Quand j'y pense, ça doit être les ninjas les moins
discrets de l'histoire...
Pour lancer sa console au mois d'octobre 1987, on a déjà vu ensemble que la stratégie de NEC et de Hudson consistait à prouver sa domination technique face à la vieillissante Famicom de Nintendo. Pour se faire, Hudson chapeautait des projets de jeux très beaux graphiquement quoique fades et pauvres d'un point de vue jouabilité (The Kung-Fu) ; ils s'appuyaient également sur des tendances populaires afin de tenter le hold-up commercial un peu comme avec Kato Chan & Ken Chan, un jeu mettant en scène deux vedettes de télévision japonaise. Un autre de leur stratagème était de développer ou de commander des portages de hit de l'Arcade afin de démontrer la puissance de la PC-Engine. Cela a donné à la console des titres exceptionnels comme R-Type d'Irem, Space Harrier de SEGA ou Side Arms – Hyper Dyne de Capcom. Taito tente de prendre le train en marche en proposant une adaptation de son Ninja Warriors, déjà adapté sur bon nombre de support dont les micro-ordinateurs de la fin des années 80.
Dans un pays qui nous semble étrangement contemporain, sorte de nation bâtarde entre les États-Unis et la Corée du Nord ou la Russie, un dictateur du nom de Banglar laisse aller sa folie sans que personne ne puisse se dresser sur sa route. Dans sa soif de guerre et probablement de conquête, il attise la haine et militarise à l'excès son pays. Alors quoi de mieux pour faire terre un roquet un peu trop agressif que de créer deux machines de guerre pour directement aller assassiner le gredin en question ? C'est le subterfuge sans importance que nous sert The Ninja Warriors pour explorer ce futur d'anticipation relativement quelconque et d'ailleurs très proche (1993) qui ne remportera pas le grand prix de l'originalité. Pour aller faire sa fête au despote, vous prendrez le rôle d'une sorte de Terminator grimé sous le costume folklorique d'un ninja. Un véritable script de nanar des années 80 (le fameux direct-to-dvd comme on dit aujourd'hui) s'ensuit alors.
Six niveaux sont au programme, et la première chose qui choque la plupart des joueurs dès le départ, c'est la difficulté du titre. Le choix entre Ninja (l'homme) et Kunoichi (la femme) n'a aucune importance face à ce flot incessant de soldats adverses. Le principe est on ne peut plus clair, avancer et trancher dans le gras de tous le monde se dressant sur votre route. Aucune phase de jeu un brin différente ne viendra égayer votre partie de The Ninja Warriors, jeu au level design aussi consistant qu'une feuille de salade. La difficulté, presque atroce et artificielle vient donc du déferlement d'ennemi souvent en trop grand nombre et au défi que représente l'apprivoisement de la particularité du soft. En effet, la plupart des beat them all nous laisse déambuler dans ses décors jusqu'à temps qu'on croise une escouade d'ennemi à tataner. Dès lors la zone se cloisonne et il ne nous est plus possible d'avancer, comme si le décors se transformait subitement en arène aux murs invisibles. Mais dans The Ninja Warriors, le choix vous est offert de tracer votre route au-delà des vagues d'ennemis qui vous font face. Dans la version Arcade d'origine, le jeu se jouait sur un très grand écran offrant une vue panoramique à l'instar de Darius du même développeur. Cette vue inégalable permettait au joueur de voir arriver les ennemis de loin mais sur console et sur PC-Engine notamment, cet avantage est réduit à néant. Maitriser les vagues d'ennemis, prévoir et prendre la fuite ou au contraire temporiser quand cela est nécessaire devient impossible, si bien qu'on finit vite submergé. Le système même est à double tranchant car si vous choisissez la fuite en avant, les ennemis vous suivront pendant un certain temps. Si vous parvenez à les distancer ou à sortir de leur zone d'action, tant mieux, ils vous lâcheront les pompes. En revanche, si vous êtes freiné par un obstacle quelconque, vous risquez de faire face à autant d'ennemis vous ayant pris en chasse et le combat tourne vite au gang bang de pixel !
La bonne gestion de cette astuce permet de jouer convenablement le contre la montre car le chrono qui égrène ses secondes inlassablement est très serré. À cela s'ajoutent les boss, comme les ennemis classiques esquivables mais horriblement plus coriaces. Abusivement forts, ils vous matraquent de coup, font souvent très mal et bloquent la moitié de vos assauts. On a tendance à abandonner les kunaïs (très allongés) que nous possédons pour se servir des shurikens afin de les maintenir à distance autant que possible mais en général, on sert les fesses très forts et on prie pour ne pas se faire avoiner. Le dosage de la difficulté est désastreux, il est inconcevable de donner tant d'avantage à des ennemis qu'on rencontre toutes les cinq minutes. Cela ruine une bonne partie du plaisir de jeu et malheureusement, The Ninja Warriors ne propose pas grand chose d'autre qui puisse convaincre le joueur de patienter devant son écran.
La difficulté extrême du soft et les multitudes de coups qu'on encaisse ont au moins un petit intérêt à faire valoir, celui d'impacter sur le visuel de notre combattant. En effet, plus votre guerrier se fait punir, et plus son enveloppe factice de ninja bariolé disparaitra au profit de sa véritable nature de machine de guerre métallique. Voir son costume se décomposer pour laisser apparaître au fur et à mesure bras, torse, jambe et crane d'acier à ce petit côté Terminator comme lorsque Schwarzenegger perdait son visage de chair au profit de son squelette sans vie. Dommage, ce qui devait être une bonne idée devient à cause de la difficulté cruelle une provocation aux yeux du joueur qui y voit rien d'autre que la faiblesse et la déliquescence en temps réel de son personnage, incapable de se défendre et victime d'attaques incessantes. Dommage aussi que le jeu n'ai pas réellement d'autre chose aussi sympathique à proposer, graphiquement parlant.
En effet, si les décors sont relativement détaillés et les sprites de bonne taille, le tout reste assez morne. Sur PC-Engine, les graphismes paraissent ''aplatis'' alors qu'ils avaient un peu plus de relief sur Arcade ou sur Amiga, probablement dut à quelques pixels supplémentaires pour simuler plus finement les ombrages. La fluidité reste correcte bien que le déplacement des guerriers ninjas robotiques soient lent (et ceci dans toutes les versions), mais on déplore des clignotements dès lors que les sprites ennemis se font trop nombreux. Mais plus que cet aspect technique très terre-à-terre, c'est le manque d'étincelle créative qui chagrine. Le jeu paraît trop contemporain aux années 80-90 pour éveiller la curiosité du joueur et nous placer de façon crédible dans la carcasse d'un terrible ninja robot tueur. Les soldats sont habillés en kaki, les ruelles sont grises, les entrepôts sont marrons et nombreux. Au moins, on peut arguer le fait que cela sert l'ambiance et que ça présente un futur proche presque apocalyptique bien retranscrit et vraisemblable selon notre réalité. C'est aussi un parti prit artistique, même si le rendu n'est pas aussi chatoyant et impressionnant qu'un Streets of Rage, tout dans la démesure hollywoodienne.
The Ninja Warriors navigue entre deux eaux. Pas réellement moche, pas franchement beau, il est assez solide techniquement mais présente peu d'atout purement visuel si ce n'est quelques arrières-plan parfois marquants ; comme lorsqu'on passe devant un avion de chasse sur la base aérienne ennemie, très gros sprite bien modélisé. Mais nous ne saurions pardonner l'absence de quelques éléments qui ont fait son charme sur Arcade, à l'image de ce boss incroyable (mais ô combien dur à battre) : le tank. Gros sprite détaillé et très bien animé, sa présence aurait put faire briller cette conversion PC-Engine un peu plus que d'ordinaire, d'autant que la très limitée versions ZX-Spectrum a accueilli ce boss impressionnant !
