On va se mettre d'accord tout de suite, autant ne pas se voiler la face : avant Pong en 1972, le jeu vidéo n'existait pas. Alors oui, bien sûr, ce que je dis là est fondamentalement faux. Car les historiens du jeu vidéo et autres chercheurs ont découvert avec le temps que d'autres programmes et innovations technologiques s’apparentant plus ou moins à ce qu'on définit aujourd'hui comme du jeu vidéo ont vu le jour bien avant 1972. Plus ça va, et plus on arrive à creuser toujours plus profondément dans le passé. On est même parvenu à remonter jusqu'en des temps ancestraux : 1947, tient ! Où deux ingénieurs pour une société de fabrication de poste de télévision nommé Thomas T. Goldsmith et Estle Ray Mann déposent un brevet pour la Cathode-Ray Tube Amusement Device. Resté à l'état de concept et d'obscur schéma, le produit n'aboutira jamais. Dans les années 50, le concept de jeu vidéo n'existe pas, à la place, les ingénieurs et scientifiques préfèrent se questionner sur les interactions entre l'Homme et la machine, l'être humain et les premières intelligences artificielles misent au point. Particulièrement archaïques, les ordinateurs d'époque n'ont aucunement vocation de loisir. Sémantiquement et conceptuellement, le sujet divise. Certains préfèrent attribuer les honneurs d'être le tout premier jeu vidéo de l'Histoire à Tennis for Two de William Higinbotham, physicien au laboratoire de Brookhaven, aux États-Unis. D'autres pensent que le programme de morpion extrêmement simpliste datant de 1952, élaboré à l'aide de l'ordinateur EDSAC (Electronic Delay Storage Automatic Calculator, fabriqué à l'université de Cambridge en 1949) par Alexander Shafto Douglas est plus légitime. Le célèbre Tennis for Two ayant cet avantage pour lui qu'il permettait une interaction réelle avec le joueur car on pouvait tout simplement faire bouger un couple de pixel à l'écran en temps réel, via un bouton fixe et un autre rotatif pour simuler une frappe de balle et pour calculer l'angle de frappe.
Ici, pas question d'Atari, et encore moins de Nintendo, ou de SEGA. Le jeu vidéo, si tant est qu'on puisse appeler ce genre de programme informatique ultra prodromique ne sont en aucun cas des produits de consommation. Bien souvent sujet de recherche, tentative d'innovation conceptuelle et technologique, ou tout simplement travaux pratiques issus de l'esprit de quelques chercheurs et étudiants en informatique, plusieurs programmes ne dépasseront jamais l'état de l'essai et les frontières des enceintes universitaires où ils ont vu le jour. L'élite intellectuelle et scientifique de la planète créée et ''joue'' à des loisirs d'un nouveau genre sans même que l'immense majorité de l'Humanité n'en sache quoique ce soit. Autrement dit, avant 1972, le jeu vidéo n'existe pas. Pas même pour ces gens-là qui conçoivent ce qu'ils peinent encore à définir de toute façon.
1: William Higinbotham, auteur de Tennis for Tow
2: Ralph Baer, concepteur de la Brownbox et de la Magnox Odyssey, première console de jeu domestique de l'Histoire
Un peu plus tard, en 1962 naquit Spacewar, conçut par les chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Plus qu'un fond d'écran animé de quelques pixels qui s'entrechoquent, c'est son interactivité qui là encore le définit comme un jeu vidéo, bien qu'affreusement embryonnaire. Ses créateurs abandonnent les quelques deux cents lignes de codes (c'est... pire que dérisoire, comparé au jeu d'aujourd'hui, une quantité astronomiquement faible de lignes de code face à un jeu aussi complexe que The Witcher 3 par exemple) et divers informaticiens et étudiants le bidouillent à loisir. De ce code source seront extrait les essences de divers autres logiciels, jalons de l'histoire du jeu vidéo. Mais l'un d'entre-eux sera paradoxalement la ligne de départ d'une folle aventure, mais aussi probablement un des jeux les plus ''meh'' jamais fait, même à l'époque. En effet, de Spacewar s'inspire la borne de jeu Computer Space, programmé par le désormais célèbre Nolan Bushnell, pour le compte de la société Nutting Associates. Qu'il s'agisse de Tennis for Two, du Nought and Crosses (morpion) de 1952 ou de Spacewar, peu importe à qui on octroie la paternité véritable du jeu vidéo, on ne peut pas nier qu'aujourd'hui il demeure difficile, voire impossible de juger ces ''jeux'' sous l'angle du fun, de l'amusement, du gameplay tant ils sont archaïques. Conçu bien souvent à des buts de recherche, d’expérimentation, avant la quête du loisir, Computer Space également n'amuse guère. Bushnell n'est pas tout à fait un amateur, mais le produit qu'il livre à son commanditaire Nutting Associates passe inaperçu et ne remplit aucunement son rôle de jeu.
