Après Outlast et en attendant Silent Hills, le survival-horror continue de reprendre du galon sur cette nouvelle génération.
Resident Evil 4 fut un tournant dans la carrière de Shinji Mikami, papa relatif du survival-horror. Révolution pour la série, l'excellent épisode de la saga phare de Capcom fut également le chant du cygne pour le créateur qui, lassé de certains coups de crasse de l'éditeur, a préféré prendre son indépendance et trouver ses marques ailleurs. Après avoir joué du bon délire avec
Shadow of the Damned en collaboration avec Suda51 puis le très nerveux
Vanquish aux cotés de
Platinum Games, Mr
Bio Hazard revient maintenant à ses sources avec un titre imparfait, mais aux bases suffisamment solides.
The Evil Within vous propose d'incarner l'inspecteur Sebastian Castellanos, héros manquant cruellement de charisme qui, avec ses deux collègues, va se rendre à l'hôpital psychiatrique de Krimson City où vient d'avoir lieu un véritable massacre. Pas le temps de comprendre ce qui se passe qu'un mystérieux personnage brûlé sous capuche va vous sauter à la gorge, provoquant un trou noir. Vous vous réveillez alors accroché à l'envers dans une espèce d'abattoir où se promène une créature trop massif pour vos bras désarmés... et c'est alors que démarre un cauchemar d'une bonne quinzaine d'heures (on ne peut plus correct vu le genre), où va se mêler trip psychologique bien loin des meilleurs moments de
Silent Hill mais suffisamment travaillé et profond pour nous motiver à voir le final... et préparer une suite probable.
Si l'on devait résumer simplement cette production, on pourrait dire qu'il s'agit quelque part de
Resident Evil 4. Vous vous souvenez d'ailleurs qu'à l'époque de ce dernier, Shinji Mikami nous avait présenté avant l'heure deux versions (l'une dans la montgolfière, l'autre avec les esprits) avant de trouver la formule définitive que nous connaissons tous. Hé bien
The Evil Within, c'est un peu comme un troisième prototype qui contrairement aux autres serait arrivée à terme tant la ressemblance est frappante. Et d'ailleurs, Shinji Mikami ne se cache pas de refourguer des références à son ancienne licence, que ce soit l'introduction du premier « zombie » (si tant est qu'on peut appeler ces trucs ainsi), l'espèce de village ressemblant à RE4, les mallettes à armes également tirées de ce dernier, le coup du manoir... Et bien sûr, le désormais indispensable gros balaise armé d'une tronçonneuse qui, pour le coup, ne sera pas le seul à nous poser quelques problèmes.
Et le jeu lui-même se joue comme la fameuse fausse exclusivité GameCube. Caméra rapprochée à l'épaule, équipement complet mais qui ne tombe pas dans la folie (hors bonus de fin de partie), petits pièges sur le chemin, absence totale d'énigmes, incitation à tirer dans les jambes des ennemis pour qu'il s'écroule quelques secondes (sauf qu'au lieu de leur éclater la tête à coup de talons, on les brûlera avec des allumettes), adversaires qui à partir d'un certain moment du jeu possèdent des armes à feu, mixe plutôt bien foutu entre calme, pression, arrivée d'une horde et même le petit passage (toujours aussi HS mais bon) de la mitrailleuse montée... Bref, d'un bout à l'autre, on sent clairement la patte du créateur au point de se demander parfois si on est dans le clin d'oeil ou la facilité, qu'il reconnaît lui-même par la difficulté de renouveler un genre qui a quasiment tout offert. Mais le titre possède également ses propres atouts pour se démarquer.
The Evil Within et
Resident Evil 4 sont en fait les deux facettes d'une même pièce. Le second s'est davantage ouvert au genre action tout en gardant quelques notions du survival-horror, quand le premier reste bien plus ancré dans le retour aux sources en gardant une dose suffisante pour plaire à un vaste public. Tout dépend en fait du mode de difficulté choisi. Si vous optez pour le mode facile, l'expérience ressemblera vaguement au second cité, où l'on n'hésitera pas à sortir son arme pour affronter de face les différents ennemis autant que possible et constater que l'on peut ainsi finir le jeu avec une bonne dose de munitions et de flèches dans l'inventaire (sans spoiler : évitez d'ailleurs de garder expressément votre matos pour le boss final vu que ça ne servira à rien). En « normal », voir en difficile pour les plus téméraires, l'affaire se corse sérieusement. Les ennemis sont certes tout aussi nombreux mais beaucoup plus résistants, en plus de faire bien plus mal, obligeant à adopter autant que possible la voie de l'infiltration en vous glissant dans le dos de chaque ennemi pour lui asséner un coup de couteau dans le crane et ainsi garder vos précieuses munitions lorsque vous n'aurez vraiment plus le choix.
