chose ces derniers temps, mais dans le cas présent ça m'a paru important. Désolé, le titre de mon article n'est pas super évocateur, permettez-moi de développer ici :
Il s'agit d'une initiative citoyenne européenne (on pourrait dire une pétition, sauf que là ça passe par la Commission européenne, donc on est un cran au-dessus tout de même) visant à demander à légiférer sur un grand problème de nos jeux modernes : lorsque ceux-ci sont affublés d'une connexion obligatoire aux serveurs d'un éditeur, même pour un jeu "solo" qui pourrait être joué sans connexion, l'éditeur se réserve le droit de fermer les serveurs à tout moment (généralement, quand il estime que ce n'est plus rentable) ce qui prive les joueurs de tout simplement pouvoir continuer de jouer au jeu. Autrement dit, ils perdent le jeu qu'ils ont pourtant acheté comme n'importe quel autre. (on ne parle pas d'un GaaS ou autre F2P, mais bien d'un jeu plein pot au prix d'un jeu complet)
Le lien de la page en question pour plus de détails : c'est ici
Cette pratique existe depuis longtemps, surtout du côté du jeu PC avant de débarquer aussi sur consoles, mais apparemment, c'est l'affaire autour de The Crew (pas Motorfest) d'Ubisoft qui aurait poussé les consommateurs à se mobiliser et à demander l'arrêt de ces méthodes déplorables.
En effet, The Crew était donc soumis à cette connexion obligatoire, et si vous ne le saviez pas, les serveurs pour accéder au jeu ont été fermés le 31 mars 2024, empêchant par la même toute personne d'y jouer même hors-ligne, puisque qu'Ubisoft n'a jamais cru bon de proposer une mise à jour pour retirer la connexion obligatoire. Pire, ce dernier aurait purement et simplement retiré le jeu des bibliothèques des joueurs.
Les nouveaux rédacteurs de Gamekult avaient écrit un article à ce sujet sur les questions que cela posait, que je vous encourage à lire : ici
Bref, The Crew est mort, et il est très peu probable de le voir revenir un jour, mais la question se posera toujours pour les autres jeux soumis à la connexion obligatoire. Raison pour laquelle cette initiative me paraît importante, même si évidemment, rien ne garanti qu'elle aboutira. (A l'heure actuelle, plus de 200 000 signatures sur 1 million recueillies à travers l'Europe, en sachant qu'on à jusqu'au 31 juillet 2025 pour atteindre l'objectif !)
En tout cas, si l'idée de ne plus pouvoir jouer à un jeu -même acheté au format physique- vous hérisse le poil car son accès est soumis au bon vouloir de l'éditeur et du maintien des serveurs (sans compter la question tout aussi importante de la préservation du JV), c'est ici qu'il faut signer.
Merci d'avoir lu, et bien sûr, n'hésitez pas à partager à votre tour la page de l'initiative si vous vous sentez concerné ! Bon vent sur le site !
Je ne crois pas avoir vu passer cette série de vidéo sur la défilante de blogs, et je me dis que ça peut intéresser des gens donc voilà :
Je n'ai regardé (enfin, écouté plutôt) que les deux premières, mais c'est plutôt intéressant. Quand bien même ça prend surtout la forme d'une rétrospective de leurs jeux, ça permet de faire le lien dans la vision créative de la sonic team, et de voir son évolution. Et Ken (pas Bogard, non) maîtrise évidemment tout à fait son sujet Il étaye ses propos avec des images, mais dans l'absolu, ça peut s'écouter comme un podcast, si vous trouvez les vidéos trop longues.
Salut Gamekyo, je partage une petite vidéo d'un Youtuber (US, certes, désolé pour les anglophobes) que j'aime bien et qui fait de très bons "making of" sur nos jeux favoris ! Il vient de sortir une vidéo sur la création de Secret of Mana (best game ever ) suivi de celle de Chrono Trigger (best game ever, bis), je suis sûr que vous apprendrez plein de choses sur les petites prouesses techniques qu'ont accompli ces deux jeux !
A l'heure ou la 9G Pokémon débarque dans le monde, je vous partage une petite interview chill (2 heures, seulement ) du traducteur qui avait officié sur les versions bleu et rouge, et nous livre en détail les raisons du choix derrière les noms des 151 premiers Poké ! Vous retrouverez sûrement des anecdotes que vous saviez déjà, mais aussi beaucoup d'autres plus méconnues.
Je n'en ai regardé que 20 minutes pour l'instant mais ça promet d'être intéressant, et le bonhomme est vraiment sympa. Dites-moi ce que vous en pensez
Petit partage de vidéo, qui ne parlera peut-être pas à tout le monde (qui ici a joué à Wildstar, en vrai ?), mais moi-même ayant été intéressé par le jeu à une époque, j'avoue que j'étais curieux de comprendre pourquoi il avait fait un flop...
C'est là que je tombe par hasard sur cette vidéo (pas très longue rassurez-vous), qui non seulement apporte une réponse à ma question, mais qui j'ai trouvé donnais du coup un peu à réfléchir. Pis le gars a un bon rythme et un bon montage sur ses vidéos en plus d'un fond intéressant, donc je pense qu'il mérite qu'on s'attarde un peu sur sa chaîne.
C'est vrai, comment un MMO aussi prometteur sur le papier, et avec des retours plutôt bons au point de laisser un souvenir impérissable auprès de nombreux joueurs, ait pu disparaître ainsi dans la quasi-indifférence ?
Evidemment la raison derrière tout ça n'a rien d'original et est un peu tristement courante aujourd'hui, mais selon le témoignage de nombreux développeurs, le développement du jeu était un enfer au quotidien à cause d'un management toxique. Le phénomène n'est pas nouveau, mais le cas Wildstar est particulier en ce sens que, contrairement à d'autres jeux ou le développement chaotique se fait généralement ressentir sur divers aspects du jeu (au hasard, Cyberpunk), à sa sortie le jeu avait véritablement tout pour plaire... Un peu trop d'ailleurs visiblement, car même en utilisant les meilleurs ingrédients (autant les idées de jeu que les talents créatifs), rien ne garantit que le mélange sera bon.
L'occasion donc de nous rappeler qu'un bon jeu ce n'est pas seulement de bonnes idées, un bon gameplay et de beaux graphismes, mais aussi et surtout une bonne cohésion de tous ces éléments.
On peut aussi faire le parallèle avec FFXIV, qui entamait sa renaissance alors que Wildstar était annoncé, et qui lui a remporté l'adhésion des joueurs sur le long terme. De là à dire que les producteurs de Wildstar auraient gagnés à s'inspirer des méthodes de management de Yoshi-P...
J'avoue que je suis un peu triste de ne finalement pas avoir connu le jeu, mais pour ceux/celles qui y ont touchés, qu'en avez-vous retenu ?
MAJ : Le problème est résolu (cf. mon dernier commentaire), mais je laisse l'article pour ceux que ça intéresse, si jamais vous êtes confrontés à la même situation !
Salut Gamekyo,
Il est bien connu que les membres gamekyo savent tout et mieux que tout le monde (j'exagère à peine ), aussi je me tourne vers vous puisqu'après quelques recherches sur le net, je n'ai rien vu qui corresponde à mon problème. Peut-être que l'un d'entre vous l'a déjà eu ?
Voilà : Je possède une manette "Pro" pour Switch de la marque Hori, donc avec fil, comme celle-ci.
Jusqu'ici tout marchait nickel (hormis le caoutchouc de mon stick gauche qui s'est défait, et je n'ai rien trouvé pour le remplacer...), mais depuis hier soir, lorsque je branche la manette sur n'importe quel port USB de mon dock, rien à faire, plus aucun bouton ne répond.
J'ai testé la manette sur mon PC en lançant un jeu, elle fonctionne sans souci, le problème ne vient donc pas de là. Je n'ai pas grand chose d'autre pour tester les ports USB du dock de ma Switch, mais je doute que ça soit le problème aussi (3 ports qui tombent en panne en même temps, vraiment ?). Du coup bah, je sais pas ce qu'il se passe :/ Si vous avez des idées...
Note : Il s'agit bien sûr d'une Switch classique (pas OLED), et je confirme que ma console est bien à jour.
Petit partage de vidéo sans prise de tête aujourd'hui
Derrière ce titre qui paraît enfoncer des portes ouvertes se trouve une réalité qu'on a parfois un peu du mal à appréhender... Car si tout le monde a probablement conscience des difficultés que peut rencontrer le développement d'un jeu, on continue d'agir comme s'il était normal que chaque jeu sorte dans un état de perfection absolue.
Game Next Door propose de remettre en perspective tout ça, et si la vidéo ne vous apprendra sans doute pas grand chose, je l'ai personnellement trouvée intéressante pour prendre du recul sur la façon dont nous prenons pour acquis le développement des jeux aujourd'hui (sans pour autant mettre de côté notre esprit critique, indispensable) et quels sont les problèmes qu'un développement peut rencontrer, autant sur l'aspect créatif que pécunier, que ce soit pour un jeu indé ou un triple A.
Je reprends la plume virtuelle pour un petit article d’avis, ça faisait longtemps ! En effet, je viens de terminer le sympathique Fuga Melodies of Steel, et vu que personne n’en a parlé sur le site (ni même ailleurs, bien que certains YouTubers connus comme At0mium ou ExServ aient fait une vidéo dessus, il est passé tellement inaperçu que beaucoup de gens n’ont pas réalisé qu’il était sorti en juillet dernier...), je me disais que c’était l’occasion d’en parler un peu !
Rappel du titre :
CyberConnect2 est principalement connu pour ses jeux adaptés de grandes licences du manga/anime (Naruto principalement) mais aussi pour l’ambitieux univers de .Hack. Plus rares sont ses productions personnelles, généralement noyées dans ses projets de commande, mais cela n’empêche pas le développeur de rêver d’indépendance et d’autoédition, comme un certain Platinum Games.
En Février 2018, CC2 annonce donc Senjô no Fûga (Fugue on the Battlefield) comme premier projet indépendant et autoédité de la firme, avec deux autres jeux développés en interne par une petite équipe, Tokyo Ogre Gate et Cecile, sous le nom de « Trilogie de la Vengeance », thème commun pour les trois jeux se revendiquant une ambiance assez sombre.
Fuga est certainement celui qui attirera le plus l’attention, principalement pour son appartenance à l’univers de Little Tail Bronx dont sont aussi issus Tail Concerto et Solatorobo, deux jeux ayant marqués une niche (le jeu de mot est volontaire ) de joueurs pour leur ambiance colorée à base d’animaux anthropomorphes, et développant malgré tout des thèmes forts. Je ne cache pas que c’est moi-même pour cette raison que je me suis intéressé au titre, sans quoi je serais probablement passé à côté malgré ses qualités.
Le jeu dispose en effet d’une ambiance plus sombre que les deux jeux cités, en nous narrant l’histoire d’un groupe d’enfants aux commandes d’un immense tank, le Taranis, partis libérer leurs parents faits prisonniers par l’armée Bermane ayant envahi leur contrée. S’il est déjà cruel de voir des enfants partir en guerre, le secret du Taranis l’est bien plus : en cas de danger, le tank peut activer son « canon des âmes », une arme surpuissante capable de décimer l’ennemi au prix d’une énergie suffisante... à savoir la vie d’un des enfants à bord.
Note : J’ai fait le jeu sur Switch. Mis à part quelques micro-lags dans les menus ou en validant des commandes, chose probablement commune à toutes les versions du jeu, je n’ai pas noté de problème particulier. Le jeu est sorti en démat sur tous les supports disponibles, donc PC, PS4/PS5 et XboxOne/Series S/X, au prix de 39,99€. À priori, pas de version physique chez nous, quel que soit le support.
En résumé, que vaut-il ?
Bon, je pense que ça n’a échappé à personne : on reste avant tout sur un « petit jeu », comprendre par là qu’il a la portée d’un jeu indé fait par une petite équipe, avec peut-être un peu plus de moyens (il aurait bénéficié d’un budget de 2,5 millions d’euros, tout de même !). Il ne faut pas s’attendre à un Solatorobo 2 ou quoique ce soit dans le genre, le jeu étant réduit à sa plus simple expression, à savoir son concept d’enfants vivant dans un tank géant.
Le jeu est très linéaire, assez répétitif, et se contente de raconter son histoire relativement simpliste via de sublimes artworks fixes, mais reste en dehors de ça très agréable à jouer et globalement bien fichu, quoique pas forcément original dans ses mécaniques. Il est aussi plus long qu’il n’en a l’air (j’ai mis 25h pour ma première run, en prenant mon temps), dispose de quelques fins différentes en fonction des performances du joueur et propose un New Game + pour le 100%.
Bref, pas une tuerie donc, ce qui peut expliquer en partie le fait que le jeu soit resté assez discret (ça plus le gros manque de communication autour du titre, surtout), mais cela n’empêche pas ceux qui l’ont essayé d’avoir été, pour la plupart, enchantés par l’expérience, moi inclus. On est donc plutôt sur un bon jeu !
Le jeu en détail
Comme je le disais, tout le jeu va reposer sur le même schéma : le tank progresse sur un chemin défini jalonnés de combats, d’objets à ramasser et de points de régénération, auxquels s’ajoutent les moments d’interludes (où l’on gère les relations des personnages et les upgrades à l’intérieur du tank) et les ruines à explorer, seuls moments qui permettent de varier un peu le gameplay.
Il est possible de choisir à différents moments plusieurs embranchements sur la route, correspondant grosso modo à des degrés de difficultés : les routes sûres proposent peu de combats, contrairement aux routes difficiles où les combats sont plus ardus mais les récompenses en objets et XP bien meilleures. Mais dans l’absolu, il y a très peu de liberté d’exploration ni même d’embranchements scénaristiques, on est clairement plus sur un jeu centré sur ses combats stratégiques et l’optimisation du tank et de son équipage.
Et de ce côté on se régale, les devs ayant poussé le principe de customisation à fond avec une foultitude d’éléments que l’on peut upgrader ou modifier pour améliorer les performances du tank ou de nos chers bambins : les canons et le blindage du Taranis bien sûr, mais aussi l’amélioration des installations de celui-ci (point de pêche, atelier, dortoir, ferme, cuisine...), les affinités entre les différents personnages qui offrent des bonus de soutien et permettent l’utilisation des attaques duo, ou leur humeur à gérer en leur faisant faire des activités spécifiques à chaque interlude et qui permet de déclencher leur « mode héros » (gros bonus temporaire spécifique à chaque perso).
On se sent un peu perdu avec tout ce que le jeu propose au début, mais tout est très facilement expliqué au cours des deux premiers chapitres et le tout devient vite très agréable à jouer malgré la répétitivité grâce à la variété de choses à faire. Le jeu à la bonne idée d’aider le joueur à ne pas trop se disperser en limitant le nombre d’actions possibles au sein du tank, forçant à réaliser des choix, et en l’aiguillant avec les souhaits des enfants pour obtenir leur boost d’humeur (conseillé, mais rien n’oblige à les respecter non plus).
