Quand la fiction dépasse la réalité !
Le studio Frogwares est connu pour ses jeux mettant en scène le célèbre détective imaginé par Sir Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes.
Ce studio franco-ukrainien sort régulièrement des jeux d'aventure de type Point & Click reprenant donc cet univers de Londres fin XIXe siècle.
Nous allons donc nous attarder sur un jeu tiré de cette gamme, à savoir
Sherlock Holmes contre Jack l'Éventreur.
Le titre est sorti en 2009 sur PC et Xbox 360 (la version testée ici), soit 2 ans après Sherlock Holmes contre Arsène Lupin. Et force est d'admettre qu'avec ce titre, on change radicalement d'ambiance.
Fini la frivolité et la culture, et bienvenue dans l'enfer de l'East End, chez les miséreux de Whitechapel.
Illustration de Jack l'Éventreur arpentant Whitechapel
Durant la nuit du 31 août 1888, à Londres, au quartier de Whitechapel, le corps de Mary Ann Nichols est retrouvé sans vie dans une allée sombre de Buck’s Row.
La police et les badauds découvre une scène d'horreur. La prostituée de 43 ans a été sauvagement assassinée. Elle fût étranglée, égorgée et éventrée.
Ce meurtre provoque une véritable onde de choc dans tout Londres et plus particulièrement dans le quartier de Whitechapel.
Le lendemain du meurtre, le Docteur John Watson, colocataire et fidèle acolyte de Sherlock Holmes prend connaissance des faits dans le journal et en informe notre détective excentrique.
Le Dr Watson est horrifié par ce qu'il lit alors que Holmes, lui, paraît plus intrigué.
La curiosité du détective à la pipe va l'emmener visiter les lieux du forfait de l'assassin ainsi que le commissariat chargé de cette affaire.
Le crime semble parfait, le tueur ne laissant derrière lui aucun indice ou presque. L'enquête de Scotland Yard piétine.
Bien qu'il ne soit mandaté par personne dans cette affaire, Sherlock Holmes va tout de même mener l'enquête comme s'il s'agissait d'une affaire personnelle, ou plutôt d'un défi.
Un crime quasi-parfait, une police désemparée, et surtout un mobile difficile à définir au vue de la sauvagerie du crime, et du statut de la victime, une misérable prostituée d'âge mûr.
Tout ces éléments sont autant de points d’interrogation qui pousseront notre détective à investiguer d'autant que le meurtre de celle qu'on appelle "Polly" Nichols n'est que le premier d'une longue série, de celui qui sera sombrement nommé plus tard Jack L'Éventreur.
Comme vous pouvez le constatez, le scénario de ce jeu reprend des faits réels.
Jack L'Éventreur a malheureusement bien existé et est présenté comme l'un des premiers serial-killer de l'histoire.
Ses crimes d'une violence inouïe sont restés impunis, la police n'ayant jamais réussi à mettre la main sur lui. Enquêteurs et profilers continuent encore aujourd'hui à enquêter sur cette affaire devenue un véritable mystère, tout en échafaudant un ensemble de théories plus ou moins plausible.
Les développeurs de Frogwares ont osé un pari risqué: celui de restituer une enquête réelle, en y associant un enquêteur bien fictif. Le résultat pouvait être confus, mais je vous rassure tout de suite il n'en est rien.
D'abord, le titre fonctionne très bien dans la mesure où Sherlock Holmes officie dans la même ville et à la même époque que celle de Jack l'Éventreur (fin XIXe siècle).
Ensuite, les scénaristes du jeu sont restés extrêmement fidèles au matériau de base, à savoir l'affaire du tueur de prostituées de Whitechapel, à la déposition près.
Que ce soit les dates, les adresses, les photos d'époque, les indices, les pièces à convictions, certains suspects, les articles de presse tout ou presque a été retranscrit dans ce jeu.
On peut donc saluer un travail de documentation considérable pour coller au plus près de cette sordide affaire.
Mais n'oublions pas que l'on a à faire à un jeu vidéo, pas à un documentaire, d'autant que l’enquêteur est on ne peut plus fictif.
Du coup tout cet aspect authentique de l'affaire, s'intègre parfaitement avec ce qu'ont imaginé les scénaristes.
