Un héros mutique conduit des truands sur fond de musique stylée mais la violence est là qui oblitère toute possibilité de vivre l'amour et oblige à tuer un par un tous ceux pour qui on travaillait... Y a pas à dire, le film Drive, sorti le 12 octobre, est une excellente adaptation de Grand Theft Auto.




C'est peut-être une manière un peu cavalière de dire les choses mais enfin, il faut bien que j'attire votre attention après quelques mois de silence. Ah, et je vous préviens, il y a peut-être un peu de spoil sur Drive, mais rien qui puisse gâcher le plaisir de le voir. Au contraire, j'espère vous faire envie.

A plus d'un titre, le dernier film de Nicolas Winding Refn semble marqué, tout autant que par de nombreuses influences cinématographiques, par une esthétique, et surtout une manière d'animer son héros, hérités du jeu vidéo.

Le héros, Ryan Gosling, est cascadeur. Le soir, il aide des truands à réaliser des casses. Il leur accorde cinq minutes, pas une seconde de plus, pendant lesquelles il s'engage à semer la police. Toujours affublé d'une veste blanche sur laquelle est dessinée un scorpion, un peu dans l'esprit de certains des vêtements que l'on peut acheter dans GTA San Andreas, il parle peu et, surtout, ne laisse rien transparaître de ses motivations. L'argent ? Il n'en a visiblement pas un besoin urgent. Les sensations fortes ? Ses missions ne semblent pas l'exciter follement. Oui, on a déjà vu de tels personnages au cinéma. Mais il n'est pas incongru de tisser un lien entre ce personnage et ceux qui l'on incarne dans la série GTA.

La scène d'ouverture de Drive est l'un des moments les plus jouissifs du film. Le héros y montre toute son adresse pour semer les policiers en alternant discrétion et coups de turbo. Il termine sa course dans le parking d'un stade, au moment où vient de s'achever un match de basket et où la foule regagne les voitures.

Voir un extrait de cette scène ici

Le plaisir que l'on ressent devant cette scène n'est pas si éloigné que celui que procure la réussite, dans GTA, de la première fois que l'on a semé les policiers en accompagnant des truands dans un casse. Le gameplay de GTA n'est (hélas ?) pas assez profond pour nous permettre de semer les policiers avec le même dosage de discrétion... Mais peut-être Drive pourrait-il donner des idées à Rockstar ?

Comme dans GTA (et surtout GTA III), le héros n'est donc rien d'autre, au départ, qu'un type banal dont les liens avec la mafia se limitent à un rôle de chauffeur. Le film comme le jeu font ici le choix (original) de nous placer dans la peau du dernier rouage des truanderies. Mais ni le film, ni le jeu ne laissent leur héros cantonné à ce rôle.



La suite de Drive montre comment le chauffeur, s'attachant à sa voisine et le fils de celle-ci, va tenter de les sauver. Le film nous montre alors l'élimination successive des mafieux qui menacent de tuer ceux auxquels le héros s'est attaché. Enchaînant les meurtres comme des missions, avec à chaque fois un mode opératoire (un gameplay donc) différent, le héros croit pouvoir (mais le croit-il vraiment ? Une nouvelle fois, son impassibilité et son mutisme empêchent d'interpréter ses motivations) mettre fin à la violence en éliminant les menaces les unes après les autres.

Mais le cinéma a montré depuis longtemps, et avec quel brio (voir la trilogie du Parrain, L'Impasse ou A History of violence par exemple) que la violence engendre la violence dans un cercle sans fin qui finit par faire perdre ce que l'on a de plus cher. Cela, GTA l'a montré aussi, mais pas tout de suite. Il a fallu attendre GTA IV pour que les scénaristes insufflent à l'histoire une dimension tragique en punissant le héros, au lieu de le récompenser, pour une violence qu'il a exercée sans en avoir jamais vraiment envie.

J'en terminerai avec la bande originale. Dans Drive, comme dans GTA, elle est très importante. Certains ont même dit des trucs du genre "si on retire la BO, Drive ne vaut plus rien". Argument un peu con puisque si on s'amuse à amputer tout film de ses qualités, il finit fatalement par ne plus rien valoir. "Les Dents de la mer, sans le requin, ça vaut pas grand-chose quand même..." EH BEN OUI C'EST VRAI.

Bref, la BO de Drive est excellente. Elle l'est d'autant plus qu'elle crée ce décalage ironique, si caractéristique des GTA aussi, entre le kitsch et la profondeur de la violence. Quand Gosling roule au rythme de A Real Hero, on retrouve un peu des sensations que l'on ressent quand on écrase des gens à Vice City en écoutant (I Just) Died In Your Arms de Cutting Crew.