Surtout, il se montre assez équilibré malgré la quantité de bonus à engranger : certains combats, en particulier les boss, restent corsés même en optimisant au mieux son équipe. Les combats sont justement l’occasion de s’assurer que l’on a bien géré son optimisation, car des divers bonus dépendent les performances en combat. Pour le reste, il va falloir faire preuve de stratégie : chaque ennemi à bien sûr ses comportements et ses points faibles, et viser ces derniers permet de retarder l’adversaire. En effet, tous les personnages sont placés sur une timeline façon Grandia, et l’on voit assez facilement qui va jouer quand, permettant de planifier ses coups à l’avance. À cela s’ajoute les altérations d’état et le blindage adverse qu’il faut prendre en compte pour venir à bout des ennemis les plus coriaces, nous obligeant à permuter régulièrement entre nos membres d’équipage pour profiter des spécificités de chacun. D’ailleurs, il faudra réfléchir un minimum à sa stratégie, puisque si on modifie notre équipe en plein combat, il faudra attendre trois tours pour pouvoir le refaire.
Tout est fait pour pousser le joueur à gérer au mieux les combats et à éviter de se prendre des dégâts, autant pour économiser ses aptitudes et objets de soin pour les combats futurs que grâce au score de fin de combat qui récompense en fonction du nombre de tours joués et des dégâts reçus. Cela dit, s’il est heureusement difficile d’obtenir le rang S dans les combats les plus ardus, le jeu reste assez permissif là-dessus, et la difficulté globale est de toute façon loin d’être insurmontable, quelqu’un de bien rôdé en RPG stratégique ou tour par tour sera donc rarement mis en difficulté.
En revanche, bien que je trouve cette difficulté bien dosée, elle créé un petit inconvénient : le jeu ayant la « gentillesse » de ne pas imposer l’utilisation du Canon des âmes, hormis à la fin du premier chapitre tutoriel (avec une pirouette scénaristique pour ne pas être forcé de sacrifier un des enfants), il y a finalement très peu d’enjeux quant à son utilisation. Bien que je me sois fréquemment retrouvé en situation critique (moment où s’active le canon des âmes), il suffit de lancer quelques aptitudes/objets de soin pour prolonger le combat et éviter d’avoir à utiliser le canon et sacrifier un personnage. Bien sûr, cela exige de pouvoir le faire, et donc d’avoir suffisamment bien géré son équipe et son stock d’objets, mais dans l’absolu, ça rend la principale feature du titre un peu anecdotique.
D’un autre côté, ça reste un parti pris des devs, puisque le véritable but de l’aventure reste de terminer le jeu sans avoir sacrifié aucun des enfants, chose qui reste difficile à faire lors d’une première run : en effet, un certain évènement dans les derniers chapitres peut bien vous faire perdre l’un de vos précieux chérubins sans que rien ne vous y ait préparé à l’avance, ruinant tous vos efforts à la dernière minute, la vraie fin ne se déclenchant que si vous avez gardé tout le monde en vie jusqu’au boss final. On peut trouver ça frustrant, mais je trouve que c’est plutôt une bonne idée pour éviter de croire que tout est acquis simplement parce que vous n’utilisez pas le canon des âmes.
C’est aussi bien entendu une façon de pousser au New Game + (on récupère tous nos niveaux, bonus de soutiens et upgrades, donc on roule littéralement sur le jeu pour le coup) et à la complétion 100%, et là encore il y a de quoi faire de ce côté, avec tous les dialogues de soutien, les upgrades et les différents artworks du jeu (très nombreux !) à débloquer.
Le jeu se veut plutôt généreux donc, et j’aurais aimé pouvoir en dire autant du reste, à savoir le scénario et la narration. Malheureusement, comme je le disais, ça reste très simpliste et il ne faut surtout pas s’attendre à des propos philosophiques profonds au-delà de « la guerre c’est mal » et « des enfants qui doivent combattre et se sacrifier, c’est cruel ». De même pour les interactions entre les personnages qui ne volent pas plus haut que les clichés habituels des RPG japonais (le héros grand frère protecteur, la fille sage qui fait office de maman, le nerd bricoleur/inventeur, le gros qui pense qu’à manger...) et les quelques retournements de situation assez prévisibles.
D’ailleurs le scénario ne décolle pas des masses non plus, on se contente de suivre la ligne directrice des enfants qui veulent sauver leurs parents jusqu’au dernier chapitre, qui prend alors des tournures exagérément épiques par rapport à contexte de départ (civilisations antiques super-avancées, puissance divine qui menace le monde, tout ça... les classiques), et la narration entre temps se résume à l’apparition de nouveaux gamins à recruter (6 au début du jeu, 6 autres au fur et à mesure) et au background assez léger des généraux ennemis.
C’est un peu dommage tant on pouvait s’attendre à quelque chose de plus travaillé vu l’ambiance du titre, pourtant très réussie par les tons sépia des artworks, l’atmosphère pesante de la guerre rendue encore plus lourde par la candeur des enfants et surtout l’OST et ses musiques, composées en majorité par Chikayo Fukuda (compositrice des deux précédents jeux et de pas mal d’autres jeux CyberConnect2) et mêlant tour à tour instruments folk et rythme martial, ou chants oniriques et mélancoliques. D’un autre côté, ce n’était sûrement pas le but recherché par les devs, qui cherchaient certainement plus à jouer avec les émotions du joueur avec ce mélange constant de mignonnerie et de cruauté qu’à créer une histoire vraiment élaborée, cela n’ayant de toute façon jamais été un point fort des jeux de l’univers de Little Tail Bronx.
Un univers qu’il est de toute façon toujours plaisant de retrouver avec ces hommes-chiens et chats tous plus sympathiques les uns que les autres, surtout avec le fameux doublage franco-japonais auquel on avait déjà goûté dans Solatorobo : si la VO japonaise est toujours impeccable, la VF a une saveur toute particulière puisque les textes français sont doublés par... les doubleurs japonais (à l’exception de la voix off, apparemment faite par la doubleuse de Zelda dans BotW) ! Certes, les dialogues ne sont pas intégralement doublés et on se contente la plupart du temps de phrases courtes et d’interjections, mais voir tous ces gamins crier des choses du style « Cessez le feu ! » ou « Dans ta tronche ! » avec un accent à couper au couteau a un je-ne-sais-quoi de délicieusement charmant (et drôle, soyons honnêtes ). À noter que si l’histoire du jeu est totalement indépendante des autres épisodes de la « série », plusieurs liens sont faits dans le background du jeu, ce dernier se passant bien avant les autres épisodes et racontant au final comment les continents se sont mis à flotter.
Conclusion :
Vous l’aurez compris, Fuga Melodies of Steel a été plutôt une chouette expérience me concernant, à dire vrai je ne m’attendais pas à ce que le jeu soit si complet sur son contenu (pour un « petit jeu », s’entend) ni si bien rôdé sur ses mécaniques. Je ne m’attendais à rien de fou côté histoire, donc je ne suis pas vraiment déçu, même si j’avoue être toujours agacé de voir les mêmes clichés ressassés dans une production qui essayait pourtant de se montrer un peu originale, l’idée d’enfants que l’on doit sacrifier pour progresser n’étant (heureusement) pas très répandue dans le JV...
D’ailleurs je ne sais pas trop si je suis déçu ou soulagé que l’on puisse se passer si facilement du canon des âmes, mais je comprends ce que les devs ont voulu faire en proposant plusieurs routes de difficulté et que je ne pense pas que ce soit un mauvais choix.
À côté, le jeu montre assez vite les limites de ses mécaniques, et même si le jeu peu paraître court, j’étais content d’arriver au bout, un léger sentiment de lassitude se faisant ressentir. Avec le New Game + en prime, la durée de vie me paraît donc très correcte pour le titre. Le prix, un peu moins (ça reste un gros projet cela dit, mais je pense qu’il aurait été plus juste à 30€ qu’à 40€).
Je ne peux donc que vous recommander le jeu s’il vous intéresse, il faut juste savoir qu’il n’a clairement pas l’ambition de Solatorobo mais reste agréable malgré tout et vous fera passer un bon moment (enfin, si vous aimez déprimer )
Résumé pour les flemmards des yeux : Bien :
- Le retour de l’univers Little Tail Bronx, avec un twist étonnant
- Gameplay agréable avec des mécaniques bien huilées
- La customisation assez poussée qui fait plaisir
- La bonne durée de vie (20-25h), rallongée en New Game + pour la meilleure fin et le 100%
- Le jeu reste assez accessible même pour avoir la meilleure fin
- Ne pas être forcé d’utiliser le canon des âmes (sauf à certains moments précis)
- Une belle OST mélancolique
- La VF adorable par les doubleurs japonais
- D’ailleurs, le jeu est intégralement traduit en français
- De très jolis artworks, très nombreux
Pas bien :
- La narration simpliste dessert l’ambiance sombre du jeu
- Le scénario ne décolle qu’à la toute fin
- Toujours les mêmes clichés...
- Toute la narration du jeu en plans fixes
- Au final, le canon des âmes reste presque anecdotique
- Structure globale du jeu assez répétitive
- Peut être un léger manque de difficulté (mais les boss restent ardus)
- 40€, ça reste un peu cher
- Only démat chez nous
Je vous laisse en compagnie de quelques musiques du jeu, et comme d’hab, si vous avez fait le jeu n’hésitez pas à en discuter en commentaire ! (et gaffe aux spoils)
Me revoici pour une nouvelle chronique RPG, qui aura mis bien longtemps à sortir... En effet, le sujet du jour a été particulièrement difficile, vu sa notoriété et la quantité de choses qu’il y aurait à en dire. Je n’étais pas sûr d’être à la hauteur de la tâche, mais après l’avoir enfin fini en début d’année, je n’allais pas laisser passer l’occasion de parler d’un de mes jeux cultes, un de ceux qui m’ont mis une baffe et ont participé à redéfinir ce qu’était pour moi le JRPG. C’est en effet un chef-d’œuvre souvent cité comme référence par les amateurs, et pourtant resté relativement peu connu auprès du grand public (si on compare aux sempiternels FF, DQ, Tales of, ou même plus récemment les Fire Emblem, Xenoblade, Persona, etc.) d’autant plus que la licence et ses créateurs sont un peu tombés dans l’oubli (on remercie Square-Enix qui préfère dépenser ses sous avec des studios comme Tokyo RPG Factory...).
J’espère donc pouvoir rendre ici un modeste hommage à l’un des plus grands RPG de son temps : Valkyrie Profile.
Valkyrie Profile Titre original : Valkyrie Profile
Consoles : Playstation, PSP, mobiles
Développé par : Tri-Ace
Edité par : Enix (puis Square-Enix)
Sortie : 22 décembre 1999 (JP), 29 août 2000 (US)
J’ai l’impression de le dire souvent dans mes articles, Valkyrie Profile est un jeu profondément atypique. On y incarne en toute logique Lenneth, une valkyrie fraîchement appelée par Odin : le Ragnarök, fin du monde inéluctable entraînant la disparition quasi-totale des dieux et des hommes au cours d’une grande bataille avant un nouveau cycle de renaissance, est proche. En préparation de cette guerre, la valkyrie se voit confiée la lourde mission de parcourir le monde des hommes, Midgard, pour y recruter de puissants einherjar, des âmes de guerriers morts au combat pour en faire les soldats d’Odin...
De part ce simple pitch qui se veut bien sûr une adaptation proche quoiqu’assez libre et romancée des légendes du Nibelungen et de la mythologie nordique, Tri-Ace se démarque fortement du reste de la production JRPG de l’époque et même de celle d’aujourd’hui. Car là où le genre s’est évertué au fil des années à proposer des grandes aventures épiques avec un scénario construit d’un bout à l’autre, une narration prenante avec des personnages forts et attachants (idéalement) et une histoire avec des enjeux dramatiques qui impliqueront en général le sauvetage du monde (et autres clichés un peu gentils), le tout sur une structure forcément linéaire, le bébé de Tri-Ace prend le contrepied total de cette démarche.
Ainsi, toute la progression du jeu est rythmée par la répétition de chapitres et de phases, ces dernières alternant entre les moments scénaristiques qui déboucheront sur le recrutement d’un einherjar, l’exploration de donjons allant de pair avec l’extermination des démons, et les phases divines en fin de chapitre où la déesse Freya fait le compte rendu des performances de la valkyrie et lui donne ses directives pour le chapitre suivant, pour huit au total avant la fameuse fin du monde (et du jeu, en l’occurrence). Le joueur est alors libre de jouer ces phases comme il l’entend, la valkyrie pouvant survoler à loisir la carte du monde, dans la limite de ce que chaque chapitre peut lui proposer.
Très en retrait, l’histoire des dieux ou de la valkyrie ne sera évoquée qu’à travers quelques scènes et vagues indices au cours du jeu, ce dernier préférant nous narrer le tragique destin de chacun des guerriers que Lenneth pourra rencontrer. Ces derniers n’ont d’ailleurs rien des valeureux héros et alliés vertueux que l’on rencontre dans la plupart des JRPG : orgueilleux, vaniteux, avides, traîtres, faibles ou simples jouets du destin, ils sont dépeints avec noirceur et mélancolie mais n’en restent pas moins tous profondément humains. Cette richesse d’écriture contraste avec leur aspect assez générique pour la plupart d’entre eux, qui trouve sa justification dans le fait qu’au départ, le jeu était pensé pour être un tactical-RPG. C’est d’ailleurs avant tout la mise en scène de leur funeste destin, souvent froid et injuste, qui parvient à émouvoir le joueur, car il ne faut pas espérer trop s’attacher à ces âmes en peine : à quelques exceptions près, une fois dans votre équipe puis envoyés rejoindre les rangs d’Odin, ils n’auront plus d’autre occasion de briller et de s’exprimer qu’à travers leurs répliques en combat et leurs exploits au Valhalla.
Il faut dire que de son propre aveu, Yoshiharu Gotanda, tête pensante du projet (et accessoirement l’un des membres fondateurs de Tri-Ace) et co-scénariste avec Masaki Norimoto, n’est pas un romancier cherchant à faire des histoires très construites. Au contraire, pour éviter le syndrome de la feuille blanche, il se contente d’établir les points centraux du scénario, quitte à laisser des zones d’ombres livrées à la libre interprétation des joueurs. Une méthode qui s’applique parfaitement à la liberté de progression offerte par le jeu, et évite ainsi un scénario trop invasif (quoique les dialogues restent bien bavards) au profit d’un gameplay au contraire peaufiné à l’extrême, comme on le verra ensuite. À l’inverse, on sent tout de même que l’écriture n’est pas le fort du monsieur, et on pourra éventuellement critiquer le fait que les histoires des différents protagonistes soient assez inégales, certaines même plutôt expédiées, de même que la « true ending » certes surprenante et classe, mais tout de même un brin cliché. Et le contexte de mythologie nordique, lui, sert finalement bien plus le gameplay que le fond du scénario.
Car c’est bien là que se situe tout le concept du jeu, qui prend le mythe de la valkyrie au pied de la lettre : à chaque chapitre, le joueur est amené à entraîner ses nouvelles recrues dans les donjons, puis à envoyer au mieux deux d’entre eux auprès d’Odin, sans quoi la valkyrie éveillera le courroux de Freya qui, dans le pire des cas, se chargera de la punir... par la manière forte.
