La peine encourue est le ban définitif de Gamekyo,
accusé Shanks, qu'avez-vous à dire pour votre
défense ?
On a tendance, à plus forte raison ces dernières années, à descendre Capcom et ce pour plusieurs raisons. L'une d'entre-elles est que l'éditeur se repose trop sur ses licences phares, recycle énormément et sert aux joueurs des soupes réchauffées, des remakes et des portages à gogo. Il y a probablement une part de vérité là-dedans même s'il convient en toute occasion de tempérer nos propos. On oublie un peu facilement que fut une période sacrée pour notre loisir favoris, où Capcom était de loin l'un des plus prolifiques éditeur en terme de nouveautés et de jeux inédits. À l'aube du nouveau millénaire, de nombreuses nouvelles licences (qui peuvent parfois sembler d'ors et déjà surexploitées) ont vu le jour comme Devil May Cry, Onimusha, Monster Hunter, puis un peu plus tard Lost Planet ou encore Ghost Trick. Même si cela n'a plus l'air d'être d'actualité en 2018, la division R&D et les nouveaux concepts de jeux fulminaient au sein de Capcom. Pour permettre aux jeunes de faire leurs armes, on les plaçaient sous l'égide d'un ancien. C'est comme cela que Hideki Kamiya (Devil May Cry, Okami, Bayonetta) fera ses premiers pas derrière le réputé Shinji Mikami (Resident Evil). Autrement, Capcom laissait le loisir aux game designer en herbe de travailler une idée pendant quelques semaines ou quelques mois, produire par eux-même une démo ou un design document (une sorte de mode d'emploi global d'un jeu en post-production afin d'expliquer le concept, les mécaniques de gameplay) et présenter leur trouvaille aux producteurs. C'est ce qui s'est passé pour Shu Takumi.
Après avoir travaillé à différents postes sur Resident Evil 2, puis Dino Crisis et sa suite, il lui est proposé une petite équipe. Shu Takumi nous raconte: "Shinji Mikami m'a donné six mois pour lui présenter quelque chose. C'était un tout petit projet, à tel point que presque personne n'en avait entendu parler dans la société avant qu'il ne soit finalisé. Je suis depuis toujours un grand fan des romans policiers occidentaux et je savais que ce serait sans doute mon unique chance de faire un jeu sur ce thème.'' Le scénario est constitué de quatre (cinq pour la version DS) affaires criminelles où l'on incarne le jeune avocat Phoenix Wright, nouvelle recrue du cabinet Fey & Co. Dans le premier épisode, on est chargé d'assurer la défense d'un vieil ami de Phoenix nommé Paul Defès (Masashi Yahari en version originale), accusé d'avoir assassiné sa petite amie. Ce premier épisode fait surtout office de didacticiel où la charismatique mentor de Phoenix, Mia Fey vous explique les rudiments du jeu. Le second épisode, bien plus passionnant nous réserve d’emblée une surprise de taille (les retournements de situations sont légions et particulièrement excitants dans l'ensemble du jeu) puisque la belle Mia est retrouvée sans vie dans son cabinet d'avocat ! Évidemment, c'est à l'inexpérimenté Phoenix de se charger de l'affaire avec l'aide de la jeune sœur médium de Mia, Maya. On fait alors la rencontre de quelques personnages récurrents de la série : l'inspecteur de police Dick Tektiv (notez le jeu de mot rigolo), emporté et maladroit mais qui n'a pas mauvais fond ; Benjamin Hunter, procureur de génie et principal antagoniste du jeu, il est très malin et semble toujours avoir une longueur d'avance sur les enquêtes que vous mènerait ; et l'avocat Samel Rosenberg.
