Ce soir, on prend la machine à remonter le temps et on fait un saut dans le passé de 13 ans avec un article de Gamespot écrit par Geoff Keighley (oui, oui, le fameux mémétisé). Ce qui suit est un long papier sur MGS2, sa genèse, son développement et ses conséquences, et vous trouverez l'original ici pour ceux qui voudront poursuivre la lecture (en anglais) ou préfèrent la VO. Nombre d'entre vous connaissent cependant probablement l'essentiel des informations contenus dans ce document, mais pour les petits nouveaux, ceux qui viennent seulement de se plonger dans la saga ou émergent de leur grotte, ou les curieux qui n'ont jamais lu l'article c'est une lecture qui pourra vous intéresser. C'est bien évidemment rempli de spoilers et il est fortement déconseillé de lire quoi que ce soit si vous n'avez pas encore joué et fini le second opus de la série. Idem si vous n'avez jamais vu certains films comme la série des Terminator.
Rien n'est impossible
En grandissant à Kobe (Japon), Hideo Kojima (38 ans) était comme les autres garçons cherchant à s'amuser dans une époque où les jeux vidéo n'existaient pas.
« Lorsque j'étais un jeune garçon, j'appréciais des jeux comme les « policiers et les voleurs », « les cowboys et les indiens », « cache-cache » et taper dans les récipients » nous dit Kojima assis à son bureau du 5° étage dans le bâtiment Konami Computer Entertainment Japan du quartier Ebisu à Tokyo.
« Lorsque je jouais à « cache-cache », je me souviens que je m'aplatissais contre le mur et que je me penchais par delà le coin pour voir si quelqu'un était là » admet il dans un éclat de rire suivi d'un léger toussotement.
Le mélange du rire et du toussotement de Kojima est une juxtaposition frappante qui représente à la fois la joie et la difficulté qu'il a traversé ces trois dernières années ; un millier de jours de travail qui atteindront on l'espère leur paroxysme ce soir, le 28 Septembre 2001, avec la production de la version finale de
Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty, le jeu PS2 le plus attendu de cette année et la suite de son jeu
Playstation Metal Gear Solid, grandement vénéré.
Kojima admet qu'en son cœur
Metal Gear Solid est vraiment le jeu enfantin de « cache-cache » mis en forme pour un écran de télévision.
« Quand Snake se colle au mur pour éviter les ennemis, je repense toujours à l'époque où j'étais un garçon jouant avec mes amis » nous dit il alors que ses yeux passent en revue la feuille de bugs récapitulant les problèmes restants du jeu.
Tout en regardant la liste, Kojima commence à lentement agiter sa tête et soupire. Son langage corporel indique ce qu'il n'exprime à voix haute : malheureusement, construire un jeu de l'ampleur et de la taille de
Metal Gear Solid 2 est bien plus difficile que d’appeler quelques amis pour organiser une partie de « cache-cache ».
« Vous voyez ce calllus sur mon doigt ? » nous demande Kojima.
« Et bien ça provient de mon utilisation d'un grand nombre de surligneurs pour vérifier tous les bugs. J'utilise au moins deux surligneurs par jour. »
Aujourd'hui, si il y a un quelconque genre de « cache-cache » en cours, c'est parmi les programmeurs qui essayent de traquer avec acharnement les derniers bugs dans le jeu. Dans la zone de développement principale se trouve un espace semblable à un centre de commandement, pas plus large qu'un gymnase de lycée où 70 programmeurs, designers, musiciens et artistes font partie du platement nommé « Service Production N°1 », responsable de
Metal Gear Solid 2. Dans l'un des coins de la pièce Scott Dolph, le gestionnaire des affaires internationales, s'avance et sort son téléphone portable : ce dernier a comme sonnerie le thème de
Metal Gear Solid 2. Le téléphone commence à émettre les premières notes : vous avez l'impression que tout le monde l'a auparavant entendu quelque fois.
De l'autre côté de la pièce un programmeur semble perplexe, la tête dans ses mains alors qu'il essaie de résoudre un problème avec le code du jeu. Une minute plus tard sa tête bondit : il a une idée, et vous vous attendez à moitié à voir un point d'exclamation apparaître au dessus de sa tête, comme ça se passe dans le jeu lorsqu'un ennemi découvre la présence de Snake. Si tout se déroule selon le plan, quelques instants supplémentaires d' « Eureka ! » parmi les programmeurs seront tout ce qui est nécessaire pour achever une épopée de 3 ans.
Metal Gear Solid 2 est aussi proche de la fin que ça.
Vers la Lune et retour sur Terre
Après avoir arpenté la pièce vous pouvez sans conteste affirmer que l'équipe, dont la moitié sort de l'Université, est fatiguée. Mais ils sont toujours déterminés. Dans son studio son, Kazuki Muraoka travaille sur le placement des derniers effets sonores. Il n'y a aucun doute sur le fait que le monde hautement technologique des jeux vidéo est très différent de ce qu'il était pour lui alors qu'il jouait de la basse dans son groupe de lycée,
School's Out. Mais il apprécie le défi.
« Chaque et toute surface dans le jeu doit avoir le bon son lié » dit il.
« Ce qui signifie que des milliers et des milliers doivent être vérifiées. Je dois faire chaque scène du jeu et m'assurer que le bon son est joué lorsque vous marchez sur chaque surface ». Muraoka pense qu'il en a bientôt fini de vérifier chacun des recoins du jeu.