Le jeu pousse d’ailleurs à peser ses choix, puisque la déesse donnera des recommandations précises qui, si elles sont suivies, octroieront plus de points. Lenneth dispose en effet d’une statistique « Evaluation » qui correspond à l’appréciation de son travail par les dieux. Pour s’assurer de la maintenir au plus haut, elle doit non seulement envoyer des guerriers entraînés et correspondant aux directives de Freya, mais aussi faire monter leur « valeur héroïque » en influant sur leurs traits positifs et négatifs : « Altruiste », « Courageux », « Dévoué », « Égoïste », « Peureux », « Mauvais nageur » ou même « Amateur d’alcool » (à noter que ce dernier est considéré comme un trait positif par les dieux !) sont alors autant de caractéristiques que le joueur peut faire évoluer en leur attribuant des précieux points de compétence.
C’est en effet une habitude depuis Star Ocean, le premier jeu Tri-Ace : la personnalisation des personnages dans Valkyrie Profile est extrêmement poussée, et le jeu met à disposition du joueur de nombreux outils pour peaufiner son équipe et varier les stratégies, à commencer par les nombreuses compétences de combat. Qu’il s’agisse d’effets de soutien (soin ou utilisation d’objet automatique), de compétences de combat (contre-attaque, coup paralysant, attaque par l’arrière) ou d’augmentation de stats, elles sont très variées et il est très vite difficile de faire un choix vu le nombre limité de points à notre disposition, tout du moins en début de jeu. Le panel de compétences disponibles s’étoffe d’ailleurs au fil des livres d’apprentissage trouvés dans les donjons.
Le jeu propose aussi une alternative à l’« Item Creation » établi dans Star Ocean en proposant d’échanger directement via le menu des objets, équipements et artéfacts contre des « points de matérialisation » dont l’utilité est équivalente à une monnaie. La plupart des objets acquis en jeu peuvent ensuite être transformés en d’autres par le biais de l’alchimie, coûtant elle aussi des points, avec mêmes des variations alchimiques permises par quelques rares équipements dans le jeu. En clair, un même objet peut au mieux être transmuté en trois objets différents si vous disposez des bons équipements, multipliant encore les possibilités.
Enfin, le jeu met le joueur face à un dernier dilemme, lorsque ce dernier parvient à vaincre le boss d’un donjon : il récupère alors un certain nombre d’artéfacts, reliques uniques aux propriétés souvent très utiles mais non-expliquées tant que l’on n’a pas pris l’objet, et doit choisir immédiatement s’il veut les garder ou les renvoyer à leur propriétaire légitime, Odin, en échange de points d’EXP. Il va sans dire que choisir le premier cas vous rendra peut-être plus puissant, mais risque de décevoir les dieux.
Valkyrie Profile est donc un jeu extrêmement déroutant qui demande constamment au joueur de faire des choix cruciaux. Mais c’est aussi grâce à ces multiples possibilités offertes au joueur que ce dernier dispose d’une liberté de progression que bien peu de JRPG savent offrir, et qui permet au jeu de revendiquer une replay value quasi-infinie. Et que les moins acharnés se rassurent : il faut certes s’investir pour comprendre les différentes mécaniques de jeu, mais ce dernier n’est pas exagérément difficile pour autant, il est tout à fait possible de progresser quels que soit nos choix et le jeu reste relativement facile, si l’on omet les pics de difficulté abusifs sur certains monstres (surtout à partir du 2ème CD)... Un défaut malheureusement inhérent à de nombreuses productions Tri-Ace.
Le jeu se veut par ailleurs accessible en proposant 3 modes de difficulté pensés de façon intelligente : ces derniers influent non pas sur les statistiques du joueur ou des monstres, mais sur le niveau des personnages recrutés (en mode difficile, ils rejoignent tous notre équipe au niveau 1), ainsi que sur les objets disponibles, les donjons accessibles et les personnages à recruter. Loin de forcer le joueur au grind poussif, le mode difficile s’adresse plutôt à ceux qui souhaitent exploiter à fond le système de jeu et bénéficier de tout le contenu qu’il a à offrir.
Les amateurs de gros challenge, eux, partiront à l’assaut de la Seraphic Gate, l’habituel donjon optionnel des productions Tri-Ace qui se débloque vers la fin du jeu et propose les ennemis les plus coriaces (y compris ceux de base !), nécessitant une préparation minutieuse. Loin d’être un bonus facile pour rallonger la durée de vie artificiellement, le donjon se révèle extrêmement généreux en contenu et joue à fond la carte de l’humour et du fan service, permettant au joueur de recruter des personnages jusque-là interdits au joueur, comme Lezard Valeth ou Freya.
Sur le plan de l’univers du jeu, des mécaniques et du contenu, Valkyrie Profile met donc déjà la barre haute par rapport aux productions de l’époque. Tentant de briser les codes, il innove et renouvelle le monde du RPG japonais. L’exemple le plus parlant en est son système de combat. Déjà avant la scission de la Wolf Team et la fondation de leur studio, les talentueux créateurs mettaient en place dans Tales of Phantasia un système diablement dynamique de combat programmés en temps réel sur un plan 2D. La première production Tri-Ace, Star Ocean, ira plus loin encore en proposant des combats en arène ouverte où les personnages se déplacent librement ou presque et enchaînent les super-attaques dans le plus pur style shônen.
Pionnier du RPG orienté action, Tri-Ace ne se repose pas pour autant sur ses lauriers lors de la conception de Valkyrie Profile, et repense totalement son système de combat. Toujours centré sur l’aspect dynamique, on y retrouve cette fois-ci un aspect plus proche du tour-par-tour, chaque camp ennemi et allié attaquant l’un après l’autre.
En vérité, ce système combine le meilleur des deux mondes : chaque combattant est associé à un bouton de la manette Playstation, et une simple pression de ce bouton permet de lancer l’assaut avec l’un d’eux. Naturellement, il est possible d’appuyer au hasard sur tous les boutons pour envoyer en bloc tous ses personnages et tenter de noyer l’ennemi sous un déluge d’attaques, mais cette stratégie est rarement efficace.
Malin, le système de combat de Valkyrie Profile est à l’opposé du style action-bourrin qui colle habituellement au genre, car il oblige le joueur à apprendre les patterns et les hitboxs des ennemis comme des alliés afin d’enchaîner au mieux les attaques avec le bon timing. En effet, certains ennemis peuvent anticiper et contrer les attaques, et seul un assaut un minimum réfléchi permettra de contourner leur défense. Mais même sans cela, le timing reste l’élément primordial permettant de faire grimper la jauge de combo, celle-ci descendant rapidement entre deux attaques. La carotte est d’autant plus grande que la récompense est de taille si le joueur parvient à la remplir : c’est le moment où le jeu se déchaîne visuellement en proposant au joueur de lancer l’attaque ultime de chaque personnage ayant participé à l’assaut !
Aussi impressionnantes que les invocations d’un FF, elles ne sont pas si difficiles à sortir une fois le coup de main pris. Et pour éviter justement un abus de la part du joueur, les personnages perdront des points d’actions qu’ils devront récupérer lors des combos avant de pouvoir lancer une nouvelle furie ou un sort puissant.
Dynamique, prenant, jouissif, et d’une originalité folle, le système de combat de Valkyrie Profile est un véritable plaisir à jouer malgré un évident côté répétitif (que l’on peut contourner un peu grâce aux nombreuses compétences de combat et possibilités stratégiques), et reste encore à ce jour, de mon point de vue, l’une des plus grandes réussites du jeu vidéo japonais.
Quand Valkyrie Profile débarque dans les rayons des magasins japonais en décembre 1999, il avait donc de quoi surprendre. Il ne ressemble à aucun autre RPG sorti jusqu’ici, et charme les amateurs du genre autant par son ambiance que par son gameplay. Il reçoit les éloges de la presse et des joueurs, obtenant un 35/40 chez Famitsu et un 91/100 chez IGN. Le jeu sera bien sûr critiqué sur certains points, sans parvenir à un consensus : parfois sera pointé du doigt le gameplay trop complexe et manquant d’explications, parfois ce sera le schéma de progression en périodes à la fois stressant et redondant, ou encore parfois les musiques pas toutes de qualité égale. Mais plus ou moins tous lui reconnaissent la richesse de son gameplay et de son contenu, et la réussite de l’écriture de son univers dépeint grâce à une des plus belles 2D vue sur la console.
Il s’en vend plus de 300 000 copies en l’espace d’une semaine, en pleine période de Noël. Il finira sa carrière avec près de 700 000 unités au total (ventes mondiales), sans compter les futurs portages. Un chiffre certes moins mirobolant pour le genre que les millions d’un Dragon Quest ou d’un Final Fantasy, et même inférieur à certains hits de la console comme Tales of Destiny ou Arc the Lad 2. Mais cela reste très honorable pour un jeu totalement nouveau issu d’une boîte encore peu connue, et n’ayant signé jusque-là que deux succès, à savoir les deux premiers épisodes de Star Ocean. Avec Valkyrie Profile, Tri-Ace fera définitivement partie des créateurs de renom du JRPG.
Le jeu parvient à faire son chemin jusqu’en Occident (du moins jusqu’aux US, l’Europe étant comme d’habitude boudée pour ce genre de choses), mais remporte forcément moins de succès (environ 70 000 copies vendues), sa structure et son gameplay complexe en rebutant plus d’un. En revanche, les amateurs ne s’y trompent pas et Valkyrie Profile obtient très vite le statut de jeu culte de la console, en étant régulièrement cité parmi les meilleurs jeux du support, ou comme référence dans le genre du JRPG. Une réputation qui se confirmera avec le temps, si bien que la version US de Valkyrie Profile deviendra vite très recherchée, et se vendra à des prix prohibitifs...
Mais un jeu culte ne le devient pas par hasard. On peut s’étonner du fait que tel quel, Valkyrie Profile était plutôt parti pour être une bizarrerie vidéoludique, certes bien fichue et originale, mais trop déroutante et inégale pour véritablement se frayer un chemin parmi les œuvres marquantes du JV. Sauf que l’histoire du jeu ne s’arrête pas là, et il nous faut nous attarder sur un dernier point primordial pour comprendre ce pourquoi il a autant marqué les esprits.
Tous ceux qui ont terminé Valkyrie Profile le savent : la fin « normale » n’est qu’une esbrouffe, et surtout une véritable déception pour une aventure qui s’annonçait riche, laissant plusieurs questions en suspens et le joueur sur sa faim. Surtout que rien n’indique dans le jeu qu’une alternative existe... Rien, vraiment ?
Yoshiharu Gotanda est un petit malin. À une époque où le jeu vidéo tentait déjà de plus en plus de guider le joueur, il ne l’entend pas de cette oreille. Il estime que le plaisir de jouer ne vient pas du fait qu’on tienne le joueur par la main (pas plus qu’on ne le lâche dans la nature sans explications), mais de le laisser réfléchir et agir par soi-même. C’est une des raisons pour lesquelles il propose dans son jeu une structure non-linéaire, permettant de suivre les évènements dans l’ordre qu’on souhaite, et un système de combat complexe qui permet d’élaborer toutes sortes de stratégies et de remporter les combats sans avoir à compter uniquement sur le grinding.
Mais cela s’applique aussi à la trame globale de Valkyrie Profile : vicieux, Gotanda a bien pris soin de laisser croire au joueur que le but du jeu est d’obéir à Freya et Odin, et de remplir sa mission en bonne valkyrie, ne laissant pour contre-indice qu’une phrase mystérieuse sur le logo du jeu : « Should Deny The Divine Destiny of The Destinies » (la phrase japonaise, « Sadamerareta unmei wo kyohi seyo », qui veut dire « rejetez le destin qui vous est imposé », est un peu moins tirée par les cheveux). Autant dire que le pari est très risqué, tellement le sous-entendu est cryptique. D’ailleurs ça ne loupe pas, il faut en réalité effectuer des actions très précises tout le long du jeu pour déclencher la vraie fin, et à un moins d’un guide en soutien ou d’un immense coup de bol, il est peu probable qu’un joueur même averti y parvienne !
Pourtant, loin de plomber le jeu et son appréciation, ce twist subtil est ce qui surprendra le plus les joueurs, qui découvrent le vrai potentiel narratif du jeu, dont la portée s’étend au-delà même de l’univers qu’il propose : ce n’est plus seulement la Valkyrie qui doit remettre en cause le destin qu’on lui impose, comme le suggère le sous-titre du jeu, mais le joueur lui-même qui doit réfléchir hors des carcans imposés par les développeurs pour connaître le fin mot de l’histoire, le tout en analysant les différents éléments de gameplay. Plus que son ambiance et scénario intéressants mais qui peuvent paraître aujourd’hui lacunaires, c’est à mon avis sur ce point que le jeu relève du génie narratif. Car la grande force de Valkyrie Profile, en plus de toutes ses autres qualités, est avant tout d’avoir réussi à faire ce que peu de jeux savent faire : arriver à tenir un propos qui n’a de sens qu’à travers le média jeu vidéo.
Avant de conclure, je tiens à évoquer les musiques du jeu, n’ayant pas trouvé de meilleure place dans la structure de mon article. Signant le retour de Motoi Sakuraba maintenant habitué des productions Tri-Ace, son travail sur Valkyrie Profile marque de nouveau un tournant dans sa carrière. Déjà populaire pour ses compositions rock endiablées sur ses précédents travaux, il semble s’être déchaîné dans le dernier-né de Tri-Ace, dont l’OST est constitué en majorité de pistes dans son style prog rock caractéristique. Tout n’est pas égal et beaucoup de pistes semblent vraiment étranges, quand d’autres sont de pures réussites (Distorsions in the Void of Despair, Confidence in the Domination, Delusional Extremities), ce qui reste incroyable quand on connaît le rendement du monsieur et surtout ses conditions de travail sur le jeu : il n’était pas rare qu’on lui demande 10 morceaux à faire d’un coup pour le lendemain, avec pour seule instruction de faire des musiques « cools et stylées » !
Mais en dehors de son style habituel, il prouve cette fois qu’il excelle dans un autre domaine : les musiques calmes, dérangeantes, et surtout mélancoliques. Bien moins nombreuses et du coup sans doute plus marquantes encore, elles accompagnent les moments d’exploration et de narration, illustrant à merveille la noirceur du monde du jeu et le destin tragiques de ses héros, la valkyrie en tête (All is Twilight, Fragments of the Heart, Behave Irrationally).
Avec Valkyrie Profile, il se permet une créativité qu’il ne semble plus avoir aujourd’hui et affirme donc son style avec de nombreuses pistes dont certaines deviendront mythiques. Je vous en ai donnés quelques exemples en lien ici, mais comme je suis taquin et que j’aime cacher des secrets moi aussi, je vous laisse deviner où j’ai mis les autres dans l’article
Voilà donc, pour toutes ces raisons, pourquoi Valkyrie Profile reste un exemple de créativité et d’originalité dans le domaine du JRPG, et qu’à mon sens, il mérite encore d’être cité comme un titre culte.