Le jeu se divise en deux phases distinctes. La première, celle d'enquête, et la seconde, celle du procès. Phoenix doit explorer les lieux du crime à la recherche d'indices et d'informations pour étoffer le dossier de l'affaire - il peut alors se déplacer dans les différents endroits, les examiner, parler et présenter des objets aux personnes présentes sur les lieux. Étant donné que l'enquête policière est déjà faite, nous avons accès à plusieurs informations et documents. Âge de la victime, rapport d'autopsie, arme du crime avec indication des empreintes trouvées, et cetera. Les témoignages ont également, pour la plupart déjà été récoltés et il ne tient qu'à vous de faire parler les personnes liées à l'affaire autrement pour dénicher des indices supplémentaires, ou carrément les induire en erreur. Prêcher le faux pour obtenir le vrai est une bonne technique pour découvrir qui ment ! Mais comme Phoenix est un avocat de génie en devenir, malgré son manque d'expérience, il est capable de déceler des indices et des détails saugrenus dans les décors qu'il explore là où les enquêteurs de la police n'ont rien vu. Ainsi, à l'aide d'un curseur, vous pourrez pointer divers éléments du décors pour faire réagir votre personnage. Parfois, il s’agira d'une remarque triviale, une petite pointe d'humour bienvenue venant nous mettre le sourire aux lèvres. Mais souvent, il s’agira d'une observation qui apportera une information additionnelle. La phase d'investigation prend fin dès lors que vous avez inspecté convenablement les lieux, interrogé tous les personnages importants et découvert autant d'indices que possible. Une question fondamentale, un nouvel axe de réflexion est alors posé pour faire progresser le scénario, bien souvent dans le sens de votre client, fondamentalement innocent jusqu'à preuve du contraire.
La seconde phase est celle du procès qui réunit plusieurs personnages de base. Vous-même, bien entendu, le juge, le procureur autrement dit l'accusation, celui qui veut faire plonger votre client, et enfin le ou les témoins appelés à raconter ce qu'ils savent à la barre. En premier lieux, les déclarations des témoins iront rarement dans votre sens et pointeront d'un doigt accusateur votre client systématiquement. Aussi, comme dans toute grande affaire criminelle, il ne faut surtout pas s'arrêter aux apparences. Vous avez alors deux choix qui s'offrent à vous. Tout d'abord, vous pouvez mettre la pression au témoin afin de le faire douter, ou le faire s'emmêler les pinceaux dans ses témoignages. Demandez lui de confirmer expressément une date, un lieux ou tout autres détails liés à l'affaire ou demandez lui d'éclaircir une phrase, un mot ou un fait pour resserrer l’étau. Cette option ne sert pas à rendre un jugement ou innocenter votre client, mais il sert à recentrer le débat et préciser plusieurs points importants, voire parfois rectifier une erreur commise par le témoins. La seconde option, c'est celle qui fera réellement avancer le schmilblick est celle où vous pouvez présenter des preuves récoltées sur les lieux du crime, celle-là même que les enquêteurs de la police n'ont pas sut découvrir. Il se peut que le témoins n'ait pas été suffisamment précis dans ses propos, ou qu'il ai la mémoire courte et n'ai pas retenu tous les points importants des faits. Il se peut même qu'il ai été influencé par le procureur ! Ainsi, il vous faut déceler les quelques bizarreries de son récits afin de déterminer à quel moment et sur quels détails vous devez vous appuyer pour le contredire. Si par exemple, un témoins raconte qu'il a vu le tueur attaquer la victime avec un couteau, et que l'autopsie stipule noir sur blanc que la victime est morte sous les coups d'une matraque (laissant des marques sur le corps différentes d'une lame), vous pouvez vous insérez dans la brèche et le contredire. Phoenix présente alors le compte rendu d'autopsie comme preuve d'inexactitude du récit du témoins. Le témoignage est faux, le témoins n'était pas présent sur les lieux au moment du meurtre et ment pour couvrir quelqu'un, à moins qu'il ne s'agisse du tueur lui-même qui ment pour brouiller les pistes !
Suite à cette phase cruciale où vous avez réussi à contredire le témoin, il est presque certain que le procureur ne va pas lâcher l'affaire. ''Objection !'' S'écrit-il de façon particulièrement théâtrale. À son tour de vous présenter ses preuves pour contrer les votre. Il a réussi à récolter un couteau ensanglanté sur les lieux du crime et prétend avec ferveur qu'il s'agit de l'arme qui a servi à assassiner la victime, le témoins disant avoir vu le tueur armé d'un couteau raconte donc la vérité ! Mais non, car vous avez fait des relevés ADN sur le couteau auparavant et avez découvert un rôti de bœuf dans le four de la victime. Cette dernière se préparait un délicieux repas avant d'être assassiné et le couteau ensanglanté n'est autre que l'outil ayant servi à trancher le rôti en part égales pour servir les invités d'un repas organisé par la victime. Ce n'est pas son sang qui figure sur la lame !