Bushnell le comprend tout à fait et en tire des leçons essentielles. Pour lui, le jeu vidéo doit se définir précisément avant toute chose. Si bien qu'il pense qu'un bon jeu vidéo, pour être considéré comme tel, doit procurer de l'amusement et surtout doit fonctionner selon des règles limpides, compréhensibles de tous. Comme tout bon jeu ou loisir, en somme. Comprendre les règles de physique qui régule l'utilisation d'un bilboquet ou d'un yo-yo n'est pas donné à tout le monde, par exemple. Mais n'importe quel enfant ou adulte sans aucune connaissance particulière peut s'amuser avec un bilboquet. Nolan Bushnell veut adapter cette évidence à un genre de loisir naissant : le jeu vidéo. Reprenant l'idée d'un jeu où on se renvoi une balle, modélisée sous la forme d'un pixel tout carré, à l'aide de deux raquettes rectangulaires, Bushnell double Ralph Baer, à l'époque ingénieur dans la société d’électronique à usage militaire Sanders Associates. Ce dernier songe depuis bien longtemps à un concept de machine de jeu facile d'usage, domestique, et reliée à un poste de télévision qu'il ne pourra mettre en place réellement et à des fins commerciales qu'en 1973 avec la Magnavox Odyssey. Encore une fois, on le verra un peu plus loin, Bushnell, qui a déjà profité de Spacewar, s'appuie sur les concepts qui ne sont pas tout à fait les siens pour gribouiller le schéma de ce que sera le fameux Pong.
Mais Pong lui-même n'a failli jamais voir le jour. Après avoir donné Computer Space à Nutting Associates, Bushnell pense à un jeu de course. La société de Moutain View en Californie (qui fermera en 1976) n'est pas très enthousiaste. Bushnell préfère aller voir ailleurs et fonde Syzygy avec son acolyte d'alors Ted Dabney. Ensemble, ils s'adressent à Bally, leader du marché tout jeune du jeu d'arcade aux USA, celui-là même qui deviendra Bally Midway après une fusion en 1981. Un deal est rapidement conclu. Syzygy a pour tâche de produire deux choses : un jeu d'arcade et une table de flipper électronique, un autre genre de produit phare dont Bally est leader. Bally - qu'on peut qualifier d'éditeur, même si ce terme n'est pas tout à fait utilisé à l’époque comme on l'entend aujourd'hui -, ne pose pas de problème à Bushnell quant au genre de jeu dont il doit s'agir. En contrepartie, Syzygy s'engage à fournir à Bally les droits de la licence du jeu afin de l'exploiter comme bon leur semblera. Comme budget, Syzygy a droit à 4000 $ de mise de départ (croyez-moi, à l'aube des années 70, dans un milieu juvénile comme le jeu vidéo, c'était une belle somme...), tout juste de quoi engager un programmeur du nom d'Allan Alcorn pour seconder Dabney et Bushnell dans l'élaboration du jeu.
3: La campagne publicitaire de Computer Space était... lunaire, une autre époque !