Si vous avez suivi l’article jusqu’au bout, et je vous en remercie, vous aurez compris qu’il n’y a pas vraiment de sens à se poser cette fois la question « faut-il encore jouer à Valkyrie Profile aujourd’hui ? ». La réponse est indéniablement oui, quand bien même cela dépend de votre réception par rapport au titre, de votre appréhension de son univers et de ses mécaniques. Si je peux comprendre que le jeu soit trop déroutant pour quelqu’un qui veut juste découvrir un bon RPG sans prise de tête, il reste un incontournable pour tout fan de JRPG qui se respecte, et sans nécessairement l’apprécier, il me paraît toujours intéressant d’y (re)jouer ne serait-ce que pour se faire une idée de ce que pouvait proposer le genre de différent, et de voir le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui : ce n’est sûrement pas le premier jeu à utiliser des éléments méta dans sa narration (on a déjà vu quelque chose de similaire lors de ma chronique RPG sur le premier SaGa), mais il aura sans aucun doute influencé d’autres œuvres, à commencer par la série Nier.
Il est d’ailleurs désolant que Square-Enix n’ait pas cherché à exploiter plus son potentiel, si ce n’est au travers du remaster sur PSP, d’une bonne suite sur PS2 mais moins aboutie et d’un spin-off réussi sur DS, sans compter le jeu mobile forcément plus axé sur le fanservice. D’un autre côté, ce n’est peut-être pas un drame, tant j’ai le sentiment que le jeu se suffit à lui-même encore aujourd’hui.
Certains trouveront peut-être que j’exagère, d’autant que le jeu, malgré son aura auprès des fans, reste largement sous-estimé. Je suis moi-même surpris, en ayant cherché furtivement lors de la rédaction de cet article, de voir qu’il n’apparaît dans quasiment aucun classement des « meilleurs RPG de tout le temps » et autres articles du genre disponibles sur la toile. Bien sûr, c’est avant tout la passion qui parle, encore une fois le jeu ne peut pas plaire à tous et n’est certainement pas exempt de défauts. Mais je pense sincèrement que c’est un titre qui mérite qu’on s’y attarde encore aujourd’hui, et qui ne doit surtout pas être oublié.
J’espère une fois de plus que cet article vous aura plu, comme d’habitude profitez des commentaires pour échanger vos points de vue et vos souvenirs sur le jeu ! Quant à moi je ne vous dis pas à bientôt cette fois-ci, car je signe ici mon dernier article RPG. Malgré ma motivation de départ, je réalise que je me suis lancé dans quelque chose devenu trop lourd pour moi, quelques soucis de santé rendant plus difficile le travail sur écran.
Je ne ferme pas la porte pour autant, et si l’envie et la force m’en prend, je serais ravi de pouvoir revenir parler de RPG avec vous dans de futurs articles
Petit partage du soir d'un podcast intéressant que je viens d'écouter et qui parle forcément d'un sujet qui me tiens à cœur : Bravely Default 2 (et même la saga Bravely dans son ensemble) rend-il vraiment hommage aux RPG de "l'âge d'or" dont il s'inspire ?
La réponse est dans la question évidemment, et je fais plutôt partie de ceux qui pense que l'hommage est malheureusement assez factice, car ce que nous vend SE avec sa saga de RPG soi-disant old-school sont au mieux des aspects de RPG anciens qu'on n'avait pas spécialement envie de retrouver (les clichés narratifs, la progression bateau, le grinding abusif), au pire des travers modernes maquillés en aspects old-school (le blabla à n'en plus finir, les jeux qui s'étalent sur la longueur avec du contenu annexe osef, les combats qui durent des plombes), bref des jeux qu'on nous vend old-school mais qui ne le sont pourtant pas.
Est-ce vraiment faire hommage aux RPG d'antan que de faire un "prologue" bateau qui met des heures à décoller, quand la plupart des titres d'époque nous plaçaient directement dans l'action ? Est-ce vraiment leur faire hommage que de proposer des jeux de plus de 100h avec un rythme redondant, du grinding poussif et des annexes chiants quand les jeux concernés pouvaient se terminer en max quarante heures (et même plutôt 25h pour les RPG SNES en général) avec une énorme diversité, ne demandaient du grinding véritablement que pour les annexes, qui savaient d'ailleurs se montrer variés, intéressants et bien distillés tout le long du jeu ?
Est-ce vraiment ces aspects que l'on a retenu des RPG d'antan et que nous voulions à tout prix retrouver, où n'est-ce pas plutôt les développeurs qui ont cru que ce que l'on considérait comme les grands clichés du RPG était ce que nous voulions retrouver dans un RPG old-school ?
Plus que les mécaniques de jeu et tropes scénaristiques qui caractérisaient les jeux d'époque et qui ne peuvent qu'être datés, n'était-ce pas l'inventivité, les innovations, l'onirisme, l'émerveillement que suscitaient ces œuvres que nous aimions dans ces jeux, et que nous aimerions y retrouver ?
Voilà un peu toutes les questions soulevées lors du podcast qui pour le coup ne fait pas beaucoup de cadeau à BD2 (qui a pourtant sûrement des qualités, juste un peu écrasées par ses défauts), même si le constat peut aussi, de mon point de vue, s'appliquer au premier épisode (sans même parler de Second, c'te blague). Et je dois dire qu'il met le doigt sur ce que je ressens depuis bien longtemps déjà concernant le JRPG et l'exprime même mieux que moi ^^
Bien sûr, je ne suis pas forcément d'accord avec tout ce qui est dit (et vous ne le serez sans doute pas non plus), mais je pense que ça vaut le coup d'écouter si le sujet vous intéresse, histoire de remettre un peu les pendules à l'heure.
La première heure est consacré à l'actu du moment et un peu de blabla sur les anniversaires des licences/consoles cette année, si seul le passage sur BD2 vous intéresse, écoutez à partir de 59:15 environ.
Et je vous invite bien entendu à en débattre en commentaire ! (mais demain, là faut dormir )
Je pense que le jeu n’a échappé à personne (j’ai même l’impression que c’est la seule annonce du NDirect de mercredi que les gens ont retenu... et je ne peux pas leur donner tort), Square-Enix a tout juste dévoilé un nouveau Tactical RPG nommé Project Triangle Strategy (paie ton nom pas inspiré), visiblement très inspiré des meilleurs du genre, à savoir Tactics Ogre et FF Tactics, et a proposé une première démo dans la foulée.
Je suppose que pas mal d’entre vous s’y sont essayé, qu’en avez-vous pensé ?
Est-ce que ça correspondait à vos attentes vis-à-vis du trailer ? A vos attentes en tant que fan de RPG/T-RPG ? A moins que vous ne découvriez totalement le genre ?
Perso, j’étais agréablement surpris au départ, mais en réfléchissant je me rends compte qu’il y a des choses qui ne vont pas, principalement côté scénario. Le jeu souffre, de mon point de vue, du même syndrome qu’Octopath (est-ce surprenant ? Pourtant le gros de la team semble différent entre les deux jeux), à savoir un univers et des personnages qui, sur le papier, ont l’air complexes, matures, bien écrits, mais quand on « lit entre les lignes », on voit tout de suite que ça ne tient pas debout.
Je n’ai pas grand-chose à redire sur l’habillage (graphismes, OST, présentation de l’univers), c’est beau, c’est chouette, ça met dans l’ambiance. Niveau gameplay, c’est cool aussi, on retrouve le plaisir des joutes en tactical avec suffisamment de possibilités pour se faire plaisir niveaux stratégies, les combats semblent plutôt bien équilibrés (encore que dans ma seconde bataille, tous les ennemis attaquaient à distance et ont focus mes mages qui sont morts très rapidement sans que je puisse faire grand-chose...) et il y a de bonnes idées. Le système de choix à conséquence via la balance des convictions est aussi une bonne idée, pour le simple fait de proposer des embranchements scénaristiques qui peuvent même donner lieu à des chapitres/batailles différentes.
Par contre niveau écriture, aïe ! Comme Octopath, les dialogues donnent l’impression d’être bien écrits sur la forme (langage soutenu, vocabulaire recherché, thèmes et questionnements sérieux, etc.), mais fait preuve de grosses incohérences sur le fond. On reste dans un certain manichéisme, et nos héros, aussi intelligents qu’ils le paraissent, ne semble jamais arriver à anticiper les évidentes machinations du vilain royaume ennemi (qui montre pourtant assez rapidement qu’il est méchant et sans scrupules). Ca créé vraiment un décalage d’ailleurs, tant l’univers visuel et les répliques travaillées des persos nous fait sentir que le jeu est « sérieux », on a envie d’y croire, mais il suffit de lire entre les lignes pour voir que ça ne tient pas la route. J’admets avoir plutôt accroché au scénar au début malgré les obligatoires clichés, jusqu’à ce que je tombe sur la vidéo d’ExServ qui souligne assez durement les incohérences pourtant évidentes de l’écriture (à partir de 1h de vidéo)...
Alors certes, avec les JRPG on commence à avoir l’habitude (même s’il ne faut pas que ça nous fasse oublier que certains JRPG plus anciens avaient effectivement de bons scénars et une bonne écriture...), et ça ne serait pas un problème si le scénario et les cinématiques ne prenaient pas une place aussi importante dans le jeu !
Bref j’en dis pas plus, je détaille point par point mon ressenti après pour ceux que ça intéresse, mais dans l’immédiat, ça sent vraiment le syndrome Octopath : c’est beau et prenant sur le papier, avec de très bonnes idées de gameplay mais qui risquent bien d’être mal utilisées/exploitées, d’autant qu’à côté le scénario et les dialogues sont bien parti pour être indigestes. On va attendre d’en savoir plus, mais je reste très méfiant.
Pour ceux qui aiment lire :
Graphismes :
Rien à redire, le style d’Octopath Traveler a fait ses preuves, c’est une très bonne chose de le réutiliser ici, avec une belle amélioration en prime : respectant la vue isométrique des T-RPG précités, on peut cette fois faire tourner la caméra dans les décors à 360°. Classe. Je trouve tout de même un peu dérangeant que les murs et bâtiments « disparaissent » totalement quand on tourne la caméra derrière notre perso s’il est à côté d’un mur, un effet de transparence moins prononcé permet de garder le décor et de ne pas donner l’impression que le perso flotte dans le vide. Mais c’est un détail. Le surplus d’effets de lumière et les teintes sombres des environnements rendent malheureusement la lisibilité difficile, un défaut déjà présent dans Octo. Ce serait bien qu’il fasse quelque chose de ce côté-là avant la sortie du jeu.
Technique :
Je juge pas la résolution ou le framerate, c’est pas mon domaine. En revanche la démo est bourrée de loadings de 10-15 secondes chacun à chaque fois que le jeu nous fait revenir sur la map ou nous fait changer d’écran (ce qui arrive souvent) et ça devient vite très relou. Espérons qu’ils améliorent ça.
OST :
Rien à redire non plus, on a des bons thèmes qui évoquent autant l’esprit militaire des joutes que l’aspect géopolitique de l’univers présenté et les multiples drames et complots qui vont se jouer. Ça n’a pas l’impact ou le génie des compositions de Sakimoto de mon point de vue, mais ça reste de très bonne facture. A noter que c’est le compositeur des musiques de FMA Brotherhood derrière.
Petit bémol sur le doublage US, qui me paraît au mieux correct, au pire peu inspiré. Pas de voix japs dans la démo, mais on les aura sûrement dans le jeu final comme pour Octopath.
Univers :
Ce dernier pose de bonnes bases pour un univers sérieux et mature, propice aux intrigues géopolitiques et complots cités plus haut. On met tout de suite l’accent sur les trois principales nations possédant chacune une ressource importante, leurs dirigeants et généraux et les luttes de pouvoir. A priori, pas d’histoire relique sacrée ancestrale dont dépendrait le sort du monde ni de mal ancien scellé de 1000 ans, on est sur quelque chose de bien plus réaliste. Sur le papier, tout ceci semble donc très prometteur. Sur le papier seulement, car tel que c’est parti niveau scénar, tout ça risque de bien vite s’effondrer...
Petite note sur la trad : très bonne sur la forme, je suis plus circonspect sur le fond mais il faudrait avoir accès au texte jap pour en être sûr. Disons qu'il y a un décalage entre les voix US et le texte FR, reste à savoir laquelle des deux versions s'écarte de la version originale...
Chara design :
Le chara designer d’Octopath revient sur celui-ci, et le résultat est très cool. Tous les persos ne se valent pas et j’avoue ne pas être très inspiré par la plupart d’entre eux, mais au moins ça correspond parfaitement à l’ambiance médiévale du titre, avec des personnages suffisamment réalistes dans leurs visages et tenues pour y croire tout en étant stylisés comme savent le faire les japonais. C’est assez varié et ça fait d’ailleurs du bien de voir aussi des sales tronches chez les gentils et pas que des beaux gosses. Je regrette juste que les « méchants » aient toujours des têtes aussi caricaturales qui trahissent immédiatement leurs intentions, surtout quand le jeu essaye de nous faire croire qu’ils peuvent être potentiellement alliés... Personne n’y croit. Dans tous les cas, on évite les trucs limites glauques qui ont souvent cours dans les autres productions japs. Vous pouvez oublier les gamines à gros seins et autres joyeusetés, à première vue on échappe à ce mauvais travers.
Scénario :
Là en revanche, c’est mal parti. C’est triste parce que le jeu fait vraiment tout pour paraître sérieux, en mettant l’accent sur l’aspect politique et militaire, les intrigues et complots, en laissant les héros en proie au doute, aussi pétris de bonnes intentions soient-ils. Tout est fait pour donner l’impression d’un univers aussi bien construit que celui d’un Game of Thrones... (concernant la logique derrière les motivations politiques, pas le réalisme ou la violence)
Sauf que non. On reste dans le très manichéen, les méchants sont des méchants qui sont prêt à tous les coups bas pour parvenir à leurs fins, et les gentils prônent la loyauté, l’honneur et la liberté. Ce ne serait pas grave si c’était vraiment assumé, mais le jeu essaye au contraire de brouiller un maximum les pistes, en vain. Et l’évolution du récit ne fait que ressortir la bêtise des héros : au début de la démo, les méchants envahissent le royaume de Glenbrook et capturent la famille royale, sauf le prince Roland qui débarque avec ses amis en espérant sauver la situation, mais se retrouve contraint de fuir tout de même. Ok, admettons. Le groupe réussit à s’enfuir, mais l’un des persos se sacrifie à la fin de la première bataille pour cela. Chapitre suivant, nos héros se rendent comptent que sauver Roland n’était pas une bonne idée car le royaume ennemi peut prendre ce prétexte pour leur faire la guerre ?? Et maintenant ils vont voter pour savoir s’ils vont livrer Roland à l’ennemi alors que certains sont morts pour le protéger ??? Ils ne pouvaient pas y penser avant, vraiment ??
Et rien que dans la démo, on peut voir pas mal d’incohérences de ce genre. Elles se justifient par le fait d’apporter un plot-twist intéressant (après tout, on peut effectivement livrer le prince et cela donne lieu à une bataille contre un ancien vassal du royaume allié) ou par la mise en avant du système de jeu (le principe de vote, j’y reviens après), mais question immersion, on repassera.
L’écriture des persos d’Octopath s’était montré très plate et consensuelle malgré des prémices de départ intéressantes, à mon avis Triangle Strategy va suivre la même direction. Et ça, ça ne sera pas corrigé à la sortie du jeu.
Sachez qu’à priori, le (ou les) scénariste n’est pas le même que pour Octopath, pourtant on y retrouve les mêmes travers. J’ai bien peur que ce problème ne s’étende à une bonne partie de la production japonaise...