Et ainsi de suite. Ce cas de figure n'est pas présent dans le jeu qui nous intéresse aujourd'hui, c'est une petite histoire complètement inventée par mes soins pour vous expliquer comment une enquête et une confrontation au tribunal typique se déroule dans Phoenix Wright. Mais une chose est sûre, c'est que le dynamisme et les retournements de situation sont légions. Le jeu alterne entre phases d'observation où le calme et la précision prime et phase d'échanges verbaux qui font monter la pression entre le joueur et ses adversaires (témoins récalcitrants, procureur...). La difficulté véritable du soft est complexe à évaluer car le fond du jeu n'est que déduction et logique. Très peu de notion de talent, de timing ou de tout ce qui pourrait constituer un jeu vidéo classique n'est présent dans Phoenix Wright. Seule la matière grise compte. Les phases d'investigation sont sans danger, mais face au juge, vieux débris exigeant et souvent de mauvaise humeur, il faut veiller à ne pas raconter de bêtise. Auquel cas, il vous contredira lui-même, vous discréditera et donnera l'avantage à la parti adverse. Le capital confiance de Phoenix auprès du juge est représenté par des points d'exclamation, et chaque erreur lui en fait perdre un, voire davantage à des moments-clés du procès. Ainsi, lui présenter une preuve qui ne fait pas la corrélation avec le propos d'un témoin ou qui n'a pas suffisamment d'impact pour être significatif dans l'affaire en cour vous en coûtera. Le véritable défi sera donc, outre récolter les pièces à conviction, de les assembler à ce puzzle géant de façon convenable pour les caser au bon moment et au bon endroit.
Là arrive un des petits soucis du jeu. En effet, si on a parfois l'impression de pouvoir répondre et retourner les récits d'un témoin contre lui-même en lui apportant une certaine preuve, et bien sachez que ce n'est pas toujours la bonne solution. Même si, en toute logique, ce que vous pensez peut être la marche à suivre, si le scénariste (principalement Shu Takumi, d'ailleurs) en a décidé autrement, vous ne pourrez rien faire de plus. Alors, lorsque plusieurs choix logiques et raisonnables s'ouvrent à vous pour contrer le témoignage d'un témoin, il vous faut choisir presque à pile ou face car le jeu aura été programmé pour vous laisser gagner si vous choisissez une solution et pas une autre. Ce genre de script assez dirigiste mène à des enquêtes et des rebondissements scénaristiques rondement menés, bien ficelés, mais inclut également une part de hasard dans le processus qui peut faire grincer des dents. Cela reflète relativement bien le quotidien des avocats qui doivent parfois bluffer et deviner qu'elle preuve utiliser pour toucher au cœur la sensibilité du juge. Mais dans le cadre d'un jeu vidéo, le hasard est souvent synonyme de défaite et donc de frustration car par définition, le hasard est incontrôlable. Le joueur aura beau être très intelligent et très talentueux manette en main (en l’occurrence ici, Gameboy Advance en main), si le hasard n'est pas de son côté, il perdra. C'est donc à double tranchant.
Le point d'orgue, vous l'aurez compris, ce sont ces duel de preuve face au procureur dans le tribunal. Cependant, Takumi nous apprend qu'au début du développement, le jeu ne devait pas comporter ce genre de séquence : ''À l'origine, c'était plus un jeu d'aventure classique, sans le procès. Le joueur devait y incarner un détective en charge de l'enquête. Mais en travaillant sur le jeu, j'ai eu l'idée de la confrontation avec les témoins et les suspects et des preuves à présenter pour le confondre. J'étais presque sûr que ce genre de jeu d'enquête n'existait pas encore et je me suis dis qu'un tel concept méritait un personnage plus original que le simple détective qu'on voit dans tous les romans et films policiers.'' L'alternance entre séquences d'investigation, séquences au tribunal et tribulations privées du personnage s'inspire de la série télévisée Perry Mason diffusée entre 1957 et 1966 et dont Shu Takumi est adepte. Si le début du jeu nous présente une affaire banale de meurtre (avec assez peu de censure pour un jeu au final si coloré et se jouant sur une console portable de Nintendo), la suite et en particuliers les jeux suivants de la saga gagnent en loufoquerie et en extravagance. Retournements improbables, scènes surréalistes, contre-interrogatoires capillotractés à base de témoins ectoplasmes ou d'assassins magiciens, Phoenix Wright se démarque des polars classiques pour obtenir une identité somme toute très japonaise en soi. ''Le processus était différent pour chaque affaires qui composent le jeu. Je n'avais jamais écrit de script auparavant et pour être honnête, je n'avais pas la moindre idée de ce que je devais faire. J'ai d'abord fais une liste d'idée d'erreur de témoignage : par exemple lorsqu'un témoins dit avoir vu le meurtrier tenir un couteau dans sa main droite alors que le suspect est gaucher ; et j'ai bâtit une histoire autour de ce genre d'idée. Hélas, je me suis servi de toute l'imagination que j'avais pour faire les scénario du premier jeu, je n'avais plus grand chose d'intéressant à raconter dans la suite. Alors j'ai décidé d'utiliser des histoires plus percutantes, plus étranges et moins terre-à-terre. C'est très difficile d'imaginer des histoires drôles et intéressantes, je ne connais aucune technique particulière pour cela, ce n'est pas le genre de chose qu'on apprend véritablement dans une école !'' nous dit Shu Takumi.
