Studio historique de l'inénarrable Peter Molyneux, Lionhead devrait prochainement fermer ses portes. Une nouvelle qui a secoué de nombreux joueurs, qui le temps de quelques heures sont entrés en communion pour pleurer le décès du studio qui leur avait donné Black & White et Fable. Un événement qui fera grand bruit le jour où Microsoft officialisera tout cela, mais pour autant, est-ce réellement une perte pour Microsoft, Xbox, et plus globalement les gamers ? Mettons de côté nos émotions, il est l'heure d'être pragmatique et de regarder les choses en face.
Coup dur, et/ou aveu d'échec pour Xbox, la fermeture de Lionhead ? Ni l'un, ni l'autre, à vrai dire. Beaucoup de joueurs ont pointé du doigt la politique éditoriale de la marque au X vert, et s'il y aurait effectivement beaucoup de choses à redire (et notamment la manière dont le studio Rare est géré depuis son rachat), la situation est bien différente lorsque l'on évoque Lionhead. Bien entendu, que plusieurs dizaines de personnes se retrouvent au chômage, cela n'a rien d'amusant, et nous compatissons fortement. En espérant qu'ils retrouveront vite du travail, ce dont nous ne doutons pas, et ce sur quoi nous reviendrons plus tard dans cet article.
Pour autant, la fermeture de Lionhead reste anecdotique, et surtout révélatrice de l'inconstance de son génial créateur, Peter Molyneux. Un studio qui, dès son départ en mars 2012, avait perdu toute substance.
LIONHEAD, LE STUDIO D'UN HOMME
Inutile de vous présenter Peter Molyneux. L'homme s'est bâti bien malgré lui une solide réputation de joueur de pipeau, et à ce titre, l'interview réalisée par nos confrères de Rock Paper Shotgun est assez évocatrice. Rappel des faits : le 13 février 2015, le site met en ligne un entretien entre Molyneux et John Walker, l'un des membres de la rédaction. Une interview qui va vite faire débat, et notamment dans le milieu journalistique. Mis à mal de bout en bout, c'est un véritable procès qui est fait à Molyneux, dont certaines justifications sont tellement pathétiques qu'il en devient touchant. Une partie du public découvre ainsi le créateur de Populous, enfant passionné qui promet beaucoup mais ne réalise finalement que très peu.
Menteur pathologique, Molyneux ? Non. L'homme croit sincèrement en ce qu'il raconte. Ce qu'il a promis, à propos de Black & White 2, Fable, de Godus, il le pensait. Il était persuadé de pouvoir faire toutes ces choses, avant de réaliser que, sans doute, il avait été un peu loin. Il est comme ça Molyneux : toujours optimiste. Généreux comme pas deux. Mais de fait, le studio qu'il a lui-même créé en 1996 s'est fait une drôle de réputation. Avec des jeux comme Black & White puis Black & White 2, qui montraient autant ses forces, que ses faiblesses. Le premier est un god-game brillant, à la hauteur du talent de Molyneux, qui n'en manquait pas. Le second, malgré ses qualités, avaient déçu de nombreux joueurs, auxquels le développeur anglais avait tant promis. Rebelotte avec Fable, puis Fable II... et Fable III, honnis par bon nombre de fans de la série. L'empreinte de Molyneux, là encore.
Et Lionhead, en dehors de Fable et Black & White, c'est quoi ? Eh bien pas grand chose, à vrai dire. Oh il y a bien The Movies (2005) et son extension Stunts and Effects (2006), mais c'est bien tout. Sur ces dernières années, le studio est devenu une machine à pondre des Fable, avec Fable Heroes (2012), Fable: The Journey (2012) et Fable Anniversary (2014). Soit un mini-jeu Xbox Live Arcade médiocre, un jeu Kinect à oublier de toute urgence, et un remaster HD. Le dernier, on le connait, mais on ne le verra probablement plus jamais. Il s'agit de Fable Legends, le jeu crossplay coopératif, qui auraient permi aux joueurs One et PC de se battre ensemble, dans une succession de niveaux à l'intérêt douteux, le tout soupoudré de gameplay asymétrique...
