Je reprends la plume virtuelle pour un petit article d’avis, ça faisait longtemps ! En effet, je viens de terminer le sympathique Fuga Melodies of Steel, et vu que personne n’en a parlé sur le site (ni même ailleurs, bien que certains YouTubers connus comme At0mium ou ExServ aient fait une vidéo dessus, il est passé tellement inaperçu que beaucoup de gens n’ont pas réalisé qu’il était sorti en juillet dernier...), je me disais que c’était l’occasion d’en parler un peu !
Rappel du titre :
CyberConnect2 est principalement connu pour ses jeux adaptés de grandes licences du manga/anime (Naruto principalement) mais aussi pour l’ambitieux univers de .Hack. Plus rares sont ses productions personnelles, généralement noyées dans ses projets de commande, mais cela n’empêche pas le développeur de rêver d’indépendance et d’autoédition, comme un certain Platinum Games.
En Février 2018, CC2 annonce donc Senjô no Fûga (Fugue on the Battlefield) comme premier projet indépendant et autoédité de la firme, avec deux autres jeux développés en interne par une petite équipe, Tokyo Ogre Gate et Cecile, sous le nom de « Trilogie de la Vengeance », thème commun pour les trois jeux se revendiquant une ambiance assez sombre.
Fuga est certainement celui qui attirera le plus l’attention, principalement pour son appartenance à l’univers de Little Tail Bronx dont sont aussi issus Tail Concerto et Solatorobo, deux jeux ayant marqués une niche (le jeu de mot est volontaire ) de joueurs pour leur ambiance colorée à base d’animaux anthropomorphes, et développant malgré tout des thèmes forts. Je ne cache pas que c’est moi-même pour cette raison que je me suis intéressé au titre, sans quoi je serais probablement passé à côté malgré ses qualités.
Le jeu dispose en effet d’une ambiance plus sombre que les deux jeux cités, en nous narrant l’histoire d’un groupe d’enfants aux commandes d’un immense tank, le Taranis, partis libérer leurs parents faits prisonniers par l’armée Bermane ayant envahi leur contrée. S’il est déjà cruel de voir des enfants partir en guerre, le secret du Taranis l’est bien plus : en cas de danger, le tank peut activer son « canon des âmes », une arme surpuissante capable de décimer l’ennemi au prix d’une énergie suffisante... à savoir la vie d’un des enfants à bord.
Note : J’ai fait le jeu sur Switch. Mis à part quelques micro-lags dans les menus ou en validant des commandes, chose probablement commune à toutes les versions du jeu, je n’ai pas noté de problème particulier. Le jeu est sorti en démat sur tous les supports disponibles, donc PC, PS4/PS5 et XboxOne/Series S/X, au prix de 39,99€. À priori, pas de version physique chez nous, quel que soit le support.
En résumé, que vaut-il ?
Bon, je pense que ça n’a échappé à personne : on reste avant tout sur un « petit jeu », comprendre par là qu’il a la portée d’un jeu indé fait par une petite équipe, avec peut-être un peu plus de moyens (il aurait bénéficié d’un budget de 2,5 millions d’euros, tout de même !). Il ne faut pas s’attendre à un Solatorobo 2 ou quoique ce soit dans le genre, le jeu étant réduit à sa plus simple expression, à savoir son concept d’enfants vivant dans un tank géant.
Le jeu est très linéaire, assez répétitif, et se contente de raconter son histoire relativement simpliste via de sublimes artworks fixes, mais reste en dehors de ça très agréable à jouer et globalement bien fichu, quoique pas forcément original dans ses mécaniques. Il est aussi plus long qu’il n’en a l’air (j’ai mis 25h pour ma première run, en prenant mon temps), dispose de quelques fins différentes en fonction des performances du joueur et propose un New Game + pour le 100%.