Le défi est effectivement de taille, car en général, un jeu vidéo nous présente son scénario au fur et à mesure de notre progression. Il entrecoupe régulièrement les phases de gameplay et nous dévoile le caractère des personnages, à l'occasion, nous avons droit à quelques révélations. Mais dans le cadre d'un jeu d'enquête comme Phoenix Wright : Ace Attorney, c'est pour ainsi dire le joueur qui fait le scénario puisque c'est à lui de réunir des éléments clés (preuves, témoignages...) afin de structurer le récit et permettre aux rebondissements et à la conclusion de se mettre en place. C'est grâce aux preuves trouvées par le joueur que le scénario gagne en cohérence et devient de plus en plus intriguant et intéressant.
Pour soutenir ce genre de scénario au schéma très particulier, il faut du dynamisme, car sans cela, le joueur s’ennuierait. Et à ce titre, la réalisation et la mise en scène de Phoenix Wright est une pépite de génie dans son genre. Pour les idées, les retournements de situations, le comportement des personnages et leurs caractères théâtraux au possible, le cadrage et les expressions faciales, la petite équipe de Takumi prouve avec brio qu'avec peu de moyen, on peut obtenir un résultat spectaculaire ! Les scènes de joutes verbales et d'échanges de preuves ont fait la renommée de la série part la nature imprévisible de leur dénouement et leur incroyable faculté à dynamiter un scénario qui jusque là pouvait être ennuyeux. En un clin d’œil, un formidable retournement de situation s'opère, le procureur lance un ''objection !'' qui résonne dans tout le tribunal comme un coup de tonnerre, vous frissonnez à l'idée de quel coup fourré il pourrait encore vous jouer et c'est à votre tour de rétorquer. La mise en scène est très bien pensée car même si ce n'est que des plans fixes, les personnages adoptent une attitude qui se veut grandiloquente : doigt accusateur pointé vers l'avant, sourcils froncés façon shōnen des familles, grandes exclamations etc. Les témoins, Phoenix Wright ou les procureurs ont un large panel d'expressions corporelles et faciales qui dénotent leur état d'esprit : au début calmes et souriants, ils perdent progressivement de leur superbe. À mesure que vous démontez le récit du témoins, il se met à transpirer, ses yeux fuit votre regard insistant et ses lèvres se tordent sous la panique. Ou à l'inverse, certain se mettront en colère, à la limite de la folie meurtrière, révélant aux yeux du juge et du monde entier leur véritable nature malhonnête et instable. Rien de plus gratifiant que de débuter le procès en manque de confiance face à un témoins qui se sent à l'abri et un procureur arrogant qui vous pique au flanc quand l'occasion se présente ; puis terminer ce même procès victorieux, avec un témoin effondré car ses mensonges auront été mis à jour et un procureur étrangement aphone tant la défait l'humilie.
