description : Pour les mélomanes (et pour les autres, après tout, y'a pas de raison), venez découvrir ou (re)découvrir des merveilles musicales issues de notre loisir favoris: le jeu vidéo !
Le mot d'ordre: la variété. Hors de question de se contenter d'écouter en boucle du Final Fantasy ou du The Legend of Zelda, même si ces deux sagas légendaires seront représentées généreusement sur Video Games Music !
De la Nintendo NES à la Playstation 4, en passant par le PC et la Megadrive ou encore l'Amiga et la Xbox 360, le RPG, les jeux de baston, les jeux de course ou encore les point'n'clik et les ovni vidéoludiques se donnent rendez-vous en musique ici !
Compositeur de jeu vidéo est une vocation très particulière, car elle réclame d'avoir une fibre artistique réelle mais aussi des connaissances en informatique afin de manipuler au mieux les instruments et ordinateurs à disposition pour créer les meilleures musiques possibles. Nombre de compositeurs ont sut faire fi des limitations techniques des supports sur lesquels ils ont travaillés pour nous fournir des musiques mémorables (David Whittaker pour Shadow of the Beast, Junichi Masuda pour Pokémon Rouge & Bleu, Yuzo Koshiro pour Street of Rage etc). Et Tim Follin fait parti de ceux là.
Pourtant, rien ou presque le destinait à devenir un des plus grands manipulateurs de chiptune de l'histoire (sons entièrement générés par ordinateur ou par puce sonore d'une machine électronique). Il débute en tant que programmeur et accompli sa formation auprès de son frère Mike sur un ZX Spectrum. C'est cette formation initiale d'informaticien qui lui a permis de développer des compétences particulières de composition sur machine électronique.
Durant quasiment toute sa carrière, Tim fera équipe avec son second frère, Geoff pour expérimenter, bidouiller et composer un tas de partition musicale à l'identité forte et à l'aspect technique bluffant. C'est le cas de Batman Forever sur Super Nintendo (la composition de la version Megadrive est identique, mais le processeur sonore de la console de SEGA donne naissance à un rendu sonore différent). Le jeu en lui-même, développé en 1995 par les tristement célèbres Probe (un studio interne de l'éditeur Acclaim, connu pour avoir fait beaucoup de jeux médiocres) n'est pas très bien reçu par la critique, et son aspect visuel basé sur la motion capture à la Mortal Kombat n'est pas forcément du meilleur effet.
Et pourtant, les frères Follin arrivent à donner un cachet musical intéressant à ce pauvre jeu que tout accuse à commencer par son gameplay rigide et sa difficulté intraitable. Ici, l'ambiance distillée par le morceau Arkham Asylum oscille entre énigme, suspens et obscurité. On ne ressent pas le danger à proprement parler, mais on se sent baigné d'une sensation douteuse, perdu dans un environnement étrange et peu accueillant. Les variations de rythme (à 1 minute 36 par exemple) nombreuses contribuent à installer une ambiance louche très en phase avec l'environnement dans lequel on déambule.
Techniquement, la piste est un petit condensé de génie. Mêlant variation de hauteur, de rythme et se permettant même de superposer deux compositions bien distinctes pour mélanger subtilement ambiance gothique et psychotique chère à l'asile d'Arkham, antre de ce satané Joker...
Un jeu à l'onirisme affirmé, un compositeur réputé, quelques extraits convaincants diffusés sur le site Internet et un packaging plus que soigné pour ce qui est de l'OST... Visiblement, Square-Enix y croyait à son nouveau petit RPG sur 3DS. Peut-être pas au point d'y voir le prochain Final Fantasy ou le nouveau Dragon Quest, mais tout de même. Le compositeur répond au nom de Revo (connu comme étant le leader d'un groupe japonais nommé Sound Horizon) et même s'il est loin de faire ses premiers pas dans la musique, rien ne laissait supposer qu'il composerait une des plus belles OST de cette génération en ce qui concerne les jeux sur consoles portables.
