Créer un nouveau genre, le pari de Jowood et de Phenomic était, on peut l’imaginer, assez difficile à relever, du moins sur le papier. C’est ce que les développeurs semble pourtant avoir réussi dans ce titre après trois ans de labeur acharné et de nuits blanches interminables. Ce nouveau genre qu’impose Spellforce c’est le Jeu de Rôle Stratégie ou JdRS (RPSG dans la langue de Shakespeare) et autant dire que tout est là pour accrocher un bon paquet de joueurs des deux bords, voyons voir ce qu’il en est réellement…
Une histoire à couper au couteau
Malgré l’existence de talentueux scénaristes de par le monde, on se demande parfois si certains développeurs n’ont pas la flemme de chercher et décident tout simplement d’engager de fidèles et gratuits stagiaires voués à pondre des scénarios sans âme. Voila le problème principal de Spellforce, son scénario n’est qu’un triste repompage de tout ce qui existe ou a existé dans l’histoire de la fantasy. Un héros qui s’appelle Rohen (rien à voir avec le royaume de Rohan de Tolkien), une guerre qui sévit depuis des années entre le bien et le mal, un mentor qui disparaît sans que l’on puisse agir pour le sauver, voila toutes les ficelles que des milliers de MJ connaissent lorsqu’il s’agit d’imaginer un scénar pour une troupe de rôlistes assoiffés d’action et de suspense. Pour vous faire un petit résumé de ce qui n’est pas la réussite du siècle, le monde d’Eo est en péril depuis qu’un groupe de puissants sorciers ont décidé de procéder à l’invocation de puissants élémentaires, le tout bien sûr pour acquérir plus de pouvoir. Le problème c’est que tout ne s’est pas vraiment passé comme prévu, le monde est entré dans une ère de chaos et de destruction. Tous ces mages semblent avoir disparu, sauf le sage Rohen qui a décidé de rendre impossible une nouvelle invocation par qui que ce soit. C’était, bien sûr, sans compter sur les scénaristes de Phenomic qui ont imaginé un survivant dans les rangs du côté obscur. Ce triste sire a dans l’idée de mener à bien ce qu’il n’avait pu terminer il y a bien longtemps de ça. A la tête d’une maléfique armée d’orcs et autres démons, il entame sa reconquête et entend bien ne pas être gêné dans ses mouvements. Selon la prophétie « Bientôt viendra le jour où un individu changera à jamais la destinée de ce monde. Que cela soit en faveur du bien ou du mal » à vous de jouer donc jeune padawan…
L’invention d’un nouveau genre selon Phenomic
Première étape de votre aventure sur les terres brûlées d’Eo, la création de votre personnage. Tout comme dans un jeu de rôle classique vous pouvez choisir entre la création de A à Z ou opter pour un avatar prédéfini. Passons la deuxième option sans aucun intérêt et attardons nous sur cette création de perso. Une seule race est disponible au départ, votre avatar devra faire partie de la race humaine, seulement vous aurez tout de même le choix entre sept caractéristiques dans les domaines de la magie et du combat. Quatre types de magie sont proposés, la magie blanche qui a essentiellement pour but de guérir ou renforcer ses compagnons, la magie noire qui est tournée vers la mort et la destruction, la magie élémentaire qui puise ses forces dans la nature et la magie de l’esprit qui sert à influencer ou détruire la conscience. Côté combat aussi vous possédez tout un panel de choix aussi divers que variés. Une fois vos orientations définies, vous pouvez si vous le voulez, vous lancer dans un court et très instructif tutorial. On y apprend à se servir du pouvoir de la rune, c'est-à-dire invoquer des héros, des soldats ou encore des paysans.
L’alliance réalisée par Jowood et Phenomic entre RPG et STR a été très bien pensée. Le point central de votre aventure c’est votre héros, l’avatar que vous avez choisi au départ et que vous équipez et faites évoluer au fur et à mesure de votre périple. Cet avatar, possède le pouvoir de la rune, c'est-à-dire qu’il peut, à partir du moment où il active un monument défini, invoquer des êtres vivants pour créer une colonie autour de ce monument. Au début, seuls les paysans sont disponibles, mais au fur et à mesure de la construction des différents bâtiments d’autres habitants pourront faire leur entrée sur la terre d’Eo. De plus, pour invoquer ces êtres, il vous faut connaître les commandes d’invocation, commandes que vous découvrirez ça et là sous forme de parchemins. Ensuite, comme dans STR classique, vous devrez collecter les ressources nécessaires à la bonne vie de votre communauté. De ce côté aussi quelques petites innovations ont été apportées au genre, les paysans au moment de la création de bâtiments spécialisés comme la mine de fer ou la carrière de pierre se spécialisent. Ils deviennent alors des artisans et sont attachés au bâtiment qu’ils ont construit ou auquel vous les avez assignés.
Y’en a un peu plus, j’vous l’mets quand même ?
