En ces temps de confinement, je le confesse mes seigneurs, j'ai fais une boulette. Oué. J'ai fini pour la deuxième fois The Order 1886 (la première fut courant 2015, à sa sortie quoi). Pire, lors de ce second run, je l'ai platiné. Putain de merde.
Non mais attendez, le pire, c'est que... ah, bordel non je ne peux pas le dire, je ne peux m'y résoudre. Bon, allez, respirons un grand coup. J'ai bien aimé. Voilà c'est dit, ok, ok. Ça m'a coûté une paire d’hémorroïde au cul de me l'avouer. Bon attention, faut pas déconner non plus, c'est pas le jeu de ma vie comme pour Minbox hein.
Disons juste qu'en y rejouant, j'ai retrouvé le même avis et les mêmes sensations qu'étaient les miens en 2015. Mais j'y ai également retrouvé un jeu que j'ai pu juger d'un œil nouveau, selon un angle différent et surtout à la lumière des diverses expériences de jeu d'action que la génération, qui bientôt prendra fin, a su m'offrir. En comparant donc The Order 1886 aux concurrents du genre, mon avis s'est affiné d'autant.
Pour résumé:
- Toujours aussi sacrément beau. Ça, tout le monde l'aura compris, le jeu fut et est encore aujourd'hui une pure claque graphique. Reflets de lumière, textures ultra détaillées, modélisation... tout est très haut de gamme mais au prix d'énormes sacrifices (cf les points négatifs).
- Un scénario relativement convenu mais efficace, assez bien rythmé même lorsqu'on se rend compte qu'une fois les scènes cinématiques zappées, on obtient des phases de gameplay pur qui au cumul ne font monter le compteur qu'aux alentours des 4 heures de jeu. C'est d'ailleurs sur ce point que s'articule la conclusion de cet avis, c'est le plus important pour la suite, ce qui conditionnerait une potentielle suite.
- Comme dit plus haut, c'est archi beau mais au prix d'un level design étriqué la plupart du temps. Aucune exploration possible, un vaste couloir du début à la fin avec ça et là quelques illusions qui nous offrent un soi-disant choix (deux petits chemins qui se séparent pour mieux se retrouver vingt secondes plus tard...) ; des zones très restreintes qui permettent de camoufler le chargement d'une portion du niveau suivant via des portes à ouvrir, des interstices de ruelle dans laquelle se faufiler, des obstacles à escalader etc. bref, la recette éculée pour charger en douceur des zones très petites mais très belles les unes après les autres. Même Final Fantasy VII Remake emploi cette technique usitée de tous. Mais The Order s'en sert à un niveau d'intensité rarement vu, à tel point qu'on se sent quasiment systématiquement étouffé et aplati par ce décor si étroit et sans aucune liberté d'action. Cela étant dit, je veux bien reconnaître que ça sert à merveille l'immersion dans ce Londres charbonneux, sale et sombre, glauque et peu accueillant. La Perfide Albion et son image gothique, fantasmée par des générations d'auteurs de récits d'épouvante et de science-fiction steampunk n'aura jamais été si bien dépeinte.
- Une lourdeur du gameplay qui découle certainement directement du manque d'interaction et du manque de liberté d'action proposé par le jeu. Le système de cover shooter n'est clairement pas aussi souple que celui d'un Uncharted, et certainement pas aussi explosif que celui d'un Gears. On ne ressent pas le feeling délicat des meilleurs TPS couler dans les veines de la maniabilité de The Order. La mécanique est belle, mais engraissée, lourde. C'est peut-être un parti pris pour répondre aux exigences d'une mise en scène cinématographique (les exécutions au corps à corps, la gestuelle du héros, etc.), mais manette en main, ça ne convainc pas tellement malheureusement.
Conclusion:
The Order 1886 mérite-t-il une seconde chance ? Non. Enfin, lui, là, ce jeu, non. On lui en a donné une, il n'a pas su la saisir et des concurrents très sérieux ont fini par l'achever. Même ceux issus de sa propre fratrie comme les autres TPS de chez Sony. Comme quoi, même entre cousin, il n'y a aucune pitié.
Mais la franchise The Order en revanche le mérite.
Si suite il doit y avoir, l'équipe de développement n'a pas besoin de s'attarder plus que de raison sur les performances graphiques du jeu. Je pense qu'ils maîtrisent suffisamment bien ce point et ils n'ont plus rien à prouver. En revanche, il faut d'urgence qu'ils apprennent à faire un JEU vidéo. Tout simplement. Avec un rythme mieux maîtrisé, bien que ce premier jet montre déjà de belles choses. Mais aussi avec des phases de jeu plus variées (résolution d'énigme, séquence d’interrogatoire avec choix de dialogue multiples, course-poursuite etc..., la mini séquence d'infiltration de 5 minutes vers la fin du jeu ne suffit pas à suffisamment varier l'action et à embellir les sensations de jeu, c'est trop peu). Bref, comme il fut souvent reproché à The Order 1886, il faut que sa suite, s'il y en a une, ai moins l'apparence d'un film interactif (ce qui ne veut pas dire que le jeu doit être moins beau et moins maîtrisé techniquement).
