Ork, ork... avec un k ? Ça doit être de l'allemand.
C'est moche comme de l'allemand en tout cas !
En 1989 sort Shadow of the Beast sur le micro-ordinateur Amiga. C'est un jeu graphiquement époustouflant qui assoit définitivement la supériorité technique des micro-ordinateurs face aux consoles de salon de l'époque. Ce jeu donne presque à lui seul ses lettres de noblesse à son éditeur, Psygnosis qui un peu avant et surtout longtemps après sortira d'autres excellents jeux. Très vite, une suite à Shadow of the Beast est mise en chantier et cela se soldera par une trilogie dont le dernier épisode verra le jour en 1992. Seulement voilà, Psygnosis n'est pas prêt à laisser partir sa poule aux œufs d'or si facilement, en quelque sorte. Ils n'obligent certainement pas Reflections, les développeurs de Shadow of the Beast à réaliser des suites ad nauseam, mais dès que l'occasion se présente de chapeauter un projet similaire, Psygnosis n'hésite pas un instant. Et quand un petit studio nommé WJS Design toque à la porte de la chouette de Liverpool (le logo de Psygnosis est une chouette créée par l'artiste Roger Dean) avec comme projet dans sa besace un jeu d'action similaire à Shadow of the Beast, c'est banco.
WJS Design, du nom de son fondateur Wayne J. Smithson n'en est pas à son premier coup d'essai. Avant de fonder son studio, Wayne était graphiste et programmeur freelance et travaillait déjà en étroite collaboration avec Psygnosis. Il a notamment œuvré sur Baal puis a réalisé le portage Megadrive de Shadow of the Beast jugé honnête et de qualité. Autant dire que les relations entre les deux entités étaient bonnes et que Psygnosis voyait à nouveau se profiler la silhouette d'un hit avec le jeu de WJS Design : Ork.
Dans Ork (orthographié de la sorte probablement en inspiration de la race des orks de Warhammer 40.000 sorti quelques années avant, à différencier des orcs avec un "c" qui sont le même genre de créature mais du côté médiéval fantasy de Warhammer et des autres œuvres comme le Seigneur des Anneaux & co), vous dirigez un alien bipède nommé Ku-Kabul sur une planète extra-terrestre du nom de Ixion. Aspirant à un grade militaire supérieur, Ku-Kabul doit faire face aux dangers et passer les tests qui ont été spécialement placés sur cette planète afin qu'il puisse prouver sa valeur. Le moindre échec et s'en sera fini de sa carrière d'officier de son armée... pour toujours. Autant vous le dire de suite, la planète est menaçante et la faune locale n'est pas prête à vous accueillir avec collier de fleur et mélodie de ukulélé. Mais plutôt avec boule de feu, crocs acérés et un tas de pièges prompt à vous déchiqueter en morceaux. Heureusement, vous avez sur vous une armure qui vous sera d'une grande utilité puisque munie d'un canon mitrailleur et d'un jetpack !
Seulement voilà, la combinaison est une sacrée gloutonne, il faudra régulièrement récolter réserves de munitions et jerricans d'essence pour pouvoir explorer les environs aériens via votre jetpack. À l'instar de la combinaison de puissance de Samus Aran dans Metroid, votre armure pourra également se connecter aux ordinateurs que votre armée aura disséminé sur la planète afin d'obtenir quelques indices sur les énigmes et des informations sur les monstres hantant Ixion. Enfin, un inventaire très simple d'accès (basiquement, il suffit d'appuyer sur la barre d'espace de votre clavier Amiga pour l'ouvrir et sélectionner l'objet avec les flèches directionnelles) vous servira pour glaner clés et autres objets importants servant à la résolution d'énigme. Cristaux pour désactiver des barrières d'énergie mortelles ; module lance-missile à greffer sur votre armure pour détruire des blocs de décors qui vous barrent la route ; passages secrets à dénicher entre deux textures de l'environnement ; et tout cela en faisant face aux hordes de monstres qui vous entoure, ce n'est pas de tout repos !