Bref, pas une tuerie donc, ce qui peut expliquer en partie le fait que le jeu soit resté assez discret (ça plus le gros manque de communication autour du titre, surtout), mais cela n’empêche pas ceux qui l’ont essayé d’avoir été, pour la plupart, enchantés par l’expérience, moi inclus. On est donc plutôt sur un bon jeu !
Le jeu en détail
Comme je le disais, tout le jeu va reposer sur le même schéma : le tank progresse sur un chemin défini jalonnés de combats, d’objets à ramasser et de points de régénération, auxquels s’ajoutent les moments d’interludes (où l’on gère les relations des personnages et les upgrades à l’intérieur du tank) et les ruines à explorer, seuls moments qui permettent de varier un peu le gameplay.
Il est possible de choisir à différents moments plusieurs embranchements sur la route, correspondant grosso modo à des degrés de difficultés : les routes sûres proposent peu de combats, contrairement aux routes difficiles où les combats sont plus ardus mais les récompenses en objets et XP bien meilleures. Mais dans l’absolu, il y a très peu de liberté d’exploration ni même d’embranchements scénaristiques, on est clairement plus sur un jeu centré sur ses combats stratégiques et l’optimisation du tank et de son équipage.
Et de ce côté on se régale, les devs ayant poussé le principe de customisation à fond avec une foultitude d’éléments que l’on peut upgrader ou modifier pour améliorer les performances du tank ou de nos chers bambins : les canons et le blindage du Taranis bien sûr, mais aussi l’amélioration des installations de celui-ci (point de pêche, atelier, dortoir, ferme, cuisine...), les affinités entre les différents personnages qui offrent des bonus de soutien et permettent l’utilisation des attaques duo, ou leur humeur à gérer en leur faisant faire des activités spécifiques à chaque interlude et qui permet de déclencher leur « mode héros » (gros bonus temporaire spécifique à chaque perso).
On se sent un peu perdu avec tout ce que le jeu propose au début, mais tout est très facilement expliqué au cours des deux premiers chapitres et le tout devient vite très agréable à jouer malgré la répétitivité grâce à la variété de choses à faire. Le jeu à la bonne idée d’aider le joueur à ne pas trop se disperser en limitant le nombre d’actions possibles au sein du tank, forçant à réaliser des choix, et en l’aiguillant avec les souhaits des enfants pour obtenir leur boost d’humeur (conseillé, mais rien n’oblige à les respecter non plus).
Surtout, il se montre assez équilibré malgré la quantité de bonus à engranger : certains combats, en particulier les boss, restent corsés même en optimisant au mieux son équipe. Les combats sont justement l’occasion de s’assurer que l’on a bien géré son optimisation, car des divers bonus dépendent les performances en combat. Pour le reste, il va falloir faire preuve de stratégie : chaque ennemi à bien sûr ses comportements et ses points faibles, et viser ces derniers permet de retarder l’adversaire. En effet, tous les personnages sont placés sur une timeline façon Grandia, et l’on voit assez facilement qui va jouer quand, permettant de planifier ses coups à l’avance. À cela s’ajoute les altérations d’état et le blindage adverse qu’il faut prendre en compte pour venir à bout des ennemis les plus coriaces, nous obligeant à permuter régulièrement entre nos membres d’équipage pour profiter des spécificités de chacun. D’ailleurs, il faudra réfléchir un minimum à sa stratégie, puisque si on modifie notre équipe en plein combat, il faudra attendre trois tours pour pouvoir le refaire.
Tout est fait pour pousser le joueur à gérer au mieux les combats et à éviter de se prendre des dégâts, autant pour économiser ses aptitudes et objets de soin pour les combats futurs que grâce au score de fin de combat qui récompense en fonction du nombre de tours joués et des dégâts reçus. Cela dit, s’il est heureusement difficile d’obtenir le rang S dans les combats les plus ardus, le jeu reste assez permissif là-dessus, et la difficulté globale est de toute façon loin d’être insurmontable, quelqu’un de bien rôdé en RPG stratégique ou tour par tour sera donc rarement mis en difficulté.
