Cet article SPOIL certains éléments d'Horizon Zero Dawn.




Parlons un peu de cette femme aux cheveux et tempérament de feu, celle dont le destin hors du commun fera passée de rejetée à adulée, d'exclue à élue, une orpheline devenue héroïne malgré elle, et sur qui reposera le sort de toute la planète, de l'ensemble de l'humanité et de la vie dans son intégralité.

Et pour bien débuter, remontons le temps, revenons sur son passé, son vécu, jusqu'à l'instant de sa naissance.
Aloy est née là, posée sur le sol froid. Pas dans des bras. Pas dans un foyer. Pas dans une tribu. Dans une machine.

Imaginez-vous un instant à sa place :
Vous n'avez pas de mère, vous avez été abandonné dès votre venue au monde, la société entière vous rejette sans raison, vous êtes un(e) paria mais vous ignorez pourquoi. La seule personne dans votre vie est paria lui aussi.

Maintenant posez-vous cette question :
Si vous aviez été banni dès la naissance, si durant votre vie entière vous aviez été ignoré, moqué, méprisé, rejeté, traité comme un pestiféré,... alors que vous n'avez jamais rien fait de mal. Comment auriez-vous réagi ? Quelle genre de personne seriez-vous devenue ? Quel sentiment auriez-vous envers les autres ?

Sans Rost, son père adoptif, pour bien l'éduquer et l'aimer, Aloy aurait sans doute mal tournée. Heureusement, il lui a inculqué des valeurs et a forgé son caractère. Elle est gentille, droite et juste, mais aussi forte et indépendante. Malgré l'absence totale de contact social, elle sait faire preuve d'empathie envers son prochain.




Elle vivra donc ainsi, isolée, jusqu'à sa majorité. Pendant toute sa vie elle se préparera à passer une épreuve dans l'espoir, peut-être, de devenir membre d'une tribu à part entière. Être acceptée et se faire des amis. Sauf qu'elle n'a pas le temps de fêter sa victoire, que son rêve se transforme en cauchemar : tous les participants de cette épreuve se font massacrer, un homme essaye de l'assassiner et Rost, la seule personne qu'elle aimait, se sacrifie pour la sauver.

En deuil, elle décide de partir, dans une solitude encore plus vaste que celle d’avant. Partir, car elle n'a plus personne pour la retenir. Partir, non pas pour fuir, mais pour affronter la tribu nommée l'Éclipse qui veut sa mort. Partir, pour enfin obtenir des réponses : pourquoi est-elle une paria, d'où vient-elle, qui est sa mère ?

Aloy commence son voyage dans le monde extérieur aux Terres Sacrées, à la recherche de la vérité qui l'amènera à découvrir le Projet Aube Zéro. Elle apprendra que la planète terre est en danger, que la nature se meurt et que la vie risque de disparaître à jamais. Mais aussi qu'elle est la seule à pouvoir sauver le monde, ce même monde qui l'a rejeté toute son existence.




Elle acceptera sa mission, prendra sur ses épaules à elle seule le poids de sauver toute l'humanité, au péril de sa propre vie. Tout ça, juste après la disparition de la seule personne qu'elle avait au monde. Mais avant de sauver ce monde, elle a dû se sauver elle même : elle a réussi à rester digne dans ce monde qui l’a humiliée, au lieu de céder et de sombrer dans le désespoir, la haine ou la rancœur.

Alors quand j'entends «elle est insupportable», «elle ne sourit jamais», «c'est une Mary-Sue», c'est que vous n'avez absolument aucune sensibilité, contrairement à elle. Elle est née d’une machine, mais elle est plus humaine que tous ceux qui l’ont rejetée, et que vous, vous qui la méprisez. Si vous n’aimez pas Aloy, c’est peut-être parce qu’elle a survécu à tout ce qui aurait brisé n’importe qui...

D'ailleurs au niveau de la dissonance ludo-narrative; si malgré son vécu, son deuil, la peur et l'enjeu de sa mission, elle était souriante et joviale, ça n'aurait strictement aucun sens et serait tout sauf réaliste.