Mais Ork est bien conçu et équilibré, il offre un challenge intéressant mais n'est pas comme tant d'autres jeux du genre de cette époque, frustrant et perclus d'ennemis à s'en cogner la tête contre les murs. Le jetpack vous aide à mieux vous déplacer et à prendre vos distance, même s'il faudra faire attention aux créatures volantes (aux pattern de mouvement cohérents et bien programmés, il suffit donc d'observer leurs boucles pour ne pas avoir de mauvaise surprise et les esquiver convenablement). Le défi consistera à repérer certains nids à monstres, recrachant par intervalles très réguliers une escouade de créatures. Détruisez ces nids afin de réduire drastiquement la population monstrueuse du niveau et ainsi terminer votre exploration l'esprit serein. Au moins, c'est très dynamique ! Les ennemis virevoltent entre vous et une série de plates-formes sur lesquelles vous devez grimper ; où ils se plaisent à ramper sur les murs pour balancer des projectiles d'un angle tout à fait improbable, mais le level design permet des déplacements faciles et une possibilité de mouvement fluide. Il suffit d'esquiver en observant correctement le rythme d'attaque et l'emplacement des ennemis - en prenant son temps - et vous parviendrez à vous débarrasser d'une tonne de monstre sans trop de difficulté.
Cela peut sembler anodin, mais la présence du jetpack et la relative mobilité du personnage rend le jeu agréable à parcourir. Globalement, Ork dispose d'une richesse de gameplay que son modèle, Shadow of the Beast n'aura pas la chance de détenir avant son troisième opus. L'élève dépasserait-il le maître ? Peut-être bien que oui. Cependant, vous le verrez un peu plus loin dans le test, Ork commet quelques impairs qui paraissent tout bonnement impardonnables quand, dans le même temps, Shadow of the Beast excelle.
Wayne J. Smithson a toujours été plus aisé avec la programmation et la technique qu'avec le game design (même si celui d'Ork n'est pas mauvais) et il l'a démontré lors de ses collaborations avec Psygnosis. Une fois n'est pas coutume, Ork est un très beau jeu. Très proche de la production de Reflections, il pioche ses références visuelles également dans les œuvres de H.R. Giger (les films Alien). La direction artistique plonge le joueur dans un univers biomécanique étrange où dragons, monstruosités squelettiques géantes et insectes difformes côtoient tubulures d'acier et terminaux informatiques high-tech. Parfois, l'écran se charge en sprite très mouvants (des insectes formants des files quadrillant les environs aériens d'une plate-forme, obstruant toute tentative de saut par exemple) mais la fluidité de l'ensemble n'en pâtit pas. On pourrait peut-être reprocher un certain immobilisme concernant les grosses créatures (dragon dont le corps est étrangement captif d'un mur de pierre et dont seule la tête peut bouger), c'est une tare que Shadow of the Beast présentait déjà deux ans auparavant, dommage. En contrepartie, Ork propose des décors sensationnels, forts bien détaillés et avec trois couches de scrolling différentiel. C'est moins que sur Shadow of the Beast mais c'est tout de même bluffant ! Le jeu de couleur rose/orangé du ciel de fond mêlé au gris des boyaux monstrueux de la planète Ixion offre une aventure dépaysante. En revanche, tout comme dans Agony, on ne pourra que regretter que les monstres que vous affrontez arborent le plus souvent les mêmes couleurs que les décors dans lesquels ils évoluent. Cela nuit un peu à la visibilité globale de l'action.
Graphiquement, Ork s'avère donc identique à Shadow of the Beast, ou à tout le moins très légèrement inférieur. L'identité visuelle n'est pas tout à fait originale même si cela fonctionne encore très bien et donne un cachet fascinant au jeu. Et techniquement, il est quasiment irréprochable mais c'est bel et bien Shadow of the Beast qui a montré la voie deux ans auparavant (ce qui dans le développement d'un jeu vidéo à l'époque s'apparentait à une éternité).