Ce soir, chaque employé de l'équipe de 70 personnes a son propre recoin à vérifier. Deux cents télévisions et moniteurs différents émettent tous des images des différentes parties d'un jeu épique, qui est en partie un « cache-cache » hautement technologique, en partie un film d'action à la Jerry Bruckheimer mais à 100% un jeu Hideo Kojima. Et c'est un jeu qui a failli ne pas sortir cette année.
« J'étais inquiet quant au fait que ce serait absolument impossible pour nous de finir Metal Gear Solid 2 cette année » – Hideo Kojima
« Quand je suis revenu de l'E3 en Mai, j'étais vraiment soucieux » admet Kojima.
« Pas inquiet dans le sens où nous ne pourrions finir le jeu, inquiet dans le sens qu'il serait absolument impossible pour nous de finir Metal Gear Solid 2 cette année, l'année du Serpent ». Caché derrière des portes closes pendant l'essentiel de l'année afin de respecter un silence médiatique auto-imposé, Kojima dit que ce qu'il s'est passé en coulisse fut une course effrénée pour réaliser l'impossible.
« Je dois vous [le] dire, j'étais assis ici en Juin et ait pensé que quelque soit l'intensité de l'équipe au travail, nous ne pourrions finir le jeu cette année. Et ce fut la période la plus difficile de mes 15 ans de carrière dans l'industrie du jeu. »
Et cependant, aujourd'hui, ce qui semblait impossible est à portée de main. Les bugs dans le jeu ont été réduits à une poignée ; Kojima sait qu'il n'en est qu'à quelques heures de finir le jeu. Comment l'impossible a donc pu se transformer en un but atteignable ? Kojima réfléchit à la question un instant.
« Et bien, il y a quelque chose qui m'a toujours encouragé. Leonardo de Vinci est quelqu'un que je respecte énormément en tant qu'artiste et scientifique. Il était brillant. Mais il a dit qu'il y avait une chose impossible à faire ; aller sur la Lune ». Kojima marque une pause dramatique.
« Et vous savez quoi ? Aller sur la Lune fut possible finalement. Je me suis donc répété que ''rien n'est impossible''. »
Ce n'était pas impossible. C'est ainsi qu'ils l'ont fait...
Une forme de divertissement
Alors que « cache-cache » a pu divertir le jeune garçon qu'était Kojima, arrivé à l'Université il s'emmouracha d'un nouveau passe-temps : les jeux vidéo.
« C'était après que j'ai joué à Super Mario Brothers et Xevious sur NES que je me suis dit : ''Whoo, c'est une nouvelle forme de divertissement'' ».
Pour Kojima, la découverte des jeux vidéo ne fut pas qu'une façon de passer le temps mais l'opportunité d'apprendre une nouvelle forme de divertissement. Fan de films et de divertissement depuis toujours, Kojima a passé ses années adolescentes à regarder des séries télé comme
Ma sorcière bien-aimée et
Jinny de mes rêves ainsi que des films tel que
2001 : l'odyssée de l'espace et
Taxi Driver.
« Je voulais vraiment devenir un directeur de film » explique t'il.
« Les gens de ma génération sont visuellement orientés. Malheureusement nous ne pouvons nous lancer et filmer nos propres films professionnels à cause du coût. »
Kojima avait cependant des idées et des histoires qu'il souhaitait raconter ; il s'est donc tourné vers l'écrit.
« Ce que j'ai fait pour réaliser ce qui était dans ma tête fut d'écrire des romans, mais c'était frustrant parce que je voulais faire les choses visuellement » dit il. Bien qu'il ait écris un certain nombre de longs romans à l'Université, une fois que Kojima commença à explorer les jeux vidéo il y vit l'opportunité parfaite pour mélanger sa narration avec un médium visuel qui, du moins à ses débuts, serait bien plus économique à produire qu'un film (Aujourd'hui, Kojima dit que le budget de
Metal Gear Solid 2 est proche de ce que coûte un film japonais sur Godzilla, soit approximativement 10 millions de $ américains).
Dès qu'il obtenu son diplôme universitaire en 1986, Kojima fut embauché par Konami en tant que planificateur jeu. Dès le début, l'un des premiers projets de Kojima fut un jeu MSX intitulé
Metal Gear, qui fut aussi porté sur NES dans la foulée. Le jeu suivait les exploits de Solid Snake, un agent des Forces Spéciales d'élite Foxhound, qui était envoyé en Afrique afin d'enquêter sur une étrange arme de destruction massive appelée Metal Gear. Alors que le jeu fut un succès et que Kojima produisit quelques jeux Metal Gear supplémentaires, il travaillera aussi sur d'autres produits comme Snatcher pour le Sega CD et Policenauts, un jeu Saturn jamais sorti en Occident.
Le jeu à [grand] succès de Kojima arriva en 1998 avec la sortie de
Metal Gear Solid. Présenté à l'E3 de 1997,
Metal Gear Solid pour la Playsation continuait les aventures de Solid Snake, en l'emmenant sur une mission appelée l'incident de Shadow Moses sur une île désolée de l'archipel Fox en Alaska. Avec ses graphismes incroyables et un style de gameplay qui faisait la part belle à rôder dans l'ombre et être un fin limier plutôt qu'aux bagarres et aux armes, la sortie de
Metal Gear Solid le 19 Octobre 1998 fut une étape marquante aux yeux de nombreux joueurs Playstation américains et européens, qui achetèrent quasiment 5 millions de copies du jeu (Le jeu ne fut pas tant un succès au Japon, avec 1 millions d'exemplaires vendus seulement).
Avec le jeu qui devenait un phénomène mondial, les joueurs qui avaient fini MGS se posaient tous la même question : quand est-ce que la suite sort ?