Ceci trouve certainement son explication dans la taille réduite de la mémoire (3mbit) de l'HuCard supportant The Ninja Warriors. Mais ce n'est qu'un faux-fuyant puisque la même année, les portages de Space Harrier et Altered Beast de SEGA sur PC-Engine bénéficiaient d'HuCard de 4 mégabits, ce qui aurait certainement suffit à étoffer cette conversion du jeu de Taito. Il faut néanmoins garder à l'esprit que les HuCard plus volumineuses, tout comme les cartouches sur consoles Nintendo, sont d'autant plus chers qu'elles ont une mémoire conséquente. Un éditeur/distributeur doit prendre en compte le coût de commande d'un certain nombre d'HuCard/cartouches vierges afin d'y copier son jeu pour le vendre en magasin. S'il commande trop de cartouche et ne parvient pas à les écouler, c'est une perte pour lui car il n'est pas assuré d'utiliser des supports 3mbits sur d'autres jeux réclamant plus de place ! Et s'en servir pour des jeux plus petits serait également un gâchis car les HuCard auraient coûté inutilement cher alors qu'elles auraient été plus abordables si ça n'avait été que des modèles 2 mégabits. Le business quoi.
Pour conclure, on peut noter la présence de quelques musiques sympathiques. Enfin, une en particulier, nommée Daddy Mulk (stage 1 et 6) composée par Zuntata, le prolifique groupuscule de compositeurs maison de Taito fondé en 1987. Celle-ci, bien rythmée et comportant des sonorités agréables offre surtout vers sa fin un solo de shamisen (sorte de luth à trois cordes d'origine japonaise) super punchy qui a largement fait la renommé du jeu tout entier au sein de la communauté PC-Engine. La version retravaillée sur la console de NEC/Hudson ne rend pas aussi bien qu'en Arcade mais c'est déjà bien de la voir en intégralité. Les musiques sont globalement dynamiques et couvrent avec efficacité un panel de bruitages répétitifs voir parfois carrément agaçants.
The Ninja Warriors paraît horriblement conventionnel de prime abord, et pour cause puisqu'il l'est ! Le rythme relativement lent de nos guerriers et le concept du jeu très élémentaire vont quelque peu à contre-courant des jeux d'action et beat them all de la fin des années 80. Là où Renegade, Golden Axe et autres Double Dragon commençaient à innover et à façonner la recette avec leurs propres particularités (petites phases de plate-forme pour l'un, utilisation de techniques spéciales et de magie pour l'autre...), The Ninja Warriors préfère la promptitude et la facilité d'accès de son gameplay où deux boutons – tout au plus – seront suffisant pour occire tous les ennemis du jeu.
Il y avait certainement de l'idée, j'en veux pour preuve le dénouement, loin d'être traditionnel dans un jeu vidéo de ce genre fin années 80 ; et à fortiori accompagné d'une musique fataliste à souhait, mettant un point final remarquable à cette étrange bataille contre les armées du despote Benglar... Le jeu n'est pas fondamentalement mauvais mais souffre de quelques faiblesses d’exécution et surtout perd de ses couleurs face à la concurrence extrêmement vive dans le domaine entre 1987 et 1991.
Vous vous souvenez que Retro Gamekyo avait proposé une série de cinq tests afin de raconter le début de l'épopée de la PC-Engine ? C'était il y a déjà un bon moment. Je me suis dis qu'il était temps d'aborder à nouveau le sujet et compléter un petit peu les informations que nous avons déjà vues ensemble, car le projet PC-Engine reste probablement un des plus intéressants et passionnants de toute l'industrie du jeu vidéo, proposant un véritable florilège d'anecdote en tout genre !
Si vous ne vous souvenez pas de ce que nous avions vu auparavant, je vous conseille fortement de relire les cinq articles suivant dans cet ordre (cliquez sur les titres pour accéder aux tests):
Dans le test de The Kung-Fu, nous avions abordé la nécessité d'avoir des jeux vitrines capables de démontrer la puissance du hardware d'une machine nouvellement créée. Le line-up de lancement de la PC-Engine avait un but bien précis. Pour résumer : Shanghai devait montrer les capacités de la console a afficher des caractères d'écriture japonais lisibles et nets contrairement au pixel floutés de sa rivale la Famicom (en plus du fait que le mah-jong, même en jeu vidéo est un loisir extrêmement populaire chez nos amis nippons, succès commercial assuré). Bikkuriman World devait proposer un jeu de plate-forme tout public reprenant un célèbre concept de jeu d'arcade (Wonder Boy in Monster Land de SEGA) qui avait déjà eu un grand succès au Japon. The Kung-Fu était la baffe graphique de la console, quand bien même son gameplay était plus que limité. Katô Chan et Ken Chan était comme Bikkuriman World un jeu tout public s'appuyant sur deux vedettes de la télévision japonaise ultra populaires afin de donner à la console un poids lourd commercial. Et enfin, Victory Run était là encore une vitrine technologique de choix mais qui, contrairement à The Kung-Fu proposait un gameplay véritable et du challenge.
C'était une stratégie bien rodée, les jeux présentés ci-dessous ont tous eu leur petit succès et avaient marqués le pays à leur époque. Mais il en fallait plus pour déstabiliser Nintendo et la reine Famicom/NES, cela, NEC et Hudson le savait.
Un des fers de lance de la communication de NEC pour imposer sa PC-Engine était de dire que celle-ci était plus puissante que n'importe laquelle de ses rivales. Et c'était absolument vrai, l'écart hardware entre la PC-Engine (sorti en 1987) et la Famicom (sorti en 1983) était indécent. La console à l'abeille était même plus puissante que la Master System sorti en 1985 ! De plus, son système de ''Core Kôsô'' qui consistait à implanter des périphériques autour de la console pour lui ajouter un tas de fonctionnalité et lire de nouveaux formats de jeux lui donnait un côté très sophistiqué. Les passionnés d'informatique et les geek en puissance avaient de quoi être charmés, la PC-Engine était une machine qui inspirait puissance et luxe pour un prix toutefois très abordable.
Ainsi, pour bien souligner, une fois encore que la PC-Engine était une bête de puissance, Hudson a décidé de s'attaquer à l'Arcade. Dans les années 80, contrairement à aujourd'hui, les révolutions technologiques, notamment graphiques provenaient de l'Arcade où les hardware des bornes étaient bien supérieurs aux consoles de salon. On ne compte plus les portages ratés de l'Arcade vers les consoles de salon car celle-ci n'avaient pas la puissance nécessaire pour retranscrire fidèlement le jeu de base (niveaux en moins, sons de qualité médiocre, sprites moins détaillés, chutes de frame-rate, jeux de couleurs plus fades, les tares de ce type de portage sont nombreuses). Quoi de mieux alors que de sélectionner le grand hit d'Arcade du moment : R-Type !
Lorsque Irem, le créateur de R-Type cède les droits à Hudson pour développer une version du jeu sur leur PC-Engine, la console n'est pas encore sortie mais déjà le constructeur promet un portage très fidèle et impressionnant. En 1987, il est inconcevable de retrouver à 100% l'expérience d'un jeu Arcade à la maison, les meilleurs exemples dans le domaine étant Out Run et Space Harrier de SEGA (Master System), mais cela n'était pas parfait. Puis, bien vite, les premières comparaisons tombent et c'est le choc, le portage PC-Engine s'avère identique à son modèle Arcade, c'est une prouesse graphique sans précédent. Les journalistes jurent qu'en ayant joué aux démo que Hudson leur avaient envoyés, ils avaient retrouvés la fluidité du jeu d'origine sur la petite console blanche à carte.
Hudson avait réussi son coup, à nouveau, et avait démontré à quel point sa console était fabuleuse et puissante, s'offrant par la même occasion une exclusivité temporaire de choix en la présence d'un très bon shoot them up, le fameux R-Type (si vous n'avez toujours pas compris que ce jeu fait l'objet d'un retro test aujourd'hui, prenez un gros café bien fort pour vous réveiller ).