4: La Magnavox Odyssey et son packaging d'origine
Juin 1972, Alcorn rejoint donc les rangs de Syzygy, la société change de patronyme et devient Atari, la légende est en marche. Alcorn commence par étudier le concept vidéoludique et technologique de Computer Space. Très vite, il en conclut que si le jeu n'est pas fameux d'un point de vue purement ludique, constat que partage sans honte Bushnell lui-même, il note que le circuit imprimé et l’électronique du produit est intéressante. Mais complexe, bien trop à son goût. Bushnell comprend que Alcorn semble avoir des idées derrière la tête et il lui confie un petit exercice, juste histoire de voir s'il a réellement les épaules pour en faire un collaborateur digne de ce nom. Bushnell se souvient d'une présentation publique à laquelle il avait assisté en mai 1972, à peine un mois avant d'embaucher Alcorn et de donner le nom d'Atari à sa société. Lors de cette présentation, il avait pu voir la Magnavox Odyssey de Ralph Baer et en se procurant une partie des plans de conception d'un jeu de démonstration de ping-pong tournant sur cette machine, il demande à Alcorn de reproduire cela. Il a comme seule exigence de pouvoir afficher le score à l'écran. Nous verrons un peu plus bas que Alcorn a été bien au-delà de ce simple objectif. Pour motiver Alcorn, Bushnell ment et prétend qu'Atari a décroché un juteux contrat avec General Electric et que Atari doit concevoir un modèle de machine de jeu destiné à percer le marché domestique pour concurrencer la Odyssey de Magnavox. Chose qui sera bien entendu fausse.
Al Alcorn se met donc au travail. Seul, et durant trois mois, il programmera ce que sera Pong. Tout d'abord, il parvient à insérer les scores sur l'écran, afin d'y ajouter une touche de ludisme et de compétitivité entre joueurs comme le voulait Bushnell. Mais très vite, Alcorn fait parler sa fibre de concepteur et laisse aller ses propres idées pour améliorer fondamentalement le côté ludique de son soft. Il ne se contente plus d'être un simple programmeur qui met les mains dans le cambouis électronique, mais il devient aussi game designer, quand bien même ce terme n'existait pas encore à l'époque. Ainsi, il programme les raquettes de Pong d'une certaine façon, afin d'ajouter de la profondeur au jeu. En effet, les raquettes sont composées de huit parties. Selon sur quelle partie la balle rebondit, elle adoptera une trajectoire et un comportement différent, ce qui améliore le réalisme (tout est relatif, en 1972) du jeu, et peut implémenter une petite touche de stratégie pour les joueurs endurci. Alcorn programme une petite routine pour automatiser le processus, ce qui ajoute une plus-value ludique indéniable et une facilité d'utilisation supplémentaire face au jeu de ping-pong de la Magnavox Odyssey. En effet, car sur ce dernier, un bouton servait à orienter la balle mais ce n'était pas très fiable ni très intuitif.
5: De gauche à droite, Ted Dabney, Nolan Bushnell, Fred Marincic (le directeur financier d'Atari à ses débuts) et Al Alcorn
6: Pong, on ne le présente plus...(quoique, c'est ce que je fais ici en fait )
Seconde innovation et non des moindres, Alcorn programme la vitesse de la balle pour que celle-ci augmente au fur et à mesure ! À chaque point marquer, la vitesse passe au stade supérieur, augmentant ainsi le challenge en proportion. Dans le même ordre d'idée, si un échange dure trop longtemps sans qu'aucun des deux joueurs ne parviennent à marquer, la vitesse augmente aussi afin de mener un des deux joueurs à la faute et ainsi débloquer le compteur de point. Cela ne paraît rien aujourd'hui, mais à l'époque, c'était un des fondements de compétition et du jeu au sens strict du terme que Pong a amené au grand public. C'est cela qui a bel et bien définit le jeu vidéo. Pour faire durer les échanges un peu plus que quelques secondes, et ainsi jouer avec la concentration du joueur, Alcorn programme des murs invisibles sur le bord de l'écran pour que jamais la balle ne puisse sortir du terrain de jeu, contrairement au jeu de l'Odyssey. Enfin et pour finir, il inclut un canal audio pour générer des petits bips rudimentaires à chaque interaction avec la balle. C'est sommaire, préhistorique, mais rien que cela suffit pour faire de Pong un produit résolument innovant.