Ici, on découvre Horizon of Light and Shadow. Cette adorable petite chose est le thème de carte de monde du jeu, un Main Theme à la Final Fantasy VII deux fois plus courte où paraissent cohabiter la vitalité du jour plein d'espérance et la nuit propice au mystère voire au danger. Encore que le danger ne transparaît pas dans cet air finalement plus qu'enthousiaste, même dans les moments d'ombre où la mélodie n'est qu'une déclinaison plus sage du thème principal, sans aucune forme de menace que ce soit pour tenir le tableau. La comparaison avec Final Fantasy VII ne tient plus que dans le contraste, génialement mis en musique, puisque même la notion de jour/nuit pourrait s'effacer devant un concept de lumière/ombre plus intemporel. Le nom donné ne peut alors que mieux correspondre à la musique, puisque même le terme d'horizon est judicieux dans le cas présent ; l'horizon, c'est l'aventure dont on ne sait quand elle finira, mais c'est le point que l'on poursuit et qui nous inspire.
Il est intéressant de noter que Squaresoft/Square-Enix ont sut négocier plus habilement les virages et changements de générations entre la Super Nintendo et la Playstation, et entre la Playstation et la Playstation 2 plutôt que entre la PS2 et la PS3 puis aujourd'hui entre la PS3 et la PS4. En effet, en ce qui concerne Final Fantasy, on a tous en mémoire le calvaire que fut d'enfanté Final Fantasy XIII puis ensuite Final Fantasy Versus XIII qui deviendra le XV. Ce fut à partir de la "génération HD" que rien ne fut plus comme avant pour le géant japonais, je pense qu'on est tous d'accord là-dessus.
Mais le changement, Squaresoft en avait déjà vécu et s'en était sorti admirablement bien en sachant évoluer avec son temps. Musicalement et techniquement, c'est un peu l'histoire de ce Final Fantasy X sorti en juillet 2001 au Japon. Symbole de l'évolution de la firme juste avant que celle-ci ne vive probablement son plus grand bouleversement (sa fusion avec Enix en 2003), Final Fantasy X voit pour la première fois de la série ses personnages se parer de doublages anglais et japonais. Le génial compositeur attitré de la série, Nobuo Uematsu se voit lui aussi obligé de suivre l'évolution lorsqu'il accueille à ses côtés deux autres jeunes compositeurs: Masashi Hamauzu et Junya Nakano.
Mais force est de constater que cette alliance fut plus que bénéfique au dixième soft de la saga au double F qui obtient une bande-son originale, variée, qui ose et qui surprend.
Ici, People of the North Pole fut composée par Hamauzu (qui plus tard signera les OST de Musashi: Samurai Legend et surtout Final Fantasy XIII et XIII-2). Connaissant le bonhomme, on aurait put croire avoir droit à du piano (lors de ses études, il fit du piano son instrument de prédilection) mélancolique à souhait pour un thème collant à la perfection à l'isolement dans le froid glacial des montagnes du peuple Ronso, mais non ! En réalité, c'est les violons qui font le job avec un rythme lent et une caisse de résonance afin de donner cette ambiance de vaste étendue pure et glacière très réussie.
Le caractère fier, la dignité des semblables du charismatique personnage de Kimahri est ici retranscrite de façon sobre mais juste et émotive. Le duo mélodie (violons) - rythme (percutions) se marrie de la meilleure des façons pour constituer une des pistes les plus remarquables de tout le jeu. Le jeune Masashi Hamauzu (30 ans à la sortie du jeu) prouve qu'il est capable de saisir toute la substance d'un décors, d'un personnage et de donner de l'âme et une ambiance à une portion de jeu aussi ambitieux qu'un Final Fantasy canonique.