Enfin, un dernier problème aussi de mon côté : ça parle définitivement trop. Je crois que le temps cumulé des cutscenes d’un chapitre est au moins équivalent voire supérieur au temps mis pour faire un combat...
Gameplay :
Au moins, pour le coup, c’est plutôt bon. Les batailles respectent les codes des T-rpg façon Tactics Ogre, ça c’était prévu. Mais il semble aussi y avoir suffisamment d’éléments, via les compétences des perso notamment, pour établir ses stratégies et rendre les joutes intéressantes : faiblesses élémentales bien sûr, mais aussi influence des sorts sur le terrain, compétences variées, attaque en tenaille, gimmicks de terrain (j’apprécie qu’on puisse on découvrir lors des phases d’exploration pour ensuite les utiliser en cours de bataille)...
C’est très complet et on peut faire pas mal de trucs, surtout que le jeu a une bonne difficulté : on s’en sort si on gère bien son placement et qu’on use à bon escient des différentes possibilités stratégiques, mais une erreur peut vite coûter cher. Le principe des AP déjà vu dans Octopath me paraît pas mal, ça peut ajouter une dose de stratégie pour choisir entre une skill faible mais utilisable tout de suite, ou économiser pour lancer une skill plus importante. Mais j’ai peur que ce soit tout de même handicapant pour certaine skills utiles (les sorts d’attaque notamment), cela dit le jeu prévoit bien sûr d’autres moyens de regagner des AP. Bref, au moins les combats sont plutôt cools.
Je suis un chouïa moins convaincu par les phases d’exploration, qui sont une feature sympa mais pas transcendante : on glane quelques objets, on parle à nos alliés (dont certains nous demandent de faire un choix moral), on découvre des gimmicks utiles pour plupart. Le tout à grand renfort d’aides visuelles pour pas que le joueur soit perdu, mais du coup c’est difficile de louper quoique ce soit.
Même constat pour la séquence de vote, on sait qui va voter quoi à l’avance, l’idée de pouvoir influer sur la décision de chacun via des arguments est chouette, mais le résultat est tout de même couru d’avance. Sans compter qu’il est visiblement très facile de faire changer ses alliés d’avis avec des arguments bancals (une arme secrète dont on ne sait rien...), même quand ça va à l’encontre de leurs convictions profondes ! Souci d’incohérence, encore...
Ce système à au moins le mérite de proposer des batailles différentes en fonction des embranchements scénaristiques, même si on se doute que ces derniers n’ont finalement pas tant d’impact que ça. A voir ce que ça donnera dans le jeu complet, mais je ne m’attends pas à la révolution annoncée, malheureusement.
Reste la world map qui ne propose pas grand-chose et qui me paraît pour le moment sous-exploitée, à part pour quelques scénarios annexes et recrutements. J’espère voir des missions et autres objectifs annexes, mais n’en demandons pas trop. Un curseur un peu plus rapide et fluide sur la map ne serait pas de refus non plus.
Conclusion
Bah je sais pas trop quoi en penser. J’en avais une bonne impression au départ, vu l’univers et les mécaniques de jeu présentés, mais à la réflexion je sens que ça va finir comme Octopath, avec de (très) bonnes idées mal exploitées, un gameplay redondant, et un scénario qui se veut sérieux et mature mais qui n’a pas compris ce qu’il fallait faire pour l’être. Je reste curieux de voir la suite, malgré tout le jeu sera sûrement bon, mais j’ai bien peur que le jeu n’arrive pas à la cheville des titres dont il prétend s’inspirer... ce qui ne serait malheureusement pas nouveau.
Me voici de retour pour une chronique RPG, cette fois sur un jeu que vous connaissez probablement tous, au moins de nom ! Mais connaissez-vous son histoire ? Si la plupart d’entre vous êtes déjà au courant qu’il s’agit du premier épisode de ce qui deviendra la seconde grande série de Squaresoft, les SaGa, j’ai l’impression en revanche que peu de personnes, tout du moins en Europe, mesurent la portée historique de ce titre et ses innovations apportées au JRPG. Une méconnaissance sans doute liée au fait qu’aucun des jeux de cette première trilogie « Final Fantasy Legend » n’étaient jusque-là sortis officiellement chez nous... Sans compter qu’ils se révèlent de toute façon moins accessibles que les RPG auxquels nous auront effectivement droit, comme Mystic Quest et Secret of Mana. Je profite donc de la sortie de la « Compilation of SaGa » le 15 décembre dernier pour revenir sur le tout premier épisode de cette série culte, et pourtant trop souvent relégué au second plan...
Final Fantasy Legend Titre original : Makaitôshi SaGa
Consoles : Gameboy ; WonderSwan Color (remake) ; Mobiles
Développé par : Squaresoft
Edité par : Squaresoft
Sortie : 15 décembre 1989 (JP), 30 septembre 1990 (US)
L’autre fantaisie
Nul n’ignore maintenant l’histoire de Squaresoft, modeste entreprise de développement de jeux en difficulté financière dans le milieu des années 80, et sauvée en 87 par le pari fou de Hironobu Sakaguchi et son RPG Final Fantasy. Fort de ce succès inattendu, il est logique de mettre en chantier une suite, Final Fantasy II, qui connaîtra elle aussi le succès. Parallèlement, les histoires de fantasy se font connaître du grand public, et le genre RPG prend son essor au Japon sur consoles dans le sillage de Dragon Quest et FF : Phantasy Star, Megami Tensei, Ys (la plus accessible des productions Falcom à l’époque), Wizardry, Glory of Heracles, et tant d’autres.
En 1989 débarque aussi une console qui changera la face du jeu vidéo : la Gameboy (la ou le, faites comme vous voulez mais ne venez pas me les briser ), accompagnée du non-moins mythique Tetris, qui, au Japon comme ailleurs, fait un carton.
Squaresoft envisage donc très vite de sortir un jeu sur la petite nouvelle de Nintendo, intéressé par ses capacités portatives (et surtout par l’appât du gain, vu le succès de la console). C’est d’ailleurs bien le succès de Tetris que Masafumi Miyamoto, PDG de Square de l’époque, a dans le viseur quand il demande à ses équipes de créer... un puzzle game !
Désignés pour réaliser ce projet, Akitoshi Kawazu, auteur des battle systems des deux premiers FF, et Kôichi Ishii, lui aussi ayant œuvré sur FF et futur créateur de la série Mana, réfléchissent un temps à la proposition... avant de finalement conclure que ce que les joueurs attendaient sur Gameboy serait plutôt un RPG. Cela doit vous donner une idée de l’importance qu’avait acquise le genre déjà à l’époque...
Si l’on ne peut que bénir les deux compères d’avoir fait cette décision, elle tient certainement plus en réalité à leurs envies personnelles : tous deux sont, comme Sakaguchi, férus des jeux de rôle américains sur table et sur ordinateur qui sont timidement arrivés sur le sol japonais à la fin des années 70. D’ailleurs, si Sakaguchi s’inspira sans vergogne de l’univers de Donjons & Dragons pour créer son Final Fantasy, Akitoshi Kawazu empruntera lui aussi son univers d’un autre JdR connu, bien plus atypique : Gamma World.
En effet, ce JdR mêle allégrement les éléments de fantasy médiévale et ceux de la science-fiction : les joueurs y évoluent dans un monde post-apocalyptique basé sur des périodes historiques revues à la sauce SF : Moyen-Âge, Renaissance... On peut choisir son personnage parmi 4 classes appelées « génotypes » : humain pur, mutant, animal-mutant ou plante-mutante. L’univers du jeu possède un fond sérieux, autour des thèmes de la reconquête humaine de la nature, des modifications génétiques et des civilisations perdues, mais garde globalement un ton très humoristique. Autant d’éléments que l’on retrouvera dans le RPG de Kawazu.
Au final, le projet réunira une belle Dream Team composée de nombreux futurs talents de Square : aux côtés de Kawazu et Ishii travailleront sur le scénario du jeu Hiroyuki Itô (créateur du système ATB dans FF, puis directeur des épisodes VI, IX et XII) et Takashi Tokita (scénarios de FFIV et Parasite Eve). Ce dernier œuvrera aussi sur les sprites et le chara design du jeu, tandis que Ryoko Tanaka réalisera les décors. Nobuo Uematsu officiera aux musiques (car à l’époque, le bonhomme faisait encore autre chose que Final Fantasy), et s’il sera remplacé par Kenji Itô à partir de SaGa 2 qui instaurera sa patte musicale sur le futur de la série, il aura néanmoins laissé plusieurs pistes mémorables sur ce premier épisode. Bref, il n’y avait pas que Sakaguchi qui s’avait bien s’entourer...
Les artworks promotionnels mettent clairement en avant le mélange fantasy-SF.
De la contrainte nait l’ingéniosité
Excités à l’idée du nouveau défi que représente la réalisation d’un RPG sur console portable, l’équipe du jeu se heurte néanmoins vite aux énormes limitations techniques de la Gameboy, bien plus restrictive qu’une Famicom, d’autant qu’elle vient seulement de sortir et qu’il faut comprendre ce nouveau hardware. Les cartouches sont encore limitées en taille, et ce nouveau RPG devra tenir sur 1 Mbit, soit... 128 Ko.
Les graphistes se démènent pour retranscrire de façon efficace les éléments du jeu en noir et blanc, et s’arrachent les cheveux par exemple sur les effets de flamme. Uematsu est lui aussi dérouté par les nouvelles restrictions audio, à la fois proches et différentes de la NES. Ça ne l’empêche pas de livrer une fois de plus une OST remarquable de plus d’une quinzaine de pistes, dont certaines devenues cultes comme le thème de l’écran titre. Leur seul défaut aujourd’hui reste d’être bien courtes, chose imputable aux limitations de la cartouche.
Bref, toutes ces restrictions obligent Kawazu et son équipe à repenser totalement leur approche du RPG, et à rivaliser d’ingéniosité pour faire tenir un maximum de choses dans la cartouche. Sans concéder leurs ambitions pour autant.
Ainsi, le jeu est pensé pour être terminé en un long trajet équivalent à un vol Tokyo Narita -> Honolulu. Ce choix arbitraire vous paraîtra peut-être moins incongru si je vous dis que Hawaï a depuis toujours été une destination de vacances privilégiée des japonais ! L’aventure prend donc pas loin d’une dizaine d’heures, ce qui pour l’époque est phénoménal sur Gameboy.
Les développeurs mettent aussi un point d’honneur à développer leur jeu sur la base d’une expérience portative, où l’on peut jouer par sessions courtes tout en ayant le sentiment d’avancer. Les environnements du jeu, autant par volonté d’être facilement lisibles sur petit écran que par besoin d’économiser de la mémoire, sont arrangés de façon à ce que les différents lieux soient assez proches les uns des autres et que le joueur les repère facilement sans avoir à explorer pendant des heures. Le concept de tour à escalader, dont on reparlera plus tard, est aussi issu de cette réflexion, grâce à des paliers relativement restreints. Le taux de rencontre aléatoire est en revanche rehaussé pour s’assurer qu’il se passe toujours quelque chose d’intéressant pour le joueur, même sur une courte partie.
Kawazu va même plus loin encore et repense aussi le confort de jeu pour l’adapter aux parties nomades : ainsi, il est possible de maintenir le bouton A pour que les dialogues d’exploration et de combat passent plus vite. De la même manière, les commandes de combat du tour précédents sont enregistrées, et il suffit de maintenir ce même bouton pour relancer les mêmes commandes rapidement et accélérer ainsi le rythme des combats contre les ennemis les plus faibles. Des choses qui nous paraissent évidentes aujourd’hui, mais c’était loin d’être le cas à l’époque !
D’une manière générale, Kawazu estime que le plaisir de jeu réside dans la simplicité d’utilisation de ce dernier. Il simplifie ainsi l’interface des menus en rangeant tous les objets, équipements et actions dans la même fenêtre. L’idée peut paraître brouillonne, mais fonctionne plutôt bien à partir du moment où il n’y a que 8 emplacements à gérer. D’autres petits ajouts sont mis en place pour optimiser le temps des parties, comme le fait qu’une action (parler à un PNJ, ouvrir un coffre, etc.) se fait automatiquement simplement en appuyant dans la direction de l’élément avec lequel interagir. Enfin, le jeu implémente dès le départ la possibilité de sauvegarder à n’importe quel moment grâce à une pile de sauvegarde. Ce qui ne l’empêchera pas d’être horriblement difficile...
Aux antipodes du RPG
Cette difficulté est cependant voulue par Akitoshi Kawazu, qui souhaite créer un RPG complexe et à destination des joueurs aguerris, et prenant le contrepied total de Final Fantasy et Dragon Quest qui se voulaient être des RPG accessibles au grand public (dans le sens où les mécaniques sont simplifiées par rapport aux jeux de l’époque, et non pas par rapport à la difficulté... qui était de toute façon vécue différemment aussi).
C’est ainsi qu’apparaît un principe unique dans le JRPG à l’époque (et même encore aujourd’hui) : les personnages disposent de trois cœurs symbolisant leur nombre de chances avant une mort définitive ! Il reste possible de regagner des cœurs en jeu, mais moyennant des sommes astronomiques. Une idée étonnante qui sera pourtant familière aux rôlistes, puisqu’étant finalement une retranscription en jeu vidéo du principe des points de destin que l’on trouve dans beaucoup de JdR sur table. Le principe, devenu très populaire, sera repris et transformé dans les futurs épisodes de SaGa.
Pour donner du sens à cette difficulté, Kawazu propose des idées originales :
Si Final Fantasy permettait de sélectionner diverses classes de départ, Makaitôshi Saga propose au joueur 3 races : Humain, Mutant... et Monstre, chacune disposant de son type d’évolution propre. Ainsi l’humain se renforce en fonction de ses équipements et peut augmenter ses stats via des potions, quand le mutant reprend le principe mis en place dans FF2 où les stats, en y ajoutant cette fois les sorts et compétences, sont gagnés en fin de combat en fonction des actions du personnage. À peine établi quelques années avant, le principe d’expérience et de niveaux est complètement écarté !
Plus perturbant encore, le monstre évolue en dévorant la viande d’autres monstres que ces derniers lâchent parfois en fin de combat. Original sur le papier, la transformation dépend de critères obscurs et non mentionnés dans le jeu, le résultat est aléatoire et ne garantit aucunement que le personnage évoluera vers une meilleure forme, c’est même souvent le contraire ! À moins d’avoir un tableau des transformations sous la main, la race de monstre équivaut un peu à jouer à la roulette russe avec cinq balles dans le barillet... mais représente une des composantes les plus novatrices et amusantes du jeu. Les plus malins (et patients) peuvent ainsi s’amuser à obtenir le monstre ultime dès le premier monde traversé...
Ces trois races sont suffisamment variées pour permettre de constituer son équipe comme on l’entend et assure une bonne rejouabilité au jeu, en sachant qu’on peut recruter de nouveaux compagnons en cours d’aventure si besoin (quitte à devoir les entraîner de zéro...).