Dans l'optique d'offrir au jeu une identité visuelle et une énergie communicative, l'équipe de développement a créé un casting éclectique mais plaisant. Phoenix Wright étant un personnage assez rapidement attachant car tout comme nous au départ, il est débutant dans le métier d'avocat. Aussi, c'est au fil des jeux et de ses aventures qu'il apprendra et nous avec ! Se faisant, sa relation conflictuelle très bien ficelée avec l'impressionnant procureur Benjamin Hunter (Miles Edgeworth en anglais, Mitsurugi Reiji en japonais) évoluera jusqu'à ce que le jeune avocat inexpérimenté et timide ne surpasse le procureur génial et arrogant. Ce dernier étant lui-même très charismatique, avec un langage corporel travaillé pour lui donner assurance et personnalité au-delà de ses simples lignes de dialogue. Mia Fey, le mentor de Phoenix Wright, est la descendante d'une longue lignée aux pouvoirs paranormaux et sa sœur, Maya, sera la partenaire attitrée de l'avocat le long des trois premiers jeux de la saga. Ce personnage apporte la touche de surnaturel dont la série avait besoin pour gagner en épaisseur, en charme, en identité, avec l'ajout de scènes comiques au potentiel invraisemblable élevé. Elles ont le mérite de procurer à l'intrigue des retournements de situation tantôt bien pensés, tantôt simplement drôles.
L'autre point fort pour soutenir le scénario et le rendre aussi intéressant que possible, c'est l'écriture. Évidemment, il est difficile de s'en rendre compte sur Gameboy Advance puisqu'en 2001, le jeu n'aura pas eu la chance de sortir hors de son Japon natal. Il faudra attendre 2005 et la DS pour voir arrivé un remake de part chez nous, doté d'une traduction aux petits oignons. Phoenix Wright : Ace Attorney est ce qu'on pourrait définir grossièrement un roman interactif. Très volubile, les dialogues entre les personnages sont riches dans le but d'entretenir des relations intrigantes entre eux et développer l'histoire, les tenants et aboutissants de chaque affaires judiciaires. Ainsi, des témoins qui dissimulent des indices et autres messages à demi-mots dans leurs phrasés alambiqués sont monnaie courante dans ce jeu. Bourré de gags, de jeux de mots et autres références idiotes qui ont fait sa notoriété sur l'archipel, un charme et un naturel pétillant se dégage des dialogues que s'échangent les personnages. Les petites scènes du quotidien qui entrecoupent les séquences d'investigation, les duels volcaniques au tribunal et qui servent à donner de la consistance aux personnages sont plus que bienvenus. Rien de plus loufoque et de plus efficace pour s'attacher aux personnages que de voir Phoenix Wright récurer ses toilettes avant de se lancer, le plus sérieusement du monde, dans une sombre affaire de meurtre. Cela n'entre pas dans la notation du jeu dans sa version originale tout en japonais sur Gameboy Advance, mais il convient de reconnaître la très grande qualité de traduction (assurée par Nintendo) lorsque le jeu s'est vu porté sur DS quatre années plus tard. En effet, si le jeu d'origine s'ancrait profondément dans la culture et l'ambiance japonaise, chaque grand territoire où a été commercialisé Phoenix Wright : Ace Attorney a eu la belle surprise de voir adapter ses propres spécificités culturelles et judiciaires. Ainsi, le tribunal devient fédéral dans la version américaine (comme dans la version française, curieusement), les noms sont bien entendu adaptés afin de faire quelques jeux de mot plus ou moins finauds (comme dans Pokémon) et d'autres genres de détails sont modifiés, comme la position du volant (à droite au Japon, à gauche en France).
Capcom et Nintendo ont vraiment effectué un boulot d'adaptation formidable pour rendre le jeu accueillant et accessible au plus grand nombre, épousant son concept de passionnant jeu d'aventure tout public à merveille. On comprend un peu mieux dès lors pourquoi le jeu n'a put bénéficier d'une localisation que très longtemps après sa sortie initiale.
Pour terminer sur une note musicale, car elle a presque autant son importance que la mise en scène dans ce jeu, il faut souligner le travail de Masakazu Sugimori (Viewtiful Joe, Vanquish, Ghost Trick...). Du vœux du concepteur Shu Takumi, les effets sonores devaient avoir un réel impact sur la personnalité et l'enthousiasme véhiculé par le jeu. Et c'est réussi. Très cartoonesques, ils accompagnent avec brio les camouflets qu'on inflige aux témoins adeptes de coquecigrues. Ils communiquent un véritable sentiment de satisfaction et sont secondés par une musique qui, si elle ne comporte pas réellement de moment de pur génie orchestral rempli son rôle. Le sens du rythme d'un tel jeu où tout repose sur la façon qu'est mené le scénario, les rebondissements et les surprises qui quadrillent régulièrement l'histoire est déterminant. Le jeu arrive à faire monter la tension en jouant sur les angles de vue, l'intonation prise par les personnages et la musique qui change parfois subtilement l'ambiance de l'ensemble. Une véritable chorégraphie se met en place sous nos yeux, où la défense théâtralise à l'excès, où les expression du faciès sont exagérément démonstrative et où la musique soutient un crescendo ébouriffant.