Pong est né. Sauf que, tout ça est destiné à être jeté à la poubelle. Eh oui, souvenez-vous, Bushnell a confié cette tâche à Alcorn comme une épreuve d’ingénierie, afin de jauger ses compétences. Tout cela n'est qu'une démonstration et en soi, le projet ne servira à rien d'autre. Aux yeux de Bushnell en tout cas, qui garde en tête son jeu de course rejeté par Nutting Associates. Ted Dabney, qui se rend compte que le programme de Alcorn a de l'avenir et a de toute évidence un plus comparé à tous les autres produits de ce jeune secteur, décide de soutenir le projet Pong. Dabney fabrique un monnayeur électromécanique tandis qu'Alcorn peaufine le circuit imprimé et fabrique un coffrage en bois afin d'y insérer la plaquette de piste gravée et de résistance en compagnie d'un écran de télévision. Une borne d'arcade fait main, en somme ! Bushnell doit se rendre à l'évidence, le projet est intéressant et il serait dommage de tout jeter aux orties sans tenter le coup. Pour essayer avec prudence l'impact du produit, la première borne de Pong est placée dans le café Andy Capp's Tavern à Sunnyvale, en Californie. Toujours dans l'optique que le jeu doit être accessible au plus grand nombre, Bushnell demande à Alcorn de rédiger une notice d'utilisation qui prendra la forme d'une petite plaquette fixée à même le bois de la borne, avec ceci d'inscrit : « Avoid missing ball for high score ». Difficile de faire plus limpide que cela.
Évidemment, comme tout success-story naissante, cela ne fonctionne pas d'enfer au tout début. C'est un peu comme le calme plat avant la tempête. Mais quelques jours plus tard, la légende dit que Bushnell recevra un appel alarmiste du gérant du bar où a été déposée la borne de Pong. En effet, elle est en panne ! En seulement quelques jours, la technologie de Alcorn serait-elle si défaillante que cela ? Après vérification, il s'avère qu'en réalité, c'est le monnayeur électromécanique qui était bloqué car trop de pièce de vingt-cinq cents (le coût d'une partie) ont été insérées dedans, traduisant ainsi le fulgurant succès du produit ! Cette histoire, on n'a jamais réellement su si elle faisait partie de la belle légende d'Atari ou si c'était véridique, mais qu'est-ce qu'on aime se la raconter, entre passionnés de jeu vidéo, de tout âge et de tout horizon ! Le patron du Andy Capp's Tavern commente de façon décalée qu'il n'avait jamais vu ça. Son établissement était fréquenté par dix fois plus de joueurs qui se donner rendez-vous pour s'exercer à Pong plutôt que pour boire une bière ! C'est extrêmement encourageant, tout cela, mais les péripéties pour Atari et Pong ne s'arrêtent pas là !
Quelques temps plus tard, la borne tombe en panne. Pour de vrai, cette fois-ci. Les boutons potentiomètres (des boutons rotatifs dont on se sert par exemple pour régler le volume de son d'une radio ou d'un ampli) bas de gamme servant à déplacer les raquettes sont défectueux. Alcorn convainc Bushnell de les remplacer, grâce au petit bénéfice effectué sur le succès croissant du jeu, avec du matériel de qualité militaire, garanti par son fabricant à vie ! Il est trop bête de s'arrêter en si bon chemin. Le trio fabrique à la main une douzaine de bornes supplémentaires pour les implanter dans les cafés et bars des environs. Ils rencontreront autant de succès que la première. L'argent arrive et l'année 1972 continuera d'être chargée en évènements pour Atari. Tout d'abord, Bushnell s'en va voir Bally, qui, il faut s'en souvenir, à financer le début de l'aventure et a passé commande à Atari d'un jeu d'arcade et d'une table de flipper électromécanique. Bushnell ment sur les bénéfices du jeu qu'il prétend être très faibles, et Bally s'avère être déçu du résultat de Pong, pensant le jeu pas extrêmement impressionnant et encore moins amusant. Bushnell prend alors un très gros risque car peu importe le succès qu'aura Pong, contractuellement et légalement, le produit appartient à Bally et l'argent qui a été investi pour le produire doit leur revenir, avec bénéfices et intérêts à hauteur des termes du contrat. La success-story pourrait brutalement s'arrêter pour tout le monde et faire moisir Bushnell et ses comparses en prison. Bushnell tente un ultime coup de poker et demande à Bally de leur rendre les droits concernant Pong, étant donné que le produit est décevant et soi-disant instable, commercialement parlant. Ce à quoi Bally, après quelques temps de réflexion, répond par l'affirmative. Bally libère Atari de son contrat et cède les droits de Pong à leurs créateurs. C'est un virage décisif, sur une simple décision et un coup de bluff qui en soi n'a rien d'illégal, Bally est passé à deux doigts de gagner des millions de dollars et de devenir le précurseur du jeu vidéo.