« Il n'y avait pas de plans pour une suite lorsque MGS sortit » explique Kojima.
« Mais une fois que le jeu fut disponible et que nous ayons reçu autant d'éloges, je décidais que nous devions réaliser une suite ». En conséquence, avant même fin 98, Kojima réfléchissait à un plan pour
Metal Gear Solid 2.
« En Novembre 1998 j'ai commencé à travailler sur l'intrigue pour la suite et nous avons aussi discuté des possibilités de réaliser ce jeu pour la prochaine génération de consoles de Sony » dit il.
Cache-cache 2.0
Kojima était intéressé pour amener le jeu de cache-cache à un nouveau niveau avec la suite.
« Je voulais toujours que ce soit un jeu d'infiltration. Mais je voulais m'assurer que nous ne nous contentions pas de simplement améliorer les graphismes en portant ce jeu sur Playstation 2. J'étais en fait plus préoccupé à rendre les choses plus réalistes afin que le joueur se sente partie intégrante de l'environnement. » dit il.
Kojima définissa une approche en trois temps pour améliorer la suite. Premièrement, il voulait donner aux joueurs plus d'opportunités pour se cacher. Une des idées originelles intégrée au jeu final fut le concept de laisser le joueur se cacher dans une armoire. Deuxièmement, Kojima espérait créer des niveaux et environnements plus complexes, particulièrement en ce qui concerne l'amélioration de ce qu'il appelle « l'air » ou la « présence » du jeu, à savoir le vent, la pluie et d'autres effets atmosphériques.
Un autre but de Kojima était d'écrire un script et une intrigue qui s'assembleraient parfaitement avec les messages du premier MGS. MGS parlait des menaces associées avec la prolifération nucléaire et les problèmes scientifiques tels que le clonage d'un être, comme démontré par le projet « Les Enfants Terribles » qui créa Solid Snake et ses deux frères, Liquid et Solidus. Pour ce jeu, Kojima voulait parler de ce qui ne fait pas partie des gênes d'une personne.
« Je voulais que chaque jeu puisse fonctionner ensemble comme un message à propos de ce qui est nécessaire afin de transmettre des choses au futur » dit il tout en vérifiant les bugs dans son bureau. Enfant, Kojima lut sur des horreurs telle qu'Auschwitz ; en outre, chacun de ses parents étaient nés dans les années 30 et vécurent les bombardements de la seconde Guerre Mondiale. Il dit que ces souvenirs étaient importants pour lui, et que de tels souvenirs ne peuvent être transmis simplement par les gênes d'une personne. En d'autres termes, les souvenirs d'une personne, ses émotions et difficultés personnelles sont tout aussi importants que n'importe quel fait scientifique. Ce thème, nous dit il, fut partiellement inspiré par ses ruminations quant à la meilleure façon de transmettre ses valeurs et croyances à son fils.
Enfin l'une des plus importantes améliorations de gameplay qu'il voulait inclure était une intelligence artificielle améliorée de manière significative.
« Avec Metal Gear Solid nous ne pouvions avoir que 4 ennemis dans une scène à la fois et seulement deux à l'écran. » explique Kazunobu Uehara, programmeur principal du jeu, qui travaille avec Kojima depuis une décennie quasiment.
« Pour ce jeu nous voulions montrer plus de soldats et voir chacun d'eux faire des choses plus intéressantes en tant qu'équipe ». L'objectif fut fixé d'allouer 30% du temps de calcul informatique aux routines d'intelligence artificielle.
A la fin de 1998 la mécanique principale de jeu et le message du jeu furent consolidés. Mais une chose que Kojima devait encore transmettre à son équipe était son idée radicale d'introduire un nouveau personnage jouable. Yoji Shinkawa, le designer de 29 ans des personnages derrière la série MGS, admet qu'il s'était douté que Kojima pensait déjà à essayer quelque chose de nouveau.
« Quand les debuggeurs et les testeurs ont joué au premier jeu, beaucoup de commentaires qui revenaient était, ''vous ne jouez qu'avec des vieux gars endurcis dans ces jeux'' » dit il.
« Je pense que M. Kojima a bien reçu le message de ces personnes, puisque même fin 1998 il suggérait que nous devions peut être avoir un beau jeune homme dans le prochain jeu. Mais pour être honnête, je pensais qu'il plaisantait ». Il s'avère qu'il ne plaisantait pas.
Je serais de retour
Dès début 1999 Kojima avait défini la majorité de l'intrigue du jeu. Les joueurs commenceraient à bord du pétrolier Discovery dans le port de New York. Alors que tout le monde avait supposé que Snake resterait le personnage principal jouable tout au long du jeu, Kojima eut une idée : pourquoi ne pas intégrer Snake au jeu mais laisser le joueur l'apercevoir de la perspective de quelqu'un de totalement nouveau ?
« Solid Snake est encore le personnage principal dans Metal Gear Solid 2. » - Hideo Kojima
« Alors que je réfléchissais à ce jeu et aux personnages, j'ai pensé à la série Sherlock Holmes » dit il.
« Ces livres sont écrit à la première personne mais le narrateur n'est pas Sherlock Holmes : c'est Watson ». Kojima dit que ce modèle l'a inspiré de faire du narrateur dans
Metal Gear Solid 2 une personne différente du personnage principal. Il trouva très vite un nouveau personnage, un beau personnage sensible qui de prime abord semble être l'exact opposé du dur à cuire Solid Snake,
« J'ai vraiment pensé que je pourrais mieux raconter l'histoire de Solid Snake du point de vue d'un tiers, avec ce nouveau personnage comme narrateur pour la majeure partie du jeu ». Mais Kojima maintient que MGS2 est toujours un jeu sur Snake.