Kawazu estime aussi que le fait d’être limité à équiper une seule arme comme dans les RPG jusqu’ici est un problème. Pour SaGa 1, il fait en sorte que le joueur puisse dorénavant équiper plusieurs types d’armes différentes à la fois, allant des classiques épée/lance/hache aux plus folkloriques pistolets, bazookas, épées laser, fouets ou tronçonneuses... La force de chaque arme repose sur un attribut spécifique, et certaines sont liées à la force, d’autres à la dextérité, d’autres encore font des dégâts fixes. Cette variété d’armes à disposition et aux puissances d’attaque variables permet au joueur d’adapter plus facilement sa stratégie en fonction des combats, chose que ce dernier est effectivement contraint de faire : les armes comme les magies ont une durabilité et peuvent se perdre définitivement !
En bref, Makaitôshi SaGa chamboule complètement les codes du RPG, genre pourtant très jeune. Malgré tout, le jeu ressemble dans les grandes lignes à un RPG de l’époque : le joueur, lâché dans l’aventure avec pour seule introduction une histoire de tour mystérieuse qui détiendrait la clé du paradis, doit comprendre la marche à suivre avec les indices que lui donnent les PNJ, subissant les nombreux combats aléatoires et ardus. Le scénario n’est pas bien complexe malgré quelques plot-twists très novateurs pour l’époque, et la mise en scène est réduite à sa plus simple expression. Mais l’erreur ici, est de croire que, sous prétexte du minimalisme et des faibles exigences des standards narratifs de l’époque, le jeu n’a rien à raconter. Car le monde que dépeint SaGa 1, aussi absurde et déconcertant qu’il puisse paraître, est unique dans le RPG japonais de l’époque.
Un monde sans foi ni loi
Les histoires de fantasy jusqu’alors nous avaient habitué à un archétype scénaristique rarement remis en cause : le monde sombre dans le chaos, généralement par la domination d’un être maléfique, et un ou plusieurs héros « élus » se dressent pour l’affronter et rétablir l’ordre et la paix. Le prologue de SaGa 1 part plus ou moins sur les mêmes prémices : un monstre nommé Ashura a pris le pouvoir et ses sbires tyrannisent les populations, faisant de leur vie un enfer. Seule persiste cette légende racontant qu’un paradis se trouverait en haut d’une tour mystérieuse au centre du monde et qui s’élève vers les cieux, telle la tour de Babel. La référence biblique n’est pas anodine une fois que l’on apprend qui tire les ficelles de ces abominations...
Tout ceci semble bien classique, avec une subtile différence : loin d’incarner un « héros » au sens noble du terme, le joueur ne vaut pas plus que n’importe quel individu lambda de ce monde, car tous ou presque cherchent à s’évader de cette vie de cauchemar en relevant le défi de la légende. Son équipe, qu’il peut recruter à la volée et dont il peut remplacer les membres à loisir (on peut même recruter des monstres, ou en être un soi-même...), correspond plus à un groupe de hors-la-loi motivés par l’appât du gain et par le frisson de l’aventure qu’à des élus sauveurs. Ce qui ne les empêchera pas, en atteignant leur objectif, de sauver le monde par la même occasion... On reste dans un JRPG, après tout !
Le monde extérieur suit cette même logique de monde sans foi ni loi : aucun individu ne leur rendra service sans contrepartie, certains même les attaqueront sans vergogne, les ennemis rencontrés pouvant aussi bien être des démons que des humains.
Ce sentiment d’un monde dur et brutal est accentué par les répliques des PNJ, succinctes, brutes, bourrues, et ne s’embarrassant pas des conventions d’usage : ainsi les commerçants nous accueillent d’un なんのようだ! (Tu veux quoi !) agressif, tout comme ils nous rabrouent d’un おい ぜにが たんねーぞっ! (Hé, t’as pas assez de thunes !) si notre portefeuille fait grise mine. Nos héros eux-mêmes sont loin d’être des bisounours, entre un かんしゃは ともかく ほうびのほうは? (On s’en fiche de ta gratitude, où est la récompense ?) trahissant leurs motivations matérialistes, ou même un virulent てめえの ようなやつが 1ばん むかつくんだよ (C’est les types dans ton genre qu’on déteste le plus) après avoir tabassé à mort un ministre crapuleux !
Un ton inhabituellement outrancier pour l’époque, que Kawazu avoue avoir choisi principalement par souci de réduire les textes du jeu pour économiser de la place. Mais par ce choix, les dialogues du jeu lui ont donné une saveur unique et auront marqué beaucoup de joueurs japonais. La traduction anglaise, en plus d’être encore plus limitée en caractères, adoucit beaucoup de choses et rend malheureusement le texte assez banal. Ce n’est donc pas ce que les occidentaux retiendront du jeu...
En anglais, même les répliques fortes ont juste l’air simplistes...
Une quête épique au-delà du minimalisme
Dans ce monde où règne la loi du plus fort, nos « héros » ne finiront par gagner leur réputation qu’en parvenant à accéder aux étages avancés de la tour, qui ne s’ouvrent que grâce à des orbes gardés par les sbires d’Ashura : Genbu, Seiryû, Byakkô et Suzaku. Vous avez sûrement déjà vu ces noms dans une multitude d’autres œuvres japonaises, puisqu’il s’agit des quatre divinités représentant les quatre points cardinaux dans l’astrologie chinoise. Makaitôshi SaGa est l’un des premiers jeux (si ce n’est le premier) à leur faire référence. Jouant le même rôle que les 4 démons dans Final Fantasy, ils ont tout de même un peu plus d’importance scénaristique que dans ce dernier, dans la mesure où ce sont les dictateurs de chacun des mondes traversés par le joueur.
En plus du monde à la base de la tour, assez proche des univers médiévaux devenus communs, le joueur découvrira en escaladant la tour un monde aquatique où il devra trouver le moyen de respirer sous l’eau ; un monde céleste sous la domination de Byakkô qui cherche à éradiquer un groupe de résistants (nos héros participeront même ponctuellement à la traque) ; un monde futuriste post-apocalyptique façon Hokutô no Ken où les survivants tentent tant bien que mal d’échapper à la fureur de Suzaku ; auxquels s’ajoutent quelques endroits étonnants comme un paradis où les habitants semblent étrangement apathiques, suivi d’un enfer empli de pics et de démons pour punir les pécheurs ayant tenté d’atteindre le sommet...
Ce changement rapide d’environnements, assez atypique pour l’époque, créé un sentiment de surprise constant pour le joueur, qui le pousse à poursuivre toujours plus avant l’aventure pour voir ce que le jeu lui réserve. Les mondes visités sont si différents qu’il ne semble pas y avoir de cohérence entre eux, faisant du jeu un espèce de pot-pourri improbable qui échapperait à tout logique. C’est d’ailleurs tout le jeu qui donne cette impression, entre la variété des races et des apparences de ses habitants (le début du jeu nous fait même jouer les entremetteurs pour un mariage inter-espèces entre un roi humain et une fille mi-extraterrestre, mi-slime à un œil !), ou le panel d’armes et d’équipements mélangeant allégrement medieval fantasy et science-fiction, comme évoqué plus tôt. Makaitôshi SaGa est étrange, rocambolesque, mais c’est justement pour cela qu’il nous fascine.
Cet univers improbable est ce qu’on retient le plus lors d’une première partie de SaGa 1, pourtant l’attrait du jeu ne s’arrête pas à son univers ou à son gameplay. Malgré sa narration minimaliste, SaGa 1 n’est pas exempt de moments forts, surtout dans sa deuxième moitié. Le monde post-apocalyptique est notamment un des plus marquant, entre le fait que l’on s’y déplace en moto volante, ou que l’on doive récupérer du plutonium dans un réacteur nucléaire pour affaiblir Suzaku, que l’on affrontera finalement lors d’un duel au sommet... d’un train.
Une autre scène marquante, surtout pour les joueurs japonais, sera la trahison de Mireille, sœur jumelle de Jeanne, les deux survivantes du groupe de résistants que Byakkô cherche à supprimer. Alors que nous pensions la sauver, Mireille nous révèle qu’elle a toujours été intéressée par le pouvoir et avait rejoint Byakkô de son plein gré, jouant avec les bonnes intentions du joueur et le prenant au dépourvu. Il faudra que sa sœur aille jusqu’à se sacrifier pour elle pour qu’elle se rende compte de son erreur. Son attitude particulièrement mesquine lui vaudra d’être considérée comme l’une des trois pires femmes issues d’un jeu Square (j’ai déjà abordé le cas d’une autre, Yoyo, à la fin de mon article sur Bahamut Lagoon l’année dernière).
Mais s’il y a bien une scène qui a surpris et marqué les joueurs de l’époque, c’est sans conteste le combat final, celui qui survient après avoir vaincu Ashura. Permettez-moi de vous spoiler cette scène sans détours (ou alors, passez directement au chapitre suivant) : dès le début de l’aventure, le joueur rencontrera un mystérieux individu au chapeau haut-de-forme, semblant être en décalage avec les autres habitants du jeu. Sans nous en expliquer la raison, il nous donne des indices cruciaux sur la façon d’accéder aux étages supérieurs de la tour. Le joueur ne découvre la supercherie qu’à la toute fin : il s’agit carrément du Dieu de ce monde (il est nommé Kami en japonais, Creator en anglais), et a fabriqué de toutes pièces cette histoire de tour, de paradis, de démons et d’Ashura... par ennui ! Magnanime, il propose néanmoins aux héros de son jeu macabre d’exaucer leurs souhaits, mais ses derniers se rebellent bien évidemment contre leur « créateur », prenant alors en main les rênes de leur propre destin... Un combat lourd de sens métaphorique s’ensuit, faisant le parallèle entre les créateurs du jeu et le défi qu’ils souhaitent offrir aux joueurs, et ces derniers qui surmontent cet ultime défi pour s’approprier leur œuvre, le monde du jeu. Du génie. Le combat sera resté dans les mémoires comme un des plus difficiles dans le JRPG (même si un bug permet de tuer ce boss en un coup grâce à la tronçonneuse !), et ce n’est pas son seul héritage, car l’on retrouvera par la suite la figure d’un dieu « fou » comme principal antagoniste dans bon nombre de futurs jeux du genre... Vous avez dit Xenoblade ?
Naissance d’une SaGa
Makaitôshi SaGa est un précurseur. Après un développement d’environ 6 mois, il sort en décembre 1989, au tout début de la carrière de la Gameboy. C’est d’ailleurs le premier RPG sur la machine. Surtout, il n’hésite pas à bousculer les bases à peine établies du RPG pour proposer son propre univers et ses propres mécaniques afin de proposer une expérience de jeu exigeante, tout en se désolidarisant du nom pourtant très vendeur de Final Fantasy. Le pari de Squaresoft et de Kawazu et donc très, très risqué... Mais il paye. C’est même le gros lot : gratifié d’un 35/40 dans Famitsu, il s’écoule à plus d’un million d’exemplaires sur le sol japonais ! C’est d’ailleurs le premier jeu de Squaresoft à passer ce palier symbolique, car il faudra attendre Final Fantasy III l’année suivante pour que la série phare de Square atteigne ce score !
Au Japon, le jeu est félicité pour son ingéniosité et sa conception pensée pour le nomade. Surtout, il impressionne par la densité de l’aventure qu’il propose sur une machine aux limitations plus drastiques encore que sa consœur de salon. Un certain Satoshi Tajiri notamment, indiquera plus tard que le jeu lui a permis de se rendre compte que la console pouvait proposer plus que des jeux d’actions... ce qui le conduira plus tard à créer Pokémon sur cette dernière. Mais ce sont surtout, comme évoqué dans l’article, son univers atypique, ses mécaniques originales et ses répliques savoureuses qui marqueront les joueurs japonais.
Fort de son succès, Square met en chantier des suites : SaGa 2 sera lui aussi acclamé et deviendra l’épisode le plus culte de la trilogie, le 3 sera plus controversé à cause de grands changements dans le système de jeu mais restera néanmoins une réussite. Ces deux jeux bénéficieront de chouettes remakes sur Nintendo DS, mais pas SaGa 1, dont la dernière réédition remonte à 2002 sur WonderSwan Color... Le jeu y propose une belle rehausse graphique 16-bits et plusieurs changements bienvenus (on peut enfin voir le résultat d’une transformation avant de manger la viande d’un monstre...), mais reste globalement la même expérience. Ce remake ressortira en 2007 sur les mobiles japonais, mais sans la plupart des changements apportés...
En toute logique, Square localisera le jeu en 1990 aux Etats-Unis. D’abord nommé « The Great Warrior Saga », il prendra finalement le nom de « Final Fantasy Legend », bien entendu pour profiter de la popularité du FF de la NES. Le succès est tout de même moindre : le jeu se vend à environ 200 000 exemplaires. Il est d’ailleurs plus critiqué par la presse et les joueurs américains, qui y voient un bon RPG mais déjà daté sur le plan graphique et rendu difficile par le manque d’indications, la complexité du système de jeu (notamment les transformations en monstre) et la fréquence des combats, déjà pas bien faciles. Pour beaucoup de joueurs, la présence du « Final Fantasy » dans le nom aura même été trompeuse, pensant retrouver la même expérience de jeu que les Final Fantasy sur NES et SNES. C’est d’ailleurs comme cela que la plupart des joueurs occidentaux s’en souviennent aujourd’hui : un bon RPG, mais bien en-dessous de ce que peut proposer la série mythique.
Sunsoft profitera malgré tout de la popularité de FF7 pour acquérir temporairement les droits de la trilogie Gameboy, et les rééditera en 1998 sans changer quoi que ce soit. L’idée paraît bonne, mais pour les joueurs qui se laisseront tenter, la comparaison avec le septième épisode de la fantaisie finale ne fera que porter préjudice aux jeux.
Ne parvenant à reproduire le succès japonais, SaGa ne percera jamais en Occident. Les épisodes SNES ne sortiront jamais du Japon (jusqu’aux récents remasters, du moins), et la trilogie GB ne fera même pas le chemin jusqu’en Europe, si ce n’est par le biais de l’import. La Collection of SaGa est donc la seule release officielle des trois jeux chez nous. Il était temps. Malheureusement, je doute que cela suffise à rendre à ce premier épisode les honneurs qu’il mérite...
Épilogue : faut-il encore jouer à Final Fantasy Legend ?
Malgré mon enthousiasme que vous avez certainement vu transparaître dans l’article, je dois admettre qu’il m’est difficile de recommander le jeu à tout le monde. Si l’on passe sur ses graphismes forcément très sommaires et sa narration préhistorique aujourd’hui, le jeu est en plus de ça exigeant et surtout, déroutant : le début du jeu est très punitif mais il devient presque facile arrivé à la moitié ; l’évolution des personnages est trop aléatoire ; la difficulté des combats est en dent de scie ; l’univers du jeu semble n’avoir aucun sens ; les indices sont abscons et nécessitent parfois d’explorer au petit bonheur la chance pour avancer... Bref, il n’était déjà pas très accessible à l’époque, il l’est encore moins aujourd’hui. Il a été surpassé par ses deux suites, plus abouties et accessibles quoique toujours difficiles (les remakes DS sont plus abordables). Il brisait certes les codes du RPG à l’époque, mais avec forcément beaucoup de tâtonnements et de contraintes dues au support. Et c’est d’autant plus flagrant aujourd’hui qu’après tant d’années d’évolution du genre, le joueur moderne ne peut que se sentir perdu et frustré.