En 2007, le tout jeune studio polonais CD Projekt (la branche développement fut créée en 2002 et The Witcher fut en projet dès le début, la compagnie éditrice CD Projekt globale date cependant de 1994) ne manquait déjà pas d'ambition et s'est attaqué aux ténors de l'Action-RPG à l'américaine tels que Jade Empire, Fable et autre Elder Scroll. Aujourd'hui devenu ténor à son tour, ceux ayant prit en main l'univers du romancier fantastique Andrzej Sapkowski signent avec The Witcher III: Wild Hunt leur œuvre la plus sophistiquée. Des centaines d'articles élogieux ont été fait, des notes dithyrambiques à ne plus savoir quoi en faire ont été décernées. Inutile de tergiverser, The Witcher III est une réussite totale, magistrale, historique dans sa catégorie et dans le jeu vidéo en général.
La justesse de l'ambiance sonore fait partie des points forts du titre, il suffit de fermer les yeux pour se voir envoûter dans ce monde si vivant, si réaliste et merveilleux à la fois. L’ambiance des villes, villages, forêts, campagnes ou océans regorge de trésors pour vos oreilles. Entendre un groupe de musiciens à une rue de distance par dessus le brouhaha du marché local est une expérience suffisamment rare en jeu vidéo pour être notée, et The Witcher III propose cela !
C'est à Marcin Przybylowicz (The Vanishing of Ethan Carter, il a déjà composé sur The Witcher II et rempilera pour le prochain jeu du studio: Cyberpunk 2077) et Mikolai Stroinski que l'ont doit l'OST du jeu, et le moins que l'ont puisse dire, c'est qu'ils ont accompli un travail d'une qualité rare. Ils ont eu une façon de donner vie à l'univers musical du jeu méthodique, en proposant deux types bien distincts de musiques pour accompagner les situations du soft au mieux. Ici, nous allons voir le premier pilier de l'OST s'articulant autour de sonorités médiévales, dansantes, typiquement folkloriques des musiques d'Europe de l'Est d'antan.
Ainsi, les deux compositeurs se sont alliés au groupe folklorique Percival, spécialiste de la musique irlandaise, écossaise, polonaise et autre du genre. Groupe authentique et passionné s'il en est, Percival use d'instrument originaux et anciens tels que les Uilleann Pipe (cornemuse irlandaise), le Tin Whistle (une petite flûte anglo-irlandaise), le Bodhràn (instrument percussif), le Fiddle (violon irlandais), le Luth, la Harpe et autre joyeuseté du genre. De quoi donner une identité puissante et unique au titre de CD Projekt RED.
C'est le cas pour Widow-maker, parfait représentant de cet ensemble de composition folklorique s'accompagnant de chœurs tribaux savoureux et dépaysant. Unique, dynamique, offrant une atmosphère de caractère à The Witcher III, la facette folklorique de son OST est une réussite indéniable.
Le second pilier, la face B de la bande-son s'apparente à des musiques type médiéval-fantastique moderne comme on a l'habitude d'écouter dans les œuvres telles The Hobbit et Game of Thrones. On en reparlera plus en détail dans un prochain VGM consacré à The Witcher III.
La seconde vague casual apportée par Nintendo et leur duo DS/Wii n'a pas eu que des mauvais côtés (je dis seconde vague, car la première fut apportée par SONY et sa Playstation, vous pensez ce que vous voulez, mais c'est comme ça). En effet, quand on analyse les jeux qui sont sortis à cette période et qui se voulaient abordables et grand public, évidemment, on a eu des merdes infâmes qui prenaient tout le monde pour des abrutis comme Docteur Kawashima et sa clique, mais on a aussi eu droit à plusieurs bons jeux. Notamment des jeux de réflexion et d'enquête destinés (principalement aux femmes ?) à ceux qui n'étaient pas transportés à la vue d'un Metal Gear Solid, d'un Devil May Cry ni même d'un Final Fantasy ... Parmi ces jeux là, il y eut les Professeur Layton. Et je dois dire que ça a franchement bien fonctionné, j'ai vu ma grande sœur (de 40 ans), de base qui n'avait jamais touché ne serait-ce qu'une Gameboy, acheter une DS à Auchan pour profiter d'un Prof' Layton pendant ses vacances à la montagne ! Quand même, merde !
