Iconoclasts, ou le jeu d’une vie. Développé depuis 7 ans par Joakim Sandberg, aussi surnommé Konjak, fruit d’un travail d’orfèvre et de la maturation d’un homme, ce metroid-like aux graphismes méritant vraiment le titre de pixel-art est disponible depuis le 23 janvier sur PC (Linux, Mac et Windows), PS4 et Vita (avec l’option achat groupé activée sur l’écosystème Sony). A l’heure où les indés se sont déjà jetés depuis de longues années sur ce genre, avec une véritable avalanche de titres plus ou moins réussis, l’opus du créateur de Noitu Love 2 arrivera t-il à se distinguer parmi cette masse ?

Vous serez placé dans la peau de Robin, jeune fille aphone dont la passion pour la mécanique et sa générosité va lui attirer des ennuis. L’univers dans lequel est née l’héroïne est en effet sous la coupe du Projet, une structure technocratique et théocratique totalitariste. Elle régente la vie et le métier de chacun, n’hésitant pas à recourir à la force en cas d’opposition via ses agents aux capacités surhumaines. Et vous l’aurez deviné, notre jeune héroïne ne dispose pas d’une licence mécanicien lui permettant d’exercer sa passion sans menaces de représailles.
Non content de décider de la destinée de tous, le Projet fait donc aussi office d’Eglise officielle et seule vénérable, en imposant à la population un culte à ses deux figures tutélaires, Mère et Père. Outre un lavage de cerveau basé sur la peur et la culpabilité à grande échelle, le Projet semble particulièrement concerné par la problématique de l’Ivoire, ressource naturelle présente sur la planète et vitale pour la super-structure. Des « pirates » sont bien entendus présents dans cet univers, mais pour le bien de la découverte du scénario, le sujet ne sera pas plus abordé.
Le monde que vous traverserez est influencé par cette main mise totale du Projet, et chaque PNJ rencontré vous permettra d’en approfondir les rouages ; le scénario, anecdotique, léger et superficiel de prime abord, s’épaissira au fur et à mesure de votre progression et est l’un des points forts du jeu, avec un dernier tiers qui basculera vers un récit bien plus noir et global. Des notes, ordinateurs, éléments de décors vous apporteront réponses à vos interrogations et transformeront un récit initialement essentiellement tourné vers les relations interpersonnelles en fable écologique et politique, sans pour autant forcer le trait et/ou imposer un raisonnement.
Franche réussite et surprise du jeu, le scénario porte la marque de l’évolution du développeur : l’insouciance de sa vingtaine fait progressivement place aux interrogations plus sombres de la trentaine, comme le souligne
PC Gamer dans un entretien avec Konjak.
Une galerie de personnages haut en couleur traverseront votre route
Comme vous pouvez le constater sur les images de cet article, le soin apporté aux graphismes est l’une des grandes forces du jeu : outre un renouvellement suffisant des environnements pour ne pas lasser le joueur (et bien que certains niveaux soient moins marquants que d’autres), les détails fusent et soutiennent le récit narratif ou ludique. Ils permettent aussi une lisibilité maximale des actions du joueur et des ennemis, ce qui vous sera fort utile, en particulier durant le combat contre l’un des boss (optionnel et bien planqué). Ces derniers sont d’une qualité sidérante : outre leur taille, leurs comportements, chacun dispose de signes visuels clairs vous permettant d’esquiver leurs attaques. Ils sont aussi de plus en plus menaçants, avec de nombreuses transformations (comportementales et visuelles) au fur et à mesure que leur barre de vie fond. Vous ne pouvez malheureusement pas voir les animations, mais sachez qu’elles sont d’une qualité équivalente. L’aspect purement visuel est donc un véritable festin pour les yeux, et sa qualité vous permettra en outre de repérer les nombreux secrets du jeu, codifiés et repérables pour l’œil averti. Il n’y a pas de surenchère graphique par inadvertance : tout a un sens.
Une vingtaine de boss vous attendent. Certains s’apparenteront plus à un puzzle qu’à un bourrinage en bonne et due forme.
En ce qui concerne les mécaniques de jeu, le titre s’est dégraissé : initialement prévue pour être plus complexe, l’évolution du personnage a été simplifiée. Vous bénéficierez d’un pistolet assommant, d’une clé à molette (qui vous permettra d’actionner des mécanismes et renvoyer certains projectiles), d’un pistolet à bombes et d’un autre vous permettant d’intervertir votre position avec les ennemis ou objets, ainsi que de la possibilité d’électrifier votre personnage. Bien que relativement succinct, votre inventaire sera utilisé sous toutes ses fonctions possibles durant votre aventure : outre des ennemis (fort nombreux) disposant de points faibles particuliers et nécessitant l’équipement adéquat pour les occire, les nombreuses énigmes environnementales du jeu réclameront souvent d’utiliser les capacités secondaires de votre armement. Un simple coup de clé sera nécessaire au début de votre aventure mais les situations se complexifieront au fil de votre progression. Une clé est hors de votre portée ? Vous n’avez qu’à intervertir sa place avec la vôtre et la récupérer une fois l’opération effectuée. Une barrière vous empêche d’accéder à ce qui semble être le chemin à suivre ? Vous n’avez qu’à utiliser la capacité secondaire de votre pistolet assommant et la détruire avec la vague d’énergie libérée. Vous devez déverrouiller une porte alors que l’interrupteur électrique est à l’autre bout de l’écran ? Electrifiez vous et laisser une bombe ainsi sous tension rouler jusqu’à celui-ci, ce qui vous permettra de franchir la porte.