Il n'est pas nécessaire de sortir de Saint-Cyr pour comprendre que l'histoire est des plus inachevée. Il suffit de voir comment toute cette aventure se termine. Galahad renonçant à son rang de chevalier, promettant qu'il reviendra pour définitivement mettre fin aux agissements d'un Ordre corrompu et d'une organisation complotiste maléfique... On note également que finalement, la présence des lycans n'a pas été si utile que cela au jeu, on ne les affronte que rarement et ils n'ont presque aucune incidence sur le déroulé des évènements. À part pour créer un plot twist sur la véritable nature et la véritable identité de certains personnages, les lycans ne sont que très secondaires. Et je ne parle même pas des vampires, relégués au rôle de cadavres impuissants qu'on ne voit qu'au détour d'une courte scène cinématique où Galahad décide de les brûler pour le danger qu'ils représentent. Danger auquel on ne se frottera strictement jamais, puisque le jeu ne nous confronte à aucun moment à un de ces vampires. En fait, The Order 1886, c'est 95% d'adversaire humains tout ce qui a de plus normal : rebelles, gardes, etc. Et 5% du reste sont les quelques lycans qu'on croise çà et là. Des menaces bien terre-à-terre, fade et finalement pas si dangereuse que cela. Comme si dans God of War on ne massacrait aucun dieu, mais on se contentait d'abattre des armées entières de soldats grecs sans aucun pouvoir...
Bref, on sent clairement que le jeu aurait dut aller plus loin, pour faire monter l'épique et nous engager pleinement dans une guerre sainte contre des créatures maléfiques et inhumaines. Au lieu de ça, The Order 1886 fait office de prologue pour la bataille à venir contre loup-garou et autres diableries. Mais cela, depuis 2015 nous l'attendons...
La conclusion, ou du moins l'approfondissement des relations entre certains personnages mérite également que Sony et Ready at Dawn travaillent sur une suite. On y voit à la fin du jeu une Igraine partagée entre de nombreux sentiments, entre le doute, la colère, la rancœur et son devoir de chevalier qui l'a fait se placer dans un cruel porta-faux face à son ancien ami Galahad. Elle ne peut se résoudre à le condamner fermement, mais son devoir la pousse paradoxalement à le traquer et se positionner en tant qu'ennemi de l'ancien chevalier qu'elle pense être un traître à la couronne. Au final, nous ne verrons jamais la confrontation finale entre ces deux protagonistes et il faudrait croire que tout se termine comme cela ? Non, soyons sérieux. C'est comme si Star Wars s'était arrêté après que Vador ai avoué à Luke qu'il été son père. On voit bien qu'il DOIT y avoir une suite pour mettre un terme convenable à cette intrigue. Et bien entre Igraine et Galahad, c'est pareil, de nombreuses pages de leur histoire doivent encore être écrites.
Même constat pour Galahad et Lakshmi. On devine que Galahad pourrait en sa compagnie aller faire un tour en inde pour y trouver non seulement des alliés mais aussi tenter de s'opposer à la United India Company. On nous laisse entendre qu'une caste semblable aux chevaliers de Grande-Bretagne opère également en Inde orientale, comme le suggère l'eau noire, réservée aux chevaliers et capable de donner un semblant d'immortalité à celui qui la boit et qui se trouve en possession de Lakshmi. Est-ce que les ancêtres de Galahad avaient-ils prévus qu'un jour, une société maléfique et complotiste menée par les lycans et les vampires allait tenter de dominer le monde ? Est-ce pour cela que les chevaliers d'Inde furent créés, pour contenir la menace des monstres partout sur le globe ? Outre l'Inde, on nous dit également que la United India Company s'étend fortement sur le continent américain, notamment via l'export massif d'armes et de matériels censé appartenir à l'Ordre des chevaliers de Grande-Bretagne. Un petit tour là-bas pourrait dévoiler une nouvelle facette du complot mondial qui s'opère dans l'ombre.
Jusqu'où est mouillé le Grand Chancelier, dirigeant des chevaliers de l'Ordre qui du début à la fin du jeu semble clairement jouer un double rôle, à tel point qu'il est complètement aveuglé par l’ignorance même lorsqu'on lui expose des preuves irréfutables sous le nez. Est-il simplement vieux et sénile ? Fait-il simplement exprès de ne rien voir ni comprendre pour couvrir ses alliés ? Sert-il d'autre dessein ? Quant au Lord Hasting, qui tire les ficelles de tout cela, on sait qu'il n'a pas été mis hors d'état de nuire à la fin du jeu. La menace est donc bien réelle et toujours présente.
Bref, tout porte à croire que The Order 1886 a besoin et mérite une suite, au moins pour essayer de conclure toutes les intrigues et sous-intrigues abordées dans ce premier jeu.
Maintenant, la question est de savoir, est-ce que Sony et Ready at Dawn auront la volonté de tenter le coup. Car le coup peut être tenter, faut pas être très malin pour le comprendre. Mais étant donné que le jeu fut une légère déception d'un point de vu critique et commerciale, Sony laissera-t-il sa chance à une suite ? Dommage qu'une potentille série au fond riche et intéressant soit otage d'ambition commerciale et d'un appât du gain qui gangrène l'industrie du jeu vidéo moderne.