Atari lance dès lors la véritable production en série de bornes d'arcade Pong. 50 exemplaires de bornes sont commandés à un artisan local tandis que Al Alcorn, décidément plein de ressource, démontre qu'en plus d'être un génial programmeur et un concepteur avisé, il est aussi un homme d'affaire malin. En effet, si Pong doit être produit en masse, il sait que les coûts de production seront élevés. Si la bonne fortune était au rendez-vous pour une douzaine de bornes, il ne sait pas s'il en sera de même pour plusieurs autres disséminées à travers plusieurs États des USA. Aussi, il modifie son schéma de construction, sélectionne quelques composants de rechange et supervise lui-même auprès de l'artisan la fabrication des nouvelles bornes afin de contrôler les coûts, ce qui plaira à Bushnell. Malgré cela, Ted Dabney doit piocher dans ses économies personnelles pour acheter cinquante téléviseurs Hitachi afin d'assembler les bornes. Les retombées financières tardent un peu à arriver mais finalement, c'est près de 4000 $ de de revenu hebdomadaire qui tombent dans les caisses d'Atari. C'est une somme très confortable, surtout pour un projet qui part de rien et qui semblait très risqué.
En parallèle de cette expansion, l'Odyssey de Magnavox sort, chapeautée par Ralph Baer qui on le rappelle a eu l'idée d'une machine de jeu domestique dans les années 60 avec son prototype Brownbox. Au début, là encore, cela ne marche pas très fort. Les machines sont vendues exclusivement dans les enseignes de la marque Magnavox, si bien que le public, déjà peu coutumier de ce genre de produit, pense à tort que l'Odyssey ne fonctionne qu'avec des téléviseurs de marque Magnavox, ce qui est bien entendu faux. Cette simple erreur de communication freinera les ventes de la machine pendant un certain moment. Dans le même temps, Magnavox et Ralph Baer porte Atari en justice, les accusant de vol de brevet et de plagiat, arguant qu'un jeu extrêmement similaire à Pong a déjà été conçu auparavant par Baer et ses collègues dans les années 60. Et tout cela est vrai, puisque Nolan Bushnell a eu l'idée de Pong en ayant vu un jeu similaire en démonstration sur l'Odyssey lors d'une présentation publique, plus tôt en 1972 ! Le bougre y a même laissé sa signature et un mot d'encouragement sur le livre d'or de la société, laissé aux abords du salon afin de recueillir les impressions du public, ne laissant ainsi aucun doute sur la connaissance de Bushnell d'un tel concept de jeu. Dernière preuve et non des moindres, un document officiel de design daté du 18 octobre 1968 appartenant à un ingénieur du nom de Bill Rusch est utilisé pour prouver que le concept de Pong n'est pas tout neuf. Bill Rusch était sous les ordres de Ralph Baer à l'époque, et ce document de design concerne un concept de jeu électronique de... ping-pong.
Magnavox sort vainqueur du procès et Atari est contraint de verser des indemnités. Mais qu'importe, l'Histoire est déjà en marche, les bénéfices croissants de Pong aux quatre coins des États-Unis renflouent les caisses d'Atari et malgré les quelques cent mille machines vendues (ce qui pour l'époque est déjà énorme), Magnavox ne gagnera jamais autant d'argent qu'avec les royalties (un faible pourcentage) qu'Atari leur verse. Ce qui veut dire que malgré une fin de procès en la faveur de Magnavox, Atari continue de gagner beaucoup plus d'argent que son rival, un comble !
7: Al Alcorn s'est toujours montré affable et volubile lors de ses nombreuses interviews !