Cependant, ce coup d'éclat eut un coût. En effet, les ingénieurs d'Hudson se rendent compte que pour intégrer tous les niveaux de R-Type, au nombre de 8, une seule HuCARD ne suffit pas (pour rappel, les HuCARD sont les cartes où sont stockés les jeux, semblables à des cartes téléphoniques prépayées, bien plus petites que des cartouches donc). Un dilemme se posent alors à leur conscience. Garder la qualité du jeu quitte à supprimer des niveaux par manque de place mémoire ; ou conserver l'intégralité du jeu quitte à le rendre moins beau que d'origine et tanpi pour la fidélité. L'un comme l'autre, cela ruinerait la stratégie de NEC et d'Hudson et leur promesse de retrouver un jeu à l'exact identique dans le salon des joueurs tomberait à l'eau.
Chez Hudson, la question fait grand débat, mais les paroles de Toshinori Oyama, jeune programmeur de génie devenu chef de projet, nous aident à y voir plus clair dans l'état d'esprit de la firme : « R-Type faisait partie de notre stratégie pour démontrer la puissance de notre hardware. Nous voulions donc, coûte que coûte, réaliser un portage parfait de la version Arcade ! Mais comme cela ne tenait pas sur une seule HuCARD, un employé a alors dit ''et si on coupait le jeu en deux ?''. Son idée fut adoptée à l'unanimité ! Nous prenions le risque de vendre moins de copies mais c'était indispensable pour que les gens se souviennent de notre console. »
C'est ainsi qu'est décidé de scinder le jeu en deux. La première partie, R-Type I comprend les quatre premiers niveaux. La seconde partie, R-Type II comprend les quatre derniers niveaux. Cependant, on note là une petite roublardise de la part d'Hudson qui choisi d'appeler les jeux R-Type I et II alors que sur leur écran titre, il est bien spécifié "part one" et "part two". Ainsi, les joueurs pensant pouvoir acheter un tout nouveau jeu de la saga de shoot them up de Irem se ruent sur la seconde HuCARD disponible quelques mois après la sortie de la première, le 3 Juin 1988. Le véritable R-Type II ne sortira en Arcade qu'en 1989. Un ingénieux système de mot de passe permet aux joueurs, lorsqu'ils terminent la première partie de transposer leur score et leur avancé pour débuter la seconde moitié du jeu. Quoiqu'il en soit, le portage demande beaucoup d’énergie à une équipe minuscule de développement : cinq personnes à peine. En seulement quatre mois de dures labeurs, le projet arrive à son terme, c'est un record pour un jeu de cette envergure et Oyama de préciser : « L'équipe qui s'occupait du portage était super motivée. Je me souviens que certain ont même emportés des kits de développement pour continuer à travailler chez eux pendant les traditionnelles fêtes de fin d'année. ».
Pari réussi, R-Type sur PC-Engine est un des hits de 1988, salué unanimement, la légende est née. Mais qu'en est-il réellement ? Qu'est-ce que R-Type ? Après cette longue introduction, nous allons enfin nous intéresser au cœur du sujet, le jeu !
R-Type, c'est la réponse cinglante d'Irem à Konami et son Gradius sorti en 1985. Fondamentalement, R-Type est un shoot them up horizontal qui se permet d'ajouter quelques éléments perso à la recette de Gradius en terme de jouabilité, et en sus qui se part d'un univers graphique unique pour son époque. Très largement inspiré de l'univers biomécanique de H.R. Giger (décidément, après BioMetal, les shmup aiment bien s'inspirer de ce monsieur...), R-Type ose, est audacieux dans ses choix visuels et offre une claque technique sans précédent. Son vaisseau, le Type R (d'où le nom du jeu) dispose d'un design qui en fera un des véhicules de jeu vidéo les plus connus de l'histoire, se démarquant de son ainé au design plus traditionnel dans Gradius.
En 2120, le Forerunner, un navire d'exploration spatial rentre sur Terre après 18 ans de voyage. Il ramène à son bord une forme de vie particulière baptisée Bydo, un organisme qui permet de concentrer une quantité phénoménale d'énergie. Évidemment, la race humaine se sert immédiatement de Bydo pour fabriquer des armes de nouvelle génération dotées d'un pouvoir de destruction extrême. Un laboratoire est spécialement construit près de Jupiter afin de mener toutes les expériences sans aucun frein de la part de l'opinion publique. L'aventure tourne au drame et la station spatiale est totalement détruite, à la place se trouve une brèche spatio-temporelle alimentée par l'énergie Bydo. En parallèle de cela, le 7ème modèle de vaisseau spatial de la gamme R, le R7 est créé et envoyé pour résoudre le problème. Seulement voilà, un étrange phénomène se passe et l'énergie de Bydo fusionne avec le système du vaisseau. Des tas d'expériences sont à nouveaux commandées sur le vaisseau afin de manipuler au mieux cette nouvelle arme inconnue des humains. Le vaisseau dispose désormais d'une sorte de volonté qui lui est propre et que les scientifiques appellent la Force (oué, comme dans Star Wars). On découvre que l'enveloppe matérielle du vaisseau peut-être détruite, mais pas la Force qui le commande, comme une entité immuable et indestructible. Le R9 est créé pour accueillir un pilote (car jusqu'à présent les vaisseaux de la gamme R étaient automatisés) et c'est en 2162 que l'Empire Bydo fait son apparition aux abords du système solaire...
Comme vous pouvez le constater, les gens d'Irem se sont amusés à doter leur shmup d'un petit background somme toute assez détaillés étant donné que je me suis permis de sauter quelque point de la chronologie de R-Type (on parle de l'an 2120, 2162 etc, mais d'autres années sont évoquées). Ça vaut ce que ça vaut dans un shoot them up, mais c'est mon habitude d'aborder tous les éléments d'un jeu lorsque je le test (scénario, gameplay, graphismes, sons, durée de vie) autant que possible.
R-Type se joue comme un shmup horizontal tout à fait classique à la seule différence qu'il propose une feature qui lui est propre, comme évoqué plus haut : la Force. Autrement appelé le pod, la nacelle, le module ou tout un tas d'autres noms plus ou moins officiels selon les versions. Module sphérique que le joueur peut accrocher et décrocher à sa guise sur l'avant et l'arrière du vaisseau. Séparé de celui-ci, il est encore capable de tirer et d'être tracté vers son maître grâce à un rayon électromagnétique en appuyant sur le second bouton du pad. Subtilité à la profondeur insoupçonnée, c'est ce qui donne de la saveur au gameplay de R-Type, indubitablement. Seuls les joueurs expérimentés du soft d'Irem sont capables de se rendre compte à quel point le module donne de l'importance au gameplay.
Sa première utilisation, celle qui servira à la majorité des joueurs, sera la position frontale. Mais il peut aussi servir d'arme de jet, de contact, de bouclier et d'inverseur de tir, tout cela disponible dans différents niveau de puissance. De quoi faire face correctement aux ennemis qui arrivent de tout part, y compris dans votre dos ! Cela occulterait presque le reste de votre arsenal qui comporte trois types d'armes supplémentaires : un rayon qui rebondit sur les murs, un tir en forme de spirale très puissant et un autre qui lèche les parois du décor. Pour finir, le tir normal peut être chargé pour désintégrer tout sur son passage. Ah, mais j'ai failli oublier les bonus de vitesse et de résistance du vaisseau à glaner ci et là lorsque vous explosez vos adversaires.
Bref, le gameplay offre des options riches et variés, on dispose d'un armement étonnant et foisonnant, le système de module est addictif et intuitif en plus d'être tout à fait original car jamais vu auparavant. Sa difficulté épouvantable n'a d'égal que son statut de jeu culte. Si les quatre premiers niveaux sont abordables, la seconde partie du jeu se corse sévèrement avec un point culminant dans le stage 6. Terriblement exigu, l'environnement de ce décors semblable à l'intérieur électronique d'un ordinateur ne laisse au joueur qu'une marge de manœuvre infime. Le déplacement de son vaisseau, la jonglerie entre les attaques adverses et les obstacles du décors sont infiniment ardus. La seule solution que j'ai trouvé afin de franchir ce niveau diabolique étant justement de ne pas me goinfrer de bonus de vitesse cité plus haut afin de garder le contrôle de mon appareil. À noter qu'un boss à la fin de ce niveau déjà suffisamment atroce de difficulté a été rajouté par rapport à la version Arcade d'origine.