En revanche, bien que je trouve cette difficulté bien dosée, elle créé un petit inconvénient : le jeu ayant la « gentillesse » de ne pas imposer l’utilisation du Canon des âmes, hormis à la fin du premier chapitre tutoriel (avec une pirouette scénaristique pour ne pas être forcé de sacrifier un des enfants), il y a finalement très peu d’enjeux quant à son utilisation. Bien que je me sois fréquemment retrouvé en situation critique (moment où s’active le canon des âmes), il suffit de lancer quelques aptitudes/objets de soin pour prolonger le combat et éviter d’avoir à utiliser le canon et sacrifier un personnage. Bien sûr, cela exige de pouvoir le faire, et donc d’avoir suffisamment bien géré son équipe et son stock d’objets, mais dans l’absolu, ça rend la principale feature du titre un peu anecdotique.
D’un autre côté, ça reste un parti pris des devs, puisque le véritable but de l’aventure reste de terminer le jeu sans avoir sacrifié aucun des enfants, chose qui reste difficile à faire lors d’une première run : en effet, un certain évènement dans les derniers chapitres peut bien vous faire perdre l’un de vos précieux chérubins sans que rien ne vous y ait préparé à l’avance, ruinant tous vos efforts à la dernière minute, la vraie fin ne se déclenchant que si vous avez gardé tout le monde en vie jusqu’au boss final. On peut trouver ça frustrant, mais je trouve que c’est plutôt une bonne idée pour éviter de croire que tout est acquis simplement parce que vous n’utilisez pas le canon des âmes.
C’est aussi bien entendu une façon de pousser au New Game + (on récupère tous nos niveaux, bonus de soutiens et upgrades, donc on roule littéralement sur le jeu pour le coup) et à la complétion 100%, et là encore il y a de quoi faire de ce côté, avec tous les dialogues de soutien, les upgrades et les différents artworks du jeu (très nombreux !) à débloquer.
Le jeu se veut plutôt généreux donc, et j’aurais aimé pouvoir en dire autant du reste, à savoir le scénario et la narration. Malheureusement, comme je le disais, ça reste très simpliste et il ne faut surtout pas s’attendre à des propos philosophiques profonds au-delà de « la guerre c’est mal » et « des enfants qui doivent combattre et se sacrifier, c’est cruel ». De même pour les interactions entre les personnages qui ne volent pas plus haut que les clichés habituels des RPG japonais (le héros grand frère protecteur, la fille sage qui fait office de maman, le nerd bricoleur/inventeur, le gros qui pense qu’à manger...) et les quelques retournements de situation assez prévisibles.
D’ailleurs le scénario ne décolle pas des masses non plus, on se contente de suivre la ligne directrice des enfants qui veulent sauver leurs parents jusqu’au dernier chapitre, qui prend alors des tournures exagérément épiques par rapport à contexte de départ (civilisations antiques super-avancées, puissance divine qui menace le monde, tout ça... les classiques), et la narration entre temps se résume à l’apparition de nouveaux gamins à recruter (6 au début du jeu, 6 autres au fur et à mesure) et au background assez léger des généraux ennemis.
C’est un peu dommage tant on pouvait s’attendre à quelque chose de plus travaillé vu l’ambiance du titre, pourtant très réussie par les tons sépia des artworks, l’atmosphère pesante de la guerre rendue encore plus lourde par la candeur des enfants et surtout l’OST et ses musiques, composées en majorité par Chikayo Fukuda (compositrice des deux précédents jeux et de pas mal d’autres jeux CyberConnect2) et mêlant tour à tour instruments folk et rythme martial, ou chants oniriques et mélancoliques. D’un autre côté, ce n’était sûrement pas le but recherché par les devs, qui cherchaient certainement plus à jouer avec les émotions du joueur avec ce mélange constant de mignonnerie et de cruauté qu’à créer une histoire vraiment élaborée, cela n’ayant de toute façon jamais été un point fort des jeux de l’univers de Little Tail Bronx.