MICROSOFT, LE RACHAT TANT POINTÉ DU DOIGT
Microsoft et sa division Xbox ont-ils tué Lionhead, le conduisant irrémédiablement à sa fin ? En 2006, lorsque le géant américain se paye le studio britannique, tout porte à croire que l'union donnera naissance à de beaux enfants. Les développeurs bénéficient d'une indépendance similaire à ceux de Bungie, alors encore lié à Microsoft / Xbox. Molyneux gère ses troupes comme il l'entend, et est même nommé Creative Director des studios Microsoft Game en Europe. Le monsieur prend du galon mais garde tout de même toute latitude pour gérer son studio. Cette union, que salue d'ailleurs Molyneux à de nombreuses reprises dans les médias, donnera surtout naissance à deux enfants : Fable II, qui précède la nouvelle entrée en fonction de l'ami Peter, et Fable III, qui lui paraît sous son règne. C'est presque 10 millions de Fable qui vont ainsi s'écouler. Un score honnête, mais qui aurait probablement été meilleurs si Fable III notamment n'avait pas souffert d'une si mauvaise réputation auprès des joueurs.
Quel rôle a joué Microsoft dans l'évolution de la franchise ? Difficile à dire, sinon impossible. On sait que, comme dit plus haut, le studio jouissait d'une certaine indépendance ; et l'on sait que ni Microsoft, ni Xbox n'ont cherché à influencer les créateurs de Halo, qui au fur et à mesure des épisodes ont livré coup sur coup d'excellents FPS. Halo Reach compris, malgré ses défauts. Alors chez Lionhead, le mal était-il intérieur ?
UN STUDIO VIDÉ DE SON ÂME
Car voilà, la vérité, c'est que Lionhead posait ses fondations sur un socle bien fragile, et qui s'appelorio Peter Molyneux ; l'homme avait su s'entourer. Une riche idée, tant le gaillard peut se disperser. Mais lorsqu'en 2006, quatre des pilliers du studio prennent la porte, l'édifice était déjà sur le point de s'écrouler. L'année de la sortie de Black & White 2, quatre membres importants du studio font leur valise. Mark Healey, Alex Evans, Dave Smith et Kareem Ettouney fondent à Guildford, dans la même ville que Lionhead, un petit studio, qui va vite faire parler de lui. Il s'agit de Media Molecule, vite repéré par PlayStation avec qui ils vont faire affaire. Le jeune studio donnera ensuite naissance aux LittleBigPlanet puis à Tearaway, et l'on suit du coin de l'oeil Dreams, à paraître courant 2016. Il est amusant de constater la perte de vitesse de Lionhead, inversement proportionnelle à la popularité de Media Molecule, qui est aujourd'hui un important porte-étendard de la marque PlayStation.
Le départ de Molyneux, qui quitte en mars 2012 son poste chez Microsoft ainsi que ses responsabilités chez Lionhead, a-t-il eu le moindre impact ? Peut-être pas tant que certains pourraient le croire. La preuve, cela n'a pas empêché le studio de se remettre à pied d’œuvre pour travailler sur Fable Legends, qui aurait du être le grand retour de la franchise. Un développement flou, agité, avec une phase de bêta fermée qui avait laissé percevoir un certain potentiel... mais surtout beaucoup de défauts. Ce qui ne signifie pas que l'on ne le reverra plus jamais : même si Lionhead venait à disparaître, la licence Fable appartient toujours à Microsoft, qui saura s'en servir. Tout du moins, on l'espère.
Car en vérité, la fermeture de Lionhead ne changera rien : cela fait maintenant des années que le studio n'est plus qu'un vaisseau fantôme sans capitaine, vaguant péniblement sur l'océan de souvenirs des joueurs nostalgiques. Un studio qui n'avait rien produit de concret depuis des années, est-ce une perte en soi ? Non, bien entendu. Sur le plan humain, ne doutons pas que les développeurs trouveront rapidement du travail, car, comme vous le savez déjà, PlayStation est sur le coup et a vite tendu une main bienveillante vers les employés de Lionhead, dont le destin est encore incertain. Xbox n'y perdrait pas grand-chose. Car après tout, des studios qui ferment, il y en a malheureusement tous les jours. Celui-ci, hormis son nom, n'a rien de plus à faire valoir que tous ces anonymes disparus du jour au lendemain, dans l'indifférence générale.
jeux-video.com
posted the 03/21/2016 at 10:15 PM by
ajb
Les véritables papa de Fable.
Jv.com quoi...
C'est dommage que Lionhead en arrive là.