« Ne vous y trompez pas » déclare t il.
« Solid Snake est encore le personnage principal dans Metal Gear Solid 2 bien qu'il ne soit pas le narrateur principal cette fois-ci. »
Kojima dit que l'introduction de ce nouveau personnage, au nom de code Raiden, l'aida aussi à résoudre un autre problème impliquant Snake et sa relation avec Otacon et l'interface CODEC (Coder-DECoder), fréquemment utilisé tout au long du jeu pour transmettre des informations importantes.
« Quand Metal Gear sortit pour la première fois il y a 14 ans, Snake était un bleu» explique t'il.
« Mais Solid Snake est vraiment devenu un héros après Metal Gear Solid, et il n'a vraiment pas besoin de conseils supplémentaires via le CODEC ». Si Snake ne pouvait plus utiliser le CODEC, Kojima avait besoin de créer un nouveau personnage qui le pourrait, [étant donné que c'est] un outil important pour éduquer les nouveaux joueurs sur la façon d'interagir avec le jeu. Le mystérieux Raiden était donc né.
Tout les personnages de Metal Gear sont créés par Kojima en collaboration avec Shinkawa. Début 99, Kojima commença à expliquer à Shinkawa son idée d'un nouveau protagoniste dans l'histoire.
« M. Kojima s'est approché et m'a dit : ''Pouvez vous dessiner ce type de personnages ?'' » raconte Shinkawa, qui admet qu'il est souvent quelque peu rebelle dans son design de personnages.
« Quel plaisir y aurait-il si je dessinais exactement ce que M. Kojima m'a dit de faire ? Ce que j'essaye de faire, c'est de réaliser mes idées en même temps que les siennes dans le design final. De cette façon le personnage définitif inspirera M. Kojima pour emmener la série dans une nouvelle direction. »
L'un des sujets de discussion majeur parmi l'équipe principale de
Metal Gear Solid 2, dont la majeure partie avait travaillé sur le premier jeu et dont de nombreux membres travaillait avec Kojima depuis près d'une décennie, fut la question de l'aversion ou de l'adoption. Certains aimaient l'idée d'un Raiden ; d'autres furent étonnés par la décision de Kojima d'introduire un nouveau personnage jouabel. Yoshikazu Matsuhana, le directeur assistant du projet, qui débuta à Konami en tant que testeur de jeu sur Metal Gear, fut l'un de ceux qui doutaient de l'idée.
« Je n'étais pas sûr que ce gars qui semblait faible allait être bien accueilli par les fans » dit il.
« Mais nous faisons tous confiance à M. Kojima parce qu'il a tellement de hits dans l'escarcelle. Il lui est permis de faire ce qu'il veut en gros. »
En l'espace de quelques jours Shinkawa créa sa première esquisse de Raiden, une version selon ses propos remarquablement similaire au résultat final. Bien que concevoir l'apparence de Raiden ait été relativement simple, Shinkawa dit que créer les héroïnes pour les jeux de Kojima est toujours beaucoup plus difficile, avec parfois des mois [de travail nécessaire] pour les perfectionner. Pourquoi ?
« Et bien pour être honnête, je pense que des personnages comme Rose et Naomi sont les femmes idéales de M. Kojima... Mais ce ne sont pas mes femmes idéales » dit il en riant.
« Vous savez, M. Kojima aime le type scientifique intelligente ».
Mais là encore, Kojima n'était probablement pas vraiment préoccupé par la réaction des fans à court terme. Après tout, si les choses se passaient selon le plan, les fans n'auraient même pas conscience de Raiden jusqu'à ce qu'ils achètent une copie du jeu dans les magasins.
Le petit secret d'Hideo
Lorsque vous vous posez la première fois devant
Metal Gear Solid 2, vous endossez le rôle de Snake pour la séquence d'ouverture. Mais très vite les rôles sont inversés : Snake disparaît et vous prenez le contrôle de Raiden. C'est une surprise à laquelle même les plus gros fans ne s'attendent sûrement pas.
« C'est mon Metal Gear et je peux le détruire si je veux le faire» - Hideo Kojima
Et c'est exactement ce que Kojima voulait qu'il se passe.
« J'aime vraiment le film Terminator 2 » explique t'il.
« Ce film était tellement génial parce que vous ne saviez pas qu'Arnold Schwarzenegger était le gentil cyborg quand le film débute. Lorsqu'il apparaît au début, vous partez du principe qu'il est méchant comme dans le premier film. Mais il s'avère qu'il est gentil. Je me souviens avoir été si surpris par la tournure des évènements ». Puisant son inspiration dans ce film, Kojima échafauda un procédé narratif qui laisserait le joueur en état de choc avec l'introduction de Raiden.
« Lorsqu'ils atteignent le chapitre ''Plant'' du jeu, je voulais qu'ils se demandent ce qui était en train de se passer. Par la suite ils rencontreront ce personnage intéressant nommé Pliskin qui ressemble et parle comme Snake. Mais est-il Snake ? »
Quelques membres de l'équipe exprimèrent des inquiétudes quant au fait que les joueurs voudraient jouer avec Solid Snake tout le long du jeu, mais Kojima dit qu'il était déterminé à introduire un nouveau personnage secret dans le jeu.
« Est-ce que j'avais peur que les gens puissent être mécontents du nouveau personnage ? Pas vraiment » dit il.