Un univers qu’il est de toute façon toujours plaisant de retrouver avec ces hommes-chiens et chats tous plus sympathiques les uns que les autres, surtout avec le fameux doublage franco-japonais auquel on avait déjà goûté dans Solatorobo : si la VO japonaise est toujours impeccable, la VF a une saveur toute particulière puisque les textes français sont doublés par... les doubleurs japonais (à l’exception de la voix off, apparemment faite par la doubleuse de Zelda dans BotW) ! Certes, les dialogues ne sont pas intégralement doublés et on se contente la plupart du temps de phrases courtes et d’interjections, mais voir tous ces gamins crier des choses du style « Cessez le feu ! » ou « Dans ta tronche ! » avec un accent à couper au couteau a un je-ne-sais-quoi de délicieusement charmant (et drôle, soyons honnêtes ). À noter que si l’histoire du jeu est totalement indépendante des autres épisodes de la « série », plusieurs liens sont faits dans le background du jeu, ce dernier se passant bien avant les autres épisodes et racontant au final comment les continents se sont mis à flotter.
Conclusion :
Vous l’aurez compris, Fuga Melodies of Steel a été plutôt une chouette expérience me concernant, à dire vrai je ne m’attendais pas à ce que le jeu soit si complet sur son contenu (pour un « petit jeu », s’entend) ni si bien rôdé sur ses mécaniques. Je ne m’attendais à rien de fou côté histoire, donc je ne suis pas vraiment déçu, même si j’avoue être toujours agacé de voir les mêmes clichés ressassés dans une production qui essayait pourtant de se montrer un peu originale, l’idée d’enfants que l’on doit sacrifier pour progresser n’étant (heureusement) pas très répandue dans le JV...
D’ailleurs je ne sais pas trop si je suis déçu ou soulagé que l’on puisse se passer si facilement du canon des âmes, mais je comprends ce que les devs ont voulu faire en proposant plusieurs routes de difficulté et que je ne pense pas que ce soit un mauvais choix.
À côté, le jeu montre assez vite les limites de ses mécaniques, et même si le jeu peu paraître court, j’étais content d’arriver au bout, un léger sentiment de lassitude se faisant ressentir. Avec le New Game + en prime, la durée de vie me paraît donc très correcte pour le titre. Le prix, un peu moins (ça reste un gros projet cela dit, mais je pense qu’il aurait été plus juste à 30€ qu’à 40€).
Je ne peux donc que vous recommander le jeu s’il vous intéresse, il faut juste savoir qu’il n’a clairement pas l’ambition de Solatorobo mais reste agréable malgré tout et vous fera passer un bon moment (enfin, si vous aimez déprimer )
Résumé pour les flemmards des yeux : Bien :
- Le retour de l’univers Little Tail Bronx, avec un twist étonnant
- Gameplay agréable avec des mécaniques bien huilées
- La customisation assez poussée qui fait plaisir
- La bonne durée de vie (20-25h), rallongée en New Game + pour la meilleure fin et le 100%
- Le jeu reste assez accessible même pour avoir la meilleure fin
- Ne pas être forcé d’utiliser le canon des âmes (sauf à certains moments précis)
- Une belle OST mélancolique
- La VF adorable par les doubleurs japonais
- D’ailleurs, le jeu est intégralement traduit en français
- De très jolis artworks, très nombreux
Pas bien :
- La narration simpliste dessert l’ambiance sombre du jeu
- Le scénario ne décolle qu’à la toute fin
- Toujours les mêmes clichés...
- Toute la narration du jeu en plans fixes
- Au final, le canon des âmes reste presque anecdotique
- Structure globale du jeu assez répétitive
- Peut être un léger manque de difficulté (mais les boss restent ardus)
- 40€, ça reste un peu cher
- Only démat chez nous
Je vous laisse en compagnie de quelques musiques du jeu, et comme d’hab, si vous avez fait le jeu n’hésitez pas à en discuter en commentaire ! (et gaffe aux spoils)