Non contents de nous offrir un titre complètement innovant dans son genre, les petit gars de Phenomic ont en plus ajouté un certain nombre de petits détails qui vont certainement faire la différence pendant un bon bout de temps. Le tout nouveau système de contrôle baptisé Click’n Fight est sans doute le détail le plus impressionnant de tous. Le principe en est à la fois simple et complexe. Simple d’utilisation, il n’en demeure pas moins difficile à expliquer clairement. Le problème d’un RTS en général se situe dans le fait d’avoir à multiplier les clics dans un champ de bataille. Sélectionner telle ou telle unité, lui assigner une tâche bien précise et choisir la cible en espérant ne pas passer à coté, gaspillant ainsi de précieuses ressources. Le système CnF permet lui, en cliquant sur une unité ennemie, d’avoir à disposition à l’écran toutes les options possibles sous les portraits des unités disponibles. Il devient ainsi nettement plus aisé de commander lors d’une bataille gigantesque, élément plutôt appréciable lorsqu’on sait que Spellforce permet des combats sans précédents sur ce point.
Autre détail, une nouvelle vue fait son apparition, c’est en fait une vue hybride à la troisième personne. Elle vous permet d’évoluer en vue subjective grâce aux flèches sur le clavier. Lorsqu’un combat se présente, il vous suffit de vous approcher de l’ennemi et de le frapper en appuyant frénétiquement sur le clic droit de votre souris. Ce système est certes assez anecdotique mais il ouvre un gouffre énorme dans la gestion des futurs STR, la possibilité de contrôler une unité en plein milieu de la bataille et de prendre part au combat comme un soldat, plus comme un dieu de la stratégie. Ca augmente l’impression d’immersion et ça donne un petit cachet supplémentaire à un titre qui n’en avait pourtant pas vraiment besoin.
Comme dans Warcraft 3, en plus de votre avatar vous pourrez invoquer d’autres êtres supérieurs : des héros et des titans. Les premiers sont invocables via des runes spécifiques, avec ces runes il vous suffit de vous rendre au bâtiment le plus proche, l’activer et procéder à l’invocation. Le héros apparaîtra alors automatiquement. Sachez tout de même qu’il existe une multitude des ces runes, de quoi invoquer pas mal de héros différents en passant par le combattant fort et stupide, par l’archer elfe digne des meilleurs snipers ou encore par la sorcière qui possède tous les talents de la magie de mort, tout est possible et vous pourrez donc invoquer jusqu’à cinq de ces héros. Côté titans, les choses sont un peu plus délicates, chaque race possède un titan bien à elle, par exemple les humains ont le griffon, les elfes le Tréant et les elfes noirs ont l'Araignée Centaure. Toutes ces créatures ne sont invocables qu’une seule et unique fois, après leur mort il faudra faire ceinture. Comme vous l’aurez aisément compris, ces titans sont des unités redoutables et il vous faudra passer quelques heures de jeu pour pouvoir en apercevoir la queue d’un.
La perfection n’est pourtant pas de ce monde
Le moteur KRASS qui avait fait les beaux jours d’AquaNox 2 nous laissera un tout petit peu sur notre faim. Certes les unités sont plutôt bien détaillées, les bâtiments ont vraiment la classe et les différents types de terrains correspondent bien aux races qui vivent dessus mais pourquoi avoir opté pour un développement quasi exclusif à la GeForce ? Testé sur deux machines, l’une dotée d’une GeForce 4 et l’autre d’une Radéon 9800 le jeu montre véritablement deux visages si vous avez opté pour ATI ou Nvidia. Coté GeForce, pas de problèmes, tout tourne sans aucun accroc et les paysages sont même plutôt impressionnants. Côté ATI par contre, si vous ne faites pas partie de la tranche des possesseurs de Radéon qui ne peuvent tout simplement pas lancer leu jeu (Un patch de chez ATI arrivera dans le courant du mois de décembre, en attendant il vous suffit de réinstaller la version 3.6 des drivers Catalyst), vous pourrez admirer les magnifiques ralentissements et autres bugs d’affichage que nous ont concocté les développeurs de chez Phenomic. C’est d’autant plus triste que l’on prend un grand plaisir à admirer les unités du côté obscur tant elles ont la classe sur GeForce.
En multi, Spellforce trouve ses limites, du moins si vous parvenez à vous connecter à un serveur Gamespy Arcade parce que nous n’y sommes parvenus qu’une seule fois. Et ce n’est pas le patch proposé par Jowood qui nous a sauvé sur ce point. On le regrette d’autant plus car le jeu prendrait alors toute son ampleur. Ce mode multi propose en effet pas moins d’une dizaine de maps différentes et la possibilité de prendre la tête d’armées d’elfes, d’humains, d’orques ou de nains. Vous devrez cependant choisir parmi les quelques avatars prédéfinis qui vous sont proposés lors de la création de partie, ces avatars ne sont pas – certainement pour simplifier les choses – capables d’évoluer et ne possèdent pas d’inventaire. Pour le reste, tout se passe comme dans le jeu, vous devrez activer le monument runique, et vous lancer dans la construction d’une armée digne de ce nom. Ensuite, c’est à vous de jouer aidé bien sur de votre avatar surpuissant et déterminant dès qu’il s’agit de sortir l’épée du fourreau.
8/10