En voilà un titre que j'ai attendu, ça ne m'arrive pas souvent vu le vide limite sidéral dans les sorties Microsoft sur Xbox. Etant fan de HR Giger, ce jeu m'a intrigué et capté dès le départ. Je ne l'ai pas fais de suite à sa sortie (je finissais Metal Hellsinger à ce moment là), mais les quelques échos sur les combats apparemment atroces m'ont fait un peu peur. Franchement je n'avais pas envie d'être déçu et là ça commençait mal vu que plusieurs personnes parlaient de ce point comme du principal défaut. Il est temps de se lancer.
+ Univers incroyable. Alors là, le jeu est intouchable à ce niveau. S’approprier à ce point l'univers de l'artiste suisse, au point quasiment de retrouver ses tableaux dans les décors, structures, ... c'est malaisant d'un bout à l'autre, glauque, crade, organique, gore, sexuel, ... tout ce que l'on peut chercher de tordu est dedans.
+ La réalisation générale. Alors oui on peut rechigner sur certains points, mais 2 choses me font dire que ça reste un coup de maître. La première c'est que l'on est en face d'un titre indé (le premier du studio je crois) et à ce titre les mecs ont fait un taff de dingue. La seconde, c'est qu'ils ont réussi à transposer en jeu le travail de Giger sans jamais le dénaturer. C'est ce qui est le plus fou car pour ceux qui connaissent l'artiste, ses travaux sont quand même un sacré défi en terme d'adaptation (aussi bien dans le travail des formes que des couleurs). Et là le studio a littéralement donné vie aux peintures et sculptures (le palais vers la fin est à ce titre totalement incroyable tant j'avais l'impression de me promener dans un de ses tableaux). Un véritable tour de force à ce niveau, c'est super bien foutu.
+ Assumé de bout en bout. Encore une fois, ceux qui connaissent Giger savent à quel point c'est compliqué de travailler sur son œuvre car il a fait ressortir beaucoup de sujets tabous, déjà en son temps, mais limite encore plus maintenant. Le côté sexuel est très prononcé et plusieurs séquences vers la fin vous mettent en plein dedans comme aucun autre jeu ne l'a fait jusqu'à présent. Les thèmes de la fécondité et de la reproduction y sont traités de manière à la fois viscérale dans son approche visuelle, mais surtout très conceptuelle dans sa partie scénaristique. Mais dans les 2 cas, il fallait oser mettre les 2 pieds dedans et aller jusqu'au bout. Chapeau bas les gars, perso j'aurais eu peur de me manger une censure de ouf (enfin vu comment l'histoire est complexe, j'imagine que les mecs ce sont dit que de toute façon les organismes n'y capteraient pas grand chose).
+ Le sound design. En soit il est assez simple dans son résultat, mais très étudié pour être efficace. Ce qu'il fait, il le fait bien. Très peu de musiques, très courtes, mais elles soulignent certains moment importants. Les bruitages issus des décors sont réussis (et bien dégueux la plupart du temps) et participent grandement à l'ambiance oppressante du jeu (genre les décors ne suffisaient déjà pas), idem pour ceux des armes, avec des tonalités viscérales ... j'adore.
+ Le gameplay général. Alors c'est ici que le jeu divise mais à mon sens les mecs on fait un super taff et je vais expliquer pourquoi. Bon de base le jeu n'est pas un shooter, mais plus un jeu d'énigme en vue FPS. Cette partie là ne pose pas de soucis, bien que pas bien compliquée ni particulièrement originale elle fait parfaitement le taff pour nous occuper durant les quelques heures que demande le jeu pour être terminé. Néanmoins, les puzzles, pour moi, ont un sens, et c'est là qu'ils ont fait fort. Je ne m'en suis pas rendu compte au départ, mais avec le recul on s’aperçoit que tout est en rapport avec le parcours de la procréation, une sorte d'analogie du cheminement de A à Z. Par exemple, on peut retrouver des références au chemin parcouru par le spermatozoïde, la recherche de l'ouverture de l'ovule, la perte d'une partie de lui même, sa mutation, l'incarnation de l'âme/esprit, ... Je ne dirai pas à quels moments du jeu cela correspond pour ne rien spoiler, mais je trouve certains rapprochements tellement évidents (surtout une fois que l'on arrive dans le dernier niveau et que les liens commencent à se faire) que ça ne peut être innocent. Dans le même sens, les combats font partie de ces analogies, d'où le fait que l'on ne puisse y trouver ni la souplesse, ni l’opulence de munitions d'un FPS classique. C'est un combat biologique où chaque virus peut-être fatal, et où les défenses immunitaires font ce qu'elles peuvent avec les moyens du bord, quitte à faire souffrir son hôte, mais je vais y revenir plus loin.
Au départ, on ne va pas se mentir, crever 10 fois sur le même ennemi parce que l'on ne pige rien à la première arme, son rechargement, ... ça génère une sacrée frustration. Mais là encore cela fonctionne un peu comme un puzzle. Il faut piger la mécanique de l'ennemi, toujours très simple en soit, mais compliquée justement par la lourdeur du fonctionnement de l'arme et du déplacement du personnage. On fait souvent l'erreur de vouloir canarder alors que dans la majeur partie des cas on peut laisser partir les ennemis naturellement (un peu comme certaines maladies encore une fois). Pourtant, il suffit juste de comprendre la logique de la zone pour savoir s'il vaut mieux attaquer ou esquiver pour s'en sortir sans problème.