L'OST du premier opus de cette déjà longue saga, sous-titré l’Étrange Village en France est l’œuvre du discret Tomohito Nishiura. Discret mais pourtant disposant d'un CV déjà bien fourni, notamment chez Level-5 puisque c'est à lui qu'on doit les bande-son charmantes de Dark Cloud, Dark Chronicle et Rogue Galaxy sur Playstation 2.
Pour Ferris Wheel Park, Nishiura est à son sommet. Ce thème est excellent ! Il est d'une profondeur inimaginable, il nous emmène tout droit dans ce parc abandonné dans lequel nos héros échouent de par le fil de leurs investigations. La musique est renversante car elle réussit un tour de force surprenant : elle remémore parfaitement l'ambiance des fêtes foraines d'antan. Les manège des années 50, avec des chevaux en bois peint, et la musique qui l'accompagne, gaie et enjouée, toute d'accordéon faite. C'est la même musique employée ici pour décrire ce parc où la grande roue autrefois enchantait les enfants. La même musique...mais en bien plus mélancolique puisque les lieux sont, au moment de la visite tristement fantomatiques, vétustes, hors du temps!
Autrefois temple de la gaîté et de l'amusement, aujourd'hui à l'abandon, le parc baigne dans une ambiance délicieusement retro teintée d'un soupçon de regret, comme si le temps était passé beaucoup trop vite sans laisser les choses se faire convenablement...
C'est par ailleurs le moment du jeu qui contient l'un des passages scénaristiques les plus croustillants de ce Professeur Layton qui sent bon l'authentique.
Référence quasi inattaquable du jeu vidéo, et plus particulièrement du jeu d'aventure, The Legend of Zelda, outre une saga offrant un dépaysement incessant et un gameplay jouissif et ingénieux est aussi une ode à la belle musique. Faisant de son univers même et de son système de jeu un instrument délivrant à chaque nouvel opus une note différente, desquelles naquit une partition poétique et fantastique, la musique demeure une partie primordiale de l'identité de la série de Nintendo. En effet, il n'est pas rare de voir dans les Zelda des objets clés ou des accessoires liés à la musique, et ce n'est pas les fans de Ocarina of Time ou The Wind Waker qui me contrediront.
Une fois n'est pas coutume, pour Skyward Sword, Koji Kondo, depuis quelques temps accompagné de toute une équipe de talent divers et variés (Hajime Wakai, Shiho Fujii, Mahito Yokota et Takeshi Hama) offre à Zelda un éventail de morceaux luxuriant, mêlant une tripotée de sentiments et d'ambiances différents. L’enregistrement à l’appui d’un orchestre complet (c'est l'équipe de compositeurs qui a insisté pour bénéficier d'un véritable orchestre, au départ, Shigeru Miyamoto était contre sous prétexte qu'il ne comprenait pas l'importance d'un orchestre pour un jeu qui base tout son fonctionnement (ou presque) sur le gameplay) donne de la chaleur à des partitions offrant son heure de gloire à des instruments classiques comme toute la famille des cordes et des cuivres, mais aussi parfois surprenants et judicieux tels que les caisses de percutions et les hautbois.
Excellent échantillon de ce que peut faire de bien la bande-son de Skyward Sword, Skyloft Theme propose de la gaieté très inspirée de la musique celtique, faisant honneur à des musiques d'ambiance telles que celle du village d'Hyrule et celle de Mercantile. L'ensemble de l'OST est étonnement sensible et apporte une évolution intelligente en berçant les personnages et leurs émotions à plusieurs moments clés du jeu, jusqu'à être cent fois plus efficace qu'un quelconque dialogue (chose sur laquelle les Zelda n'ont jamais été très fort ni très généreux).