Entre 1989 et la moitié de la décennie suivante, nombreux furent les jeux à s'auto-proclamer (ou pas du tout) le ''Shadow of the Beast-killer'' sur Amiga et sur les autres micro-ordinateurs. Beaucoup ont essayé et assez peu d'entre eux ont réussi à surpasser le titre original. Tandis que le studio Reflections exploita sa nouvelle poule aux œufs pour finir par, au mieux, ne pas réitérer l'exploit du 1er de la trilogie Shadow of the Beast, au pire voir la qualité de la série terminer en chute libre et lasser le public. Aussi, ce ne fut pas véritablement le but de la petite équipe franco-belge d'Ordilogic que de venir défier le roi sur ses terres. C'est en effet volontiers les médias qui ont déclaré Unreal comme le soft qui déboulonnera de son rang de must have dans le genre Shadow of the Beast. Mais qu'en est-il réellement ?
Le scénario d'Unreal est digne des fresques homériques ou des contes intemporels issus de mythologies. Même s'il n'est pas tant que cela exposé au sein du jeu, le déroulé de l'aventure et la succession des niveaux prennent tout leur sens quand on prend la peine de lire la notice du soft, décrivant une formidable légende. Voyez plutôt : le Dormeur, créateur de toute vie dans l'univers se réveille au terme d'un long sommeil, un peu à la manière du dieu Beerus dans Dragon Ball Super, bien que ses fonctions ne soient en aucun cas identiques. Le Dormeur, comme le veut la coutume, une fois éveillé, envoi aux frontières de l'univers connu sont fidèle serviteur Fragor afin qu'il y apporte la vie et une partie de son essence divine. Fragor échoue alors sur la planète Unreal et ne tarde pas à y développer la vie grâce aux pouvoirs des quatre œufs élémentaires représentant le feu, l'eau, la terre et l'air. Pour équilibrer cela, il fait appel à deux gardien censé harmoniser l'influence du Bien et du Mal sur Unreal. Enfin, tout cela, c'est si la procédure s'était déroulé convenablement. Malheureusement, Fragor n'aura jamais le temps d'accomplir son devoir car en arrivant aux abords d'Unreal il est percuté par une comète. Ses immenses pouvoirs se répandent sur Unreal de façon anarchique, les éléments s'organisent mal et mélange leurs propriétés sans aucune logique, créant une vie contre nature sur Unreal. Les deux gardiens quant à eux ne sont pas bienveillants, l'équilibre ne leur importe pas le moins du monde, ils luttent l'un contre l'autre pour la souveraineté d'Unreal, perpétuant ainsi le Chaos. Mais un havre de paix est épargné par le désordre sur Unreal, une vallée où les œufs de la vie se sont déposé afin de créer une race d'être vivant. C'est au sein de ce fragile paradis que naquirent Artaban et Isolde qui vont rencontrer Dracus, un dragon cuivré venant chercher refuge dans la vallée. Se liant d'amitié car Dracus était de nature noble et protecteur, ils eurent une vie paisible jusqu'au jour où Isolde, compagne d'Artaban fut kidnappée par le suppôt d'un des gardiens. Ce dernier lui fit du chantage. En échange de ses fiançailles avec la barbare, il épargnerait la vie dans la vallée et laisserait Artaban et Dracus en paix. Le mariage entre le gardien et Isolde se tiendra donc dans vingt et un jour, ce que Dracus apprit et s'empressa de rapporter à Artaban. Le premier acte de ce dernier eut été de rencontrer un mage autrefois déchu par le Mal afin d'obtenir une épée magique et les connaissances nécessaires pour vaincre les forces magiques du gardien. Puis en chevauchant son fidèle ami Dracus, Artaban parti à l'assaut des contrés du gardien, bravant les quatre éléments aussi dangereux que nécessaires à la vie.
Vous l'aurez compris, le scénario d'Unreal est étonnamment étoffé, et je n'ai même pas eu besoin de faire l'effort de romancer le tout, c'est déjà suffisamment riche dans la notice du jeu. Même si le gros de cette fantastique fresque fait partie du passé, le jeu nous faisant vivre qu'une petite partie de cette immensité chronologique, il est de bon aloi de noter que Jean Luc Wilgaut a prit soin d'élaborer une mythologie, des dieux, des évènements et des pouvoirs régissant tout cela avec passion. Pour un jeu d'action et d'aventure, c'est relativement inédit et d'autant plus en 1990 où le genre Arcade était encore roi. Les canons du jeu vidéo d'époque imposaient un plaisir immédiat et des jeux fun avant d'être immersifs ; si bien que hormis les RPG, très peu de jeux faisaient l'effort de proposer un réel background, qu'il soit documenté dans une notice ou pas.
Ça, c'est si vous aviez eu la patience de lire la notice du jeu au moment de votre achat, chose qu'on faisait certainement lors du retour de magasin, à l'arrière de la voiture. On l'a tous fait . La seconde chose qui frappe lorsque l'ont fait l'acquisition d'Unreal sur Amiga, c'est sa splendeur. Qu'on soit clair, je crois n'avoir jamais employé de terme aussi fort pour décrire les graphismes d'un jeu oldie sur Retro Gamekyo. Unreal est tout bonnement effarant, toujours en considérant qu'il s'agisse d'un jeu de 1990 et à fortiori développé sur un Amiga 500. Hardware déjà dépassé en ce début de décennie par les plus sophistiqué Amiga 3000, commercialisé en juin 90. L'intérêt d'Unreal vient non seulement de son inspiration purement artistique très intéressante mais aussi du tour de force sensationnel que les programmeurs (Yann Robert et Yves Grolet) ainsi que les graphistes (Franck Sauer accompagné de Marc Albinet) ont sut réaliser. Le jeu ne manque pas d'ambition et si au départ il n'était censé être qu'un simple jeu d'aventure en 2D, Marc Albinet avance une idée saugrenue mais terriblement enthousiasmante : « Lorsque j'ai intégré l'équipe après avoir terminé le développement de mon jeu précédent avec Ubisoft : Illyad, la partie 2D d'Unreal était déjà initiée. Le barbare et les thèmes fantastiques étaient directement repris de l'heroic-fantasy que nous apprécions tous à l'époque. C'est alors que j'ai avancé l'idée d'incorporer un niveau en 3D car à cette époque, le jeu Galaxy Force 2 m'avait beaucoup impressionner et comportait des parties où on contrôlait un vaisseau spatial au dessus d'un océan de lave en fusion. Ce concept de phase 3D a fait l'unanimité et nous avons dut séparer l'équipe en deux afin que l'on s'occupe en parallèle de la phase 3D et de la phase 2D. » Ainsi, Marc et Yves eurent la lourde tâche de créer les niveaux façon shoot them up en 3D tandis que Franck et Yann durent s'atteler à la non moins ardue tâche de donner vie aux phases 2D.
Le jeu s'ouvre sur ce genre de séquence 3D à dos de dragon époustouflante. Ce qu'il faut savoir, c'est que le hardware de l'Amiga 500 ne permettait pas réellement ce genre d’esbroufe. La 3D de Doom par exemple ne pouvait pas être gérée en tant que tel sur un Amiga. Ce qui obligea Marc Albinet à dessiner pixel par pixel plusieurs éléments susceptibles d'entrer en interaction avec le joueur et ceci selon différentes proportions pour simuler l'effet de zoom et de mouvement vers l'avant. Si cette technique, dite du sprite scalling existe depuis la nuit des temps dans le jeu vidéo (Pole Position, 1982), c'est surtout les hits de SEGA tels que Space Harrier (1985), Out Run (1987) ou encore Galaxy Force ( 1988 ) qui la popularise. Le fameux Mode 7 de la Super Nintendo est d'ailleurs une adaptation hardware de ce genre de procédé toujours épatant à l'époque. Marc explique : « Je me souviens que j'utilisais Deluxe Paint (ND Anakaris : un célèbre et performant logiciel de dessin créé par Electronic Arts et intégré dans l'OS de l'Amiga), je dessinais à l'échelle le sprite d'un élément. Puis lorsque j'étais satisfait, je reproduisait ce même sprite une vingtaine de fois en déclinant la taille de plus en plus. J'obtenais ainsi une animation de zoom et de dezoom sur le sprite en question. Une fonctionnalité de Deluxe Paint me permettait d’enclencher une animation pour voir en temps réel le résulta final. Ça m'aidait à ajouter une taille de sprite intermédiaire entre deux séquences si jamais l'animation finale paraissait trop saccadée. »
C'est bien joli tout ça, mais est-ce que l'ajout de quelques séquences en 3D, aussi impressionnantes fussent-elles, suffisaient à déclarer Unreal comme le Shadow of the Beast-killer ? Probablement que non, qu'à cela ne tienne, le soft de Reflections s'est fait connaître par son scrolling parallaxe incroyable, alors Unreal fera mieux, bien mieux ! Le ciel de ses phases de shoot 3D est en effet généré en pseudo 3D parallaxe. Jusqu'à cent lignes de scrolling différentiel sont affichées avec pour la plupart une subtile variation de couleur afin de sans cesse donner cette impression de profondeur, de mouvement. C'est non seulement très beau à regarder, cela donne un puissant aspect poétique et fantastique au visuel du jeu, mais c'est également une prouesse purement technique incroyable quand on sait que le maître en la matière (devinez qui...) ne produisait ''que'' treize de ces lignes de scrolling différentiel pour illustrer son arrière plan.