En effet, moult protagonistes du jeu sont aussi fictifs que Holmes à commencer par les cousins Solomonovitch, le vendeur de nourritures pour chat Hardimann ou encore la prostituée Lucy.
Tous ces personnages interviendront dans cette affaire, de près ou de loin, mais cet ensemble fictionnel fait sens avec les faits réels.
Les développeurs ont poussé le délire assez loin, dans le sens où Sherlock Holmes mènera à terme son enquête, tout en justifiant les zones d'ombres qui persistent encore aujourd'hui.
Sans rentrer dans le détail de l'histoire (ce serait carrément du spoil de haut niveau), sachez que Holmes découvrira l'identité de Jack L'Éventreur, et que cette personne fait partie des suspects potentiels.
En réalité les développeurs se sont appuyés sur une des nombreuses théories des ripperologues sur l'identité du serial-killer.
La grande force du jeu est bien entendu sa retranscription fidèle des faits, mais aussi son travail d'écriture, et cela est d'autant plus vrai avec dès que l'on évoque les dialogues.
Les dialogues ont bénéficié d'une grande attention, et le doublage intégralement en français est de très bonne facture. Bien que sa voix fasse un peu "vieux", Benoît Allemane fait un très bon Sherlock Holmes. Quant à Bruno Magne, il fait une fois de plus un très bon Dr Watson.
Le jeu ne reprend que 2 musiques issu du répertoire classique (Souvenir d'un lieu cher de Tchaïkovski, et Trio pour piano et cordes n° 2 de Schubert).
Les thèmes angoissants et plutôt discrets de Whitechapel sont quant à eux des compositions inédites.
Malheureusement toutes ces qualités décrites ci-dessus sont un peu gâchées par un travail graphique vraiment médiocre, qui casse quelque peu l'immersion.
Le terrain de jeu principal est donc Whitechapel. Ce quartier de Londres était considéré à la fin du XIXe siècle par certains écrivains et journalistes d'époque comme la plus grande concentration de pauvreté et de vices du monde occidental, rien que çà!
Le quartier comptait d'après certaines estimations environ 20.000 prostitués, ainsi que d’innombrables maison de passe.
Alcoolisme, prostitution donc, mendicité, violence, maladie (notamment les MST et IST qui faisaient rage), insalubrité, misère étaient le lot quotidien des habitants du quartier.
Frogwares a tenté comme il a pu de reproduire cela, et le résultat est raté. La cause principal est leur moteur graphique vraiment vieillot avec des décors nous rappelant plus la première Xbox que la Xbox 360.
La modélisation des personnages est pauvre, leurs expressions faciales ridicules, et leurs animations à mourir de rire!
Heureusement que le côté glauque et sale de Whitechapel est assez bien retranscrit, tout comme l'atmosphère macabre qui se dégage du soft en permanence.
Aussi le manque de moyens (certainement) fait que l'on retrouve dans les rues les mêmes PNJ.
Pire certains PNJ importants comme le journaliste véreux Thomas Bulling, ou la gérante de maison de passe Bella Poolman, peuvent retrouver leur modèle 3D réutiliser à l'identique comme simple passant ou mendiant pour le premier, ou fleuriste dans un autre coin de Whitechapel pour la seconde.
Outre le côté gag de ces rencontres, cela casse quelque peu l'immersion, mais bon l'intérêt est quand même ailleurs.
Et cet intérêt, outre son scénario, vient du gameplay. Et à ce niveau-là, on a droit à un bon jeu d'aventure de type Point & Click, avec toute la composante réflexion qui l'accompagne.
Il faut savoir que le jeu nous invite à contrôler par alternance Sherlock Holmes et le Dr Watson. Deux vues sont mises à notre disposition. Outre la vue à la 3e personne, à caméra fixe, on dispose aussi d'une vue à la 1ère personne nettement plus confortable.
A tout moment on peut basculer d'une vue à l'autre. Il est aussi possible de courir ou marcher en pressant la touche "back".
Sherlock Holmes contre Jack l'Éventreur n'est pas un titre open-world, même si il est possible de déambuler à pied dans une partie de Whitechapel.