Elle accomplira ses missions, réalisera des prouesses, des actes de bravoure, sauvera des vies, abattra des machines tueuses de chasseurs, verra ce que personne d'autre ne voit à l'aide du Focus : une technologie que les tribus prennent pour un don divin, sera la seule à pouvoir pénétrer dans la Montagne Sacrée grâce à son ADN, volera sur les Ailes d'Hélion, mettra hors d'état de nuire un titanesque Horus,... Aloy deviendra une légende, connue sous le nom de "sauveuse" ou "élue" par delà les frontières. Et pourtant elle restera humble et simple, refusant que les gens l'idolâtrent.

Elle ne voulait pas être une idole. Ni une paria. Elle voulait juste être… quelqu’un.

Mais ce qui a fait d’elle une légende ce n'est pas sa technologie, pas sa capacité de combat, pas sa génétique, mais sa compassion. La compassion, ce que personne n'a eu pour elle. Pour survivre, elle s'est construite une carapace, son humanité n’est pas un vernis, mais une cicatrice. Les blessures qu’elle porte sont celles qui détruisent les gens dans la vraie vie : l’abandon, l'exclusion, l’absence d’origine, l’absence de regard, l’absence du droit d’exister.




Un petit mot aussi sur son physique. Ceux qui la traite de laideron, de sauvageonne, ben oui, excusez-là, c'est un monde post-apocalyptique, retour au moyen âge, y'a pas de salon de beauté ni de maquillage, et elle passe ses journées à crapahuter dans les bois, à grimper des rochers et à combattre des machines 50x comme elle. (Et avis 100% subjectif : c'est une femme belle, naturelle, et avec du charme).

Ce n'est pas comme dans certains jeux où on contrôle un perso féminin, une gravure de mode, bien coiffée, maquillée, à la tenue ultra légère et immaculée, malgré qu'elle se bat contre des monstres en tous genres à longueur de temps. Ici c'est la fin du monde, pas un défilé de mode. Dans un univers crédible, les gens n’ont pas une esthétique de top model. Aloy est belle parce qu’elle existe. Parce qu’elle est vraie, crédible dans sa fatigue, ses traits tirés, ses cheveux en bataille, ses vêtements portés, ses taches de poussière, sa façon d’être fonctionnelle avant d’être décorative.




Oui Aloy est fonctionnelle, efficace même, elle sait de battre et a dû le prouver bien plus que d'autres. Mais dans un monde brisé, hostile, ignorant, tribal, violent,... la qualité la plus rare n’est pas la force, mais la bonté. Et Aloy, qui n’a jamais été traitée avec gentillesse, fait le choix conscient d’en donner.

Durant toute l'aventure elle ne fait qu'aider les gens, gratuitement, sans rien attendre en retour. C'est une femme serviable, adorable et en même temps forte et avec un caractère bien trempé. Ce n'est pas pour ça qu'elle n'a pas de défaut, mais elle ne se laisse pas faire et elle a bien raison. Bien sûr qu'elle a des faiblesses, mais la vie l'a obligée à les surmonter et à se débrouiller seule. La force qui naît de la douleur.

Et c'est elle, Aloy, la "sans mère" comme certains l'appelaient, la paria sans tribu, qui pourtant finira par toutes les rassembler pour lutter et sauver le monde, ensemble. Tout comme l'a fait, 1000 ans auparavant, la Docteure Elisabet Sobeck; sa mère spirituelle et créatrice du projet Aube Zéro.

A la toute fin du jeu, dans le dernier enregistrement d'Elisabet, l'intelligence artificielle Gaïa lui demande : «Si vous aviez eu eu une fille, comment auriez-vous voulu qu'elle soit ?»
Et à elle de répondre : «Curieuse, déterminée, fonceuse même. Et avec suffisamment de compassion pour avoir envie d'aider les autres, juste un peu.»

Et dans ces quelques mots, elle décrit parfaitement Aloy.

Selon moi c'est l'un des meilleurs personnages de jeux vidéo jamais créé, et bien qu'elle ne soit faite que de pixels, les développeurs ont réussi à lui insuffler une âme.