Les connaisseurs du hardware Amiga auront alors tilté, car sur cent lignes de scrolling différentiel, il est normalement impossible de leur donner à chacune une couleur unique. La plupart des jeux utilisaient une palette déjà assez étoffée de 32 couleurs, mais l'Amiga était capable d'en utiliser 64 via un coprocesseur optionnel nommé Copper. Le Copper permettait ainsi d'échanger une couleur à une autre en une micro-seconde sur un pixel précis afin de donner l'illusion qu'un sprite change de couleur alors qu'il est en mouvement. Si théoriquement, cela engrange quelques très légers scintillements, le temps que l'information numérique passe d'un processeur à un autre, en réalité, l’œil humain ne peut presque pas discerner ce scintillement tant il est bref. L'illusion est donc parfaite, on a réellement l'impression de voir un ciel flamboyant de mille couleurs différentes défiler sous nos yeux de façon totalement fluide !
La partie 2D n'est pas en reste, bien que plus classique. Elle est principalement assurée par Franck Sauer, le graphiste déjà compagnon de Marc et des autres sur des titres comme Ironlord sur Commodore 64. Le ciel reprend la technique de dégradé de couleur exposée plus haut, mais les décors naturels sont l’œuvre du natif de Charleroi (Belgique). Les niveaux 2D enchanteurs, à base de forêts denses et verdoyantes, de ruisseaux d'eau limpide, de vastes étendues enneigées et de sombres enceintes de château sont parmi les plus beau que nous ai donné l'Amiga. Sans conteste, le niveau enneigé fait parti des plus beaux décors 2D jamais vu dans un jeu vidéo, du moins dans les années 80 et 90.
Non seulement les sprites sont gros et détaillés, mais l'assemblage de tous ces sprites donnent à la nature dépeinte dans Unreal une apparence très réaliste. Les arbres ne sont pas parfaitement alignés comme sur un quadrillage millimétré (ce qui aurait donné un aspect artificiel), et les monticules d'herbe ou de glace sont difformes, ils ne paraissent pas réguliers et donc à fortiori sonnent très authentiques. Cela ne paraît pas grand chose, mais pour l'époque, c'était un véritable travail d'artiste. Le graphiste devait avoir conscience du level design et de la cohérence du panorama qu'il devait réaliser pour rendre la copie la plus belle et en même temps la plus jouable possible. Pour s'aider, Franck Sauer a évidemment réalisé quelques sketch préliminaires au crayon à papier, un peu comme un storyboard lorsqu'on produit un film ou une séquence de dessin animée. Il pouvait ainsi visionner sur un seul plan toute l'étendue du niveau qu'il devait ensuite modéliser avec des pixels. Mais plus ingénieux encore, il a mis à contribution Yann Robert qui devait prendre la pose sur différentes photographies en milieux naturels, ceci afin de donner une idée à Franck des proportions personnages-décors. La composition (dispositions des arbres, des rochers...) et la colorimétrie de ces photographies furent également une bonne source d'inspiration afin de produire des décors de pixel aussi magnifiques que ceux d'Unreal.
La qualité graphique époustouflante (à force de le répéter, je crois que vous aurez saisi le message) du titre transpire à chaque minutes de jeu. Même entre les niveaux, Franck Sauer s'est adonné à l'illustration d'incroyables saynètes en image fixe toujours en usant de cette formidable palette de 64 couleurs. Mieux encore, l'image de fin, certes fixe là encore vaut bien toutes les séquences animées de fin au monde au vu de sa beauté. Le mode HAM (Hold and Modify) typique de l'Amiga fut utilisé pour cette illustration. Mode graphique qui a fait la renommé de l'Amiga, par exemple dans la numérisation de photographie à l'époque considérée comme photoréaliste, ce mode est capable d'afficher jusqu'à 4096 couleurs différentes. Le plus souvent de façon fixe bien entendu (animer une image avec autant de couleurs est de l'ordre du sisyphéen ! ). Sans conteste, Franck Sauer maitrisait intégralement les possibilités graphiques de l'Amiga.
Face à une telle avalanche de superlatifs, il y a de quoi attraper le vertige. Pourtant, si on chipote un peu (beaucoup), on peut éventuellement énumérer quelques bémols. À commencer par la lourdeur de notre personnage. L'arborescence de couleur et la richesse des décors alourdissent probablement l'affichage ce qui se traduirait par le ralentissement d'animation de déplacement du héros, ça reste compréhensible. Les jeux modernes souffrent toujours de ce genre de problème et c'est un choix perpétuel difficile à assumer pour les graphistes et concepteurs de jeu vidéo. Choisir entre définition graphique pure et fluidité d'animation est lourd de conséquence, notamment pour le gameplay. Ici, les moins patients et les moins réceptifs à la beauté graphique d'Unreal ne retiendront qu'un gameplay un peu trop lourd et un personnage trop peu maniable pour donner du plaisir au joueur. Aussi, certaines animations comme lorsque Artaban donne des coups d'épée semblent timides. Dans d'autres jeux, on aperçoit le personnage s'escrimer à grand renfort de gestes dynamiques et de fauchages horizontaux pour attaquer ses ennemis. Mais dans Unreal, Artaban n'effectue qu'un léger petit piqué vers l'avant, tout juste de quoi embrocher une feuille de salade. Dommage !
Le gameplay justement, parlons-en. Le jeu se divise en deux portions très distinctes. La première, par laquelle on commence invariablement l'aventure est une phase de shoot façon Space Harrier vu de dos où notre guerrier chevauche son dragon. Jamais très difficile, graphiquement incroyable comme on l'a longuement vu quelques paragraphes plus haut, c'est une petite friandise destiné à compléter l'expérience de jeu. Ce genre de séquence a le mérite de lier de façon cohérente les différentes zones à explorer à pied en organisant un véritable voyage où on se voit changer de géographie au fur et à mesure du jeu. La seconde phase est celle d'action/aventure en 2D. Là, le soft devient bien plus conventionnel, surtout en comparaison des tas d'autres produits déjà sorti sur micro-ordinateur. Mais qu'importe, j'ai toujours pensé que l'évolution et l'innovation insérée aux forceps dans un jeu n'était pas forcément une bonne chose. Pour ajouter un peu d'intérêt, les concepteurs se sont dit que donner la possibilité aux joueurs de trancher dans le gras de quelques monstres ne suffirait pas à tenir tous le monde en haleine. Si bien qu'il fut inclut un peu d'énigmes. Comme lorsqu'il nous faut nous servir de notre épée magique pour absorber les pouvoirs de l'eau et ainsi envoyer des bulles sur un mur de flammes autrement infranchissable. À l'inverse, un monstre trop coriace pourra être vaincu avec les dégâts bonus que vous octroieront une épée à la lame incandescente. Guettez les feux de camp et les braseros qui jalonnent votre chemin ! Cela ne paraît pas grand chose aujourd'hui, mais à l'époque, ça offrait des séquences de jeu suffisamment variées pour être satisfaisant. D'autant que les quelques opérations de sauts et de plate-forme étaient pénibles au possible, souvent exigeantes au pixel prêt (heureusement que le travail de graphiste de Franck Sauer était de qualité pour clairement délimiter les plate-formes et le vide mortel...). Le personnage se déplaçant bien trop lourdement pour aborder les sauts avec sérénité rendait la moitié des séquences de jeu à pied un brin délicates.