Il faudra souvent utiliser la carte et sélectionner une destination pour s'y rendre.
Dans le menu principal il est possible de consulter la carte de Londres, mais aussi son inventaire, une archive qui classe les dialogues (du plus récent au plus vieux), les documents-clés ramassés ainsi qu'un tableau de déduction, entre autres.
Le jeu fait la part belle aux énigmes et aux dialogues. Pour progresser, il faudra parler aux personnages-clés qui nous aiguilleront durant notre enquête, ou qui nous demanderont de leur rendre service afin de nous lâcher un renseignement.
Quant aux nombreuses énigmes, elles se présentent sous différentes formes.
La chose la plus importante à faire est de toujours bien inspecter chaque nouveau endroit, les lieux des crimes etc, pour y recueillir des objets ou indices.
Beaucoup d'énigmes reposent sur l'association d'objets, d'autres sur des puzzles, d'autres sur des jeux de logiques ou de mathématiques.
De nombreuses énigmes nous demanderont aussi un sens d'observations et d'analyses de nos documents ou des scènes de crime.
Les tableaux de déduction permettent en permanence de réfléchir et de consulter les indices trouvés pour ainsi dresser un arbre de faits qui aboutit à plusieurs conclusions, plusieurs certitudes.
Il faut savoir aussi que Sherlock Holmes est sans doute un lointain ancêtre de MacGyver. Avec trois bouts de bois, une ficelle, et un couteau, il est capable de fabriquer une échelle ou réparer la roue d'un chariot.
Notre détective à la pipe peut déchiffrer un message codé, crocheter une serrure, se muer en ouvrier gazier, voire en électricien. Toujours avec un bout de ficelle et son couteau, il sait vraiment tout faire!
Les énigmes qui réclament la combinaison d'objets sont nombreuses, et comme d'habitude dans ce genre de jeu il faudra explorer à fond, réfléchir un peu, et parfois tourner en rond avant de trouver le comment du pourquoi.
Il existe bien 2 ou 3 énigmes bien retorses comme il faut, mais globalement le titre de Frogwares est assez accessible à ce niveau-là, et se révèle dans l'absolu bien moins ardu que son prédécesseur, à savoir Sherlock Holmes contre Arsène Lupin.
Il est aussi très agréable de retrouver tout l’attirail de Holmes, sa célèbre loupe, et son célèbre mètre qui permet de mesurer les traces de pas.
Les énigmes à l'image de l'histoire sont bien conçues, bien calibrées et s'avèrent à la fois variées, prenantes et amusantes.
D'autant que la jouabilité en vue à la première personne est très bonne, l'interface est bien conçue et assez claire. Même chose pour la durée de vie qui se montre d'un bon niveau puisqu'elle se situe entre 8 et 12 heures.
Au final, Sherlock Holmes contre Jack l'Éventreur s'impose comme un bon jeu d'aventure de type Point & Click sur Xbox 360.
Le joueur est littéralement absorbé dans cet univers sombre, et dans ce jeu de piste vraiment macabre. C'est simple, il est difficile d'éteindre la console, on veut toujours avancer et voir la suite.
Ceci est dû au travail d'écriture de haute volée, ainsi qu'au doublage de qualité et au gameplay bien calibré.
Dommage que l'aspect graphique ait été autant négligé, cette tare peut constituer une barrière aux joueurs les plus exigeants à ce niveau-là.
Aussi, certains joueurs déploreront le voile pudique qui enveloppe ce jeu. Le côté gore des meurtres est plus suggéré que véritablement montré. A ce sujet le titre est classifié 16+ par le PEGI.
Mais qu'importe, cela n'empêche pas de passer un bon moment avec le plus flegmatique des détectives privés.
Fiche technique:
Titre: SHERLOCK HOLMES VS. JACK THE RIPPER
Développeur: FROWARES
Genre: AVENTURE/POINT & CLICK
Année: 2009
Autre support: PC
Nombre de joueur(s): 1
Localisation:
NOTE PRESSE (Jeuxvideo.com - 24 Novembre 2009)
Screenshots:
J'avais testé le dernier au Rift moi, une belle galére XD