Et dire qu'un mot de passe spécifique permet, une fois R-Type partie deux terminé de recommencer au début du jeu en mode ''difficile'', comme si ce qu'on avait traversé n'était que le mode ''normal'' alors qu'à partir du level 5, on commence à s'arracher les cheveux par touffe entière.
Comme dit plus haut, les graphismes et l'univers visuel de R-Type contribuent pour beaucoup à son succès. Si dans le vaste monde des shoot them up, nous avons dut souvent faire face aux dragons, tentacules, monstres anthropomorphiques et autres créatures plus ou moins réalistes, R-Type ne déroge pas à la règle. À ceci prêt que les designer d'Irem ont pris le bestiaire classique des shmup susmentionné, l'ont écorché, dénaturé et maudit pour donner naissance aux bestioles horrifiques de leur production. Le film de science-fiction Alien, et plus encore l'artiste ayant créé l'apparence de cette créature mythique du septième art ont visiblement eu une influence primordiale sur le design de R-Type.
L'armada de Bydo est vaste et varié. Tout le panel d'horreur est représenté, des monstres petits et rapides qui vous foncent dessus, des robots qui rétrospectivement me font beaucoup penser à Cybernator (Konami/NCS Corp, SNES, 1992), des créatures hybrides biomécaniques, des serpents cybernétiques, des aliens branchés de partout par d'énormes tuyauteries probablement destinées à les suralimenter en énergie afin de vous balancer des rayons laser dantesques...
C'est à un univers glauque et malfaisant que nous avons à faire, une véritable vision de cauchemar venue d'une galaxie différente et lointaine de la notre. Le directeur artistique du jeu s'en ai donné à cœur joie pour concevoir un univers audacieux mais aussi malsain. C'est en voyant les canons à l'étrange allure phallique du boss-vaisseau du niveau 3 ; ou le boss du niveau 2, une sorte de grosse boule de chair recouverte de vagins crachant des monstres serpentins que vous vous rendrez compte à quel point l'ambiance graphique de R-Type est unique et infernale. R-Type dispose d'une identité visuelle qui lui est propre, c'est ce qui fait qu'on le reconnaît facilement dans les salles d'Arcade enfumées, bondées de jeu du même genre, et c'est sa force.
D'un point de vue purement technique, R-Type est clairement le mètre étalon des shoot them up en 1987. Les sprites des boss en particuliers sont énormes, occupant bien souvent la moitié de l'écran et parfois s'étalant sur plusieurs écrans pour des combats en plusieurs phases. Impressionnant ! Comme expliqué longuement au début du test, le R-Type de la PC-Engine, première console à recevoir le portage (et la seule à proposer un produit d'une telle qualité, d'une telle fidélité) est retranscrit à l'identique, c'est bluffant. Néanmoins, il convient de préciser certaines choses d'ordre technique sur cette conversion.
En effet, la résolution de base du jeu d'Arcade était de 384x256 (384 pixels de long par 256 pixels de haut) et celle de la version PC-Engine est de 336 par 224. Le format reste le même, la proportion entre longueur et hauteur est la même (3:2) mais pour compenser les 32 pixels de haut qui sont indubitablement manquants, les programmeurs de chez Hudson ont eu l'idée d'insérer une petite bande noire en haut de l'écran. Comme les bandes noires des films lorsqu'on les visionnent sur une télévision 50 hertz en somme, si pour nous autres européens ça ne change pas grand chose puisqu'on est habitués à se genre de format, en réalité ça ne change rien pour les autres non plus car la bande noire s'intègre plutôt bien. Néanmoins, il reste 48 pixels de long à combler et qui ne l'ont pas été. Dommage, en sachant que cela coupe une toute petite partie de l'écran qui parfois masque certains détails graphiques (notamment sur le boss du premier level : Krell, une sorte fœtus d'alien écorché à vif branché dans le dos par des câbles, un détail très représentatif de l'inspiration artistique hybride entre mécanique et organique). Autrement, la PC-Engine présente de très modestes ajustements de couleurs mais en revanche gagne en fluidité par rapport à la version Arcade, même avec plusieurs ennemis à l'écran.
Encore une fois, et malgré les petits détails évoqués sur la technique, la conversion reste d'une qualité fantastique, la PC-Engine accueille très clairement la meilleure version console de R-Type et pour un soft de 1988, NEC et Hudson réussisse haut la main le pari de démontrer toute la puissance de leur hardware. La Famicom de Nintendo est vieille et incapable de suivre, la Master System de SEGA est déjà obsolète elle aussi face à cela, même si elle est sortie un peu avant la PC-Engine. On suppose que l'arrivé de R-Type (et d'autres jeux) a eut son effet puisque la console prend régulièrement la première place des charts au Japon entre sa sortie initiale, le 30 octobre 1987 et le 4 décembre 1988, jour de la parution du PC-Engine CD-ROM² (extension à brancher sur la console d'origine afin de lire des CD-ROM pouvant comporter 540mb de données. De quoi concevoir des jeux bien plus évolués graphiquement avec notamment des scènes d'animation et des musiques orchestrales, certes d'un peu moins bonne qualité sonore que plus tard sur Playstation par exemple, mais tout de même saisissante pour 1988 ).
Du son, parlons-en, justement. La version Arcade présentait des sonorités stridentes comme des sortes de parasitages électriques, absents de la version PC-Engine. Dans l'ensemble, les sons sont moins aiguës et donc plus agréables à la longue. La musique s'accorde parfaitement avec les décors sombres et glauques comme dans le level 2 où la lenteur du rythme contribue à la tension très palpable. R-Type s'assure une ambiance unique et saisissante autant par ses graphismes détaillés et son bestiaire remarquable que par sa bande-son au diapason de ce qu'on voit à l'écran.
Considérable coup marketing de la part d'Hudson pour sa console, R-Type est un jeu à la raison d'être singulière. Un an après sa sortie japonaise, il sortira aux USA sur une seule et même HuCARD, NEC ayant fabriqué des supports de plus grande capacité entre temps (entre 1987 et 1991, on passe de 2 mégabits à 8 mégabits pour des jeux comme PC Genjin III ou Aldynes). Si la pratique de séparer le jeu en deux pour vendre les deux cartes au prix d'un jeu unique est douteuse, on ne peut raisonnablement pas occulter l'obstacle technologique qui a imposé ce choix à Hudson.
Mis cela de côté, R-Type reste un jeu légendaire, figure de prou d'un genre en plein essor en 1987. Son gameplay est si bien calibré que même après avoir buté dix fois sur le même boss, on ne parvient pas à en vouloir à sa difficulté complètement dingue. Indémodable, offrant une expérience unique, avec un gameplay qui deviendra l'exemple à suivre dans les années suivant sa sortie. Irem montre avec brio qu'ils ont un savoir faire en game design épatant, eux qui trois ans auparavant avait déjà conçu l'excellent Kung-Fu Master.
Hier soir, je vous ai parlé de certains jeux qu'Hudson aurait put attirer sur sa console afin de pallier ce cruel manque de software adaptés au marché nord-américain. Aussi, Victory Run fut l'un d'eux. Initialement sorti le 28 décembre 1987 au Japon, puis en 1989 aux USA, le soft d'Hudson se place aussi bien dans l'un comme dans l'autre comme le top du jeu de course d'arcade sur console de salon. Et pourtant, ce n'est pas la concurrence qui manque chez l'Oncle Sam, SEGA étant notamment très présent dans le domaine de la simulation de conduite de divers véhicules en simili 3D (voiture avec Out Run, avion de chasse avec After Burner, moto avec Hang-On...). Et quand bien même quelques soft aux goûts des américains se frayent un chemin jusqu'à eux tels Jack Nicklaus Championship Golf ou World Class Baseball (un des rares jeu de baseball à ne pas reprendre l'identité de la ligue japonaise mais celle des USA) dés 1990, force est de constater qu'Hudson a louper plusieurs fois le coche.