Au diapason du visuel magnifique, le son d'Unreal sert une ambiance envoutante. Charles Deenen (les Maniacs of Noise, on en reparlera dans VGM), des compositeurs néerlandais célèbres dans les années 80 notamment sur la scène Commodore 64 (Rubicon, RoboCop 3, Stormlord I & II, Savage, Lemmings, Super Monaco GP ...) ont une fois de plus fait parler leur talent pour les mélopées savamment construites. Longues, complexes, disposant de motifs multiples et d'une mélodie parfois hypnotisante, les musiques d'Unreal sont certes moins nombreuses que celle de Shadow of the Beast (qui comporte plus de niveaux) mais figurent tout de même dans le haut du panier de l'Amiga. Malheureusement, et comme c'est coutumier sur Amiga et sur les autres micro-ordinateurs d'époque faute de mémoire, il faudra choisir entre musiques et bruitages car la machine n'es pas capable de générer les deux à la fois. Par chance, les bruitages sont là aussi de grande qualité, variés et distillant une ambiance de nature et de magie sensationnelle. Clapotis de l'eau qui s'écoulent d'une cascade cristalline, vent qui fait bruisser la végétation sous son souffle, feu qui crépite et fait claqueter le bois... tout est disposé pour donner à Unreal une atmosphère forte en envoutement et en magie.
Unreal fait parti de ces jeux incroyablement beaux et maitrisés de bout en bout qu'on croise d'ordinaire sur des supports en fin de vie, même si l'Amiga vivra encore plusieurs années après cela. Lorsque tout a déjà été fait mais que certains génies du développement arrivent tout de même à briser les limites, ça donne Unreal. On pourra lui reprocher, éventuellement, une durée de vie un peu moindre que son concurrent principal (ou en tout cas celui que la presse d'époque lui a imposé) à savoir Shadow of the Beast. On pourra également noter que le contrôle du personnage aurait put se faire un peu plus souple et que les stages en mode shoot them up se font étrangement plus difficiles et bien plus longs que nécessaire. Mais qu'importe, tout cela ne pèse pas bien lourd face à l'excellence du reste. Unreal représente, parmi quelques autres jeux, le meilleur de ce que pouvait faire un support de type micro-ordinateur au début des années 90. Monument du micro-ordinateur représentant une façon de jouer et une identité de jeu typiquement opposée à celle des consoles de salon d'origine japonaise qui commençaient à s'imposer sur la planète entière à ce moment, Unreal est clairement un jeu mémorable.
Par la suite, Ordilogic Systems se fera connaitre sous le nom de Art & Magic et commettra l'un des jeux Amiga les plus connus et emblématiques, à tel point que le personnage du dit jeu servira de mascotte à l'éditeur vedette de ce support (Psygnosis). Ce jeu, c'est ni plus ni moins que le splendide Agony. Mais de tout cela, nous reparlerons une autre fois.
INTERVIEW EXCLUSIVE DU GRAPHISTE FRANCK SAUER
Anakaris: Présentez-vous-en quelques lignes, mis à part les jeux vidéo, quelles sont vos passions ? Franck: Je suis un passionné d'image et de son depuis mon enfance et ma rencontre avec l'ordinateur en 1982 m'a permis de m'exprimer sur ces deux points et d'en comprendre les fondements techniques.
Progressivement mon intérêt s'est porté sur le jeu vidéo car il permettait d'assouvir mes besoins tant artistiques que techniques dans ces deux domaines.
J'ai commencé ma carrière chez Ubisoft en tant qu'artiste, mais avec le temps, j'ai perfectionné ma technique pour devenir ce que l'on appelle aujourd’hui un technical artist. J'ai pu mettre à profit mes compétences dans des projets depuis l'époque des micros 8 et 16 bits jusqu'aux dernières générations de consoles, ce qui m'a permis de connaitre la transition 2D-3D et l'industrialisation de ce qui n'était au départ que de l'artisanat de garage.
Après la sortie de Outcast: Second Contact, de nouveaux projets de production de jeux sont actuellement en cours de préparation. J'ai récemment obtenu un Bachelor en Computer Science à l'Université de Namur et je poursuis en ce moment un Master pour continuer à me perfectionner en programmation.
Il y a 5 ans j'ai co-fondé le hackerspace de Namur, club de passionné d'art et techniques en tout genre. Depuis 2 ans environ je m'y passionne pour l'électronique digitale. Après la réalisation d'une première nano-console, je m'attaque actuellement à la conception d'un hybride micro-ordinateur/console 8 bits que l'on pourrait qualifier de retro-moderne. Enfin, cela fera bientôt 14 ans que j'enseigne à la Haute École Albert Jacquard diverses matières dans la section Jeu Vidéo.
Anakaris: Vous avez dû quitter votre Belgique natale très jeune (19 ans) pour aller en Bretagne développer dans les locaux d'Ubisoft, cela n'a pas été trop dur de vous éloigner de votre famille ? Comment avez-vous vécu, à titre personnel, cette aventure ? Franck: Il y avait une forte tension familiale car mon père souhaitait que je continue mes études et je m’apprêtais à tout abandonner pour partir sans diplôme travailler à l'étranger. J'avais heureusement le soutiens de ma mère, et la tentation de voler de mes propres ailes a été la plus forte. J'étais heureux de quitter le cocon familial et le travail chez Ubisoft me plaisait beaucoup donc j'ai vécu cela comme une aventure positive, même si ce n'était pas facile tous les jours.
À titre d'exemple, je n'avais pas encore le permis de conduire, je devais donc me rendre au travail en stop, tous les jours. Inconcevable aujourd'hui !
Anakaris: À l'époque, Ubisoft loue un château à Carentoir en Bretagne afin d'y héberger les équipes de développeurs. Le but était de favoriser le travail en évitant aux développeurs les distractions extérieures (famille, tourisme) et garantir un confort de vie optimal (restauration, logement), c'est quelque chose de complètement fou et d'impensable aujourd'hui ! Quel est votre avis là-dessus ? Comment était le quotidien de la vie au sein de ce château ? Y avait-il beaucoup d'équipes de développement et d'occupants ? Franck: De mémoire on devait être une grosse vingtaine de développeurs, programmeurs, artistes et musiciens confondus. J'y ai passé l'été 1988 avant que certains développeurs devenus employés soient transférés dans les nouveaux locaux d'Ubisoft à Carentoir.
C'était une expérience surréaliste, et le cadre n'y était pas pour rien. Il faut imaginer ce château de la Gree de Callac et ses dizaines d'hectares de forêts, campagnes, étangs et autres dépendances, et au milieu de tout cela une bande de jeunes (marginaux pour la plupart) qui vivent déjà le plus clair de leur temps dans des univers fantastiques.
Il n'en fallait pas plus pour que les soirées se transforment en longues séances de jeux de rôles jusqu'au bout de la nuit, ce qui ne manquait pas d'impacter la productivité la journée (qui ne commençait jamais avant l'après-midi de toute façon).
Malgré cela, ce fut une expérience très enrichissante créativement et techniquement tant il y avait une émulation entre nous. Certains développeurs avaient un background formel tandis que d'autres étaient autodidactes ou encore venaient de la démo scène.
C'est ce mélange qui a apporté tant à chacun d'entre nous.
Anakaris: À la fin d'Unreal, on découvre le message ''to be continued'', laissant croire qu'il y aurait une suite, pourtant, elle n'arrivera jamais. Nous savons que certains membres de l'équipe voulaient quitter le château Ubisoft pour revenir chez eux. Pour autant, est-ce que Ubisoft vous a proposé de continuer votre collaboration ? Vous ont-ils proposé un nouveau projet ? Franck: Nous avions laisse une porte ouverte pour une suite, mais le départ au service militaire d'un des membres de notre équipe (Yann Robert, programmeur) nous a forcé à développer un concept plus simple à implémenter car Yves Grolet devrait prendre en charge toute la programmation à lui seul.
C'est pour cela que nous nous sommes orienté vers un Shoot'em up, ce qui a donné Agony. Ensuite l'opportunité s'est présentée de travailler avec Psygnosis qui jouissait d'une meilleure réputation qu'Ubisoft à l'époque, raison pour laquelle nous avons signé avec cet éditeur, sinon il est fort probable qu'Ubisoft aurait pris le titre.
