Personne n'est parfaite
Si la perfection faite femme n'existe pas dans la réalité, qu'en est-il des avatars vidéoludiques ? Certaines équipes de développements, motivés par ce qu'elles sont capables de créer avec les technologies actuelles, se font la course à la beauté, donnant la vie à des personnages féminins aux formes et aux courbes toujours plus troublantes tant elles sont dénuées des moindres défauts naturels. L'objet de ses rêves se trouve derrière l'écran puisque celui-ci semble pouvoir tout matérialiser. L'érotisation du personnage féminin dans le jeu vidéo est flagrante. Dans 99% des cas, nos chers développeurs, ne se trompant pas quant au public généralement visé, nous sortent de leur imagination débridée des créatures sexy, avantageuses, mignonnes au grand minimum. Et cela que le type de jeu s'y prête ou non. Même dans un jeu basé sur la peur, l'angoisse (que rien ne lie a priori à l'érotisme, si ce n'est une certaine moiteur corporelle, mais je m'égare), la pèlerine devra tant qu'à faire être la plus craquante possible. Prenez Fiona Belli de
Haunting Ground (à paraître sur PlayStation 2 en 2005), robe blanche extra fine, jupe ultra-courte et poitrine rebondie aguichent tout autant les sens que son air apeuré attendrit le caractère. Fort heureusement, on peut toujours trouver des héroïnes affranchies de l'étiquette du sexy, ayant autre chose à mettre en avant que leur corps et un autre objectif que de jouer la potiche de base. La journaliste Nicole Collard des
Broken Sword, la prêtresse Yuna dans
Final Fantasy X, l'avocate Kate Walker dans
Sybéria, la reporter Jade dans
Beyond Good & Evil en sont quelques exemples. De là à trouver des laiderons à mettre en avant dans le jeu vidéo...
Qu'est ce qui motive au juste les graphistes pour donner naissance à de telles chimères ? Pour s'appliquer autant à lustrer certaines parties charnues, faut-il avoir l'âme d'un pervers ou d'un orfèvre des temps modernes soucieux de montrer qu'il a étudié avec application l'anatomie féminine ? Le cas de la série
Dead or Alive semble illustrer au mieux cette mouvance de la sublimation du corps féminin. Initialement un jeu de combat comme les autres, le tout premier
Dead or Alive avait déjà pour particularité de proposer des combattantes aux seins à la physique douteuse (on eut dit des ballons gonflés d'eau) et le jeu permettait même, via les options, de modifier leurs degrés de mobilité et leur taille ! De là,
Dead Or Alive, au fil des épisodes, s'est mué en excellent jeu de combat dont la réputation n'est plus à faire, mais propose avant tout des combattantes aux plastiques de plus en plus mises en avant à travers les innombrables costumes à récupérer au fil des parties et couvrant une bonne partie des clichés du genre. Costume de chat, tenue de danseuse orientale, uniforme de lycéenne, kimono échancré, catcheuse, cuir, bikini... Absolument tout y passe. Eternel réservoir à fantasmes masculins, les Hitomi, Kasumi, Helena et autres Tina servent désormais tout autant de top model que de combattantes. Le prochain épisode jouable en ligne,
Dead Or Alive Ultimate confirme parfaitement cette tendance, précisons par ailleurs que si la série possède de nombreuses qualités ludiques, le système de jeu ne s'est plus vraiment remis en question depuis l'épisode 2, tandis que le côté visuel et érogène se surpasse tant que faire se peut. La limite est atteinte lorsque la
Team Ninja nous sort en 2003 son
Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball,
soft complètement obsolète au niveau du
gameplay, dont l'attrait se situe sur les séances de bronzages et d'astiquages de nos héroïnes, qui pourront bien entendu s'essayer à toutes sortes de maillots. L'ultime d'entre eux ne recouvrant guère plus que quelques centimètres de peau.