Pourtant, ce n'est pas les idées qui manquaient aux dirigeants américains pour propulser la Turbografx-16 (nom de la PC-Engine aux USA, le 16 représente évidemment les 16-bits que la console n'a pas en réalité dans sa totalité puisque le hardware de base est de nature hybride, à cheval entre deux générations, mais les marketeux d'alors ont estimé que pour impressionner les ados américains, il fallait jouer sur l'effet de démesure. 16 étant le double des 8-bits que le client avait l'habitude de voir dans son salon, et en ajoutant la mention ''turbo'' pour amplifier la sensation d'avancée technologie stupéfiante, le tour était joué). En effet, Ken Wirt, vice-président du groupe de travail autour du projet Turbografx-16 témoigne : ''La concurrence envoyé dans les rayons mois après mois des jeux comme Joe Montana Football, Michael Jackson: Moonwalker, American Gladiators (ND Anakaris : un jeu basé sur une émission TV d'épreuve sportive extrêmement populaire aux USA dans les années 90) et j'en passe. Nous aussi, nous avons essayé d'obtenir des contrats de ce genre mais il fallait toujours attendre l'aval du Japon pour pouvoir concrétiser. Par exemple, nous avions un très bon jeu de tennis que nous voulions associé au nom d'une star. Nous avons donc contacté Pete Sampras. C'était avant qu'il ne remporte touts les principaux tournoi de la planète, il était considéré comme une star montante du moment. Si bien que les prix étaient encore raisonnables. Nous avions négocié avec lui l'utilisation de son image pour 25 000 $ et c'était un excellent coup ! Mais les japonais n'ont jamais donné leur accord, non pas à cause du prix mais parce qu'il ne voyaient aucun avenir en ce système de licence. Finalement, on a vendu un World Court Tennis au lieux d'un Pete Sampras Tennis.''.
Triste raté, en effet. Mais il y a pire, quand on sait que selon un ancien dirigeant de TTI (Turbo Technologies Incorporation, la succursale américaine de NEC qui fabriquait les disquettes de jeu de la console sur le sol américain lui-même. Ceci afin d'éviter des coûts de transport du Japon faramineux, une initiative qui vint de Wirt et ses collègues et qui encore une fois a bien failli être rejetée par les patrons japonais), d'autres grosses opportunités furent loupées par Hudson. Par exemple, lorsque l'extension Super CD-ROM² sort (la PC-Engine Duo sortie au même moment comportera l'extension plus la version de base de la machine avec HuCARD tout en un), un jeu en arcade déchaine les passions aux États-Unis : Mortal Kombat. Et bien avant de lorgner du côté des Super Nintendo et autres Megadrive, c'est avec Hudson que les dirigeants de Midway avaient négociés pour faire venir leur sanglant jeu de combat dans le monde des consoles de salon, promettant que les exploits techniques du soft seraient rendus tels quels grâce à l'outil de la PC-Engine. En 1992, tout n'était pas encore perdu et la firme à l'abeille pouvait encore remonté la pente aux USA, mais prétextant qu'il y avait déjà trop de jeu de combat sur le marché, Hudson rejeta la proposition. À tord quand on connait l'impact commercial formidable qu'à eux Mortal Kombat sur SNES et Megadrive au pays des cow-boy...
Globalement, la PC-Engine a put ébranler un temps le colosse aux pieds pas si argileux que cela qu'était la Famicom, un peu moins pour ce qui fut de la Super Famicom. Mais force est de constater que la gamme PC-Engine échoua pour divers raisons qu'on peut exposer succinctement ici. Tout d'abord le prix, prohibitif par rapport à la concurrence qui en général était beaucoup plus agressive qu'Hudson et NEC. La faute à NEC, justement, qui pensait ne pas pouvoir tirer quelques bénéfices de la vente de leur machine tandis qu'Hudson eux étaient assurés par la vente de leur software. C'est pour cela que NEC gonflait les prix. Ce qui est d'autant plus dommage quand on sait que les deux firmes étaient alliées et que NEC pouvait se servir de leurs propres composants à prix coutant alors que Nintendo et SEGA devaient se fournir chez Zilog, Motorola ou Ricoh.
Aussi, le fait que la console soit sorti fin 1987, à cheval entre deux générations. Assez puissante pour écraser une 8-bits comme la Famicom, tout autant qu'une vrai 16-bits comme la Super Famicom, mais tenter de s'imposer commercialement face à une concurrente qui compte déjà 20 millions d'unités écoulées à son actif et dans la foulée essayer de poursuivre une nouvelle venue, c'est très compliqué. Aux yeux du grand public, la PC-Engine arrive trop tard pour remplacer la Famicom dans leur cœur, et elle n'aura pas le temps de devenir assez importante pour empêcher les clients de se précipiter par défaut sur le successeur de la console qui les a tant amusé pendant une grosse partie des années 80.
Ce qui implique un autre problème d'ordre plus technique. En 1991, le journaliste indépendant Kenji Takahashi expliquait que NEC et Hudson tentaient de pénétrer le marché du jeu vidéo à la manière d'un fabriquant de PC (les vrai, les personal computer, les descendants des micro-ordinateurs quoi ! ). Ce qui en soi n'était pas une mauvaise stratégie quand on connait la malléabilité de la gamme PC-Engine qui même si de base restait une technologie 8-bits, pouvait rivaliser avec les 16-bits même très tard en 1995 (Sapphire). C'était ce qu'appelait Hudson le Core Kôsô ou Core System : un même cœur, et tout autour un écosystème d'extensions et de petits appareils qui ajoutent des fonctionnalités et de la puissance à la machine de base.
Pourtant, d'un point de vue pratique, et en particuliers pour les magasins (spécialisés ou non), c'était l'horreur à gérer ! Les gens étaient bluffés par l'impact technologique et l'aspect révolutionnaire que tout cela pouvait avoir, mais très vite, la simplicité d'une bonne vieille SNES prit le dessus. Les vendeurs eux-même, las de devoir adapter leur argumentaire et emmagasiner des connaissances techniques pour parler correctement des outils de la PC-Engine finirent très vite par orienter par défaut les clients vers une Super Nintendo ou une Megadrive afin de s'épargner la corvée de parler de la gamme amphigourique PC-Engine ! Déjà que la console avait du mal à se procurer de très grosses licences vendeuses, si en plus les magasins s'y mettaient aussi...
Tout cela pour dire que pendant la grande majorité de la vie de la PC-Engine, sont cœur de cible fut les gens aisés (pas autant que la Neo-Geo ceci dit) et ayant une certaine somme de connaissance sur la technologie qui l'a composait. Autant dire que ça réduisait drastiquement le champ de visée de la machine.
Victory Run est donc un jeu de simulation automobile, comme dit plus haut, sortie fin 1987 et n'ayant absolument pas à rougir de la féroce concurrence de SEGA dans ce secteur. Au contraire même, techniquement, Victory Run est tout en haut de la hiérarchie sur console de salon ! La pseudo 3D est d'une fluidité exemplaire et le soft se paye même le luxe d'incorporer des circuits avec des reliefs qui encore aujourd'hui offrent de bonnes sensations. Les concepteurs ayant prit comme modèle une course mythique bien réelle : le Paris-Dakar (à ma connaissance c'est unique à l'époque), le nom de code du jeu fut même Paris-Dakar Rally avant de devenir Victory Run. La vitesse de défilement, elle, est impressionnante, surtout lorsque l'ont passe les vitesses supérieures. Comparé à Out Run sorti 6 mois plus tôt, il n'y a pas photo, d'autan que les décors de fond sont beaucoup plus colorés et détaillés (avec un cycle jour/soirée/nuit qui propose un jeu de couleur très beau). Ai-je dis « passer les vitesse » ? Car oui, simulation oblige, il faut bien un minimum d'interaction réaliste avec le bolide histoire de se sentir comme sur les routes interminables du Paris-Dakar ! Ainsi, vous devrez accélérer jusqu'à un certain seuil (ce seuil atteint, la voiture n'ira pas plus vite de toute façon, donc vous n'aurez guère le choix) avant d'utiliser les flèches directionnelles bas pour passer une vitesse ou haut pour rétrograder. Le but du jeu étant de jongler entre le passage des vitesses et la direction à assurer dans les virages (ce qui peut être délicat vu que tout se joue sur le pad directionnel).