Anakaris: Nous savons que pour promouvoir Unreal, vous avez été au European Computer Trade Show à Londres. La presse présentait déjà Unreal comme le ''Shadow of the Beast-killer'', or, Shadow of the Beast était un jeu... britannique ! Est-ce que cela a posé problème avec les journalistes locaux ? Avez-vous eu un bon accueil de la part des professionnels de ce salon alors que Unreal était un concurrent direct de Shadow of the Beast ? Franck: Quand on a 20 ans, on aime bien se comparer aux meilleurs et la modestie n'est pas nécessairement au rendez-vous, mais tout le monde jouait le jeu, c'était comme ça à l'époque, ça ne choquait personne.
Psygnosis et ses développeurs faisaient rêver la petite équipe franco-belge que nous étions. C'est d'ailleurs à l'occasion de ce salon que nous avons discrètement montré un prototype de notre futur jeu Agony et que l'on a pu séduire Steven Riding, alors producteur chez Psygnosis. Unreal était la preuve que nous pouvions mener un projet de développement jusqu'au bout, et notre nouveau prototype était alléchant d'un point de vue technologique.
Anakaris: Unreal s'est vendu à environ 20 000 unités sur Amiga. Était-ce un bon chiffre de vente à l'époque, et selon les conditions de sa sortie ? Cela a-t-il suffit à l'équipe pour pouvoir lancer un nouveau projet de développement sans encombre ? Franck: C'était un chiffre correct sans plus. Les gros hits comme Shadow of the Beast se vendaient a 60-70k. Les avances sur royalties de l'éditeur (Ubisoft) nous ont permis de vivre pendant le développement mais je ne me souviens pas qu'il y ait eu de royalties après la sortie, ou alors c'était très peu.
Ce qui permet de démarrer le jeu suivant c'est de convaincre un éditeur (le même ou un autre), généralement avec une démo, et de signer à nouveau un contrat avec avances sur royalties. C'est malheureusement le cycle infernal auquel sont soumis la plupart des développeurs indépendants. Il n'y a aucune garantie de pérennité tant qu’on n’a pas accumulé un volant de production suffisant, et il est très difficile d'accumuler de l'argent car les avances sur royalties ne permettent généralement pas de dégager de marge.
Anakaris: Pour finir, pouvez-vous me citer des jeux anciens ou récents qui vous ont marqué et expliquer pourquoi ils vous ont marqué ? Franck: Dans mes meilleurs souvenirs il y a notamment Space Invaders le premier jeu vidéo auquel j'ai joué (Arcade d'abord, ensuite sur TI-99/4a), Tales of the Arabian Nights (C64), The Hobbit (C64), Lemmings (Amiga), Another world (Amiga) , Magic Carpet (DOS), Quake (DOS), Mario 64 (Nintendo 64), Wipeout (Playstation), God of War (PS2). Plus récemment la série des Uncharted (PS3-PS4), Cuboid (PS3), Super Stardust (PS3-PS Vita), Resogun... et bien d'autres
Ce qui me marque dans un jeu ça peut être la prouesse technique, la qualité et l'identité visuelle ou bien l'univers et l'histoire, ou encore des mécaniques innovantes. Globalement j'ai tout de même un faible pour les jeux de type arcade, avec un gameplay immédiat car j'ai assez peu de temps à consacrer au jeu. Ceci dit j'attends avec impatience RDR2
Ork, ork... avec un k ? Ça doit être de l'allemand.
C'est moche comme de l'allemand en tout cas !
En 1989 sort Shadow of the Beast sur le micro-ordinateur Amiga. C'est un jeu graphiquement époustouflant qui assoit définitivement la supériorité technique des micro-ordinateurs face aux consoles de salon de l'époque. Ce jeu donne presque à lui seul ses lettres de noblesse à son éditeur, Psygnosis qui un peu avant et surtout longtemps après sortira d'autres excellents jeux. Très vite, une suite à Shadow of the Beast est mise en chantier et cela se soldera par une trilogie dont le dernier épisode verra le jour en 1992. Seulement voilà, Psygnosis n'est pas prêt à laisser partir sa poule aux œufs d'or si facilement, en quelque sorte. Ils n'obligent certainement pas Reflections, les développeurs de Shadow of the Beast à réaliser des suites ad nauseam, mais dès que l'occasion se présente de chapeauter un projet similaire, Psygnosis n'hésite pas un instant. Et quand un petit studio nommé WJS Design toque à la porte de la chouette de Liverpool (le logo de Psygnosis est une chouette créée par l'artiste Roger Dean) avec comme projet dans sa besace un jeu d'action similaire à Shadow of the Beast, c'est banco.
WJS Design, du nom de son fondateur Wayne J. Smithson n'en est pas à son premier coup d'essai. Avant de fonder son studio, Wayne était graphiste et programmeur freelance et travaillait déjà en étroite collaboration avec Psygnosis. Il a notamment œuvré sur Baal puis a réalisé le portage Megadrive de Shadow of the Beast jugé honnête et de qualité. Autant dire que les relations entre les deux entités étaient bonnes et que Psygnosis voyait à nouveau se profiler la silhouette d'un hit avec le jeu de WJS Design : Ork.
Dans Ork (orthographié de la sorte probablement en inspiration de la race des orks de Warhammer 40.000 sorti quelques années avant, à différencier des orcs avec un "c" qui sont le même genre de créature mais du côté médiéval fantasy de Warhammer et des autres œuvres comme le Seigneur des Anneaux & co), vous dirigez un alien bipède nommé Ku-Kabul sur une planète extra-terrestre du nom de Ixion. Aspirant à un grade militaire supérieur, Ku-Kabul doit faire face aux dangers et passer les tests qui ont été spécialement placés sur cette planète afin qu'il puisse prouver sa valeur. Le moindre échec et s'en sera fini de sa carrière d'officier de son armée... pour toujours. Autant vous le dire de suite, la planète est menaçante et la faune locale n'est pas prête à vous accueillir avec collier de fleur et mélodie de ukulélé. Mais plutôt avec boule de feu, crocs acérés et un tas de pièges prompt à vous déchiqueter en morceaux. Heureusement, vous avez sur vous une armure qui vous sera d'une grande utilité puisque munie d'un canon mitrailleur et d'un jetpack !
Seulement voilà, la combinaison est une sacrée gloutonne, il faudra régulièrement récolter réserves de munitions et jerricans d'essence pour pouvoir explorer les environs aériens via votre jetpack. À l'instar de la combinaison de puissance de Samus Aran dans Metroid, votre armure pourra également se connecter aux ordinateurs que votre armée aura disséminé sur la planète afin d'obtenir quelques indices sur les énigmes et des informations sur les monstres hantant Ixion. Enfin, un inventaire très simple d'accès (basiquement, il suffit d'appuyer sur la barre d'espace de votre clavier Amiga pour l'ouvrir et sélectionner l'objet avec les flèches directionnelles) vous servira pour glaner clés et autres objets importants servant à la résolution d'énigme. Cristaux pour désactiver des barrières d'énergie mortelles ; module lance-missile à greffer sur votre armure pour détruire des blocs de décors qui vous barrent la route ; passages secrets à dénicher entre deux textures de l'environnement ; et tout cela en faisant face aux hordes de monstres qui vous entoure, ce n'est pas de tout repos !
Mais Ork est bien conçu et équilibré, il offre un challenge intéressant mais n'est pas comme tant d'autres jeux du genre de cette époque, frustrant et perclus d'ennemis à s'en cogner la tête contre les murs. Le jetpack vous aide à mieux vous déplacer et à prendre vos distance, même s'il faudra faire attention aux créatures volantes (aux pattern de mouvement cohérents et bien programmés, il suffit donc d'observer leurs boucles pour ne pas avoir de mauvaise surprise et les esquiver convenablement). Le défi consistera à repérer certains nids à monstres, recrachant par intervalles très réguliers une escouade de créatures. Détruisez ces nids afin de réduire drastiquement la population monstrueuse du niveau et ainsi terminer votre exploration l'esprit serein. Au moins, c'est très dynamique ! Les ennemis virevoltent entre vous et une série de plates-formes sur lesquelles vous devez grimper ; où ils se plaisent à ramper sur les murs pour balancer des projectiles d'un angle tout à fait improbable, mais le level design permet des déplacements faciles et une possibilité de mouvement fluide. Il suffit d'esquiver en observant correctement le rythme d'attaque et l'emplacement des ennemis - en prenant son temps - et vous parviendrez à vous débarrasser d'une tonne de monstre sans trop de difficulté.