Pourtant, c’est aussi à mon sens ce qui fait son charme, et qu’y rejouer maintenant est intéressant : non seulement pour ce que le titre a inspiré au reste de l’industrie et parce qu’il est le témoignage du chemin parcouru pour le genre, mais aussi parce que paradoxalement, il dispose aujourd’hui d’une forme de nouveauté rafraîchissante tant le système de jeu reste original et unique. Sa difficulté et ses archaïsmes en rebuteront certains, mais ils peuvent aussi constituer un challenge intéressant qui remettra en cause votre appréhension du JRPG, genre qui n’a eu de cesse de se simplifier au fil des années. En rejouant à SaGa 1, il faut tout réapprendre, comprendre sa logique, se réapproprier les mécaniques de jeu, sortir de sa zone de confort. Et parfois, ça a du bon.
En attendant, j’espère que vous avez apprécié la lecture, et comme d’habitude, n’hésitez pas à discuter du jeu en commentaires N'hésitez pas non plus à me dire si vous souhaitez être notifié pour les prochains articles !
Je vous laisse en musique sur un magnifique medley symphonique des thèmes du jeu. See you next time !
Nouvelle année, nouveau format pour mes articles à propos des RPG rétro que je pense regrouper sous l’appellation « Chroniques » ! Je garde l’idée de parler d’anciens RPG sous différents angles, que ce soit celui du souvenir nostalgique ou à l’inverse de la découverte pure, sans chercher vraiment à en faire une critique, mais plutôt via une approche plus globale pour remettre le jeu dans son contexte et comprendre pourquoi il a marqué (ou non) son époque. Le tout en essayant de ne pas trop m’éparpiller pour fluidifier la lecture…
Si le format vous plaît et que les JRPG vous intéresse, n’hésitez pas à me le dire et je noterai votre pseudo pour vous notifier sur les prochaines articles, histoire de ne rien louper
Mon premier sujet de l’année sera donc Secret of Evermore, que j’ai pu finir pour la première fois durant les fêtes, entre deux ouvertures de cadeaux et trois apéros en famille Un jeu qui m’avait longtemps intrigué à l’époque pour son évidente similitude avec mon adoré Secret of Mana et que j’ai pu découvrir via l’émulation, mais pour finalement abandonner ma partie sans aller très loin. Il faut dire que le jeu est assez déroutant, surtout si on le compare à son aîné… Je vous propose donc un retour sur ce jeu paradoxal à bien des égards !
Secret of Evermore Titre original : Secret of Evermore
Consoles : SNES
Développé par : Squaresoft USA
Edité par : Squaresoft
Sortie : 1er octobre 1995 (US), 22 février 1996 (EU)
La pub américaine du jeu (la pub FR est sensiblement la même en plus court).
J’ai cru longtemps, comme beaucoup de gens, que Secret of Evermore était une « mauvaise suite » de Secret of Mana, mis en route par Squaresoft pour satisfaire le public occidental et pallier à l’absence de la « vraie suite » qui était Seiken Densetsu 3 (que l’on doit appeler maintenant Trials of Mana, même si je ne me ferais jamais à ce nom), jamais sorti du Japon, du moins jusqu’à tout récemment. Une idée reçue largement relayée à l’époque, y compris par la presse vidéoludique.
Il faut dire que tout a été fait pour rappeler le nouveau succès de Square, jusqu’au « Secret of » du titre. De fait, Evermore emprunte certes une bonne partie du gameplay de ce dernier, mais rompt tout lien avec l’univers de Mana et change complètement d’ambiance pour plaire au public occidental, supposément amateur d’action brute et de références grasses. Quitte à faire de nombreux déçus. S’il s’avère que l’absence de lien avec l’univers de Mana était intentionnelle, le jeu n’ayant jamais été pensé pour être inclus dans cette série, la rumeur possède tout de même un fond de vérité.
Un RPG fait par les américains, pour les américains
Au début des années 90, Squaresoft, devenu le maître du RPG au Japon en l’espace de quelques années, cherche absolument à conquérir le public occidental avec ses productions. Mais les équipes de Square se heurtent aux réticences de leurs représentants américains : les jeux sont jugés trop difficiles, trop complexes (et probablement pas assez « action ») pour le grand public occidental. Final Fantasy IV sortira aux États-Unis dans sa version « Easy Type » (et renommé Final Fantasy II pour l’occasion), et Secret of Mana sera heureusement suffisamment accessible pour sortir tel quel. En revanche, il faut faire l’impasse sur sa suite, pourtant annoncée en occident, tout comme sur Final Fantasy V, les Romancing Saga, Live-A-Live et autres merveilles de l’éditeur. Tout juste peut-on féliciter Square d’avoir daigné sortir en occident Final Fantasy VI et Chrono Trigger, même s’ils se sont cantonnés au territoire américain. Comme quoi, tout tient parfois à peu de choses...
L’accueil positif en occident de Secret of Mana les conforte dans leur démarche et ils cherchent donc à en reproduire le succès, mais cette fois avec un nouveau jeu taillé pour le public occidental. Et qui de mieux placé pour faire cela qu’une équipe de développeurs intégralement américaine ? Dès la fin de l’année 1993, Square confie en effet à Douglas E. Smith, alors producteur des jeux Square dans leur branche américaine basée à Seattle, le soin de monter une équipe pour faire un nouveau RPG, lui laissant une liberté quasi-totale avec une seule restriction (mais pas la moindre) : faire un RPG sur le modèle de Secret of Mana. Sauf que la branche USA de Square, jusque-là, ne développait pas de jeux, elle se contentait de gérer les affaires de la firme aux Etats-Unis et se chargeait de la localisation des jeux. Aidé d’un de ses anciens collègues Alan Weiss qui officiera comme second producteur et définira les bases du projet, Doug Smith recrute donc où il peut des jeunes développeurs triés sur le volet, pour la plupart d’entre eux débutants dans le métier…
Loin d’être un handicap, les idées fusent dans ce nouveau vivier de jeunes créateurs, et très vite un premier projet est monté, nommé Vex and the Mezmers. Le scénario de départ, basé sur des créatures capables de transporter les personnages dans des mondes oniriques, sera progressivement abandonné pour prendre plutôt une tournure de voyage à travers les époques (quand bien même l’idée de personnages transportés dans un monde imaginaire est toujours là), tandis que l’univers du jeu sera transformé en celui d’Evermore, qui finira par donner le nom final. Les bases du jeu, en revanche, sont déjà là, puisque l’équipe a le feu vert de Square pour s’inspirer allégrement de Secret of Mana… sans pour autant leur filer les assets : les programmeurs devront tout refaire de zéro par eux-mêmes !
Malgré leur manque d’expérience, ils parviennent à en récréer l’expérience globale, y compris la gestion des dégâts variables en fonction du pourcentage, le système de niveaux d’armes et de jauges à concentrer, et même le fameux menu en anneau. Le feeling de jeu de Secret of Mana est recréé à merveille, au point qu’on pourrait croire que c’est la même équipe qui s’est chargée des deux jeux ! L’équipe d’Evermore s’est même permise quelques améliorations pour un peu plus de souplesse, comme la possibilité de pouvoir changer de direction en courant, ou encore la simplification des statistiques du héros ou de la gestion de l’IA. D’ailleurs, contrairement aux alliés dans SoM, notre compagnon dans Evermore se coince rarement dans les murs…
Cela dit, la transposition ne pouvait pas non plus être parfaite, et les joueurs ont déploré de nombreux bugs lors de leurs parties… tout du moins chez les américains, car nombre d’entre eux seront finalement corrigés lors de la sortie européenne. Secret of Mana était déjà loin d’en être exempt, mais Evermore en cumule un peu plus, dont certains pouvant réellement gâcher la partie du joueur (beaucoup d’autres, en revanche, seront très utiles en speedrun ). Plus triste encore, les développeurs ne sont pas parvenus à intégrer le mode multijoueur qui avait fait les beaux jours du hit de Square. Ce fut une telle frustration pour les joueurs qu’un fan bidouilleur a créé un hack en 2005 pour rendre le jeu à deux possible !
Brian Fehdrau : Un défi de programmation
Tout comme la majeure partie de l’équipe, Brian Fehdrau débarque sur le projet sans grande expérience, si ce n’est son diplôme d’informatique et ses quelques connaissances sur le langage d’assemblage pour la Commodore 64. Il sera pourtant nommé programmeur principal sur Evermore, ayant la lourde charge de créer des outils de travail pour ses collègues.
Il créé deux principaux outils : SAGE, pour Square's Amazing Graphical Editor (sic), un éditeur graphique qui permet d'importer ou de créer des tuiles et des images pour les assembler et créer des assets, que l’on peut ensuite exporter en utilisant un kit de développement Super Nintendo relié à une vraie télévision afin de tester les éléments créés en condition réelle ; et SIGIL, pour Square Interpreted Game Intelligence Language, qui est un langage de script de haut niveau dont le but était de faciliter le travail de programmation des développeurs inexpérimentés sur les différents aspects du jeu.
Il faut savoir qu’il était encore assez rare à l’époque lors du développement d’un jeu d’avoir des outils permettant aux développeurs et artistes de voir en direct l’ajout en jeu d’un nouvel asset, chose beaucoup plus répandue aujourd’hui. Le plus souvent, les départements de création et d’intégration étaient séparés, et cela demandait beaucoup de temps et d’efforts pour voir ce que donnait un nouvel élément dans le jeu pour pouvoir y apporter éventuellement des modifications. Les outils de Fehdrau sont donc parmi les premiers exemples de simplification de ce processus.
Fehdrau raconte aussi volontiers la difficulté de faire tenir toutes les données du jeu dans une cartouche de 12 Mbits, qui sera finalement augmentée à 24 de façon providentielle, ne laissant que quelques octets de place disponible dans le jeu final. Ou encore les raisons de l’abandon du mode deux joueurs, se justifiant par le manque d’expérience de l’équipe (le mode multi de Secret of Mana n’étant déjà pas parfait, ils ne voyaient pas eux-mêmes comment ils pouvaient réussir !) pour finalement regretter de ne pas avoir persévéré sur cet aspect.
Il relate dans cette touchante interview son expérience sur le jeu : À lire ici
Une identité déroutante et unique
Malgré tout, cela n’empêche pas le jeu de proposer aussi ses bonnes idées, à commencer par la coopération avec notre compagnon canin. À défaut de pouvoir proposer un mode deux joueurs, il reste possible pour le joueur d’alterner entre les deux personnages et donc de contrôler le chien, le seul à pouvoir franchir certains obstacles. Certains environnements du jeu comme la grande pyramide ou la station spatiale seront spécifiquement pensés pour jouer sur cette coopération, forçant le joueur à alterner entre les deux compères pour avancer. Le rôle du chien ne se limite pas à ces interactions, et peut aussi dénicher des ingrédients un peu partout à travers les environnements du jeu grâce à son flair.
Ces ingrédients sont la base de la seconde idée originale apportée dans Evermore : l’alchimie. Après avoir tenté différents systèmes pour implémenter la magie si chère aux RPG, les développeurs d’Evermore s’éloignent finalement de leur modèle imposé par Squaresoft en abandonnant le système de points de magie au profit de formules d’alchimies à apprendre et d’ingrédients à récolter et combiner pour réaliser les sorts. Poussant le joueur à la collecte d’ingrédients (on peut aussi en acheter certains à divers marchands au cours du jeu) pour gérer au mieux son stock et à dénicher les nombreuses formules dont certaines très bien cachées, ce système ingénieux et amusant aura beaucoup marqué les joueurs malgré ses défauts (celui de l’utilité très relative de certaines magies, notamment). En dehors de cela, le jeu propose d’autres bonnes idées plus ponctuelles, comme le grand marché d’Antika où l’on doit troquer divers objets pour récupérer armures et amulettes, ou plus tard l’obtention d’un engin volant qui permettra de revenir sur les lieux visités pour récupérer des pièces servant à la construction d’une fusée.
Mais ce qui aura véritablement le plus marqué les joueurs, en bien ou en mal, sera la façon dont Secret of Evermore s’est évertué à se démarquer de Secret of Mana concernant son atmosphère, son ambiance. On passe en effet d’un univers très coloré et plutôt enfantin à un monde sombre, et même assez glauque par moments, pour une aventure qui se veut pourtant presque aussi onirique que son modèle. Un changement de ton que l’on constate d’abord à travers les décors, dont les teintes volontairement sombres et ternes contrastent avec la finesse des graphismes et l’aspect grandiose de certains lieux. Les premiers environnements du jeu, comme la jungle, la tourbe ou le volcan se révèlent même particulièrement inquiétants voire macabres, et exercent dans leur souci du détail une espèce de fascination morbide sur le joueur.
Il en va de même pour les ennemis rencontrés : beaucoup moins fantaisistes et mignons que ceux de l’univers des jeux Mana (et des jeux japonais d’une manière générale), le bestiaire se veut beaucoup plus terre-à-terre, et du même coup, plus menaçant. Les monstres rigolos et presque inoffensifs cèdent la place à de véritables raptors, plantes carnivores, vers grouillants au sol et autres bestioles diaboliques aux yeux injectés de sang. De par leur nombre, leur solidité et leur ténacité à poursuivre le joueur sans relâche, ils contribuent largement à retranscrire l’atmosphère hostile d’Evermore. Leur design est souvent inégal et moins inventif que ceux qui peuplent l’univers de Mana, mais il n’en reste pas moins une réussite dans la mesure où ils parviennent parfaitement à faire ressentir l’impression permanente du danger.
Ce danger devient bien réel lorsque l’on affronte les boss, tous aussi monstrueux les uns que les autres et particulièrement coriaces surtout en début de jeu (le serpent des marais est un véritable enfer !), à l’image de l’effroyable Thraxx (Gigantik chez nous) qui orne la jaquette du jeu et fait office de premier gros boss. Même s’ils sont moins charismatiques et moins nombreux que ceux de Secret of Mana, ils contribuent eux aussi à l’ambiance oppressante du jeu.
En réalité, cette sensation d’angoisse n’est présente qu’en surface. Ceux qui y ont joué savent qu’il n’y a rien de véritablement malsain dans le jeu, c’est même tout le contraire puisque toute l’aventure se déroule sur un ton humoristique. Et pourtant, ce sentiment de malaise ne quitte jamais le joueur tout le long du jeu. Cela, on le doit surtout à sa remarquable ambiance sonore.
Une fois de plus, Secret of Evermore prend le contrepied total de son modèle, aux mélodies souvent légères et évocatrices, en proposant des morceaux aux notes lourdes ou dissonantes. En résulte une bande-son aux thèmes oppressants (Elephant Graveyard, Minor Minion) ou mélancoliques (Hall of Collosia, City of Ivory, Lonely Halls), souvent inquiétants (A boy and his dog, Quicksand Field, Freak Show!), rarement joyeux (City of Ebony, Escape from Evermore). Dès l’écran titre (Main Title), le ton est donné et le joueur sait qu’il embarque dans une aventure bien moins enjouée qu’il l’aurait imaginé. Mais plus déroutant encore, la majorité des environnements du jeu laissent les mélodies entêtantes de côté pour ne proposer que des sons d’ambiances : bruits d’insectes, souffle du vent, cris d’oiseaux, grognements et percussions pesantes, les sonorités sont saisissantes de réalisme malgré les limitations de la console et l’ambiance sonore retranscrit parfaitement chacun des lieux visités, renforçant chez le joueur, dépourvu de mélodies rassurantes auxquelles se raccrocher, le sentiment d’un monde grouillant et hostile. Un choix audacieux qui n’aura pas conquis tout le monde, surtout les joueurs habitués aux musiques mémorables et entraînantes des RPG japonais (j’en fait partie), mais qui a fait de la bande-son de Secret of Evermore quelque chose d’unique en son genre.