« Dans une suite vous devez répondre aux attentes des gens, mais vous devez aussi aller contre d'une certaine manière et les leurrer je pense. C'est mon Metal Gear, et je peux le détruire si je le veux ».
En 1999 la destruction n'était pas présente dans les esprits de l'équipe ; ils pensaient plutôt à la création et comment ils allaient pouvoir donner vie à la vision de Kojima. Le premier pas fut de partir en voyage de recherche à New York City après l'E3 de 1999. Sur les lieux, l'équipe visita des monuments comme le
pont George Washington, le
Federal Hall et même un commissariat de police de New York, où Shinkawa revêtit une tenue de démineur, un équipement qui servit ensuite d'inspiration dans la conception du personnage Fatman.
De retour au Japon, l'équipe de programmation commençait à réfléchir à la manière d'amener le monde de
Metal Gear Solid 2 à la vie sur la machine de Sony, la Playstation 2. Fin 99 l'équipe reçut un kit de développement de Sony. Uehara dit que l'équipe n'avait jamais vraiment cru les déclarations de Sony, quant au fait que la PS2 et son
Emotion Engine était une machine de rêve.
« Nous savions que ce n'était qu'un ordinateur...Nous avons honnêtement essayé de ne pas avoir trop d'idées irréalisables au final. Nous avons plutôt adopter une approche contemplative et espérer au mieux. »
Alors que l'équipe de programmation passait du temps supplémentaire sur les essais de la PS2, Kojima débuta le long et difficile processus de création du script, un énorme document qui, une fois terminé, détaillerait chaque scène et ligne de dialogue du jeu.
Lorsque le kit de développement arriva, l'équipe commença ce qui représentera au total 6 semaines d'expérimentations avec le matériel. Les programmeurs, les techniciens audio et les artistes passèrent au banc d'essai la machine via toute une série de tests rigoureux.
« Notre programmeur principal, M. Takabe, passa un mois à faire des recherches et expérimenter sur la machine » explique Matsuhana, le directeur assistant. Après que l'expérimentation fut terminée, Matsuhana passa une semaine à s'entretenir avec chacun des membres de l'équipe afin de déterminer la vitesse à laquelle ils pouvaient construire un jeu.
« A la fin de 1999 j'avais établi que nous pourrions finir un jeu en 2001, [soit] de façon assez appropriée l'année du Serpent » rappelle t'il. Une date cible fut donc fixée : un nouveau
Metal Gear pour 2001.
Terminé les Lego!
Conscient des limites de la PS2, Kojima se pencha sur l'écriture du script.
« Le script implique réellement deux significations de l'intrigue » dit il.
« En premier se trouve l'intrigue en terme d'histoire, et en second se trouve l'intrigue en terme de gameplay véritable. Je ne pense pas qu'elles puissent exister l'une sans l'autre ; elles doivent être écrites et conçues ensemble. »
« Je dois concevoir une scène sur le plan scénaristique et du gameplay, mais je dois aussi savoir si c'est techniquement atteignable » - Hideo Kojima
Pour un jeu aussi gigantesque que
Metal Gear Solid 2 , Kojima joue à ce qu'il appelle
« attrape la balle » avec son collaborateur M. Fukushima et l'équipe de développement complète. Bien que Kojima ait le dernier mot quant à ce qui fera partie du jeu, sa méthode « attrape la balle » implique tout les membres principaux de l'équipe.
« Je dois concevoir une scène sur le plan scénaristique et du gameplay, mais je dois aussi savoir si c'est techniquement atteignable » explique t il. L'une de ses scènes qu'il conçut pour au final s'apercevoir que ce ne serait pas possible impliquait une séquence d'inondation massive.
« J'avais cette scène d'inondation avec des personnes emportées » se souvient il.
« Je voulais demander au joueur de nager dans cette inondation et s'assurer qu'il ne se noie pas. Mais ça ne s'est pas concrétisé, principalement parce que la technologie aurait été difficile à exécuter. »
Ca ne veut pas dire que toutes les séquences dans le jeu furent une partie de plaisir à réaliser. Dans le script Kojima énumère chaque détail visuel qu'il souhaite par séquence.Par exemple, la scène d'introduction sur le pétrolier à New York est décrite exhaustivement dans le script.
« Je décrirais si nous voulons montrer toutes les gouttes d'eau sur l'imperméable du personnage et où je veux voir le brouillard » déclare t il. Puis c'est à l'équipe de programmation de concevoir la technologie nécessaire à la réalisation d'une telle séquence. [i]« Nous ne disons jamais à M. Kojima qu'une chose est impossible, nous essayerons toujours » dit Uehara, à qui M. Kojima semble avoir déjà enseigné d'enlever [le mot] ''impossible'' de son vocabulaire.
« Mais lorsque j'ai lu le script de cette scène d'ouverture, avec les ondulations, l'eau, les réflections aquatiques, la brume – j'ai été très franc avec M. Kojima et lui ai dit ''Ca va être très difficile à réaliser tel quel''. Mais je pense que nous nous sommes débrouillés pour avoir quelque chose de raisonnablement proche du script. »
Alors que l'équipe de programmation travaille à la réalisation de quelques uns des aspects visuels du jeu, Kojima passe un temps considérable à travailler le scénario avec l'équipe design, un groupe d'une douzaine d'individus (dont un nombre important sont des femmes), pour concevoir le véritable gameplay. Pour chaque scène dans le jeu, Kojima dessinera une carte détaillée sur la façon dont le joueur devrait se déplacer à travers la zone.
« Pour le premier jeu nous avons en fait construits les niveaux avec des Lego pour comprendre la perspective du joueur » dit il.