En sus des graphismes haut de gamme et d'un gameplay agréable, Ork se pare d'une touche sonore là aussi de qualité. La musique de l'écran titre est un exemple de dynamisme et de son typiquement Amiga. Élaborée, rythmée, elle est dotée de nombreuses notes qui complexifient les motifs au fur et à mesure. Le compositeur, Tim Bartlett (sound designer sur Sonic & All-Stars Racing: Transformed ou encore Overlord récemment) réalise un superbe travail. Sa musique ne sert pas aussi bien l'ambiance que celle, très mystique et parfois carrément sombre de Shadow of the Beast, mais son énergie la place au sommet du panier des OST Amiga malgré tout. Curieusement, une autre musique s'avère d'excellente facture, celle du game over ! Il nous prendrait presque l'envie de provoquer notre défaite rien que pour l'écouter une fois de temps à autre. Et... c'est tout. Ork ne dispose que de deux musiques ! Seuls quelques bruitages communs (mitrailleuse, explosion...) accompagne notre aventure in-game. Les musiques d'ambiance gothiques, vibrantes et énigmatiques de David Witthaker sur Shadow of the Beast étaient un très gros point fort du jeu. Mais Ork semble très léger de ce côté, dommage car pour le peu qu'on puisse écouter, ses musiques sont efficaces. Au final, il n'y a pas de comparaison possible, Shadow of the Beast remporte haut la main la bataille des musiques.
En définitive, Ork est très bon. Jouable, avec une difficulté bien dosée, un personnage original à défaut d'être volubile et attachant. Il est surtout très beau, les décors sont fouillés et les sprites parfois très impressionnants en plus de jouir d'une fluidité exemplaire. On pourrait seulement reprocher un petit manque de variété dans les environnements. Enfin, sa durée de vie est dans la bonne moyenne des productions d'action de cette époque. À nouveau, Psygnosis dote l'Amiga et l'Atari ST d'un soft haut de gamme, inspiré et maitrisé. Bien qu'il souffre d'un petit aspect de déjà vu, le jeu de WJS Design n'est pas malhonnête, on ne peut pas lui en tenir rigueur.
Le gros bémol, le problème qui le fait s'effondrer juste devant la ligne d'arrivé, bref le hic qui fait qu'il ne peut s'élever au même rang que Shadow of the Beast, c'est sa musique. Shadow of the Beast était réellement de grande qualité en ce qui concerne son OST. Les musiques de David Witthaker sont tout simplement incontournables sur micro-ordinateur, il fait parti d'un des grands Monsieur de la composition musicale du jeu vidéo. Shadow of the Beast gagne énormément d'identité et de force grâce à ses musiques.
Mais Ork manque d'un véritable panel de musique. Deux, c'est trop peu, peu importe la qualité de celles-ci. C'est un gros vide dans les éléments constitutifs principaux d'un jeu vidéo, et avec ce gros manquement, Ork ne peut prétendre au titre d'immanquable absolu de l'Amiga.
anakaris tu vois avant de lire ton test je voulais commenter en disant que je voyais en ce jeu le croisement de Shadow of beast et de the Killing game show... Ben je comprends mieux du coup au passage the Killing game show quelle intro de ouf
anakaris Yep j'aime beaucoup tes articles surtout les VGM. Je ne suis pas un fou de Retro gaming et la plupart du temps je ne connais pas du tout les jeux dont tu parles (comme ce Ork d'ailleurs) donc c'est toujours un plaisir de les découvrir via tes articles. Bref un blog de passionné passionnant on ne peut qu'aimer
Déjà vu cette jaquette, mais pas connu le jeu, mais franchement la D.A m'attirait à l'époque. En revanche il est vrai que les sound FX juste comme ça sans musiques, c'est un peu triste.
merci pour le test j'ai toujours pense que c'etait des screens d'un shadow of the beast
c'est beau pourtant l'allemand !!
danke !!
Agony, Arabian Nights, Lionheart, Chaos Engine, Alien Breed, Brian the Lion, Rubicon, Cadaver, Eye of the Beholder, Heimdall, ...