L'Union européenne a beaucoup de défauts, mais ce n'est pas le monstre bureaucratique et antidémocratique que l'on décrit souvent. La preuve par cinq.
Par ces temps tourmentés où l'euroscepticisme prospère, il est risqué de sortir la tête de la tranchée et de prendre la défense d'une institution très imparfaite, mais, au final, indispensable. Passons tout de même au crible les cinq poncifs les plus répandus pour vilipender l'Union européenne.
"L'Europe n'est pas démocratique"
Ah bon ? Résumons : le Parlement est désigné tous les cinq ans au suffrage universel. Chaque pays de l'Union se voit attribuer un nombre de députés en fonction de sa population, avec un seuil minimum (6) pour les petits États et un plafond pour les grands (96). Ces parlementaires sont élus à la proportionnelle selon des modalités qui varient d'un État à l'autre. Le Front national a pu, par exemple, avoir des élus européens, alors qu'il a été longtemps privé de toute représentation au Parlement français en raison du mode de scrutin majoritaire. Le traité de Lisbonne précise que le Conseil des chefs d'État et de gouvernement - l'organe suprême de l'Union - doit désormais tenir compte du résultat des élections au Parlement pour proposer le nom du futur président de la Commission. Les commissaires, eux, sont désignés par les gouvernements. Ils ne sont pas élus. Les ministres français non plus. Sans parler des hauts fonctionnaires...
"L'Europe est un monstre bureaucratique"
Faribole. L'Union européenne emploie 55 000 fonctionnaires : 33 000 à Bruxelles et à Luxembourg, 6 000 au Parlement, 2 000 à la Cour de justice. Les autres dans différents organismes et postes, dont la Banque centrale. L'UE compte 511 millions d'habitants. Soit un fonctionnaire pour 9 300 habitants. La France, elle, a la chance insigne de disposer de 90 fonctionnaires pour 1 000 habitants. La Ville de Paris emploie au moins 51 000 agents pour gérer 2,2 millions d'habitants (un fonctionnaire pour 43 habitants) et sans doute beaucoup plus si l'on y ajoute quelques annexes. Soit environ autant que l'Union européenne dans son ensemble. L'Europe dépensière ? Cherchez l'erreur...
Ajoutons que le nombre de députés européens - 751 pour la prochaine législature - semble assez raisonnable. La France, pour une population dix fois inférieure, peut s'enorgueillir d'avoir 925 parlementaires (577 députés, 348 sénateurs). Où se situe la gabegie ?
"L'Europe dépense sans compter"
Billevesée. Le budget de l'Europe pour la période 2014-2020 est en diminution par rapport à l'exercice précédent : 142,6 milliards d'euros pour les crédits d'engagement (- 3,7 %), 135,5 milliards pour les crédits de paiement (- 3,5 %). Une vertu qui devrait servir d'exemple sur les bords de la Seine...
"C'est la faute à l'euro"
Ah, le bon temps de la planche à billets où l'on pouvait dévaluer à tour de bras ! Avec l'euro, l'Allemagne a un excédent commercial de 200 milliards ; la France, un déficit de 60 milliards. L'essentiel des exportations françaises se font dans la zone euro. Les exportations françaises hors zone euro ne représentent que 11 % du PIB. Une dévaluation de l'euro aurait un effet minime à moyen terme, mais une conséquence immédiate : le renchérissement de notre facture énergétique. Quant à l'abandon de la monnaie unique, le retour à la guérite des douaniers, c'est simplement une chimère.
"C'est la fin de la nation française"
En 2040, la population française représentera moins de 1 % de la population mondiale (environ 9 milliards d'habitants). Le PIB annuel de la France est aujourd'hui de 2 800 milliards de dollars environ, celui de l'Europe de 16 000 milliards, à peu près comparable à celui des États-Unis et presque deux fois celui de la Chine. Dans vingt ans, si nous nous replions sur notre pré carré, nous serons sortis de l'histoire. Que pèserait en effet demain une France seule ? Rien ou presque rien. La seule chance de survie de la nation française, qui demeure le socle identitaire de ses citoyens, c'est bien sûr l'Europe. Le reste n'est qu'illusion.