« Mais ce jeu est devenu tellement compliqué avec ses multiples étages que nous avons dû faire ça avec des images de synthèse générées par ordinateur et tester en pratique quelques scénarios dans les bureaux. »
Début 2000 l'équipe de Tokyo faisait des progrès importants. Le script était complet, bien que Kojima admet que le script final fut quasiment réduit de moitié par rapport à l'original. La meilleure partie étant que l'équipe commençait à atteindre le stade où le jeu pouvait être branché sur un écran de télé et voir certaines séquences test en action, avec les arrières-plans, ennemis et objets.
Les essais initiaux furent impressionnants : le jeu commençait à ressembler à un film d'action. Il est donc logique que l'idée suivante de Kojima fut d’appeler un compositeur hollywoodien célèbre et lui demande de l'aider à faire naître la partie audio du jeu.
C'est le mec qu'il nous faut
Tout comme les graphismes de
Metal Gear Solid 2 semblent à des années lumières de ce que l'équipe put faire lors de la première apparition de la série il y a 14 ans, les effets sonores et la musique sont passés de beeps de type téléphonique à des paysages sonores d'orchestres symphoniques intégraux. Kojima, en tant que mordu de films, est souvent au courant des derniers films d'action d'Hollywood, tellement au courant qu'il va fréquemment au cinéma avec Muraoka, le cadre et directeur du département design audio de Konami.
« Nous voyons souvent des films ensemble, c'est notre passe temps. » explique Muraoka, qui poursuit en disant que Kojima regarde toujours les films depuis la perspective d'un réalisateur, alors que lui ne cherche qu'à être divertit. Est-ce qu'ils sont souvent en désaccord quant aux films ?
« Oui. Quand je suis sur le point de dire ''j'ai vraiment aimé ce film'', M. Kojima dit toujours ''Ce film était nul'', et j'ai l'impression que je ne peux pas vraiment lui dire ce que je pense. »
Bien qu'ils aient des goûts cinématographiques différents (le dernier film qu'ils aient vu était Tomb Raider (Bon pour Kojima, mauvais pour Muraoka)), les deux finirent par être d'accord sur un point après avoir vu le film de Chow-Yun Fat
Un tueur pour cible (1998 ) : la musique dans le film était fantastique.
« J'ai juste adoré les sons de percussion moderne par Harry Gregson Williams » dit Kojima.
« Dès que nous avons vu ce film je me suis tourné vers M. Muraoka et lui ai dit : ''c'est le gars qu'il nous faut pour Metal Gear Solid 2''. »
Bien sûr vous pourriez penser que décrocher les services d'un des compositeurs les plus actifs d'Hollywood, qui a travaillé sur tout, du récent
Spy Game à
The Rock en passant par par
Shrek, pourrait être un défi certain même pour un créateur de jeu vénéré tel que Kojima. Révisez votre point de vue, parce que Kojima et Muraoka avaient déjà un plan. Outre indiquer à Rika Muranaka, le compositeur des thèmes de fin pour MGS1 et 2, de contacter Gregson-Williams, Kojima commença à rassembler sur un CD ses musiques favorites d'Harry Gregson-Williams. Au bout de quelques jours il envoya le CD au studio du compositeur, Media Ventures, basé à Santa Monica en Californie, et attendit une réponse.
« Et donc ce jour là je reçus cet étrange CD gravé par courrier » dit Gregson-Williams assis dans son studio alors qu'il vient de finir le jour précédent son travail sur
Spy Game.
« Le CD contenait toute ma musique mais c'était quasi flippant. Il y avait de la musique de films dont, à ma connaissance, les bandes originales n'avaient jamais été sorties. Il y avait même de la musique de films pour lesquels j'avais collaboré avec d'autres compositeurs. D'une manière ou d'une autre la personne qui avait assemblé ce CD savait exactement quelles musiques de ces films avaient été composées par mes soins». Gregson-Williams dit qu'il fut grandement impressionné par les capacités de l'auteur du CD à identifier sa musique.
« Je ne pouvais vraiment pas dire non à ce projet après ça. »
Un peu plus furtif s'il vous plaît
Commençant le projet début 2000 pour six semaines de travail, Gregson-Williams était excité à l'idée de travailler sur un jeu, bien qu'il ne possède pas de Playstation et n'a joué qu'à un seul jeu :
Pong.
« Quasiment tout ce que je fais est conditionné par les images d'un film ; chaque mouvement et variation dans la musqiue dépendent de ce qui est à l'écran » dit il.
« Pour ce projet ce fut différent. Je n'avais pas de visuels du tout, je n'ai pas vu le jeu du tout. Ils m'ont juste donné quelques adjectifs pour les thèmes et j'ai composé à partir de ces mots. »
L'équipe étant à Tokyo et Gregson-Williams à Santa Monica, la communication se faisait par
emails et par Gregson Williams qui envoyait la musique au format MP3 au Japon.
« J'ai vraiment commencé par écrire la musique à partir des adjectifs qu'ils m'avaient donné » dit il en parcourant rapidement un CD de musique pour le jeu dont les pistes vont de
Sneaky1 à
Sneaky6.
« Je ne sais pas qui va nommer toutes ces chansons ''sneaky'' pour la bande originale mais ce ne sera certainement pas moi » dit il en riant.