Cela peut sembler anodin, mais la présence du jetpack et la relative mobilité du personnage rend le jeu agréable à parcourir. Globalement, Ork dispose d'une richesse de gameplay que son modèle, Shadow of the Beast n'aura pas la chance de détenir avant son troisième opus. L'élève dépasserait-il le maître ? Peut-être bien que oui. Cependant, vous le verrez un peu plus loin dans le test, Ork commet quelques impairs qui paraissent tout bonnement impardonnables quand, dans le même temps, Shadow of the Beast excelle.
Wayne J. Smithson a toujours été plus aisé avec la programmation et la technique qu'avec le game design (même si celui d'Ork n'est pas mauvais) et il l'a démontré lors de ses collaborations avec Psygnosis. Une fois n'est pas coutume, Ork est un très beau jeu. Très proche de la production de Reflections, il pioche ses références visuelles également dans les œuvres de H.R. Giger (les films Alien). La direction artistique plonge le joueur dans un univers biomécanique étrange où dragons, monstruosités squelettiques géantes et insectes difformes côtoient tubulures d'acier et terminaux informatiques high-tech. Parfois, l'écran se charge en sprite très mouvants (des insectes formants des files quadrillant les environs aériens d'une plate-forme, obstruant toute tentative de saut par exemple) mais la fluidité de l'ensemble n'en pâtit pas. On pourrait peut-être reprocher un certain immobilisme concernant les grosses créatures (dragon dont le corps est étrangement captif d'un mur de pierre et dont seule la tête peut bouger), c'est une tare que Shadow of the Beast présentait déjà deux ans auparavant, dommage. En contrepartie, Ork propose des décors sensationnels, forts bien détaillés et avec trois couches de scrolling différentiel. C'est moins que sur Shadow of the Beast mais c'est tout de même bluffant ! Le jeu de couleur rose/orangé du ciel de fond mêlé au gris des boyaux monstrueux de la planète Ixion offre une aventure dépaysante. En revanche, tout comme dans Agony, on ne pourra que regretter que les monstres que vous affrontez arborent le plus souvent les mêmes couleurs que les décors dans lesquels ils évoluent. Cela nuit un peu à la visibilité globale de l'action.
Graphiquement, Ork s'avère donc identique à Shadow of the Beast, ou à tout le moins très légèrement inférieur. L'identité visuelle n'est pas tout à fait originale même si cela fonctionne encore très bien et donne un cachet fascinant au jeu. Et techniquement, il est quasiment irréprochable mais c'est bel et bien Shadow of the Beast qui a montré la voie deux ans auparavant (ce qui dans le développement d'un jeu vidéo à l'époque s'apparentait à une éternité).
En sus des graphismes haut de gamme et d'un gameplay agréable, Ork se pare d'une touche sonore là aussi de qualité. La musique de l'écran titre est un exemple de dynamisme et de son typiquement Amiga. Élaborée, rythmée, elle est dotée de nombreuses notes qui complexifient les motifs au fur et à mesure. Le compositeur, Tim Bartlett (sound designer sur Sonic & All-Stars Racing: Transformed ou encore Overlord récemment) réalise un superbe travail. Sa musique ne sert pas aussi bien l'ambiance que celle, très mystique et parfois carrément sombre de Shadow of the Beast, mais son énergie la place au sommet du panier des OST Amiga malgré tout. Curieusement, une autre musique s'avère d'excellente facture, celle du game over ! Il nous prendrait presque l'envie de provoquer notre défaite rien que pour l'écouter une fois de temps à autre. Et... c'est tout. Ork ne dispose que de deux musiques ! Seuls quelques bruitages communs (mitrailleuse, explosion...) accompagne notre aventure in-game. Les musiques d'ambiance gothiques, vibrantes et énigmatiques de David Witthaker sur Shadow of the Beast étaient un très gros point fort du jeu. Mais Ork semble très léger de ce côté, dommage car pour le peu qu'on puisse écouter, ses musiques sont efficaces. Au final, il n'y a pas de comparaison possible, Shadow of the Beast remporte haut la main la bataille des musiques.
En définitive, Ork est très bon. Jouable, avec une difficulté bien dosée, un personnage original à défaut d'être volubile et attachant. Il est surtout très beau, les décors sont fouillés et les sprites parfois très impressionnants en plus de jouir d'une fluidité exemplaire. On pourrait seulement reprocher un petit manque de variété dans les environnements. Enfin, sa durée de vie est dans la bonne moyenne des productions d'action de cette époque. À nouveau, Psygnosis dote l'Amiga et l'Atari ST d'un soft haut de gamme, inspiré et maitrisé. Bien qu'il souffre d'un petit aspect de déjà vu, le jeu de WJS Design n'est pas malhonnête, on ne peut pas lui en tenir rigueur.
Le gros bémol, le problème qui le fait s'effondrer juste devant la ligne d'arrivé, bref le hic qui fait qu'il ne peut s'élever au même rang que Shadow of the Beast, c'est sa musique. Shadow of the Beast était réellement de grande qualité en ce qui concerne son OST. Les musiques de David Witthaker sont tout simplement incontournables sur micro-ordinateur, il fait parti d'un des grands Monsieur de la composition musicale du jeu vidéo. Shadow of the Beast gagne énormément d'identité et de force grâce à ses musiques.
Mais Ork manque d'un véritable panel de musique. Deux, c'est trop peu, peu importe la qualité de celles-ci. C'est un gros vide dans les éléments constitutifs principaux d'un jeu vidéo, et avec ce gros manquement, Ork ne peut prétendre au titre d'immanquable absolu de l'Amiga.
En 1983, la société britannique Game Workshop créé Warhammer Fantasy Battle, un jeu de stratégie et de guerre où des petites escouades de figurines en plastique – peintes à la main ou pré-colorées pour les plus riches d'entre-vous – s'affrontent dans un décors de maquette en carton bien souvent bricolées par les joueurs eux-même. Le background est déjà très riche et voit s'affronter de nombreux peuples dans un royaume inspiré des nations de la vieille Europe. L'Empire, aux accents germaniques assumés, aux côté de la Bretonnie (la France de Warhammer) et d'autres nations combattent les forces du Chaos composées de Skaven (homme-rat) et de peaux vertes (gobelin, orc...) et ce depuis des siècles. La première édition comporte trois livrets de règles afin d'établir le fonctionnement du jeu : le plan d'action type d'un tour de jeu, le bestiaire, les capacités spécifiques des unités magiciennes, ainsi que des scénario de base pour débuter quelques batailles avec vos amis. Un supplément est également adjoint à la première édition procurant moult précision sur les capacités de chaque races et des éclaircissements sur quelques difficultés de jeu que les joueurs peuvent rencontrer au cour de leur partie. En parallèle, Game Workshop lance le magazine White Dwarf qui régulièrement propose des articles de background, des petites nouvelles rédigées par des romanciers et des ajouts de règles plus tard condensés dans de nouvelles éditions. Le système se complexifie bien vite mais la force de ce jeu est que malgré les ajouts réguliers, le tout reste cohérent, digeste et bigrement intelligent. Les concepteurs du jeu ont manifestement très bien travaillé leurs règles et c'est certainement le fruit de nombreuses parties d'essais pour calibrer l'ensemble au mieux. Warhammer gagne en popularité pour devenir le maître de ce genre de loisir partout en Occident. Un autre célèbre jeu de rôle, américain celui-là, Donjons&Dragons aidera Warhammer, de part sa notoriété déjà vieille de dix ans, à percer jusqu'au Japon.
Mais à l'aube des années 90, l'expansion de Game Workshop ne cesse de se faire. Des équipes de créations annexes au jeu phare de la firme s'adonnent à leur propre entreprise, bien souvent dérivée directement de Warhammer même. La gamme de Game Workshop devient foisonnante et la société cherche à contenter presque tout type de joueur, notamment ceux préférant la science-fiction à la fantaisie médiévale avec Warhammer 40K, le Warhammer se passant quarante millénaires après notre ère. En 1989, l'éditeur de jeu de société Milton Bradley (MB) n'ignore pas la nouvelle mode des wargame et de leurs armées de figurines en plastique très lucratives. Ils contactent donc Game Workshop pour travailler sur des extensions de Warhammer destinées à un public plus jeune, ceci afin d'étendre la clientèle-cible encore plus qu'elle ne l'est déjà. De fil en aiguille, le concepteur, Stephen Baker se sépare notoirement de Warhammer et conçoit son propre univers du jeu (très inspiré de Warhammer, du Seigneur des Anneaux et de Donjons&Dragons néanmoins) et ainsi né HeroQuest.