L'ambiance change ainsi totalement d'une difficulté à l'autre. Si en facile, les plus méticuleux n'auront que rarement l'occasion d'être stressé par une situation (hormis quelques ennemis invisibles et notre encapuchonné invincible capable de nous one-shot), cela devient bien plus ardu dans les autres modes, avec le besoin de rester parfois caché dans un pauvre meuble le temps qu'un attroupement de 3 ou 4 ennemis se séparent pour que l'on puisse s'occuper de chacun séparément. Malheureusement pour
The Evil Within, la formule est loin d'être parfaite. Presque maladroite pourrait-on dire. Et le principal problème concerne le gameplay. Shinji Mikami a souhaité opter pour une infiltration brute, donc sans la carte d'un MGS ou la possibilité de voir les silhouettes des ennemis proches comme le fait
The Last of Us. Pourquoi pas, sauf que ce genre de positionnement demande une visibilité importance, ce que le titre n'offre aucunement avec sa caméra très rapprochée et ses deux belles grosses bandes noires, rendant la tâche assez difficile pour entrevoir les obstacles proches (comme les foutues pièges) à moins d'avancer constamment à tâtons. Et encore vu la demi-douzaine de passages très axés die&retry.
Dans le même ordre d'idée, difficile de ne pas reprocher les problèmes aberrants au niveau du game design. L'idée des allumettes est excellente, mais il faudra expliquer comment un homme capable de porter en même temps tout un tas d'équipement (une flingue, un fusil à pompe, un sniper, une arbalète et son lot de munitions et kits de soin) n'arrive pas de base à faire rentrer plus de six allumettes dans sa poche. Pire encore quand on se rend compte qu'il est impossible de cramer un ennemi en utilisant notre torche ou que certains pièges ignorent totalement les allers-venues de nos adversaires. Mais il y a encore plus rageant avec un problème vieux comme le monde qui disparaît peu à peu mais nous revient parfois en plein visage sans prévenir. En effet, faute de carte et d'indicateur pour sa prochaine destination, il arrive parfois que l'on tombe dans des zones un chouïa plus ouvertes, voir de faire tout simplement face à un embranchement. Quel que soit le mode de difficulté adopté, le réflexe logique reste évidemment de tout fouiner pour ramasser un maximum de munitions et de soin. Sauf que si par malheur dans vos fouilles, vous ouvrez la bonne porte ou le bon portail sans justement savoir que c'était celui-là, le titre se poursuit et bloque tout retour arrière sans prévenir. Rare, mais très rageant quand ça arrive.
Ces multiples petits problèmes sont à rajouter à des graphismes loin d'être élogieux. Esthétiquement, le titre s'en sort avec les honneurs, particulièrement avec certains décors et les ennemis généralement réussis, mais les textures d'un autre âge (les décors urbains, à chaque fois décidément...) et le frame-rate très instable l'empêche de prétendre au statut de AAA. Notons que cela ne dérangera pas tout le monde, l'aspect un peu sale/crade et ce grain à l'écran (que l'on peut régler en passant) offre un certain cachet permettant de rattraper le bilan. Au final, au-delà d'un certain classicisme apparent, le titre peut au moins se permettre de briller sur le contenu. Une moyenne de 15h pour terminer le jeu une première fois sachant que comme souvent avec les jeux du créateur, la carotte est là pour nous motiver à y retourner : mode New Game + qui permet de conserver ses acquis dont la progression de notre personnage (amélioration de la santé, des armes, etc.), mode de difficulté supplémentaire, nouvelles armes (dont le lance-roquettes, mais non-illimité) sachant que l'on pourra en débloquer deux de plus en récupérant tous les fragments d'une carte de la ville. L'essentiel est là en somme, et on s'étonnerait presque de l'absence d'un équivalent au mode Mercenaries pour pousser la comparaison jusqu'au bout.
Note : Un Season Pass à 19,99€ vous permettra prochainement d'accéder à trois histoires supplémentaires, à raison d'une pour le Gardien que l'on incarnera, et deux autres pour notre collègue Julie Kidman.
Les plus | Les moins |
+ Pourrait presque être un reboot de Resident Evil
+ Une formule au poil
+ Gros travail sur l'esthétisme
+ Les boss
+ Le choix dans la difficulté, pouvant complètement changer l'approche
+ Bonne durée de vie
+ L'envie du second rush | - Graphiquement pas extra
- Doublage FR (moyen) imposé
- Faut aimer les bandes-noires
- Des problèmes dans le game design
- Les passages die & retry
- Trop Resident Evil ? |
Conclusion : The Evil Within, c'est un peu la seconde chance de Shinji Mikami, reprenant juste avant la fin de sa carrière chez Capcom pour offrir une sorte de Resident Evil 4 revu sur de nombreux aspects pour se rapprocher un peu plus du survival-horror. Le pari est réussi, même si un peu maladroit par moment, mais on en vient à souhaiter que Bethesda continue de laisser sa chance au créateur pour transformer un jour l'essai et offrir au genre un nouveau pilier qui, à l'instar de Mighty N°9 du coté de Inafune, fera comprendre à Capcom qu'il n'y a rien de bon à tirer d'une fuite des talents.