Il fait nuit noire sur le comté anglais de l'Oxfordshire. Un peu trop noir même, pour que Samantha Everett puisse espérer retrouver son chemin dans ce coin de campagne où tout se ressemble. Quand, tout à coup, la silhouette inquiétante d'un manoir vient se refléter sur le plexi de son casque. Le destin est en marche : en toquant au portillon, la belle est aussitôt intronisée assistante de David Styles, le maître de céans. Neurobiologiste de génie, ce dernier projette de percer le mystère de l'esprit humain. Rien que ça !
Et devinez quoi ? Il encombre justement à Sam de sélectionner six cobayes qui participeront à une expérience susceptible de révolutionner les sciences cognitives. Vous avez dit "barré" ? Pas si étonnant, de la part d'une histoire signée de la plume de Jane Jensen. Une décennie plus tard, la scénariste responsable de Gabriel Knight, irrésistible trilogie de jeux d'aventure ésotériques ayant ensorcelé les années 90 sur PC, est donc de retour au premier plan. Gray Matter, ou la promesse d'une nouvelle expérience clé du jeu d'aventure ? Peut-être bien.
La brunette doit d'abord penser à s'équiper d'un maximum d'objets censés l'aider dans sa quête. Fichée au centre de sa chambrette du manoir de Dread Hill, Sam s'apprête donc à examiner le contenu de son sac à main. Un ouf de soulagement nous échappe : le développement du titre a beau être passé entre plusieurs mains depuis sa mise en branle, l'interface affiche d'emblée une plastique probante, baladant notre héroïne dans un décor en "2D et demi" qui tient la route. Très vite, néanmoins, la question fatidique vient me tarauder l'esprit : comment les artisans du miracle ont-ils négocié le virage console d'une gestion "point and click", apanage revendiqué du PC et de sa souris ? Plutôt bien. En lieu et place de l'habituel pointeur préside une sorte de cadran translucide. Sa fonction : gérer tous les gestes et les déplacements de Sam, à la manière d'une rosace, chacun de ses pétales esquisse avec une virtuosité certaine, c'est-à-dire sans éclipser la scène, tous les types d'actions que l'on peut accomplir. Une rotation de stick dans la bonne direction, suivie d'un clic, ordonnent ainsi à la jeune femme d'examiner d'un peu plus près sa besace mystère, à l'intérieur : un vaste fourre-tout où l'on distingue un couteau suisse, une cassette DV vierge, un paquet de cartes et... un manuel de magie. Il est vrai que l'on ne m'avait pas encore dit que Sam était prestidigitatrice dans le cil, et que son don se révélera bien utile quand viendra le moment de dénicher quelques belles poires pour son patron. Mais, au fait, de quelle expérience parle-t-on précisément ? Oh, trois fois rien. Si ce n'est que Styles est comme dirait obsédé par la mort de sa femme survenue il y a quelques années au cours d'un étrange accident. Et que le savant a l'intime conviction que le cortex humain, pourvu qu'il soit placé dans des bonnes conditions, peut communiquer avec les morts.
La suite des réjouissances me téléporte sur un terrain de chasse approprié, à savoir la cour intérieure d'un collège oxfordien. S'enclenche alors une cinématique qui, il faut le dire, n'en est pas vraiment une au sens strict. Dans la pure tradition des productions austro-allemandes, elle met en scène des personnages inanimés aux allures de croquis délavés comme on en voit parfois dans les romans-photos. Ce n'est certes pas d'un raffinement absolu, mais ça épouse assez bien le souffle sinistre volontairement expiré par le scénario. Bref, cette fois-ci Samantha fait face à une brochette d'ados pas encore remis de leur beuverie de la veille. L'un d'entre eux, semblant correspondre aux critères de sélection, a vite fait d'être convaincu du bien-fondé de l'expérience. Cependant il y a un obstacle : le jeune homme a récemment filmé une vidéo coquine d'une camarde qui n'a guère approuvé le canular. Laquelle, ayant réussi a lui subtiliser la cassette compromettante, possède désormais un moyen de pression à même de lui pourrir son cursus. Autrement dit, le canaillou n'acceptera le marché que dans l'hypothèse où Samantha parviendrait à récupérer les rushes. C'est là qu'intervient l'une des subtilités évidentes de Gray Matter : Sam demande poliment à la maître chanteuse de lui confier la bande. Et via un habile tour de passe-passe qu'il faut exécuter soi-même, la magicienne parvient à jeter sa cassette vierge dans les cendres brûlantes du barbecue... pour refiler en douce l'originale à son propriétaire ! Résultat : une étudiante vaguement froissée et un cobaye dans la poche, à coup sûr, la matière grise a de beaux jours devant elle !
Marginal sur nos consoles, le jeu d'aventure retrouve de l'allant avec le retour aux commandes de la reine du genre. Voilà qui est bon signe. Vivement une version finale, car ce jeu promet pas en ambiance et originalité.
(Source et images) :

tags :
posted the 09/02/2010 at 11:21 PM by
jeu75