Le jeu est, pour faire simple, un Warhammer miniature. En effet, il propose de commander non plus une escouade de plusieurs dizaines de figurines mais une toute petite équipe de deux à cinq personnages. Confronté à un bataillon de monstres (une dizaine, tout au plus) hantant un donjons représenté par un plateau en carton segmenté en couloirs et en diverses pièces (bibliothèque, cachot, cuisine, chambre secrète...), le joueur sera aidé dans son immersion par du matériel de jeu très généreux fourni dans la boite de base. Mobiliers (armoire, table...) en carton à monter sur des socles, petits accessoires décoratifs (crâne, pierre, chandelier...) et autres outils donneront du volume au plateau de jeu. C'est la force d'HeroQuest, proposer un riche panel de figurine et d'accessoire en 3D pour un coût modeste comparativement aux onéreuses armées de figurines de Warhammer. Le jeu privilégie l'exploration du donjon à l'aide des diverses capacités propres aux personnages et les parties, selon comment elles sont ordonnées par le Maitre de Jeu peuvent durer de vingt à soixante minutes. Les règles sont simplifiées pour que HeroQuest s'approche du jeu de société classique, destiné à ''toute la famille'' tout en gardant ses composantes jeu de rôle et stratégie.
C'est un succès instantané, le compromis entre simplicité et stratégie fait mouche. Le côté bon marché de la boite de jeu et l'orientation commerciale grand public de HeroQuest (le jeu était vendu dans les magasins de grande distribution contrairement à Warhammer qui est vendu en boutiques spécialisées) séduit énormément d'acheteurs néophytes. En France, au début des années 90, HeroQuest pouvait s'acquérir à Carrefour ou Auchan, aux côtés des Monopoly et autres Trivial Pursuit.
Outre les wargame et jeu de figurine à la popularité grandissante, un autre loisir que nous connaissons bien explose dans les chaumières du monde entier. Il s'agit bien entendu du jeu vidéo. Ce dernier ne se restreint plus aux salles d'Arcades avec ses bornes volumineuses et très onéreuses. En 1991, monsieur tout le monde peut disposer d'une console de jeu ou d'un ordinateur dans son salon et jouer aux grands hits du jeu vidéo. MB a déjà un pied dans ce domaine puisqu'il a déjà édité quelques jeux : Abadox, Time Lord, California Games, Marble Madness, Captain Skyhawk... tous sur NES. Game Workshop s'intéresse également à ce loisir et ils s'apprêtent déjà à convertir Warhammer 40K (Space Crusade) aux joies de pixels et des bits. La simplicité de fonctionnement et l'attrait populaire du public pour HeroQuest en fait un candidat naturellement désigné pour se lancer à l'assaut du marché du jeu vidéo. Ceux qui s'occuperont de l'adaptation sont les bien connus d'amateurs de jeu vidéo des années 80-90 : Gremlins Graphics (Top Gear, Zool, Lotus Esprit Turbo Challenge...).
Comme ce qui est décrit dans le manuel du jeu de plateau, votre maître magicien a eu maille à partir, il y a bien longtemps, avec l'un de ses élèves, Morcar, devenu aussi fort que lui mais attiré malheureusement par les puissances du mal. Un duel inévitable s'en est suivi mais qui n'a laissé ni vainqueur ni vaincu, seulement la désolation. Le mal en a profité pour s'étendre sur le royaume et votre maître, qui a bien plus confiance en vous qu'en son ancien disciple vous demande de lutter contre les armées du chaos qui envahissent le monde. Prétexte pour visiter une foule de donjons, de caves humides et de manoirs hantés durant quatorze missions à la durée de vie raisonnable. Vous incarnez au choix un à quatre personnages : guerrier, barbare, elfe et magicien. La personnalisation des personnages n'est pas permis et HeroQuest mise sur sa simplicité d'accès. Vous n'aurez le choix que des pouvoirs magiques des deux combattants capable de lancer des sorts, le magicien et l'elfe parmi les quatre éléments principaux : eau, vent, feu et terre. Sachant que les deux sorciers ne pourront partager un seul élément, cela vous forcera à équilibrer votre équipe autant que possible et varier les possibilité de sorts élémentaires afin de combattre au mieux les unités ennemies.
Les missions, si elles sont prises dans l'ordre établie par le jeu sont de difficulté très progressives. Il paraitrait idiot de débuter par les missions les plus ardues dès le départ (car oui, vous avez le choix de l'ordre des missions, celles-ci n'étant pas vraiment reliées par un fil conducteur scénaristique). La première mission reste la plus abordable. Vos quatre héros sont répartis dans un coin d'un labyrinthe et doivent se rejoindre à la sortie commune, de quoi apprendre les bases du déplacement et l'appréhension de l'écran de jeu en vue isométrique. Chaque héros va tirer un dé déterminant l'ampleur de son déplacement, puis effectuer le déplacement voulu et l'une des actions proposées. Les capacités sont relativement vastes, permettant un panel d'action varié et une bonne interaction avec les décors. Fouiller les environs sera possible, débusquer des passages secrets et déjouer les pièges tels que des trappes couvrant des fosses mortelles seront également utiles. Les combats se font encore plus simplement, un peu trop même. En effet, il suffit d'un clic pour que l'ordinateur calcule l’efficacité de votre coup selon vos statistiques et celle du monstre ciblé. Heureusement, les prochaines missions s'avèreront plus intéressantes car les pièges, parfois retors réclameront l'intervention régulière de votre nain désamorceur et votre observation. Aussi, le bestiaire se fera plus dense, avec des créatures se servant elles aussi de sorts élémentaires et pour lesquelles il faudra deviner leur faiblesse.
Profitez de la première mission, d'une simplicité enfantine pour prendre le temps de récolter un maximum d'argent et d'objet (notamment les potions curatives), car entre chaque mission, vous pourrez faire un saut chez l'armurier vous équiper en épée et autres outils de guerre. Globalement, les combats ne seront pas tant un défi dangereux qu'un simple obstacle. Face aux créatures les plus coriaces, il faudra faire attention à placer le guerrier en première ligne et à nettoyer autant que possible les alentours des pièges avec le nain, l'elfe et le magicien restant en retrait grâce à leur sort à distance. Le multijoueur vient donner un peu de piment à une exploration qui peut s'avérer un peu molle par moment. En effet, autant de joueurs peuvent prendre le contrôle des quatre héros simultanément et explorer la map indépendamment. Ce n'est pas très futé car les guet-apens arrivent et seul face à trois momies, l'elfe isolé risque de manger sa race. Mais si vous voulez tenter un coup de poker, fouiller partout et récolter les trésors pour vous seul, c'est possible. Aussi, le premier à parvenir à l'objectif et à rejoindre la sortie se verra octroyer une belle récompense que ses coéquipiers n'auront pas. Un multijoueur à mi-chemin entre la coopération et la compétition, donc. Il s'avère que HeroQuest se fait bien plus agréable avec des amis par ailleurs, à l'instar du jeu de plateau.
Outre le multijoueur, HeroQuest peut compter sur ses performances graphiques et sonores pour tenir le joueur face à son écran. En effet, le jeu est très joli. La map en 3D isométrique présente des décors détaillés bien que parfois un peu trop étroits. Le bestiaire, bien qu'un peu classique est fait de sprites sympathiques et on prend plaisir à retrouver quelques une des créatures qui faisaient le charme du jeu de plateau tel que les Fimirs (sorte d'homme-lézard), les gargouilles (le Balrog du Seigneur des Anneaux quoi) ou les guerriers du chaos touts en armure. Cette vue isométrique couplée à la façon dont les sprites sont travaillés rappellent fortement les petites figurines de plastique du jeu de base, de quoi charmer les fan et faire gagner au jeu de la clarté. Très atmosphérique, le visuel de HeroQuest a sans nul doute une bonne dose de personnalité et le son contribue à cela. L'entourage de l'écran est constitué d'un background très bien foutu où un sorcier (je ne saurais dire s'il s'agit du vil Morcar ou de votre bienveillant maître) contemple vos moindres faits et gestes dans le donjon, un peu comme un Maitre de Jeu surveillerait les agissements de ses joueurs sur le jeu de plateau. Aussi, la cutscene du début du jeu, racontant l'opposition entre Morcar et votre maître est d'un pixelart étonnamment plaisant !