Succès autant critique que commercial et pourtant pendant longtemps limité aux frontières nippones, Phoenix Wright : Ace Attorney est de ce genre de petite pépite d'ingéniosité qui rend le jeu vidéo si chaleureux, si populaire, si attachant. Conçu pour tous le monde sans pour autant oublier de comporter un véritable fond et un intérêt même pour les ''hardcore gamer'', le premier jeu de la série pause les bases. Mécaniques intelligentes, scénario alambiqué bourré de surprises, personnages attrayants, travail de présentation et de mise en scène qui procure énormément de personnalité et de saveur au jeu - autant qu'on puisse en avoir sur Gameboy Advance en tout cas. Il a en sus les honneurs de figurer comme véritable parangon du genre. C'est en effet, à ma connaissance, le premier jeu à nous mettre autant dans le cœur du sujet que sont les enquêtes judiciaires et le métier d'avocat. Fils prodige des grands jeu d'aventure du PC et des micro-ordinateurs des deux décennies précédentes, Phoenix Wright innove et offre au jeu vidéo une toute nouvelle saga d'exception.
Une chose est sure pendant la période des 32 et 64-bits, c'est que les beat them all bête et méchant du genre "moi j'avance , moi je tape" ont littéralement perdu toute reconnaissance, ne donnant plus signe de vie pendant plusieurs années. Les Playstation, Saturn et autre Nintendo 64 étant privées de quelque un des plus grands représentants du genre (Final Fight, Double Dragon et autre Street of Rage...), les jeux de combat 3D dans des arène fermée et à un contre un purent prendre leur envol, ainsi naquirent les Tekken et consort tandis que leurs illustre ancêtre tout de sprites vêtue furent mis sous silence. Aussi, Final Fight se sera prostitué en 3D en 2006 sur PS2 et XBOX, donnant l’infâme Final Fight : Streetwise, tandis que de nouveau challenger tentaient de se faire une place au soleil, tel que les relativement bon Fighting Force (il y a matière à débat) par les créateurs de Tomb Raider.
Toujours est-il que privé des capacités de générer des mondes en 3D comme les Playstation est consort, la petite Gameboy Advance présentait de fabuleuse prédisposition pour afficher une très belle 2D pour son époque (les portages de jeux SNES sur la machine, en plus de ses quelques exclusivités sont là pour le prouver). Ainsi, et tout naturellement, c'est quelques séries d'antan qui vinrent trouver refuge sur GBA. Tel Double Dragon avec son itération Advance, ou encore les Tortues Ninja toujours sous la houlette de Konami pour le « Double Pack » (puis Ubisoft pour l'opus tiré du film d'animation paru en 2007) et le Final Fight One de chez Capcom. Donc, au mieux des jeux sympathiques mais qui n'apporte rien ni au genre ni à leur propre séries, au pire des soft médiocres se basant sur une licence à peine vivante alors. Autant dire que ce fut, malgré tout une période de vache maigre pour les amateurs de la castagne 2D dans le but de libérer la petite copine ou ce genre de chose.
Le salut viendra d'un jeu plutôt paradoxal en soit. Les pro du beat them all le connaisse, les autres non, d'un coté on peut le considérer comme un nouveau venu, et d'un autre on sait que le nom de Gekido est déjà gage de qualité, chose rare pour une série qui jusqu'alors ne compte qu'un seul soft ! En effet, le Gekido qui nous intéresse ici n'est autre que le spin-off d'un autre beat them all 3D à la Fighting Force sorti sur PS1 : Gekido : Urban Fighter.
Ce dernier ayant été co-produit par la petite société Mad Genius (plus tard renommé NAPS) en compagnie de Gremlin Interactive (qui verra quelques un de ses anciens fonder plus tard Zoo Digital qui eux, enfin, viendront éditer Gekido Advance, ça va, vous suivez?), le jeu possède une petite particularité vis à vis de son design. Particularité qui à l'époque ne faisait probablement pas couler beaucoup d'encre, mais qui aujourd'hui peut avoir son interêt. En effet puisque le chara-designer de Gekido : Urban Fighter et donc aussi Gekido Advance n'est autre que Joe Madureira. Joe Madureira ? Un des cousins de Robert Rodriguez ou... ? Mais non ! Le co-fondateur de Vigil Games (paix à son âme, un studio tellement prometteur) et aussi chef designer de Darksiders 1 et 2 ! Ah, dit comme ça, ça calme non ? À la base auteur de comic de grand talent avec un subtil mélange de trait type US et de manga, le monsieur a su se forger un style unique et très attrayant visuellement parlant.