Jeremy Soule, génie du son
Le nom de Jeremy Soule vous dit sûrement quelque chose : il n’est rien de moins que le compositeur de gros titres tels que Total Annihilation, Supreme Commander, Star Wars KOTOR, Dungeon Siege, les jeux Guild Wars, un bon paquet de jeux Harry Potter, et surtout les plus grands épisodes de la saga The Elder Scrolls, à savoir Morrowind, Oblivion et Skyrim.
Une carrière remarquable pour ce grand compositeur, dont le premier travail dans le milieu vidéoludique a justement été Secret of Evermore. Il a alors seulement 19 ans, et est encore lycéen. Passionné par les jeux vidéo mais trouvant tout de même que les musiques de ces derniers manquaient souvent d’intensité dramatique, il tente de travailler dans le milieu en envoyant quelques samples de ses compositions chez LucasArts, puis Square. Il sera simplement ignoré par le premier, et embauché très rapidement par le second. Car Squaresoft a justement un projet en cours nécessitant un compositeur américain...
Il est très vite confronté aux limitations techniques de la machine et des cartouches de jeux, mais tire son épingle du jeu en créant majoritairement des musiques d‘ambiances pour le jeu, loin des fresques orchestrales épiques qu’il a composé par la suite. Encore aujourd’hui, la bande-son de Secret of Evermore est considérée comme une petite prouesse sonore sur la console, et unique dans le catalogue musical du compositeur. Un portrait d’artiste qui aurait pu être idéal si, une fois n’est pas coutume, Jeremy Soule n’avait pas aussi à son actif des accusations de harcèlement et de viol...
Pour avoir une meilleure idée de son travail de composition dans Evermore et la façon dont il construit l’ambiance du jeu, n’hésitez pas à (re)voir la vidéo d’After Bit sur le sujet :
Comme je l’évoquais rapidement, la véritable intention du jeu n’était pas de plonger le joueur dans l’angoisse, mais de proposer une aventure typique des fictions occidentales de l’époque, à savoir un mélange de fantastique et d’humour sur fond de références à la pop culture. George Sinfield, ayant rejoint le projet en cours de route pour travailler sur le scénario, prend sa tâche de faire un RPG pour les joueurs américains très à cœur et n’hésite pas à intégrer à l’histoire des éléments de la culture américaine de l’époque pour proposer une aventure familière aux joueurs : on retrouve donc une histoire autour d’un garçon et de son chien mystérieusement transportés dans un monde imaginaire et dont ils doivent s’échapper, chaque zone du jeu évoquant une grande période de l’Histoire (préhistoire, antiquité, moyen-âge, futur/science-fiction). Un scénario qui n’est pas sans rappeler de nombreuses œuvres de l’époque, comme L’Histoire sans fin, Retour vers le futur ou Jumanji.
Sous le crayon des concepteurs graphiques et en premier lieu de Daniel Dociu, le héros prend la forme d’un blondinet qui transpire la « cool attitude » des années 90 avec sa tignasse rebelle, son jean et son blouson rouge, faisant irrémédiablement penser à Marty McFly, quitte à lorgner sur le stéréotype de l’ado de l’époque il faut dire. Pour parachever le cliché, Sinfield en fera un féru de films de série B, et le héros citera des noms d’œuvres imaginaires (mais néanmoins inspirés d’œuvres réelles) à de nombreux moments durant l’aventure.
Plus original encore, son chien prendra diverses formes en fonction des zones traversées, du plus sérieux (chien-loup puis lévrier) au plus loufoque (caniche rose puis chien-robot en forme de grille-pain...), créant autant un marqueur de progression qu’un effet comique. Toute la progression du jeu repose d’ailleurs sur les péripéties du chien, qui embarque malgré lui le héros dans ses bêtises : c’est d’ailleurs parce qu’il part à la poursuite d’un chat en début de jeu puis pénètre dans un laboratoire abandonné et ronge les fils électriques d’une machine mystérieuse que les deux compères se retrouvent transportés dans un autre monde... C’est aussi à cause de son espièglerie que le héros se retrouve à combattre dans un colisée ou à gagner par inadvertance une course de cochons !
Le jeu joue volontiers de son registre comique pour éviter de prendre son histoire trop au sérieux, jusqu’à même à briser le quatrième mur par le biais d’un prophète prêchant l’apocalypse et scandant « Nous sommes manipulés ! Ne voyez-vous pas ? Nous faisons partie d’un jeu vidéo ! ». Il rend aussi hommage à sa filiation avec Squaresoft en glissant quelques caméos dans le jeu, notamment la présence incongrue de Cecil reconverti en forgeron après son combat contre Zeromus, ou celle plus discrète de personnages de FF6 dans le public de l’arène.
Secret of Evermore se veut donc léger et amusant, bien loin des sentiments que véhiculent son habillage graphique et sonore. Les enjeux sont moins dramatiques que dans Secret of Mana, le héros cherche d’ailleurs plus à s’échapper d’un monde hostile qu’à le sauver. Et s’il rencontrera bien quelques alliés, eux aussi coincés dans ce monde imaginaire, les personnages secondaires auront tout de même moins d’importance, moins d’impact que ceux d’un RPG japonais. C’est ce décalage, autant avec son modèle qu’au sein même du jeu, qui a malheureusement donné au titre sa mauvaise réputation.
Ne jamais se fier aux apparences
Lorsqu’il sort sur le territoire américain en octobre 1995, le jeu est pourtant plutôt bien accueilli par la presse, qui y voit un bon complément à Secret of Mana. Son ambiance et son humour correspond bien à ce qui plaît au public occidental, même si son scénario fait déjà trop classique pour l’époque. Néanmoins certains aspects sont critiqués, notamment la trop grande présence des musiques d’ambiances au lieu de mélodies marquantes, la difficulté du titre qui se révèle plus dur que Secret of Mana, et bien entendu, les bugs. Le plus douloureux, autant pour la presse que pour les fans, reste l’absence de multijoueur. Malgré ses qualités, le jeu reste dans l’ombre de son aîné et est même considéré comme qualitativement en-dessous des productions habituelles de Square...
Chez les joueurs, la réception est beaucoup plus dure. Secret of Mana avait irrémédiablement marqué les esprits, et Evermore s’en éloignait beaucoup trop. Bien entendu, l’idée qu’Evermore devait en être une suite a largement contribué à son désamour par le public, quand bien même cela s’est avéré faux par la suite. Et aux défauts déjà cités s’ajoute la frustration de n’avoir eu qu’un ersatz de Mana à se mettre sous la dent, alors que la vraie suite (Seiken Densetsu 3, pour rappel) ne sera finalement jamais localisée.
Les joueurs européens ont été étonnamment plus optimistes vis-à-vis du jeu, quand bien même il sort en plein boom de la Playstation et des jeux 3D. Il faut dire que les RPG sortant chez nous étaient rarissimes, il n’y avait pas de quoi faire la fine bouche. Plus rares encore étaient les jeux traduits, et nous concernant, la traduction française a d’une certaine façon largement contribué au charme du jeu...
Véronique Chantel a encore frappé
Dans les années 90, les standards de traduction, quand il y en avait une, étaient bien, bien loins de ceux d’aujourd’hui...
La traduction française de Secret of Mana avait déjà marqué les esprits pour son côté décalé et vieillot, sans compter les choix de noms douteux (Rambo et Schwarzy, on s’en souvient...). Elle a été réalisée par une certaine Véronique Chantel, alors traductrice pour Nintendo France à l’époque. C’est elle qui doit réaliser la traduction française de titres comme Donkey Kong Country, Yoshi’s Island, ou Link’s Awakening. Squaresoft ne disposant pas encore de branche européenne à l’époque, c’est donc Nintendo France qui se charge de les localiser, tâche qui incombe au final à la traductrice quarantenaire.
Véronique Chantel n’est pas vraiment une experte en jeux vidéo et encore moins en jeux de rôles (les traducteurs de l’époque venant plutôt d’autres milieux, comme la traduction littéraire), et s’arrache les cheveux par exemple sur le choix du nom des armes...
La tâche est d’autant plus rude avec Secret of Mana qu’elle devait composer avec 362 pages de textes à traduire en trois semaines, contrainte par les limitations de caractères propres aux jeux de l’époque. Sans compter qu’elle ne peut traduire du japonais et se base sur la version anglaise, déjà amputée d’une partie du texte !
Les choses sont différentes pour Secret of Evermore, dont le texte original est par définition en anglais. Cela se ressent en jeu, où les répliques sont plus fluides et ont plus de sens. Mais la traductrice est taquine et aime utiliser des tournures de phrases désuètes ou faire des références cachées à ses collègues (certains n’ont pas oublié le « Gros bisous de Kyoto ! -Véro » caché dans Link’s Awakening !). Grâce au ton humoristique déjà présent dans le jeu, elle peut s’en donner à cœur joie dans Evermore.
C’est ainsi que « Evermore » devient poétiquement « Perpétua »... ou que Podunk, la ville de départ du héros représentant une banale banlieue américaine, se renomme Pontoise chez nous ! De même pour les personnages du jeu qui se voient renommés avec des consonnances bien françaises : Louis et Isabelle Rouflaquettes, Alec Orbusier, Camélia Dujardin... Loin de faire des mauvais choix, elle adapte parfaitement à la culture française des noms qui sont déjà des blagues ou des références en anglais. Même chose pour les fameuses références cinématographiques sous forme de faux titres cités par le héros, dont elle trouve des adaptations en faisant en sorte qu’ils soient compréhensibles dans notre système de référence.
Plus croustillant encore sont ses nombreuses répliques et expressions à travers le jeu, le rendant encore plus drôle qu’il ne l’était déjà pour une traduction immanquablement devenue culte. Avouez-le, ce n’est pas dans tous les jeux que vous pourrez lancer un sort qui vous rendra « maousse costaud »...
On se rappellera aussi avec nostalgie la sortie du jeu fourni avec son guide grand format intégralement en français, bourré de détails et d’astuces (et d’erreurs parfois : entre une sortie de donjon oubliée et deux magies présentes dans le guide mais absentes du jeu, on pouvait se douter que la chose avait été produite un peu à la va-vite), tout comme ce fut le cas pour Secret of Mana, Illusion of Time, et une poignée d’autres. Un élan de générosité justifié par le besoin de rendre ces jeux accessibles au plus grand nombre, quand aujourd’hui de tels objets seraient vendus trois fois trop chers dans des éditions collectors opportunistes. Personne ne sera donc surpris d’apprendre que ces guides se vendent maintenant à prix d’or auprès des collectionneurs...
Au final, le jeu s’est malgré tout bien vendu, mais en-dessous des attentes de Square. Et la jeune équipe rassemblée par Doug Smith fut rapidement démantelée, en même temps que les bureaux de Seattle de Square... Encore que concernant ce dernier point, la principale cause serait plutôt la fameuse rupture entre Nintendo et Squaresoft, ce dernier ne voyant alors plus l’intérêt d’avoir ses bureaux américains proche du géant japonais. Une suite fut planifiée un temps, sans que le projet n’aille très loin. Secret of Evermore fut donc le premier et le dernier RPG réalisé par Squaresoft USA, et d’une certaine façon le premier « J-RPG » réalisé par des américains...
Malgré tout, les choses n’ont pas nécessairement mal tourné pour l’équipe après leur démantèlement. En dehors de Jeremy Soule qui ne faisait que signer le départ de sa carrière fulgurante, une bonne partie rejoindra en effet les rangs d’une entreprise de JV voisine de Square USA, Cavedog Entertainment, pour concevoir un STR qui deviendra célèbre : Total Annihilation. D’autres auront moins de chance, mais dans tous les cas, pour la plupart d’entre eux, Secret of Evermore aura été un tremplin efficace après leur mésaventure. Qui plus est, leurs efforts sur ce premier projet n’auront heureusement pas été vains...
En effet, le temps et la prise de recul des joueurs finiront par rendre justice au jeu. Éloignés de l’idée qu’il s’agissait d’une mauvaise suite, ou simplement marqués par son ambiance particulière qui tranche justement avec celle des jeux japonais, de nombreux joueurs furent progressivement conquis par le jeu de Square USA, qui dispose aujourd’hui d’une aura très forte, quoique pas autant que la série des Mana. Plus sombre, plus dérangeant (même pour de faux), certains joueurs le préfèrent même au mythe de Square. Chacun reste juge, mais le fait est que petit à petit, le jeu a regagné ses lettres de noblesses et est maintenant cité parmi les chefs-d’œuvre de la console et les grands hits du RPG.
Comble de l’ironie, le jeu ne sortira jamais au Japon, et seule une poignée de joueurs japonais découvriront le titre via l’émulation ou l’import. Fut-ce pour un seul jeu, ils auront goûté à notre souffrance de ne pas avoir droit à une localisation pour un titre de grande envergure... Justice nous a été rendue ! (Ou pas... les japonais se contrefichaient probablement du jeu à l’époque )
Épilogue : faut-il encore jouer à Secret of Evermore aujourd’hui ?
Assurément ! Pour peu que l’on ne soit pas entièrement rebuté par les jeux rétro, il mérite encore l’attention des joueurs, que ce soit pour son côté historique et unique dans l’histoire du JV et de Square, ou juste pour profiter de son ambiance à la fois typique des années 90 et atypique dans sa proposition, avec un gameplay encore très agréable aujourd’hui. Bien sûr, de nombreuses choses ont mal vieilli, et il est facile de s’agacer sur sa difficulté mal dosée (j’ai galéré dans la première moitié de jeu, beaucoup moins dans la seconde, le chien étant particulièrement cheaté), ses erreurs de game design (certains boss intouchables sans magie, de même que les ennemis volants), ses labyrinthes trop labyrinthiques (le comble !) et infinissables sans soluce, bref, tous les défauts qui caractérisent malheureusement les jeux de l’époque.
Si l’on peut féliciter l’équipe des développeurs d’avoir atteint une telle qualité avec des membres pour la plupart inexpérimentés et lâchés sur un projet d’une telle ampleur, il reste malheureusement moins peaufiné que les autres jeux de Square, et ne parvient à mon sens pas à la hauteur de Secret of Mana (qui était déjà loin d’être parfait), plus complet, plus long, plus poignant. Il n’en reste pas moins un incontournable de la console pour tout fan de RPG qui se respecte, en particulier si l’on a joué et apprécié Secret of Mana. Telles les deux faces d’une pièce, les deux jeux s’opposent tout en étant complémentaires, et proposent deux aventures à la fois distinctes et similaires, mais assurément marquantes toutes les deux. Il serait donc bien dommage de gâcher son plaisir
Faites-moi plaisir et partagez vos souvenirs du jeu en commentaire ! Quant à moi, je vous dis à la prochaine pour une autre chronique RPG !