On déplorera cependant un certain manque de couleur car dans le même genre, HeroQuest se place entre un Cadaver, probablement roi du genre à cette époque, et l'antique Knight Lore de Ultimate Play the Game (l'ancien nom de Rare). Un peu plus d'effet visuels (explosions, étincelles...) et d'animation lors des combats n'aurait pas été de refus également.
HeroQuest se réclament de plusieurs inspirations dilluées dans un système de jeu volontairement simplifié. Cadaver pour le thème, Knight Lore pour le point de vue, Dungeon Masters pour une partie du gameplay centré sur l'exploration... HeroQuest condense tout cela pour former un jeu agréable. Cependant, son principal atout, sa simplicité, devient aussi son défaut majeur car n'offrant qu'assez peu de challenge ou d'intérêt sur le long terme. La stratégie est en effet assez transparente, les combats peu palpitants, le hasard prend une proportion trop importante tandis qu'au bout de la dixième ou douzième mission à fouiller le moindre recoin à la recherche de quelques pièces d'or, l'ennui pointe le bout de son nez. Gremlin Graphics Software remplit sa part du contrat avec brio, ne pouvant pas faire de miracle étant donné que le jeu de plateau ayant servi de modèle était aussi simple et abordable que cela.
Game Workshop, désireux de ne pas délaisser son public fidèle développera d'ailleurs un peu plus tard une version plus complexe et plus stratégique de HeroQuest nommée Advanced HeroQuest. Cette version, assez confidentielle en Europe aura surtout un succès aux États-Unis. Quant au jeu sur micro-ordinateur (en particuliers Amiga et Atari ST), il est accueilli favorablement et Gremlin en profitera pour proposer plusieurs suites et extensions.
Si il y a un acteur qui contribua fortement au succès de la scène ZX Spectrum tel qu'on l'a connu, c'est bien Ultimate Play the Game, autrement désigné sous le nom de Rare dans les années 90 et 2000 ! En effet, les gars de la petite ville d'Ashby en Angleterre auront apportés un soutient massif à l'appareil de Sinclair en y produisant un tas de jeux non seulement exclusifs mais en plus de qualité.
Soutient massif, et même un peu plus que de raison diront certains analystes et pour cause, puisque le développeur continuait d'exploiter le ZX Spectrum en 1988, alors même que l'Amiga de Commodore et le ST d'Atari s'étaient largement imposés sur le marché des micro-ordinateurs. Ceci n'ayant pas été fait par hasard puisque Sinclair, le producteur du ZXS et Ultimate Play the Game étant toutes deux des sociétés britanniques, le premier avait accepté de fournir gratuitement des kits de développement au second tandis qu'Atari, Commodore et Amstrad (mais aussi BBC Micro, ou encore le consortium à l'origine du MSX sur lesquels Ultimate Play the Game a développé aussi) échangeaient leurs kits contre des sommes extravagantes. Ce genre de pratique n'étonne plus personne puisqu'aujourd'hui encore la plupart des fabricants de consoles vendent à qui le veule leurs outils pour pouvoir développer leurs jeux, sauf en de rares exceptions comme pour Microsoft et SONY qui ont rendu gratuit aux petits studios indépendants les outils de création sur Xbox 360 et Playstation 4. Une façon comme une autre d'empêcher n'importe qui de pirater et/ou copier la technologie du voisin pour produire sa propre machine, je suppose.
Il n'empêche que ce fut pour les deux parties une alliance fructueuse, et après une année 1983 pleine de 6 bons petits jeux (dont 4 seront pleinement exclusifs au ZX), Ultimate Play the Game attaque sa seconde année d'existence en tant que producteur de jeux vidéo (entre 1982 et 1983, ils n'étaient que réparateur de borne d'arcade) avec le premier soft de ce qui est déjà prévu pour être une quadrilogie (une pentalogie en réalité, mais le cinquième jeu ne sera jamais commercialisé) : Sabrewulf, les origines de la série Sabreman.
Sabrewulf nous met donc dans la peau de Sabreman, un explorateur à la recherche de l'amulette ACG (référence au premier nom des développeur : Ashby Computers & Graphics) séparée en 4 morceaux qui sont cachés dans une vaste jungle tropicale. Bien entendu, jungle tropicale peuplée de créatures plus ou moins hostiles et avec lesquelles il faudra jongler entre pièges de Dame Nature et parcours pour le moins labyrinthique.
Ce qui choque au premier coup d’œil, c'est le foisonnement de couleur que dispense le jeu (ok, dit comme ça, en 2016, ça peut faire rigoler) dans sa version ZX Spectrum, étant donné que c'est ce support qui fut « lead » lors du développement, autant parler de celui-ci en priorité. C'est d'autant plus légitime qu'on peut y apporter une comparaison intéressante entre Sabrewulf et d'autres jeux de la même époque de l'appareil de Sinclair pour prouver la maitrise technique d'Ultimate. On étaient en effet habitués à voir des jeux avec des couleurs monochromes ou éventuellement bichromes pour les plus évolués. Un fond noir avec quelques pixels jaunes ou bleus pour donner forme aux personnage et aux décors, et c'était déjà pas mal. Mais là, les anglais papas de Donkey Kong Country donnent vie à un mélange de jaune, rose, vert, bleu et rouge particulièrement plaisant à voir à l'époque, rien que pour ça, Sabrewulf est vite fait repéré par les rares amoureux de jeux électroniques (oué, le mot « jeu vidéo » n'était pas vraiment usité en 1983). Et comme il était compliqué de faire mieux qu'une animation à deux frame, ce n'était pas vraiment le critère de sélection principal de ceux qui étaient exigeant en la matière. Sabrewulf s'impose tout naturellement.
Une fois porté un an plus tard sur Amstrad CPC et Commodore 64, le jeu n'aura pas la même aura princière puisque ces machines étaient déjà pourvues de jeu tout aussi jolis et colorés. Et c'est grâce à ça que Ultimate Play the Game put se construire une réputation, ils avaient l'art et la manière d'exploiter une machine potentiellement plus faible que les autres supports du marché pour en sortir des jeux graphiquement très intéressants.
Niveau gameplay, le jeu partage quelques caractéristiques d'un des touts premiers jeux de l'histoire d'Ultimate, lui aussi sorti sur ZX Spectrum : Atic Atac. Le jeu comporte une grande carte composée de 256 écrans parfois reliés entre eux, mais le plus souvent séparés par des obstacles tels des rochers ou une végétation luxuriante infranchissable. Vous devrez non seulement affronter la faune de la jungle (chauve-souris, araignées, serpents, félins divers) mais aussi trouver le moyen de dégager le chemin jusqu'à trouver les 4 morceaux de la fameuse amulette. Bloc de pierre à bouger, bouton à actionner, gros animaux endormis à faire fuir pour libérer le passage... du grand classique, quoique pas tellement que ça en 1984 puisque tout ou presque restait à inventer. Mais de l'efficace en toute situation !
Même le feu qui se déclenche totalement au hasard pourrait ralentir votre progression ! Parfois, votre machette d'explorateur et votre intelligence ne suffiront pas, comme face à ce loup argenté (bleuté en réalité, mais faut imaginer! ) rencontré au hasard sur les écrans de la carte. Invincible, ennemi mortel, rapide et mystérieux, il donne son nom au jeu, une sorte de mascotte légendaire et ultra charismatique pour un jeu d'époque, dont on ne connait rien mais qui reviendra dans un des autres très grands succès futurs d'Ultimate Play the Game/Rare, à savoir Killer Instinct (eh ben oui, le loup-garou Sabrewulf, c'est lui ! ) !
À noter l'existence d'un remake de ce jeu, sobrement intitulé Sabrewulf lui aussi, parut en 2004 sur Gameboy Advance et qui, d'un point de vue gameplay n'a pas grand chose à voir avec son modèle. Pas énormément de chose à dire sur ceci pour l'instant, on en reparlera probablement dans un autre article .