Voilà pour ce qui est de l'anecdote du jour, on passe au jeu en lui-même, bande de vieux lard ? Aller !
De son nom complet Gekido Advance : Kintaro's Revenge, la production des italiens de NAPS vous met dans la peau d'un élève en art-martiaux qui a la tatane facile nommé Tetsuo (le mec est un cliché à lui seul, un air de famille à Ryu, qui se ballade en survet' toute la journée, avec le signe "Evil" dans le dos à la Gouki quand il pète une crise... c'est sympatoche et sa touche la fibre nostalgique de ceux qui ont connu les beat them all et jeu de combat 2D des 16-bits) Ce beau gosse se verra confier une mission par son maître qui lui demandera d'aller enquêter et s'enquérir de la situation d'un village étrangement calme et dont personne n'a de nouvelle depuis longtemps. Tetsuo y découvrira avec horreur que les morts se sont réveillés et ont envahis les lieux. Il est l'heure d'enfiler ses mitaines de combat et d'aller botter des culs nécrosés et péter des gueules de véreux. Apportez votre vaisselle, ça va mousser.
Bon déjà, le scénario, pour un beat them all est cool, parce que évolutif et réservant 2-3 petites surprises. Vraiment, on en demandait pas plus pour un jeu de combat sur Gameboy Advance, et NAPS nous le file quand même, alors c'est un bon point pour cette petite production. D'autant que le récit est fait avec dynamisme et quelques artworks animé vraiment sympa.
La seconde grosse "surprise", c'est qu'il ne faut pas avancer bêtement et désarticuler tous les gars qui arrivent en face ! En effet, un minimum de recherche sera sollicité. Vous devrez faire plusieurs aller-retours afin de revenir aux passages inexplorés. Un système de clé est présent, un peu comme dans Duke Nukem où il faut la clé rouge pour ouvrir la porte rouge, la bleu pour la porte bleue, etc ... Dit comme ça, ça paraît chiant et fastidieux, mais il n'en est rien car ce n'est pas trop abusé et le soft ne réclame pas trop d'aller-retour intempestif. Des petites side-quest seront même proposés par les divers PNJ du soft (le plus souvent il faudra visités des lieux spécialement prévu à cet effet pour retrouver un objet à rapporter, un classique à l'état pur mais qui au moins donne la possibilité de voir des décors jolis, on en reparle plus tard). Mis à part ça, Gekido Advance reste tout de même un beat them all, et à ce titre il est bien élaboré puisque proposant des combo. On est pas dans Tekken non plus, mais pour un jeu disponible sur Gameboy Advance, c'est déjà franchement pas mal ! D'autant que la concurrence des beat them all 2D de l'époque ou de la période passée ne proposait pas mieux, alors ça reste un avantage à mettre sur le compte de la production de NAPS. Ainsi, des enchainements de plusieurs dizaines de coups sont possibles (perso mon record c'est 16 hits, vraiment, ça claque pas mal à l'écran!). Un peu plus de complexité est offert au système avec des orbes apparaissant sur le cadavre des ennemi bouté hors de votre chemin, ainsi les orbes « S » upperont votre vitesse, les « P » votre force de frappe, les « D » votre résistance aux coups, et il y a même les « R » qui inversent les commandes (la gauche qui devient droite, le pied qui devient poing...), déstabilisant et handicapant ! De quoi donner un peu de fil à retordre à ceux qui ne sont pas préparés. Un rush est possible, ce qui créer des joutes bien dynamiques avec en sus des effets spéciaux jolis et des bruitages très nerveux, et une furie est bien sur disponible, pompant un peu de votre vie à défaut d'avoir une jauge de puissance magique pleine.