8: Lors de la Game Developers Conference de 2018, Nolan Bushnell devait recevoir un titre récompensant l'ensemble de sa carrière. Mais le mouvement #metoo égratigna son image en rapport à des gestes déplacés et des accusations datant des années 70, il n'aura jamais la récompense prévue...
Pour autant, Bushnell n'a pas toujours été le cow-boy du jeu vidéo, prompt à discourir et argumenter comme un prince sur les produits de sa société pour les vendre. En effet, c'est peu après avoir reçu les cinquante nouvelles bornes de Pong que Bushnell réalise la folie dans laquelle il s'engage avec Atari. Dans le petit entrepôt qui été le leur à l'époque, Bushnell tourne en rond et fini par s'enfermer dans son bureau. Ted Dabney voit son collègue et ami se décomposer. « Vends ces trucs ! » hurle-t-il. Bushnell n'est plus très sûr du bienfondé de son entreprise. Et si les premières bornes de Pong avaient été vendues sur un coup de chance ? Et si la popularité du jeu n'était qu'éphémère ? Et si le jeu vidéo n'était rien d'autre qu'une passade destinée à mourir anonymement dans quelques mois ? À la fin de cette journée, Bushnell sort de son bureau. Après quelques coups de téléphone, il réussit à vendre trois cents bornes de Pong. C'est une phénoménale performances qui marque les débuts d'un triomphe aussi fulgurant que dangereux. Atari contracte un prêt bancaire pour faire face à la croissante demande en borne d'arcade, des employés pour monter les bornes sont embauchés et la place vient à manquer. Un salarié d'Atari suggère qu'ils prennent possession des locaux situés juste en face de leur bâtiment actuel, bien plus vaste et surtout libre puisque l'entreprise qui y siégeait auparavant a été délocalisée. La légende raconte que Dabney aurait fait un trou dans le mur du bâtiment à la scie pour entrer par effraction, déverrouiller les portes et ainsi faire entrer ses employés et son matériel. Et ce n'est que plus tard qu'il aurait contacté les propriétaires du bâtiment pour les dédommager et pour finir racheter les lieux !
C'était une époque où tout pouvait se faire d'un claquement de doigt, d'un coup de tête, en traversant la rue, facilement et sans crainte. C'était une époque où les coups de folie côtoyaient le génie, où le risque s'apparentait à l'aventure et où le bluff confinait à la réussite.
La fortune aidant, cela fait grand bruit aux États-Unis. Très vite, des dizaines de jeux qu'on qualifiera de clone font irruption sur le marché. D'habitude, Alcorn, devenu ingénieur en chef d'Atari, ainsi que ses équipes de programmeurs et d’électroniciens reçoivent des circuits imprimés de Pong défectueux, mais ils reçoivent désormais de plus en plus de copies qu'ils ne reconnaissent pas. Faute de structuration adéquate et d'informations officielles, bon nombre de bars et autres établissements de jeu commencent à acquérir des bornes de jeu pirate se faisant passer pour le Pong d'Atari, et ainsi, lorsque ces jeux deviennent défectueux, les tenanciers de cafés et de salles de jeu mal informés renvoi le tout chez Atari. Bushnell doit se rendre à l'évidence, Pong est plagié de tout part, comme lui-même, en quelque sorte, à plagié le concept de la machine de Magnavox et de l'idée de jeu de Ralph Baer ! Alcorn relativise avec philosophie : « On produisait déjà autant de machine qu'on pouvait, après plusieurs accroissements successifs de main d’œuvre. Mais la demande n'arrêtait pas de grossir. Ces gars-là sont arrivés pour combler un manque... ». Bushnell, tout d'abord hors de lui, finit par accepter. Paradoxalement, ce phénomène de plagiat massif fait le jeu d'Atari. Ainsi, le jeu vidéo progresse, devient un loisir de plus en plus ouvert au public et le marché gagne de semaines en semaines en intérêt. Le désir des gens est attisé, la curiosité de ceux qui d'ordinaire exprimaient du mépris ou du désintérêt pour les appareils électroniques augmente. Le fabuleux empire du jeu vidéo prend possession des USA, puis du monde entier.