Dans le cadre des productions tous publics (du moins non réservées aux plus de 18 ans), le sexe ne peut décemment pas se montrer de façon totalement explicite (nous l'avons vu avec la subtile ellipse de
The Nomad Soul plus haut), reste donc le suggestif (cf. l'exemple de la nuit de Cloud et Tifa, dont nous avons également parlé précédemment) ou l'apparence. Il s'agit, comme dans
Dead Or Alive, de sublimer la féminité en proposant des tenues ou des poses de plus en plus excentriques. Dans ce registre, on s'amusera de la conduite éternellement prude de
Nintendo avec sa Peach, laquelle s'est quand même décidée à raccourcir un peu sa jupe pour le dernier
Mario Golf, mais rien à faire en ce qui concerne Samus qui semble rester éternellement pudique, engoncée dans sa large armure de chasteté. Mode encore, avec le cas de
Final Fantasy X-2 et ses changements de costumes façon 'Magical Girl' ! Au centre du système de jeu, changer de capacités en combat donne lieu à des séquences ralenties où nos fifilles font une démonstration de
cosplay. Là encore, tenues classiques ou bien représentatives d'une quelconque mode vestimentaire actuelle, un large panel est représenté, et le corps féminin excessivement mis en valeur.
Et ce n'est pas terminé, de nos jours, produire un jeu au ton ouvertement 'hot' ne semble pas déranger certains développeurs. Les Japonais de
Yuke's ont développé récemment
Rumble Roses, une simulation de catch exclusivement consacrée à la gent féminine dans laquelle on retrouve grosso-modo tout les archétypes déjà présents dans
Dead Or Alive (la blonde charnue au regard de braise fait face à l'asiatique menue à l'attitude faussement innocente) et un simple coup d’œil sur le
trailer officiel du jeu (disponible dans notre rubrique
Downloads) annonce clairement la couleur en se focalisant sur le corps d'albâtre de ces fritteuses de chocs et de charmes.
Même s'il en est le porte-drapeau actuel, il n'aura pas fallu attendre
Dead or Alive pour représenter la combattante dans ses plus beaux atours. Nous avons déjà évoqué Mai Shiranui, un emblème des studios
SNK. La Japonaise est-elle récurrente dans des dizaines de jeux pour ses qualités de combattantes ou bien pour autre chose ? Fait amusant, aux Etats-Unis, la poitrine rebondie et rebondissante de Mai a été sujette à censure ! Lors de l'avènement de la 3D, quelques années plus tard, les sœurs Wiiliams de
Tekken, Nina et Anna, se taquinaient de façon coquine dans les premières scènes cinématiques en images de synthèses, tant prisées à l'époque. Une émancipation féminine qu'avait déjà entamée Sophia de
Toshinden (Takara), une grande russe qui n'avait pas froid aux yeux, toute de cuir vêtue, talons hauts, et maniant le fouet comme une experte. Beaucoup plus récent, la
Team Ninja nous a offert l'archétype ultime de la potiche blonde aux seins énormes, guerrière au demeurant, mais vite dépassée par les événements, en la personne de Rachel (
Ninja Gaiden).
Les fleurs du mâle
Quid côté mâle ? Les icônes érotisantes du jeu vidéo ne se proposent-elles donc que de satisfaire la libido masculine ? Que deviennent nos pauvres 'gameuses' dans tout ça ? Sachant que la plupart des héros de base font preuve d'une virilité à toute épreuve, cela découle-t-il d'une volonté de créer des personnage répondants aux attentes de la gent féminine, ou à l'inverse de faire en sorte que le joueur mâle s'identifie à la robustesse du héros ? Et d'abord, le Rambo classique fait-il encore recette ? Pas sûr. Il est dans les tendances actuelles qu'apparaissent régulièrement des personnalités moins bourrues et stéréotypées qu'à l'ordinaire. Des icônes androgynes se font remarquer çà et là. Dernier exemple en date et pas des moindres, la star pop/rock japonaise Gackt sur laquelle est basé le héros du jeu
Bujingai. Cheveux roses, grands yeux bleus, sourcils et traits féminins. Dans un jeu d'un autre genre, Vaan, le personnage principal du futur
blockbuster Final Fantasy XII étonne également par sa féminité et ferait presque concurrence à Ashe, l'héroïne du jeu. S'il reste plus systématique d'érotiser le sexe féminin plutôt que masculin, nos amies joueuses commencent néanmoins à avoir le choix des armes, entres personnages efféminées à la mode, ou bien les classiques montagnes de muscles, porte drapeau d'une virilité certifiée.
Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty a d'ailleurs mis en avant ces deux types de mâles distincts : Raiden et Snake. Toujours est-il que la femme en a peut-être un peu ras-le-bol de se faire sans arrêt capturer pour crier au secours en attendant que son prince charmant vienne la récupérer dans son cachot. A ce titre,
Primal de Sony (PlayStation 2, 2003) a constitué une belle exception, en mettant en scène une serveuse au caractère bien trempé, Jennifer, dont le rôle est de combattre le démon Abaddon, celui-ci ayant capturé son petit ami Lewis. Enfin un jeu où c'est la princesse qui doit délivrer son amant !
Toute la subtilité d'outre-Atlantique
Beaucoup moins romantique, la souillure visqueuse de la vulgarité fait aussi irruption dans le jeu vidéo, toujours en corrélation avec le sexe. Evidemment, serons-nous tentés de dire, quoi de mieux que des productions américaines pour représenter dignement le trash dans toute sa splendeur ?
BMX XXX, mélange grotesque de nudisme vulgaire et de vélo, s'est vu boycotté par de nombreuses chaînes de distributions, et la version américaine censurée de toutes parties trop intimes. Dans le jeu d'Acclaim, les donzelles pratiquent effectivement volontiers en bikini, voire uniquement en string. Encore plus ragoûtant, la (heureusement) courte série des
Outlaw.
TDK a déjà engendré sous cette marque une simulation de golf et de volley-ball dont les aspects grossiers et provocateurs n'ont d'égaux que la pauvreté de leur
gameplay ! Greluches dévergondées qui s'adonnent à des positions trop suggestives pour être honnêtes, et relents de clichés-US abominables au menu. La sauce à base de comportements décalés et d'humour trash ne prend pas, et ces jeux se sont véritablement vautrés dans la revue de presse internationale. Et comme pour achever de nous convaincre que décidément non, le sexe et le trash ne font pas bon ménage dans le jeu vidéo, survient le souvenir de
Thrill Kill, jeu PlayStation annulé en 1998, mais devenu un objet fétiche du marché noir grâce aux copies pirates disséminées à quelques curieux malsains. Cette simulation de combat (qui avait au moins la bonne intention de proposer un mode 4 joueurs) comptait surfer sur la mouvance
Mortal Kombat, mais en mettant en scène les personnages les plus glauques possible. Crasseux, poisseux, débordant de sado-masochisme et de tortures physiques, on se demande un peu où les gens de
Paradox Development voulaient en venir avec leur bébé mort-né. Mais une chose est sûre, nous avons échappé à l'époque à ce qui aurait été la première exaltation en jeu vidéo d'une déviance sexuelle. L'image du personnage de l’infirmière sadique qui fouette son adversaire en l'écrasant avec son talon est récurrente dans les quelques clichés officiels que l'on peut encore trouver sur la toile. Le lien entre le sexe et la violence trouve son chaînon commun dans le public qu'il vise. Il n'est donc pas surprenant de trouver des dames de petites vertus dans le FPS
Duke Nukem ou encore un mini-jeu qui consiste à appuyer en rythme sur les boutons de la manette pour faire danser une demoiselle dévêtue dans le jeu d'action
Dead To Right.
Sex Culture
En dehors de l’œuvre vidéoludique à proprement parler, l'image du sexy est aussi entretenue par les médias et divers supports de diffusions. Les
artworks, notamment, dont la qualité flirtent de plus en plus avec l'excellence. Le Coréen Hyung-Tae-Kim, illustrateur surdoué de jeux tels que
Magna Carta ou
War of Genesis, est un bon exemple, tant ses créatures féminines captivent le regard. Dans un registre bien plus réservé mais tout aussi pointu, le Japonais Range Murata se caractérise par ses personnages féminins élégants, mais tout en simplicité et sans une once de vulgarité. Précisons enfin un cas assez unique, l'adaptation d'une oeuvre à caractère fortement érotique sur PC, la BD de Serpieri,
Druuna !
En parlant de médias, nous passerons rapidement sur
Sexe, passion et jeux vidéo édité chez
Flammarion. Rédigé par deux psychiatres, Marc Valleur et Jean-Claude Matysiak, non pas que ce bouquin soit mauvais, mais son titre est trompeur puisque que le jeu vidéo n'y est traité que partiellement en fin d'ouvrage. Il s'agit en fait pour les auteurs d'expliquer les mécanismes de dépendance et de faire le lien entre la passion amoureuse et la passion du jeu (compulsives et envahissantes ?). Des nouvelles formes d'addiction sans drogue, une toxicomanie douce et sans danger physique, voici ce qui est au centre de la réflexion de ce bouquin, au final bien éloigné de ce qui nous intéresse ici, contrairement à ce que laissait supposer son titre.