Mais attention ! Si vous faite n'importe quoi en passant les vitesses alors que vous n'avez pas atteint la puissance requise pour ce faire, ou au contraire que vous rétrogradez brutalement, vous aller abimer votre moteur ! C'est à ce niveau que les points de réparation entre en jeu. À chaque début de course, comme dans tout bon jeu de rallye, vous devrez attribués des points de réparation à chaque éléments importants de votre véhicule que vous pourrez utiliser une fois la dite course terminée. Moteur, suspension, freins, pneu et enfin direction. Le moteur évidemment est essentiel car si il est endommagé, vous aurez du mal à accélérer. La suspension sert à bien contrôler le bolide quand vous traverser des routes rocailleuses avec des nids de poule. Des pneus en bon état vous aideront à mieux négocier les virages même à pleine vitesse, tout comme la direction d'ailleurs, et les freins seront indispensables pour bien négocier l'entrée d'un virage serré ou esquiver un de vos opposants (des motocross, des camions, des 4x4, typiquement Paris-Dakar quoi!).
D'ailleurs, en parlant de nos opposants, il faut bien reconnaître que les sprites en mouvement sont très cool. Volumineux, détaillés, divers, on les voit débarquer de très loin et se rapprocher petit à petit. Certain seront facile à esquiver, car ne prenant pas beaucoup de place sur la route, d'autre le seront bien moins comme les camions qui prennent plus de surface (surtout si vous devez les doubler dans un virage, une sortie de route vous conduirez à vous crasher dans un obstacle ce qui vous ferez perdre de nombreuses et précieuses secondes. Sachant que pour se qualifier il y a un chronomètre et au total 1 minute de pénalité tolérée qui sera déduit du chronomètre de la course suivante!), les moto quand à elles sont vicieuses car si elles ne sont pas très grosses, vont souvent de gauche à droite sur la route et ainsi peuvent s’intercaler devant votre voiture au tout dernier moment lorsque vous vous apprêtez à passer à toute berzingue … occasionnant carambolage et perte de temps ! Il ne faut donc pas hésiter à jouer du frein au lieux de toujours accélérer comme un âne.
Côté technique, si on en croit Kazuhiko Nonaka, graphiste sur le soft, Victory Run aurait put être plus impressionnant encore. Il se souvient : ''Ce que je voulais avant tout, c'était proposer aux joueurs des véhicules très réalistes. Que n'importe qui en voyant défiler les nombreux modèles sur la route puisse se dire « Oh, c'est la XXX ». J'étais très fier du résultat pendant le développement mais je n'avais pas du tout penser aux éventuels problèmes de droit pour l'utilisation du design des véhicules. Bref, mes supérieurs en voyant mon travail m'ont demandé de tout refaire à 0 ! J'avais réalisé des centaines de sprites, de face, de côté, petits, grands … ! ''
Globalement, si l'idée d'inclure un système de pénalité de temps et un principe d'usure du véhicule (avec point à attribuer aux différentes pièces à entretenir) peut être pas mal d'un point de vue simulation, force est de constater qu'en jeu, ça complique pas mal les choses. Le chrono est généralement trop serré pour permettre le moindre écart de conduite, à tel point qu'il faudra répéter plusieurs fois (3-4 ? nooon, 10-12 plutôt!) une même course pour en apprendre les moindres virages, calculer la bonne vitesse à avoir sur certaines portions de route et mémoriser à quel endroit précisément les obstacles et autres véhicules sont à esquiver pour espérer grappiller quelques secondes et en sortir victorieux. La conduite, un poil rigide et l'ensemble un peu trop rigoriste viendront facilement à bout de la patience de beaucoup de joueur.
Outre des problèmes de difficulté globale et une maniabilité pas assez permissive, Victory Run reste un bon jeu. À fortiori une belle claque technique pour une machine 8-bits de 1987. La fluidité du défilement est exemplaire, ses sprites de véhicules gros et détaillés, ses décors de fonds (Paris et sa Tour Eiffel, le désert sénégalais...) et son cycle jour/nuit du plus bel effet sont à mettre à son compte. Out Run, l'étalon dans le domaine, n'était pas forcément reconnu pour une maniabilité meilleure et vient de trouver un solide concurrent qui à la longue, pourtant, se révélera peut-être moins fun, moins grand public.
Néanmoins, Hudson aura tôt fait de comprendre que pour réellement bousculer Nintendo et sa Famicom sur le long terme (et plus tard leur Super Famicom), il lui faudra envoyer des jeux avec un aspect ludique beaucoup plus convainquant que Victory Run ou The Kung-Fu. Mais de la suite des opérations, nous parlerons plus tard, mes chers amis retro gamer …
Non content d'avoir réussi un joli coup de poker en ayant édité Bikkuriman World (clic ici si tu n'as pas encore lu sa review), qui, je le rappelle est une adaptation du hit d'arcade de SEGA Wonder Boy in Monsterland (le deuxième de la série donc) revu et assorti par Hudson Soft, la firme à l'abeille enfonce le clou et renforce le catalogue de début de vie de la PC-Engine avec un autre titre très fort commercialement parlant. Mais avant de comprendre en quoi Katô Chan & Ken Chan se place clairement comme un poids lourd marketing (et à fortiori le jeu de 1987 le plus vendu de la PC-Engine et du Japon en général, avec 300 000 unités en quelques semaines), il faut se faire un petit bilan de culture générale. Les deux compères Cha Katô et Ken Shimura forment un duo humoristique très en vogue au Japon dans les années 80 et 90. L'un est sérieux (le tsukkomi), l'autre et un peu idiot (le boke) et toutes les scènes de chassé-croisé et les imbroglios incroyables qui se forment grâce à l'entrechoquement de leur caractère bien distinct forme la sève de leur humour. C'est ce qu'on appel sur l'archipel du Soleil Levant le Manzai, genre d'humour ayant prit ses racines dans le Yose (un genre du théâtre japonais) au VIIIème siècle. En France, pour un peu mieux vous représenter la discipline, on peut rapprocher ça du duo scénique de Dieudonné et Elie Semoun, ou Chevallier et Laspalès. Au cinéma, les personnages de Jake et Elwood Blues des Blues Brothers ; ou encore Jacquouille la Fripouille et Godefroy de Montmirail des Visiteurs sont aussi de bons représentants du genre.
C'est bon ? Vous voyez de quoi il s'agit désormais ? Bah oui, parce que sur Retro Gamekyo, on s'instruit un peu aussi
Alors imaginez un jeu à l’effigie de deux icônes du petit écran, avec un réel humour (pas comme l'adaptation foireuse de Bienvenue chez les Ch'ti sur Wii …), et en sus des graphismes plaisants et un gameplay simple et efficace. Vous voyez désormais le potentiel commercial ?
Ici, on abandonne le studio de télévision où les deux énergumènes sont occupés à tourner leur émission pour se transformer en détective à la recherche d'un riche homme d'affaire disparu (kidnappé ? ). Le soft se présente comme un jeu de plate-forme coloré à la Adventure Island ou à la Wonder Boy (qui décidément aura marquer la direction des productions d'Hudson au début de la carrière de leur machine). Votre barre de santé est sans cesse décroissante et il vous faudra récolter des fruits et divers autres bonus pour garder des forces. Pour vous frayer un chemin entre les différents décors (souvent urbains, avec pas mal de toilettes publics disséminés ici et là, mais assez vides), il vous faudra filer des coups de tatane ou sauter sur la tête d’ennemis loufoques tels que des mouches géantes ou des aigles qui n'hésiteront pas à vous chier sur l'coin de la gueule... Sans compter votre boulet de partenaire qui sera plus là pour vous filer des gros coups de latte dans les parties ou vous balancer des ordures à partir de cachettes diverses et variés... Quand ce dernier ne sera tout simplement pas occupé à sortir quelques vannes scabreuses ou à uriner dans le décors...
Vous l'aurez compris, c'est un trip qu'on aime ou pas, mais qui en tout cas borde l'aventure du début à la fin, difficile de passer au travers.