Gregson-Williams écrivait les adjectifs sur des notes adhésives et mettaient ensuite ces dernières sur sa console informatique. Il débuta avec l'adjectif
''sneaky'' [Furtif, vicieux] et poursuivit jusqu'à noble, action totale et héroïque. Ces bouts de musiques étaient de manière générale écrites par segments d'une minute et envoyés à l'équipe au Japon. Bien qu'on pourrait suggérer que l'utilisation d'adjectifs était le seul moyen de communiquer à travers la barrière du langage, Muraoka dit que la communication restreinte était un choix et non un problème de langue.
« Si nous lui donnions des instructions trop spécifiques ce ne serait plus sa musique et nous voulions son style habituel » dit il.
Alors que l'ensemble des musiques de Gregson Williams inspirées par les adjectifs était destiné à être utilisé dans le jeu principal, l'équipe au Japon lui demanda aussi de composer un morceau mélodique spécifique qui serait utilisée pour un
trailer lors de l'E3 2000 à Los Angeles, [pour] le dévoilement officiel du projet. Pendant que Gregson-Williams travaillait diligemment à finir le thème, l'équipe de Tokyo essayait avec acharnement de compléter les visuels à montrer pour l'E3 2000.
9 minutes de magie
Début avril 2000, Matsuhana savait que l'E3 débutait dans 6 semaines. L'E3 était un cap important pour l'équipe, en particulier parce que les débuts de
Metal Gear Solid à l'E3 97 l'avait placé dans la lumière.
« M. Kojima savait que l'E3 2000 était la période parfaite pour montrer le jeu au public pour la première fois » se souvient Matsuhana alors qu'il est assis dans une salle de réunion à Konami.
« Il était sans aucun doute possible très important que nous ayons un ''trailer'' prêt. Mais pour être honnête, chaque jour précédant l’événement j'étais inquiet que nous n'ayons rien à montrer. »
L'idée de Kojima était d'introduire
Metal Gear Solid 2 avec une bande-annonce vidéo de 9 minutes qui montrerait scène d'action sus scène d'action extraites de la séquence du pétrolier dans le jeu. Déterminé à garder Raiden un secret, Kojima commença personnellement à enregistrer et éditer le matériel pour la B.A., dont l'essentiel était extrait de ce que l'équipe appelle une démo polygone, connu pour les Européens sous le nom de cinématiques en temps réel ou séquences scriptées. A la mi-avril l'équipe entière vit la première démo polygone finie, une courte séquence qui montrait Solid Snake sauter du pont George Washington et atterrir sur le pétrolier.
« Dès que j'ai vu cette démo polygone je me suis dit ''Waouh ! Ca va être une bande-annonce géniale''. Nous avions définitivement quelque chose de spécial » se souvient Shinkawa.
Au moins ils espéraient qu'ils allaient avoir quelque chose de spécial. Si ils pouvaient extraire neuf minutes de séquences géniales à temps pour l'E3.
« Une bande-annonce de jeu comme celle pour MGS2 est très difficile à monter » explique Matsuhana.
« Vous devez compter sur l'IA pour certaines choses. Un directeur de film peut juste dire à un acteur de marcher dans une certaine direction, mais une grosse partie de notre temps fut passé à tirer des balles dans certaines directions et espérer que les ennemis réagiraient d'une certaine façon ». Kojima essayait régulièrement de créer des scènes d'action époustouflantes littéralement par des rencontres de fortune.
« Au final nous avons réalisé qu'il serait plus rapide de reprogrammer une partie de l'IA des ennemis pour la bande-annonce afin que les soldats fassent exactement ce que nous voulions qu'ils fassent » admet Matsuhana.
"Chaque jour précédant l’événement j'étais inquiet que nous n'ayons rien de prêt à montrer » – M. Matsuhana quant à l'E3 2000.
Alors que la bande annonce commençait à prendre forme, l'équipe japonaise informa Konami Etats-Unis qu'elle apporterait une B.A. De neuf minutes pour l'E3. Au début les cadres dirigeants en Amérique furent inquiets qu'une B.A. Aussi longue éclipse le reste de la programmation de l'entreprise pour 2000.
« Nous avons dit à Kojima :''attendez une minute, notre bande ne fait que 30 minutes, et vous voulez en prendre un tiers ?'' » se souvient Ken Ogasawara, le producteur de la localisation américaine du projet. Bien sûr cette réaction était basse et personne n'avait idée de combien serait impressionnante la BA une fois terminée. En fait, personne en dehors des bureaux de développement au Japon n'avait vu quoi que ce soit sur
Metal Gear Solid 2.
« Nous n'avions pas vu une vidéo, une capture d'écran, un logo ou quoi que ce soit sur le jeu une semaine avant l'E3 » explique Jason Enos dans le département mercatique de Konami Etats-Unis [NdIglOoO: aka les fils de professionnelles responsables du retard de MGS V si l'on en croit IGN Italie].
Une partie de la raison pour laquelle Kojima tenait le jeu sous son contrôle concernait les peurs qu'il avait quant à sa réception par le public.
« Je sais que ça va sembler trivial avec le recul, mais honnêtement nous n'avions aucune idée de ce que faisaient les autres compagnies avec la PS2 » se remémore t il.
« Nous n'étions pas très confiants sur la manière de présenter nos visuels, particulièrement avec notre attention sur l'environnement et les effets plutôt que le nombre de polygones pour les personnages ». Bien que Kojima essayait désespéramment de découvrir ce que préparaient ses compétiteurs, il dit que même quelques semaines avant l'E3 l'équipe n'avait aucune idée si leur travail faisait le poids comparé à celui de ses contemporains.
« J'étais si effrayé parce que je ne savais pas à quoi le nouveau Resident Evil ou Final Fantasy ou Tomb Raider allait ressembler ».