Par le trou de la serrure
Il serait triste de ne pas se réjouir de la présence de la sexualité dans les jeux vidéo modernes, quoi qu'en disent les censeurs rabats joies habituels du dimanche. Bien plus subtil que la violence, le sexe (et tout ce que cela englobe : érotisme, romantisme, exaltation des sentiments, recherche du plaisir) ne peut que contribuer à rendre notre industrie plus mature, pour peu qu'il soit correctement diffusé. Sans aller jusqu'à faire une fixation et aller chercher du sexe là où il n'y en a pas comme
le fait cette adresse culte, terminons ce tour d'horizon avec quelques curiosités. L'homosexualité, tout d'abord. Voilà un thème mature, et constamment d'actualité. Vous pensez que le jeu vidéo ne l'a encore jamais abordé ? C'est sans compter sur
Cho Aniki. Il existe au Japon un groupuscule de gamers qui se passionnent pour les
kuso-game, autrement dit, et littéralement, les 'jeux de merde'. Sur la couverture d'un bouquin consacré à ce genre, un jeu de la série
Cho Aniki à l'immense honneur d'y figurer. Plus un hymne à la stupidité et au n'importe quoi qu'à l'homosexualité, il convient cependant de noter que les héros de ce shoot burlesque sont deux frères gays bodybuildés dont le passe-temps favori est de prendre les poses les plus grotesques qui soient. Monumental, à essayer au moins une fois dans sa vie. Hana et sa compagne marquent également le coup dans
Fear Effect 2 (PSone, 2001), en formant un couple de lesbiennes qui ne se priveront pas d'une petite démonstration improvisée pour attirer l'attention des gardes. Le plus vieux métier du monde fait aussi son petit bout de chemin, et de façon interactive s'il vous plaît. On se souvient des prostituées de
Duke Nukem, ou de
Gran Theft Auto 3. Toujours sans concessions, la prostitution dans
Fallout permet de se faire de l'argent de poche. Et le joueur de s'en amuser. Heureusement pour nous, pauvres pêcheurs,
Sega nous remettra sur le droit chemin de la vertu avec son
Feel the Magic XY/XX, dont le titre original (
Kimi no Tame Nara Shineru) signifie 'Je pourrais mourir pour toi'. Sous ce titre inhabituellement chevaleresque se cache un jeu pour
Nintendo DS qui remet au goût du jour le côté 'sauveur de princesse' mais de façon originale (secourir sa compagne de divers dangers in extremis) et érotisante (il faudra s'attirer les faveurs de la belle par quelques gratouilles à l'aide du stylet et de l'écran tactile). A noter la représentation intéressante des visages, car schématique (sans traits aucun) laissant ainsi le soin au joueur de s'identifier au prince et d'y apposer la princesse de ses rêves.
Tous à poils !
Et de nos jours ? En observant la situation actuelle, deux titres attirent l'attention et peuvent laisser penser que le sexe commence à se montrer sous son grand jour et sans pudeur aucune.
Singles, tout d'abord, simulation de vie sociale à la
Sims mais se focalisant sur la vie sexuelle, le jeu n'a pas convaincu outre mesure, mais encore une fois le ton adulte et résolument moderne (l'homosexualité est par exemple ici bien représentée) est encore quelque chose de remarquable dans un jeu vidéo, même de nos jours. Sans doute moins fin, mais surfant sur la même vague 'simiesque', nous pouvons aussi citer Arush Entertainment et son
Playboy. A vous de faire fructifier la marque et de monter un véritable empire à l'aide de quelques séances photos de Playmates. Les soirées chic entre stars dans une superbe villa, symbole de votre décadence luxueuse, s'annoncent particulièrement charmantes à vivre.
L'émancipation du jeu vidéo semble donc s'opérer tranquillement, mais de manière générale, l'incursion de la sexualité relève encore trop souvent de la tartufferie à peine masquée, la faute à un
gameplay rarement à la hauteur de ce que l'on nous fait miroiter. Le jeu vidéo n’est plus l’apanage d’adolescents tapis dans la pénombre de leurs antres. Le marché et les joueurs ont mûri, les femmes sont de plus en plus nombreuses à jouer, reste comme toujours aux éditeurs de dompter les mouvances du marché pour l'aider à grandir et à s'épanouir.