Quelques trente mille bornes vendues plus tard, Pong est le véritable départ du jeu vidéo. Bien au-delà des quelques expérimentations d'universitaires et concepts injouables de scientifiques cloîtrés dans leurs laboratoires, Pong devient un objet de la pop culture.
Quant à Bushnell, il en vient à la conclusion que pour éviter de laisser filer ce juteux marché, et pour lutter contre la concurrence affamée, il convient d'innover. Atari s'apprête à développer d'autres jeux qui marqueront à leur tour l'Histoire et rapporterons des tonnes de pognon... mais de tout cela, nous parlerons dans un autre article.
Voici enfin le nouveau format d'article que vous pourrez trouver sur Retro Gamekyo, un récit sur des jeux généralement très vieux et impossibles à noter objectivement aujourd'hui car trop archaïques, mais qui renferment bien des secrets toujours intéressants à apprendre ! Évidemment, les retro test classiques avec notation seront toujours présents.
J'espère que vous apprendrez plein de chose et que vous aurez plaisir à lire tout ça
C'était une époque où tout pouvait se faire d'un claquement de doigt, d'un coup de tête, en traversant la rue
c'est toujours le cas qu'il a dit l'autre.
Sinon, c'est fou de se dire que quasiment personne aujourd'hui n'a touché à ce monument. Moi-même, j'ai pas souvenir d'avoir fait un "Pong", autrement ptéte que dans un mini-jeu de Wario Ware.
Ah cool ! Plus qu'à poser ma journée entière pour profiter pleinement de ce pavé qui, je n'en doute pas, sera très instructif
Bon en vrai je vais mettre ça de côté avant de pouvoir le lire tranquillement plus tard
Mais effectivement, quoi de mieux que de commencer une série de rétroportages par le plus illustrissime ancêtre des jeux vidéo ? Comme Shanks je dois l'avouer, je ne crois pas avoir eu l'occasion d'y toucher de près ou de loin... quoique, peut-être dans une exposition sur l'histoire du JV. En même temps, ça ne me manque pas
gunstarred le nom de Midway parle à la plupart des joueurs aujourd'hui, malgré sa mort, mais celui de Bally en revanche qui en vérité n'a pas eu une carrière folle dans le jeu vidéo... Faut vraiment être un vieux schnok pour avoir connu
J'ai jamais eu la console, trop jeune. Mais excellente idée pour le coup. Je vais télécharger l'article et le mettre en format book, comme ça je pourrait lire du taf.
Voici enfin le nouveau format d'article que vous pourrez trouver sur Retro Gamekyo, un récit sur des jeux généralement très vieux et impossibles à noter objectivement aujourd'hui car trop archaïques, mais qui renferment bien des secrets toujours intéressants à apprendre ! Évidemment, les retro test classiques avec notation seront toujours présents.
J'espère que vous apprendrez plein de chose et que vous aurez plaisir à lire tout ça
Vivement un remaster
C'était une époque où tout pouvait se faire d'un claquement de doigt, d'un coup de tête, en traversant la rue
c'est toujours le cas qu'il a dit l'autre.
Sinon, c'est fou de se dire que quasiment personne aujourd'hui n'a touché à ce monument. Moi-même, j'ai pas souvenir d'avoir fait un "Pong", autrement ptéte que dans un mini-jeu de Wario Ware.
Bon en vrai je vais mettre ça de côté avant de pouvoir le lire tranquillement plus tard
Mais effectivement, quoi de mieux que de commencer une série de rétroportages par le plus illustrissime ancêtre des jeux vidéo ? Comme Shanks je dois l'avouer, je ne crois pas avoir eu l'occasion d'y toucher de près ou de loin... quoique, peut-être dans une exposition sur l'histoire du JV. En même temps, ça ne me manque pas
Keep up the good work !
J'ai adoré, je ne savais pas qu'à la base cette une demande de Bally.
Je m'en souviens encore
gunstarred le nom de Midway parle à la plupart des joueurs aujourd'hui, malgré sa mort, mais celui de Bally en revanche qui en vérité n'a pas eu une carrière folle dans le jeu vidéo... Faut vraiment être un vieux schnok pour avoir connu