Ouf de soulagement pour les fans qui se mordaient chaque doigt de la main face à l’absence d’une quelconque date de sortie de Drakengard 2 sur le territoire Européen. Fort heureusement, Ubisoft, très prolifique dans l’édition du RPG nippon, ne l’a pas vu de cet œil là.
Ce n’est pas un secret, se risquer de nos jours au développement d’une toute nouvelle licence équivaut à jouer à la roulette russe commercialement parlant et c’est en 2004 que la société
Cavia, jusqu’alors connu pour un
Resident Evil : Dead Aim de bonne facture et quelques autres broutilles japonaises, s’associe à Square-Enix pour offrir un projet nettement plus ambitieux : un A-RPG incroyablement dark, où se mêlerait le destin d’un guerrier sanguinaire et d’un dragon maudit. De quoi réveiller l’intérêt du plus blasé d’entre nous, mais lorsque les premières images tombèrent, la déception fut de mise car si du sang, il en coulait vraiment des litres et que l’histoire semblait à la hauteur, le jeu lui-même n’était qu’une resucée de
Dynasty Warriors. Pas vraiment de quoi faire l’unanimité auprès du fan lambda de RPG. Une fois le soft entre nos mains et comme purent l’attester les 250.000 ventes au Japon,
Drakengard avait réussi à prouver sa véritable valeur malgré une critique très mitigée, avec d’un côté ceux qui n’y virent qu’un titre bâclé par son
gameplay plus que répétitif et des lacunes techniques, alors que les autres mirent en avant la variété de l’ensemble face à la transition entre les phases de jeu normal et à dos de dragon, le scénario aussi haletant que malsain et la durée de vie hors norme pour le genre (environ 80h pour tout terminer). 3 ans plus tard, la série saura-t-elle mettre tout le monde d’accord ?
Noir, c’est noir
Remettons les choses dans leur contexte initial : la fin du monde. Tel est le commencement du premier opus de la série qui nous conte l’histoire des cinq seaux protecteurs de l’humanité, dont la destruction plongerait la planète dans le plus maudit des enfers. Un avenir contrariant pour l’Empire, ordre tyrannique assouvissant depuis quelque temps le monde pour ses propres intérêts, qui se met alors en quête des cinq sceaux pour les protéger quels qu’ils soient et de la même occasion dissuader n’importe quel ennemi de s’attaquer à eux : avoir le contrôle du destin de la planète entre les mains apporte beaucoup après tout. C’était sans compter sur l’Union qui, malgré un pouvoir d’attaque bien moindre, arrive à insuffler de véritables dommages à ses ennemis surtout lorsque l’Empire s’attaque à un minuscule district afin d’y capturer une jeune femme incarnant l’un des sceaux protecteurs. Problème de taille, cette demoiselle a un frère ne vivant que pour lui, sa sœur et son château et qui, une fois ce dernier assiégé, découpera en morceaux à lui seul des centaines d’ennemis. Car Caim, c’est ainsi qu’il s’appelle, a une certaine adoration pour la guerre et les tueries et ne se fait donc pas prier pour faire couler le sang sans la moindre pitié. Une attitude proche d’un Berzerk que même la douleur n’entachera pas lorsqu’il se retrouvera devant le corps agonisant d’un gigantesque dragon (les parents de Caim ayant été tué par une de ses créatures, ils vouent alors une haine logique envers eux). D’un naturel calme, celui-ci se présenta sous le nom d’Angélus et lui proposa un pacte : tous deux proches de la mort, chacun aura à y gagner en s’associant avec l’autre. Caim perd donc sa voix, mais y gagne en puissance tout en sachant que si l’un des deux est blessé, l’autre ressentira les mêmes douleurs.