Personnellement ces combats ne m'ont pas gêné le moins du monde (enfin un peu au dépars j'avoue). Ils m'ont grandement rappelé Enemy 0 sur Saturn qui avait un peu la même mécanique, à savoir donner une lourdeur aux affrontements pour nous pousser à chercher quand il faut attaquer, et quand il faut rester en retrait.
+ La découverte totale. Contrairement à un Sea of Thieves où je trouvais abusé que l'on soit largué dans le monde sans même apprendre quoi que ce soit sur le gameplay, là il s'agit clairement d'une force. Nous sommes vraiment exactement dans la même situation que le personnage, on est vraiment mit à sa place au sens premier un peu comme dans le premier Myst à l'époque. La différence, c'est qu'ici les puzzles ne sont pas bien compliqués en soit, du coup un équilibre se fait naturellement.
+ La liberté d’interprétation semi guidée. En gros le jeu ne vous explique rien, mais alors rien du tout. Il ne fait que vous semer des indices pour laisser entendre de quoi il est question. C'est ce que je disais au dessus, chacun va y trouver son interprétation pour peu qu'il cherche les différents indices et lesquels il trouve. Certains sont assez évidents, d'autres beaucoup moins, mais une fois arrivé dans le dernier niveau, il y a quand même pas mal de connexions qui se font. Par exemple quand je parlais plus haut de biologie, on peut faire des liens entre le "truc" (désolé je ne sais pas comment appeler ça) qui nous sert de sac à munitions et soins, la façon dont il est rechargé, le fait qu'il y ait le même nombre d'armes que de types d'ennemis (en gros une pour chacun) avec le système immunitaire (dont le fonctionnement des globules blancs), ...
On peut lire plusieurs théories sont internet parfois très poussées dont certaines sont vraiment bien trouvées. Mais difficile de savoir qui est à 100% dans le vrai
- Histoire de fond trop mise de côté. Le jeu à 2 sens de lecture. Le premier, celui dont tout le monde parle et auquel beaucoup de personnes ne comprend rien, c'est l’interprétation des évènements. Ce côté là est laissé à l'appréciation du joueur et c'est très bien. Par contre il y a le background, qui lui repose sur des bases (la civilisation évoquée, le monde dans lequel on est, les différents niveaux, ...), et dont on ne sait rien à la fin du jeu. Et je trouve ça vraiment dommage. On aurait pu se dire qu'avec la libre interprétation du jeu, il n'y avait pas à chercher plus loin ... seulement ceux qui ont acheté l'artbook savent que ce n'est absolument pas le cas. On y trouve l'histoire du peuple, ses ennemis, les problèmes de procréation, ... bref, si vous voulez comprendre le background du jeu, il faut obligatoirement l'art book. Pourquoi ? Pourquoi, alors que la trame de fond de l'univers est là, pourquoi la faire disparaitre dans le jeu ? Les développeurs ont-il manqué de temps (possible) ? N'ont il pas trouvé de moyen de faire comprendre le background dans le jeu (il y avait moyen de faire apparaitre quelques textes sur la cité et ses peuples) ? Envie de pousser à l'extrême le côté largué sans rien tout comme le personnage que l'on joue ? Tout est possible, mais je trouve tellement dommage qu'au vu de la qualité du travail effectué, ils nous aient coupé une partie de l'univers !!
- Bien que la partie affrontement soit à mon sens logique et ne me dérange pas, je peux comprendre que certains ce soient sentis frustrés dans Scorn. On a l'habitude d'avoir des FPS bien lisses, nerveux, fluides ... ici les mécaniques sont inversées.
- Trop court. Bien que le principe du jeu ne fonctionnerait pas sur 15h à 20h (les joueurs lâcheraient avant c'est clair et net, il est trop pesant), ne serait-ce que 2 ou 3h de plus avec d'autres indices et une découverte plus poussée de cette civilisation auraient été au top.
Que dire de plus de ce Scorn ? Personnellement je l'ai adoré et je sens qu'il va me laisser des marques. Son univers, son respect du matériaux d'origine, son ambiance, sa libre interprétation, le fait qu'il aille au bout des choses et assume ce que 99% des studios n'auraient même pas tenté ... Scorn est assurément une œuvre à part ... mais comme toute œuvre de ce style elle va diviser : trop complexe, trop oppressante, trop tordue, ...
En jouant à ce jeu j'ai pensé à 3 autres références : Blame de Tsutomu Nihei pour son univers purement graphique (il n'y avait quasi pas de dialogues dans ce manga, on naviguait dans un univers très sombre auquel on ne comprenait rien, avec très peu d'ennemis), Myst pour le côté "le jeu est lancé, démerde toi avec les énigmes" (mais en largement moins difficile), et enfin Enemy 0 sur Saturn pour son système d'arme qui n'est pas là pour donner un shooter, mais plus pour vous pousser à réfléchir à la situation et savoir quand agir. Et ça tombe bien car je suis un fan des 3 licences.
Bref, je ne sais pas si j'ai vraiment envie d'une suite, car ils seraient obligés de donner plus d'explications,détruisant ainsi une partie de l'aura mystérieuse qui capte le joueur ici, mais d'un autre côté, merde on a envie d'en savoir plus.
Hâte de voir ce que le studio va nous concocter par la suite car leur premier essai, bien qu'imparfait et entaché de quelques maladresse, se révèle être tout de même un tour de maître.