Chaque niveau réclamera donc de vous une utilisation optimum de vos capacités, et les premiers (au nombre de dix) ont été construits en fonction de ces dernières, avec une augmentation croissante des interactions au cours de vos pérégrinations et une verticalité de plus en plus importante. Le jeu peut se parcourir en ligne droite, au risque de secrets non découverts, mais la pleine exploration vous demandera de revenir sur vos pas, de mettre à profit les talents débloqués et de récupérer ainsi ou des coffres (vous octroyant 4 types de ressources) ou des plans débloquant des améliorations « temporaires » (fabriquées avec les dites ressources), pouvant être équipées (pour un maximum de 3 simultanées) aux nombreux points de sauvegarde. Ces dernières vous octroient divers bonus, tel que disposer d’une réserve d’air plus importante sous l’eau, d’une période réduite de chauffe de votre arme, d’une vitesse de déplacement plus importante ou même d’un double saut (qu’il est possible d’effectuer d’une autre manière), entre autres, mais disparaissent au fur et à mesure des coups reçus et doivent être rechargées soit via l'énergie libérée par les ennemis vaincus soit via la destruction des innombrables statues de Mère présentes dans les tableaux.
Au niveau du
level/game-design, ce n’est pas aussi tortueux et grandiose que d’autres jeux : la force du titre est à mon sens d’arriver avec finalement assez peu d’éléments à en tirer le maximum possible sans atteindre le seuil du sentiment de répétition chez le joueur. Le monde n’a par exemple pas l’interconnexion d’un Salt’n Sanctuary ou le protagoniste les pouvoirs d’un Guacamelee mais il ne vous demandera jamais d’expérimenter pour la énième fois les mêmes actions. Un ajout apparemment bénin sera décliné jusqu’à son plein potentiel avant qu’un nouveau cycle s’enclenche et que votre courbe d’apprentissage reparte de zéro, ce qui permet de maintenir chez le joueur une attention, un sentiment d’accomplissement et découverte constant.
La relative courte durée de l’aventure (une douzaine d’heures, sans chercher les secrets) et la difficulté bienveillante en mode normal (hors rares pics de difficulté, relatifs, sur la fin, fortement atténués par les nombreux points de sauvegarde et leur remise à plein niveau de la barre de vie), y compris pour les
boss malgré leurs aspects parfois imposants et leurs attaques impressionnantes, en font un jeu reposant. La maniabilité ne vous fera défaut (hors rares tirs en diagonales pour quelques énigmes) et vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-même en cas de mort.
Au niveau musical, les mélomanes s’exprimeront dans les commentaires mais ça me semble être du bon vu que certaines mélodies trottent toujours dans la tête après avoir terminé le jeu. Certaines seront loufoques, d'autres mélancoliques, d'autres énergiques, mais une chose est sûre, la variété est présente.
Pour les fans de trophées, sachez que le jeu ne dispose pas de platine car Sony a estimé que le jeu était trop « petit », bien que le 100% vous demandera probablement une bonne trentaine d’heures, si vous avez une bonne mémoire, que vous n’utilisez pas de cartes de
ce genre et que vous êtes un dieu du pad (un mode challenge où chaque coup vous est fatal se débloque à l’issu de la première partie, ainsi qu’un NG+ plus classique).
Konjak peut donc rouler des mécaniques : son jeu, développé seul, est un véritable travail d’orfèvre, dont la richesse visuelle contraste avec la simplicité d’assimilation d’un game-design pourtant pleinement exploité et plus profond qu’il n’y parait. Les amateurs de Metroid-like ne seront probablement pas déçus de ces aventures au scénario plus présent que les ténors du genre, et la difficulté tout en douceur du titre permettra aux nouveaux arrivants de se familiariser à ce type de jeu. Un bon gros 7/10 auquel vous pouvez ajouter un point de plus si l’aspect visuel est un élément primordial dans vos choix.
C’était Royal !
Les points Facom :
- Scénario et écriture de qualité
- Des thématiques abordées avec finesse
- Boss intéressants, variés et uniques
- Visuellement somptueux
- Nombreuses énigmes environnementales
- Une simplicité pleinement exploitée
- Traduit en français
Les points Bricomarché:
- Un niveau particulièrement tarabiscoté
- Quelques énigmes rageantes (tirs en diagonale)
- Des améliorations qui n’apportent pas grand-chose
- Si on doit attendre 7 ans pour le prochain jeu…
Ce jeu ci ne fait que 90MB sur PC en tout cas. C'est un point positif qu'il faut souligner.
Et il est MULTILANGUE, un autre point positif également
Jeu dans ma wishlist, avec Celeste.