Si le volume 6 d'Hudson reprend les bases de Wonder Boy, il ne procure peut-être pas autant de plaisir en jeu que ce dernier. Plus basique, avec un challenge quasi absent d'un point de vue purement plate-formesque, le personnage souffre en sus d'un petit problème d'inertie gênant lors de certain passage. Aussi, l'ensemble sonore est pauvre, avec peu de musiques différentes (et en plus moyennement accrocheuses) et des bruitages très typés arcade du tout début des années 80. Mais d'autres atouts sont à mettre à son compte. Comme la taille des sprites, impressionnant pour une 8-bits de 1987, et en outre les détails des mimiques et des grimaces sur les visages des deux olibrius. Les multitudes de scènes de dialogues drolatiques à l'humour acide à souhait faisaient preuve de la grande capacité de mémoire que pouvait avoir une HuCARD face aux grosses (par la taille physique, mais pas par la mémoire) cartouches de la concurrence. C'était aussi l'occasion de faire suite à Shanghai, sorti quelques jours plus tôt et à nouveau montrer la finesse des graphismes que pouvait produire la PC-Engine, via notamment l'affichage très clair de l'ensemble des caractères sino-japonais. Ce qui représente 2000 idéogrammes face aux quelques 40 katakana que pouvait générer la Famicom. C'était un atout certain afin d'écrire des dialogues précis, avec tout ce qu'il faut de nuance et de subtilité indispensable à l'humour scatophile pour être véritablement drôle et compris de tous (sans parler des RPG qui vont devenir infiniment plus profonds sur PC-Engine grâce à des dialogues travaillés et des émotions détaillées).
Pour finir avec les plus du jeu, il faut noter le scrolling horizontal d'une fluidité exemplaire, très rapide, ce dernier donne l'impression de voir un film humoristique en noir et blanc à la Laurel & Hardy.
Katô Chan & Ken Chan est un titre important du catalogue de la PC-Engine car il cristallisera à lui seul plusieurs chose. À commencer par l'émancipation culturelle directe qu'auront donné NEC et Hudson à leur machine, en proposant autre chose que la Famicom, en faisant du jamais vu et à fortiori du "purement japonais" pour convaincre un public déjà pas mal installé chez la concurrence. Il représente aussi quasiment à lui seul l’échec de la PC-Engine aux USA, fruit d'une stratégique opaque, d'une ambition concernant le reste du monde bien plus tiède que pour le Japon et d'une détermination mis à mal par le succès très fort de SEGA et sa Megadrive. Pourtant, d'un point de vue purement financier, Hudson et NEC avaient les moyens de lutter sur les deux fronts face à deux adversaires formidables qu'étaient Nintendo et SEGA.
John Greiner, président d'Hudson USA, bien mal soutenu par sa maison-mère témoignera en 2008 : "SEGA connaissait déjà bien le marché des jeux aux USA parce qu'ils étaient présents par le passé sur ce territoire avec leur Master System. En revanche, NEC avait de sérieuses lacunes dans ce domaine, que ce soit dans l'approche du design de la console, des illustrations, du packaging ou encore du respect des dates de sorties...", et aussi par une très mauvaise adaptation aux goûts du public d'un point de vue software ! Et pour cause, puisque ce Katô Chan & Ken Chan fut maladroitement adapté pour le marché nord-américain dans la précipitation (les textes changent un peu, mais l'aspect scatologique reste assez présent, tandis que trois ans après sa sortie d'origine, les graphismes commencent à se faire un peu vieux, le soft fut renommé JJ & Jeff et le visage des personnages fut occidentalisé). Hudson n'ayant pas juger bon de produire des soft plus plaisant aux yeux des américains (contrairement à SEGA qui eux produisaient ou éditaient Altered Beast, Golden Axe, Tommy Lasorda Baseball (Super League) ou encore John Madden American Football), la firme à l'abeille fut contraint de piocher dans son réservoir de jeu japonais en les modifiant un peu et en priant très fort pour qu'ils puissent s'imposer sur le Nouveau Continent. Ken Wirt, vice-président du groupe de travail autour du projet Turbografx-16 (la PC-Engine aux USA) se souvient : "Pour nous, le véritable challenge était de promouvoir des titres issus d'un catalogue pensé pour les japonais. Mais notre choix était limité, même les shoot'em up de qualité que nous avons en bon nombre faisait partie d'un genre qui était surtout populaire au Japon.". Et bien que Namco avait rejoint les rangs d'Hudson en grande pompe quelques années auparavant, tout n'était pas si simple que cela.
La politique liberticide et conservatrice du Nintendo de l'époque ne fut pas étrangère à l'échec de la PC-Engine chez nos amis ricains. En effet, leur système d'exclusivité fut longtemps un très gros frein à l'arrivé de séries telles que Castlevania et Street Fighter sur PC-Engine (le phénomène SFII fut porté sur PC-Engine tel quel dans sa version Champion Edition, la qualité arcade s'étant retrouvée à la maison, c'était bluffant à l'époque et la version Super Famicom était largement vaincue. Mais comme SEGA qui vit le SFII de sa Megadrive sortir 6 mois après celui de la SNES, la PC-Engine fut servie longtemps après, courant 1993, beaucoup trop tard pour faire bouger quoi que ce soit aux USA donc).
Et pourtant, afin de prévenir ce cuisant échec aux pays d'Atari et d'Apple, la PC-Engine aurait put se munir de quelques jeux très intéressants pour ce marché, ce dont on parlera dans la cinquième et dernière review demain soir.
Katô Chan & Ken Chan fut une vitrine technologique idéale (une de plus) pour la PC-Engine, le public n'en finissait plus de se mécompter, pensant que la machine de NEC était une 16-bits. En cette toute fin d'année 1987, ce fut aussi un tremblement de terre commercial étonnant pour les japonais, eux qui jusqu'alors étaient habitués à voir défier les sommets des jeux de chez Nintendo (et plus particulièrement Mario, bien évidemment). Humour adapté au public visé, gameplay grossièrement reprit d'un hit qui a déjà fait ses preuves, prouesses techniques qui renvoient aux limbes la vieillissante Famicom, petit phénomène de mode audio-visuel à lui seul, Hudson a vu juste et signe un départ canon dans l'industrie naissante du jeu vidéo.
Assez rares furent les constructeurs de console à éditer un jeu de line-up aussi dépourvu de qualité ludique uniquement pour démontrer la puissance de sa machine. À fortiori quand cette machine n'est qu'une "simple" 8-bits comme il en existe depuis plusieurs années sur le marché déjà. 8-bits, certes, mais sur la forme uniquement, dans le fond, la PC-Engine est l'alliance de la technologie de pointe de 1987 avec l'ambition et l'audace qui ont fait les lettres de noblesse d'Hudson.
Hudson veut à nouveau frapper fort, trois semaines après la sortie de sa machine, Nintendo doit la sentir passer celle-là. Et quoi de mieux, pour bluffer le grand public qui fera le succès d'un produit de loisir populaire que de balancer du lourd visuellement. The Kung-Fu est le troisième titre à sortir sur PC-Engine, le 21 novembre 1987.
En plus d'une baffe technique, Hudson veut profiter du calme relatif des fêtes de fin d'année 1987 sur lesquelles Nintendo n'a pas put s'imposer avec un titre majeur, comme il était de coutume. Parce que s'imposer à Noël, Nintendo savait déjà le faire. On peut citer en vrac Ghosts'n Goblins en novembre 1986, Super Mario Bros. en septembre 1985, ou encore Karateka en décembre de la même année qui eurent un joli impact commercial.
En vérité, il n'y a pas grand chose à dire sur ce qui demeure plus une grosse démo technique qu'un jeu véritable, mais en parler était indispensable pour essayer de décrypter au mieux la stratégie et la façon d'agir d'Hudson pour attaquer Nintendo sur son propre terrain.