Voilà un peu pour l’histoire, venons-en au second opus en prenant en compte que, malgré les différentes fins accessibles à la fin du premier volet, celle qu’il vous faudra retenir sera bien entendu celle qui résulte du sacrifice d’Angélus qui deviendra alors l’un des cinq sceaux, empêchant alors l’apocalypse souhaitée par un ancien démon qui s’apprêtait à ouvrir les portes d’un autre monde pour y faire venir des sortes de fœtus géants se nourrissant d’humains (magnifique scène d’ailleurs). Le scénario de
Drakengard 2 débute donc 18 ans plus tard et vous proposera un point de vue opposé du background d’origine en vous permettant d’incarner le jeune Nowe, nouveau promu au rang de chevalier des sceaux de l’Empire, rebaptisé l’Ordre depuis peu. Elevé par le dragon Legna, Nowe est bien plus classique psychologiquement que ne l’était Caim, car avant tout éprit de justice, on ne s’étonnera pas de le voir tourner le dos à l’Ordre pour rejoindre le clan de Manah qui cherche maintenant à libérer les sceaux en ayant espoir d’inverser la destinée chaotique et ainsi d’accéder à un monde de paix, libéré du joug ennemi. Les habitués de la série sursauteront en voyant le nom de Manah, celle-ci ayant été dans le premier épisode la « responsable » (elle était bien entendu possédée) de nombreux désastres et autres morts, et c’est en quelque sorte une espèce de vengeance personnelle et de rachat envers l’humanité auquel elle se dévoue ici. Les trois autres personnages véritablement importants de cet opus sont Eris, l’alter ego de Nowe qui ne comprendra pas les choix de ce dernier lorsqu’il décidera de rejoindre Manah, l’Ordre étant pour elle la parfaite incarnation de justice et d’équilibre en ce monde. Urich, quant à lui, est ce qu’on pourrait appeler l’archétype du personnage de RPG avec son charisme, ses habituels cheveux blancs et sa stature, mais intérieurement, il en est tout autre et nous vous laissons le soin de découvrir son trouble passé. Enfin, à la fois à la tête des gardiens des sceaux, général de l’Ordre et principal méchant du jeu, Gismor sera le personnage qui vous poussera, par ses actes, à rejoindre Manah. Comme vous avez pu le constater, aussi intéressants soient-ils, les protagonistes sont loin d’être aussi torturés que ceux du premier qui n’hésitait pas à mettre en place des personnages comme un prêtre à moitié fou ou une femme dont le hobby principal était le meurtre d’enfant.
Le même, en mieux
Autre différence avec le premier épisode : le système d’avancée. En effet, rien ne nous empêchait avant de revenir quand nous le souhaitions à n’importe quel chapitre, cinématique ou autre parcelle du jeu afin de privilégier le Level Up ainsi que le fait de terminer tel verset d’une autre manière pour découvrir un nouvel embranchement dans le scénario, accédant ainsi à une nouvelle fin. Retour au conventionnel avec une avancée classique, donc sans possibilité de retour en arrière, mais avec l’arrivée d’une carte du monde permettant entre deux chapitres (12 au total) d’aller nous entraîner dans des niveaux pré-établis, voire d’aller dans une ville (impossibilité de s’y promener librement malheureusement) pour s’acheter de nouvelles armes ou potions. Pour ce qui est des différentes fins (3 dans cet épisode contre 5 dans le premier), seul le mode de difficulté choisi en début de partie décidera de celles qui seront visionnées, ainsi que de la tournure des événements en fin de partie, ce qui vous incombe de terminer trois fois le jeu pour découvrir le fin mot de l’histoire. Certains pourront regretter ce retour à la simplicité, mais avouons que ce principe de « ligne droite » permet davantage d’implication dans le scénario, même si nous regrettons de ne pas revoir telle ou telle cinématique à l’œil.
Le principe même du
gameplay reste le même, à savoir un mélange parfait entre niveaux à dos de dragon ou à pied (principalement dans des grottes inaccessibles à votre monture), ainsi que les phases dites « mixtes » permettant une transition en temps réel entre vous et Legna par la simple pression d’un bouton. Sachez d’ailleurs qu’en l’absence de quelconque pacte et donc contrairement au premier
Drakengard, votre énergie et celle du dragon seront bel et bien distinctes et vous n’aurez donc pas à hésiter à appeler votre allié en cas de problème. Reprenons. Les phases à dos de dragon reprennent donc le principe d’un
Panzer Dragoon Orta à ceci près que vous n’êtes pas cloîtré sur un rail et disposez de toute la liberté voulue pour détruire de vos flammes les ennemis alentour. Au niveau des évolutions, vous remarquerez que votre dragon a gagné en vitesse et en maniabilité, favorisant ainsi les mouvements d’esquives et la précision vu que vous pourrez adopter maintenant une position de « surplace » afin de privilégier votre attention sur votre cible. Autre chose, si votre dragon possède une super attaque (qui se recharge avec les ennemis tués) au sol, il en est tout autrement dans les cieux où vous devrez collecter des cristaux laissés ça et là. Une fois au sol, le bonheur est également au rendez-vous avec un personnage qui a également gagné en vitesse de déplacement afin de rendre les combats plus intéressants.
