Gamekult a récemment publié un billet d’humeur qui dénonce le rôle des médias dans le manque de visibilité des développeurs :
Oubliés par son public et ses médias, les créateurs devraient pourtant avoir droit à une reconnaissance équivalente à celle des univers et des personnages qu'ils ont inventés ou sublimés
Que les médias ne mettent pas suffisamment en lumière les acteurs du milieu, soit. Tout est affaire de curseur, d’appréciation. Néanmoins, je voudrais signaler le rôle de la presse spécialisée dans la reconnaissance desdits acteurs. Le magazine Games a basé une partie de sa ligne éditoriale sur l’interview. Jeux Vidéo Magazine organise depuis plus d’un an des master class avec l’intervention de créateurs majeurs. Pix’n Love a publié un nombre conséquent de biographies, d’autobiographies. L’éditeur Geeks Line propose celle de Yu Suzuki. Feu le magazine IG consacrait des pans entiers de son mook à des entretiens. Mentionnons également l'ancien podcast Late Late Boudoir Gambetta. Au-delà, la plupart des sites proposent des interviews, longues ou courtes, avec des angles précis : http://joypad.fr/interview-dun-producteur-de-jeux-les-minorites-dans-le-jeu-video-un-probleme/
Pour ma part, en 3 numéros, j’ai mis en avant Xavier Thomas, Gary Jamroz, Alessandro Taini, Mathias Wiese, Sheldon Pacotti, Jordy Rodriguez, Emmanuel Gorin, André vu et d’autres encore.
Bref, accuser les médias de ne pas mettre en avant les développeurs revient à ignorer le travail de la presse spécialisée. Au lieu d’encourager ce mouvement de fond (on a jamais autant entendu parler des développeurs), l'argumentaire sans intérêt préfère le passer sous silence. Bref, il m’apparaît que l'auteur de ce billet d'humeur ne lit pas ses confrères. Ce qui me permet de rebondir sur un point. Il manque à la presse jeu vidéo le respect d’elle-même, c’est-à-dire le goût de ce qu'elle fait de bien autant que la dénonciation des impostures. Il est anormal, par exemple, de ne pas trouver de compte-rendus des master class de Jeux Vidéo Magazine sur d'autres sites. Comme il est anormal de ne jamais trouver de revues de presse alors que des journalistes publient des articles méritoires.
En vérité, l’émulation et le respect du travail bien fait devraient supplanter les petits calculs éditoriaux. Pourquoi ne pas consacrer un peu d’espace pour faire circuler les bons papiers, critiquer les mauvais, dans un format libre ? Il faut du relief, du débat, de la contradiction, de la solidarité. Comme il faut reconnaître le travail de la presse, de l'édition, et le mettre en lumière. C’est dans cette optique que j’ai essayé de me montrer le plus confraternel possible. J’ai mis en avant Pix’n Love, Games History, SANQUA (très grosse injustice d’avoir vu ce magazine laissé dans l’anonymat par la presse spé), Benjamin Berget. Mes éditos citent toujours des confrères soit parce qu'ils m'ont inspiré, stimulé, soit pour saluer leur arrivée. De même, je participe à l'OMGB parce que Gameblog incarne un modèle terrifiant. Réciproquement, le magazine continue d'exister grâce à la solidarité de confrères (de joueurs, de développeurs également, même du plus grand MJ depuis Michael Jackson). En vérité, je dois beaucoup, à beaucoup de gens, sans doute autant qu'au principe de ne rien lâcher. A ce propos, j'aimerais évoquer Jeuxvideo.com (actuellement dans l'oeil du cyclone) parce qu'il faut reconnaître qu'il m'a sauvé la mise. Ne serait-ce que le numéro Spec Ops... Il faut voir la manière dont le site a pu me soutenir ou rebondir sur des sujets introduits dans le mag, le tout avec pas moins de 6 news/billets/papiers : 1, 2, 3, 4, 5, 6 Merci à eux. Merci à Kaaraj.
Hemingway reprenait un vers du poète anglais John Donne en ouverture de son roman « Pour qui sonne le glas » dont il lui empruntait, d'ailleurs, son titre : "Aucun homme n'est une île". Aucun site ni aucune revue non plus. Sans confraternité, il n’y a pas de salut, peu importe les succès isolés. Les médias ont besoin des médias pour exister. Voilà qui force à constater que la presse jeu vidéo meure en partie de ses égoïsmes, de ses vanités, de sa vision court-termiste. Il ne faudra pas qu'elle s'étonne : "n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi."
ps: au passage, je vous conseille de regarder la conférence ci-dessous qui montre une presse ciné à la recherche de nouveaux modèles. L'autre point intéressant porte sur la question de l'évolution de la critique qui n'a pas l'air de frapper le petit monde de la presse jv. Pourquoi se satisfaire de tests scolaires structurés sur la base de scénario/technique/gameplay ?
ps2 : j'ai sorti récemment le test de Call of Juarez : Gunslinger sur Tipeee : https://www.tipeee.com/projects/icare/news/14475 La longue itw du producteur associé suivra dans quelques jours. N'hésitez pas à vous abonner/tiper. Pour le coup, ça va me permettre de faire pas mal de choses.