Ultimate Play the Game montre qu'au début des années 80, ils sont capables de produire des jeux ambitieux, exploitant le maximum des (très faibles) capacités techniques des machines d'époque et de faire preuve d'une belle créativité. Le jeu se démarquant sans mal de la masse absolument incroyable de clones de Space Invaders et autres Adventure qui inondèrent le marché entre 1978 et 1983, le studio anglais passe admirablement bien à travers le krash du jeu vidéo de cette même année 83 et continuera à faire parler l'innovation et le plaisir ludique grâce à des jeux au gameplay savoureux et à la technique sans reproche. Si leur tout premier jeu, Jet Pac aura bénéficié d'un succès commercial sans commune mesure (300 000 exemplaires vendus, incroyable quand on voit le score d'un certain Lightning Returns : Final Fantasy XIII aujourd'hui disponible sur un parc de console 80 fois plus conséquent...! ), c'est bel et bien Sabrewulf qui fera rentré Ultimate Play the Game dans la cour des grands et boostera sa popularité notamment outre Atlantique.
Normalement, lorsque je parle de retro gaming, j'ai l'habitude de commencer par le commencement. Je débute presque toujours par le premier jeu d'une saga, ou les premiers titres d'une société afin d'établir une sorte de fil conducteur. Ça nous permet de suivre l'évolution d'une entité et de générer quelques réflexions sur le temps qui passe, sur la nature changeante du marché de notre loisir favoris, sur l'habitude de consommation des gens... Mais cette fois-ci je vais aller à contre courant en parlant de Whizz, jeu sorti sur Amiga en 1995, la même année sur PC, puis porté sur Playstation, Saturn et Super Nintendo l'année d'après. Non pas que ce soit véritablement le dernier jeu de ses développeurs : Flair Software, mais bien le dernier digne d’intérêt (nuance) jusqu'à leur disparition en 1999.
Disparition qui s'est fait dans l'anonymat le plus complet, pourtant, Flair Software en a eu du flair, pour sur. Ok, elle était à chier, mais sachez que c'est eux qui sont à l'origine de jeu pas tout à fait inconnu dans l'univers Amiga : Oscar (1993), Demon Blue, Trolls (1992)... ça vous parle ? Bon. Je vois que j'en ai déjà perdu deux ou trois. On va donc s'intéresser de suite au jeu du jour.
Whizz, le héros du jeu et son homonyme donc est un lapin un peu barjot habillé dans un costume trois pièces style queue de pie, avec chapeau haut de forme, montre à gousset et tout le tralala. Et puisque un taré vit dans un monde de fou avec d'autres dingues, on en a plus rien à foutre. C'est ainsi que le lapin, de bon matin participe à une course en montgolfière face à son rival de toujours, un rat qui ressemble à s'y méprendre à Sherlock Holmes. Le vilain, tricheur sur les bords envoi un piaf pour picorer la toile du ballon de Whizz afin de faire s'écraser son embarcation au sol et ainsi gagner la course. Mais Whizz ne s'avoue pas vaincu et décide d'aller tout de même à la rencontre du rat sur la ligne d'arrivé pour lui botter le cul. S'ensuit alors un long voyage absurde où on traverse des décors aussi vastes que profondément opposés et n'ayant aucun rapport entre eux, bourrés d'énigmes saugrenues et de créatures biscornues et bigarrées. Ça ne vous rappelle rien ? Mais si, l'univers fantasque et l'art du maniement du non-sens dont faisais preuve le grand Lewis Carroll, auteur emblématique d'Alice aux Pays des Merveilles ! Le style vestimentaire de l'Angleterre Victorienne de Whizz confirme l'idée.
Whizz prend la forme d'un jeu de plate-forme et d'aventure en vue 3D isométrique à la Marble Madness. Lapin fou oblige, le chronomètre sera votre pire ennemi et vous n'aurez guère le temps d'admirer les décors colorés et diablement mignons que Whizz propose. Rejoindre la ligne de départ à celle d'arrivé sera votre unique priorité. Pour ce faire, il faudra parcourir le chemin et franchir des portails bien souvent verrouillés. N'ayez crainte, les clés qui permettent de les ouvrir sont souvent cachées tout proche, vous les obtiendrez parfois en résolvant une énigme simple (enclencher des boutons dans le bon ordre par exemple) ou en vainquant une paire d'ennemi en utilisant votre capacité de toupie tel un Taz en grande forme ! Mais bien d'autre obstacle se mettront en travers de votre route. Tout d'abord, il faudra faire attention à la collecte d'item qui ne sera pas toujours bénéfique. Des champignons de diverses sortes pourront par exemple vous retirer des points de vie, des rares et précieuses clepsydres vous donneront un peu de temps supplémentaire et d'autres éléments serviront à la résolution de quelques énigmes. On constate très vite que le timing est serré, que les niveaux sont labyrinthiques, que les ennemis sont nombreux et qu'en plus, la toupie consomme de l’énergie qui se fait vite inestimable. Ainsi, il n'est pas rare de recommencer plusieurs fois un parcours jusqu'à en apprendre une majeure partie par cœur afin d'optimiser ses actions et gagner du temps là où on le peut. Ceci à tel point qu'il faudra juger avec intelligence son besoin du moment et l'utilité véritable de prendre le temps de faire un détour pour aller visiter une zone annexe au lieux de partir directement vers la ligne d'arrivé. Parfois, cela est nécessaire pour chercher de la vie, indispensable, parfois, cela n'est qu'une perte de temps si on y réfléchi bien. À vous de choisir !
Graphiquement, les sensations peuvent être mitigées. Les décors sont mignons tout plein, archi colorés de toutes les nuances possibles : vert, bleu, jaune, rouge, orange … Vous y aurez l'occasion de croiser des crocodiles dingos, des nains de jardins vicieux, des sortes de barba papa avec des crocs digne de la bête du Gévaudan ou encore des pingouins débiles qui se contenteront de vous piétiner la figure sans faire attention à vous ! Les sprites, bien que rigolos et mignons, sont peu grands, les effets spéciaux comme les éclats de lumière, les explosions, distorsions et transparences sont très peu utilisés pour ne pas dire jamais. D'un point de vue purement technique, Whizz est un jeu bien trop simpliste pour faire honneur au hardware A1200 sur lequel il fut développé. Pourtant, certain détails peuvent enjouer comme cette animation de Whizz lorsqu'il saute et se tape le derrière sur le sol en retombant, le scrolling différentiel fluide ou encore l’utilisation des 256 couleurs que l'appareil est capable de générer (en mode indexé). Il n'empêche qu'on sent le chipset AGA déjà dépassé (l’architecture du A1200 de base date de 1992).
La vitesse à laquelle se passe l'action peut être handicapante au début par rapport au fait que Whizz est un jeu en 3D isométrique à la Cadaver ou The Immortal. Mais c'est à vrai dire -et vous aurez probablement la possibilité de vous en rendre compte bien vite, la meilleure vue qui soit pour pouvoir visualiser efficacement le chemin à suivre pour éviter de tourner en rond et perdre du temps. Le coup de main se prend après quelques minutes d'adaptation et en faisant l'effort d’essayer de comprendre la patern de mouvement des obstacles qui se dresseront sur votre chemin.
En bref, un jeu qui est en résumé tout ce qu'a put être son développeur : Flair Software pendant son existence. C'est à dire un honnête développeur, pas forcément avec des concepts hallucinant d'originalité, mais qui nous sort autant que possible des jeux bien foutus ou juste bon. Malheureusement insuffisant pour s'imposer durablement surtout dans des domaines ultra concurrentiel tel que la plate-forme 2D (Oscar) ou l'action (Dino Jnr. in Canyon Capers). Pire, entre quelques belles daubes comme Euro Soccer ou Summer Olympix, Flair Software joue au yoyo et ce n'est pas pour avantager la situation de Whizz qui de fait fut relativement boudé par les joueurs, non seulement incertains de la qualité réelle du titre, mais en plus beaucoup plus attiré à cette époque par les capacités 3D d'une révolutionnaire Playstation !
Quand bien même le gameplay peut s'avérer archaïque, les graphismes un poil rudimentaires (rattraper par une bande-son tantôt espiègle tantôt jazzy sympathique) et le plaisir de jeu gâché par quelques menus détails, Whizz mérite quand même qu'on y jette un coup d’œil le temps d'une heure ou deux.