On y incarne un clone de Bruce Lee avec lequel il faudra déambuler dans des niveaux divers afin de buter un max de méchants. Aucun scénario n'est ici proposé. Le jeu prend la forme d'un beat'em all à scrolling horizontal forcé, comprenez par là que l'écran bouge de gauche à droite sans qu'il n'y ai moyen de l'arrêter. Le personnage se déplaçant que sur un seul axe, il est uniquement possible de filer des coups de poing et de pied pour vaincre les ennemis qui débarqueront en file indienne à la chaine face à vous. Entre chaque vague d'ennemis, des trucs et des bidules vous seront balancés à la figure, comme des bout de bois ou des rochers qu'il faudra soit esquiver en vous accroupissant ou en sautant, soit détruire en leur collant, à eux aussi, une mandale. Un parcours d'obstacle automatisé, en somme. Quand aux boss, ils sont on ne peut plus simples à vaincre, une petite stratégie s'applique à chacun d'entre eux. En réalité, il faut observer son schéma d'attaque, quitte à se prendre quelques tatanes au départ, puis une fois avoir compris qu'il faut appuyer sur le bon bouton (I pour le poing, II pour le pied) ou faire un petit pas en arrière pour esquiver au moment opportun, tout roule comme sur des roulettes !
En tout, quatre stages, séparés en trois zones (jour, soirée et nuit, avec pour la soirée un effet coucher de soleil du plus bel effet, des couleurs rouges-orangées flamboyantes qu'on ne retrouve nul par ailleurs, et surtout pas sur Famicom … ! La PC-Engine pouvait afficher en 1987 512 couleurs simultanément, la Famicom 16 seulement, et The Kung-Fu était prévu pour que tout le monde s'en aperçoive sans mal.) Chaque boss de stage est identique pour les trois zones mis à part quelques détails d'ordre graphique, de couleur …
Le plus frappant, et ce sur quoi la campagne de communication du jeu s'est axée, c'est la taille impressionnante des sprites des combattants. Hudson se vantait à l'époque de pouvoir faire générer par la machine des sprites trois fois plus grands que sur les meilleurs jeux Famicom. Personnellement, j'ai pas mesurer, mais il n'y a qu'à voir le clone du Petit Dragon prendre les deux tiers de l'écran en hauteur pour se rendre compte que les gars à l'origine des Bomberman ne sont pas des branques dans le genre. En sus, la fluidité totale est de mise, même avec 4 voir 5 individus à l'écran, saisissant.
Hudson n'hésite pas à faire la comparaison avec Spartan X, Kung-Fu Master en occident, titre signé Irem et Nintendo pour la NES. Aussi, Kimio Yamamura, un des ingénieurs en chef du projet PC-Engine et programmeur fidèle à Hudson se souvient de la volonté de son équipe d'antan de vouloir jouer la carte de la démesure graphique pour impressionner le public : "Les personnages à l'écran étaient déjà immenses, mais cela ne suffisait pas au chef du projet qui voulait toujours en faire plus. Par exemple, il était prévu qu'au premier niveau des rochers tombent du haut de l'écran, mais ces éléments auraient recouvert la moitié de sa surface. Tout ça pour en mettre plein les yeux. C'était injouable, l'idée ne fut donc pas retenue !".
De toute façon, peu importe ce qu'aurait fait l'équipe de développement, le jeu n'aurait pas put être plus plat d'un point de vue jouabilité qu'il ne l'est déjà. En effet, seul deux coups différents sont disponibles, le poing, et le pied, suivi d'un coup de pied sauté typiquement Bruce Lee débloqué vers le milieux du jeu. C'est maigre, très, très maigre. Si Hudson a eu l'audace de vanner Kung-Fu Master sur NES à propos du fossé technique qui sépare les deux jeux, force est de constater qu'autant le soft d'Irem que celui de la PC-Engine souffre d'un manque cruel de technique de combat. Pire encore, cette façon qu'a le scrolling horizontal de se faire automatique donne un aspect train fantôme au soft, où on doit se contenter d'appuyer sur le bon bouton au bon moment pour jarter hors de l'écran des hordes d'ennemis (des espèces de moines encapuchonnés épouvantablement identiques du début à la fin du jeu, seule la couleur de leur tunique change). C'est d'un ennui terrifiant.
Répétitivité rime en plus avec simplicité, trop grande simplicité même, en ce qui concerne le travail sonore dont a bénéficié The Kung-Fu (China Warrior aux US). Si les quelques musiques sont sympathiques, typiquement 8-bits - les 6 voies stéréo ne sont pas toutes au travail, mais déjà les 5 petites voies mono de la Famicom sont vaincues ; les bruitages d'ensemble ne se font guère remarquer. On déplore par exemple l’absence de cri sur-aiguë qui ont fait l'identité de Bruce Lee à travers le monde entier !
Ce jeu fut tellement un des fers de lance de Hudson pour lancer sa machine qu'il eut la primeur d'être celui qui servit de base à l'élaboration de la Sample HuCARD. Qu'est-ce que la Sample HuCARD ? Et bien il s'agit ni plus ni moins que de la toute première HuCARD (le support où sont gravés les jeux PC-Engine, comme la cartouche pour la NES, le CD pour la Playstation etc) opérationnelle a avoir été produite dans les ateliers d'Hudson à la fin de l'été 1987. Cette Sample HuCARD, merveille parmi les trésors chassés par les pires collectionneurs du monde, contenait une version bêta de The Kung-Fu avec seulement deux stages sur quatre. La musique était différente (celle de la Sample était une musique du soft Bomber King sur Famicom), il n'y avait que le coup de pied de disponible et lorsqu'on appuyez sur le bouton run (l'équivalent du bouton start sur les autres pad), la vitesse de défilement du scrolling horizontal forcé était doublée, chose non conservée dans la version finale ! L'existence de cette Sample HuCARD montre d'ailleurs qu'entre 1986 et 1987, le projet PC-Engine s'est réglé très rapidement. Car Hudson Soft avait un projet de machine solide, avec des caractéristiques bien définies, un support où stocker les jeux, des produits en développement, un réseau d'édition professionnel et une stratégie commerciale claire. Certes, mais aucune usine pour produire la machine ! Et c'est là que NEC entre en jeu. Sur l'écran titre de la version bêta, on pouvait constater la mention "press start button", la preuve que le projet PC-Engine n'était pas encore au point jusque dans les moindres détails. La façade de la carte elle-même, dépourvue d'étiquette à l'image du jeu comme il est de coutume pour chaque jeu officiel, ne comportait pas non plus le fameux logo HE System pour Home Electronic, la filiale de NEC Corporation destinée à l’électronique grand public. À croire que les deux entreprises n'avaient même pas encore entérinée leur association à deux mois de la sortie de la console !
Il y avait deux raisons principales à ce que ce jeu en particuliers eu l'honneur de donner naissance à la Sample HuCARD. Tout d'abord il s'agissait de tester la mémoire du support, juste histoire de voir si les estimations d'Hudson étaient bonnes par rapport à leurs ambitions, The Kung-Fu pesant 2MB, les premières HuCARD commercialisées pouvaient contenir 4MB de données. Crées sur la base des Bee CARD, technologie de stockage de jeu développée en partenariat avec Mitsubishi pour le MSX2 en 1985, la HuCARD est un des éléments clé de l'ambition technologique d'Hudson.
La seconde raison était que la Sample HuCARD de The Kung-Fu devait servir à faire une démonstration à quelques éditeur tiers du potentiel de la machine.
De nos jours, il paraît clair que The Kung-Fu était plus une démo technique qu'un jeu véritable, même si le public fut en 1987 bien trop bluffé pour s'en rendre compte. C'est qu'il avait de quoi convaincre, le bougre, malgré un gameplay trop simpliste, une durée de vie maigrelette, une bande sonore pas renversante et un manque de personnalité flagrant. Techniquement, le jeu est solide et remplie à merveille la mission dont il s'est vu affublé, démolir le hardware concurrent et montrer aux yeux du monde que la PC-Engine est une bête de guerre. Lors des trois premiers mois de commercialisation de la machine, un autre soft en particuliers aura la responsabilité de vanter sa puissance : Victory Run, dont nous allons parler lors de cette semaine spéciale.