Exit le super coup que vous portiez en fin de course, tout est basé sur le corps à corps bien plus entraînant qu’à l’origine, surtout que les bruitages et l’animation ont été améliorés, nous donnant enfin l’impression de charcuter quelques choses et de ne pas taper dans le vide. Pour le coup, on se demanderait presque comment on a pu passer autant de temps sur le premier opus, une preuve de bon signe et de véritable évolution.
Les principales nouveautés résident dans le système d’évolution de l’ensemble. Pour commencer, votre personnage ne pourra s’équiper que d’épées que vous aurez au préalable placées dans la « roues des armes » (à espace limité, votre personnage n’est pas un colosse non plus) vu que les lances et autres bâtons seront les armes de prédilection des autres protagonistes. Il vous suffira donc en plein stage de sélectionner une arme d’un autre genre pour changer de personnage afin d’adapter votre stratégie à la situation et par ailleurs vous sauver la mise en cas de manque d’énergie. Autre point, le Level Up se fait en temps réél et non plus à la fin d’un stage qui comptabilisait l’expérience reçue lors de ce dernier pour vous octroyer enfin les niveaux dus. Un retour au classicisme une fois de plus qui se renforce également du côté des armes qui augmenteront de niveaux (jusqu’à 4 comme avant) en fonction de l’expérience reçue et non plus selon le nombre d’ennemis tués. Les magies sont toujours liées à vos armes, que ce soit leur genre ou leur puissance, les habitués ne seront pas perdus pour le moins du monde. Dernier point, le système de combos a également été légèrement revu et il vous suffit d’atteindre certains palliés (signifiant le nombre de coup portés sans qu’il n’y ait 3 ou 4 secondes de temps morts) pour obtenir des bonus d’expérience comme x1,5 ou x2 pour tous les ennemis tués tant que la jauge est valable. Trop de temps passé entre deux coups et tout est à recommencer !
Pas très bô
Techniquement, le constat est un peu plus mitigé. Le
chara design est toujours aussi inspiré, l’animation de qualité et certaines lacunes comme les soldats apparaissant par blocs de 10 ont été corrigées mais,
beat’em all de masse oblige, on a toujours des décors en extérieur aussi vides, plombés de textures pauvres et d’un clipping important. Certes, les effets spéciaux ont gagné en nombre ainsi qu’en beauté et on appréciera toujours de voir le joli effet de lumière provoqué par le frottement de notre lame sur la roche et certes, les niveaux en intérieur ont gagné en design et en esthétisme (le passage au dessus de la lave dans un des premiers niveaux est d’ailleurs fort jolie) mais pour un jeu de cet acabit, il est dommage qu’il n’ait pas bénéficié d’un peu plus de soin. De son côté, l’IA ne brille pas toujours par sa clarté et l’ennemi peut parfois rester planté devant vous en attendant que vous en fassiez votre affaire. Beaucoup diront que si chaque ennemi avait un QI élevé, le jeu serait d’une difficulté sans pareil et ils n’auront probablement pas tout à fait tord vu qu’après tout, les PNJ sont là pour mourir et on ne leur en demandera pas plus. Notons d’ailleurs que le jeu est plus facile que son prédécesseur vu le nombre de personnages jouables et le fait que les personnages et le dragon aient chacun leur énergie propre, sans compter que vous pouvez maintenant emmener divers potions (soins, magie…) avec vous. A contrario, les boules d’énergies vertes rendant également de l’énergie qui apparaissaient pendant le système de combo se font un peu plus rares afin d’équilibrer un peu le tout. Bref, un très bon jeu qui nivelle la série vers le haut et il serait dommage, si le genre vous plaît, de passer à côté d’un tel bijou.