Suite à ça, il faut être tout à fait honnête, Gekido Advance gagne particulièrement en interêt vis à vis de son ambiance et de son design d'ensemble. On va se le dire tout de go, c'est le plus beau beat them all que la petite console de Nintendo ai à proposer. Comme dit plus haut, le chara-design mi-comics mi-manga donne un dynamisme et une fraicheur totale aux personnages plutôt attachant, d'autant que l'animation de leur sprites est bien détaillées et que les effets spéciaux colorés en tout genre éclate bien à l'écran. Couplé à des décors variés (devanture de temple bouddhiste, village parfois fort chargés en PNJ animés, bibliothèque antique, le classique cimetière sous le clair de Lune, cachot souterrains... avec en sus des pièges qui vous tombe dessus de tout part) et un jeu de couleur chatoyant (pourtant, on m'avait dit que l'écran de la Gameboy Advance classique est pourri ? M'aurait-on menti?) donne une personnalité charmante au soft. Sans compter les petits éléments du décors qui apparaissent en premier plan (la forêt de bambou) sans trop se faire intrusif, mais au contraire complètement immersif, et ça compense le léger manque de variété dans le bestiaire à dézinguer à coup de high kick.
NAPS Team va plus loin encore avec la gestion de la lumière plutôt bien foutu lorsque vous visités certain intérieur équipé d'une lampe à huile. Ça, plus les sprites des combattants relativement grand (2/3 de l'écran), leur expressivité poussée et la fluidité de tout les instants des combats font de Gekido Advance un jeu fort solide sur la technique.
L'ambiance globale qui émane de ce jeu ne serait rien sans le superbe travail sonore dont dispose Gekido Advance ! Les musiques changent sans cesse en fonction de la situation, tantôt douces et mélancoliques pour montrer la tristesse de tout un village, tantôt mystérieuses et enivrantes lors des phases d'exploration ou encore soutenues et rythmées durant les combats. Mais en aucun cas, on ne perçoit de cassure direct entre chaque mélodie. Celles-ci s'estompent en douceur pour laisser place aux suivantes ou éclatent au grand jour en même temps qu'une horde d'ennemis ! Mention spéciale d'ailleurs aux musiques de combats, tout de guitares électriques bien mélodiques et batteries salvatrices faite, à la Guilty Gear ou BlazBlue.
Clairement, plus que sur son gameplay relativement classique mais bien construit, Gekido Advance repose sur son enrobage graphique et son ambiance tant visuelle que sonore. C'est le carton plein à ce niveau, et on voit mal comment les développeurs auraient put rendre leur travail plus attrayant. Malgré une certaine limitation dans l’intérêt intrinsèque d'un tel jeu, beat them all oblige, et quand bien même la durée de vie est plutôt moyenne (5 chapitres, mais la difficulté est de mise au moins au début, les ennemis sont nombreux et ils faut choper la technique des combo pour s'en débarrasser rapidement), le soft reste très honnête et sympa. Le pire, c'est que le soft sent bon la passion et le old-school quand on sait faire attention à certain détail. Par exemple, le 1er mot de passe du jeu (il n'y a pas de sauvegarde) est « TERRY »... Le combattant phare de la saga Fatal Fury, rien que ça. Bah oué les gars. En plus de ça, les sprites ont ce petit quelque chose propre aux bon vieux jeu Neo-Geo, quand j'vous dit que le jeu a son charme.
Se négociant entre 15 et 20€ en règle générale, et surement facilement trouvable en émulation (je n'ai ps vérifier puisque j'ai le jeu d'origine), Gekido Advance est clairement le meilleur beat them all 2D de la GBA, ne vous en privez pas ! C'est un sympa moment de pur gaming à passer en compagnie de la console de Nintendo. Du plaisir à l'état brut vous dis-je !
À savoir qu'une suite (ou spin-off ? On le saura jamais, et pour cause...) devait sortir sur PSP, toujours développée par NAPS Team. Susnommée The Dark Angel, la production italienne sera annoncée en 2004 pour une sorti courant 2006, et selon les screen diffusés à l'époque serait un Devil May Cry like (donc adieu les couleur éclatantes et les personnages mi-comics mi-manga, autant dire que le soft perd les trois quart de son charme...), il ne verra donc jamais le jour. Pourtant, à ce qu'il semble, NAPS Team n'est pas mort, mais alors ça ne tient qu'à un fil, d'après mes recherches, ils auraient développés un jeu foireux sur Wii nommé Boot Camp Academy (édité par Ubisoft) ou encore un certain Twin Strike Operation Thunder toujours sur Wii... De la merde sur disque en somme, très peu ambitieuse voir carrément honteusement médiocre... Dommage.