Matsuhana va jusqu'à dire que les jours précédant l'E3 furent parmi les plus sombres pour l'équipe, les heures les plus noires du développement.
« Je sais que les gens vont lire ceci et se dirent : ''Comment n'ont ils pu être enthousiastes avec cette B.A. ? » admet il.
« Mais lorsque nous avons commencé à voir les images fuitées des produits de [nos] concurrents dans les jours précédant l'E3, nous sommes devenus très inquiets que le public n'apprécie pas la direction que nous prenions avec le jeu. »
Mais il n'y aurait bientôt plus de soucis à se faire ; le 8 mai Kojima prenait un avion à l'aéroport de Narita pour Los Angeles, avec une cassette vidéo de neuf minutes fermement protégée dans sa valise. Dans l'avion il écouta inlassablement un minidisc enregistré par Scott Dolph, le seul employé anglophone des bureaux de Konami à Ebisu. Sur le disque Dolph avait enregistré un court discours en anglais que Kojima essayait d'apprendre. Deux jours plus tard il donnerait ce discours face à une salle bondée et révélerait
Metal Gear Solid 2 au monde.
Le jeu du salon
Le 10 mai 2000 est un jour probablement particulier dans l'esprit de plusieurs joueurs, sans compter les 150 journalistes qui remplirent une pièce de projection aux Studios Universal de Los Angeles aux alentours de 17h pour la présentation de
Metal Gear Solid 2. Après une longue journée de conférences presse, y compris le massif spectacle de Sony pour l'annonce de la date de lancement et prix de la PS2, beaucoup pressentaient que Konami avait gardé le meilleur pour la fin. A 17h exactement, Kojima se leva face à la foule et commença ses remarques. A un moment il leva le regard du pupitre et dit
« Je suis de retour ! » devant les acclamations de la foule. Les lumières s'abaissèrent et un écran vert similaire à ceux précédant les films apparut à l'écran. Celui-ci disait ''Ce jeu convient à tous les joueurs''.
Au cours des neufs minutes suivantes une série hypnotiques d'images apparurent à l'écran. Le thème mélodique de Gregson-Williams était diffusé par des enceintes et la foule éprouvait des séquences d'action semblant tout droit sorties de films tels que The Rock ou des James Bond. La séquence sur le pétrolier que Kojima avait monté dans le script fut le point principal de la B.A. ; les flaques d'eau étaient là, tout comme les effets du vents, les réflections et les animations incroyables. Lorsque le némésis de Snake, Revolver Ocelot, apparut dans la B.A., la foule s'exclama ; un plan rapproché de la figure de Solid Snake ne fit que renforcer les exclamations. Très vite quelques journalistes se demandèrent combien de temps la B.A. pourrait continuer : ça semblait trop beau, trop maîtrisé et trop puissant pour être un vrai jeu. Lorsque la B.A. fut terminée et que le logo MGS2 apparut, les applaudissements de la foule explosèrent et se poursuivirent par une
standing ovation donnée à Kojima. Le jeu n'aurait pu recevoir un meilleur accueil.
Durant l'E3, Konami montra la B.A. de neuf minutes sur un large mur vidéo à son stand à chaque fin d'heure. Un quart d'heure avant l'heure, l'audience grossissait tant que le personnel de l'E3 devint inquiet que les foules énormes posent un risque d'incendie. Même les développeurs dans la foule regardaient encore et encore la B.A. sans croire ce qu'ils voyaient à l'écran.
« Vous saviez instantanément que vous étiez en train de regarder le nec plus ultra des jeux vidéo »- George Broussard (3D Realms)
George Broussard de 3D Realms Entertainment, créateur de Duke Nukem, fut l'un de ceux époustouflés par la B.A.
« Vous saviez instantanément que vous étiez en train de regarder le nec plus ultra des jeux vidéo. Quelque soit votre niveau d'expérience en tant que développeur, vous regardez Metal Gear et dites ''Waouh !'' ». Jason Rubin du studio PS2 Naughty Dog, congénères de talent, répète les dires de Broussard:
« nous sommes perpétuellement inspirés par la façon dont M. Kojima a lentement perfectionné l'art de mixer la narration et le gameplay dans une expérience ininterrompue jeu/film ». Même Gregson-Williams fut abasourdi lorsqu'il vit finalement sa musique combinéa avec le travail fait au Japon.
« C'était quasiment un film » se souvient il.
« C'était vraiment époustouflant de voir ma musique raccordée à ces visuels. »
Au firmament
Metal Gear Solid 2 était devenu le jeu de l'évènement. Alors que Kojima insistait que la B.A.vidéo représentait des éléments
in-game, quelques cyniques suggérèrent que les images étaient trop belles pour être vraies, qu'un jeu ne pouvait en aucune façon ressembler à ça et être jouable ainsi. Mais il ne faisait aucun doute que la BA était impressionnante. En l'espace de quelques courtes journées
Metal Gear Solid 2 était rapidement devenu le jeu PS2 le plus attendu, alors qu'au moins 18 mois le séparait de sa sortie.
Prêt à célébrer ceci, Kojima et son équipe mirent un point d'honneur à se faire un karaoke, un passe temps secret de l'équipe. Kojima aime chanter
falsetto.
« Je ne pense pas que les gens sachent à quel point M. Kojima aime le karaoke » nous fait remarquer Matsuhana, qui avoue honteusement que lui-même ne dit pas non à une chanson de
Billy Joel de temps à autre.
« M. Kojima et Scott Dolph sont de grands fans d'Earth, Wind & Fire, et M. Kojima apprécie aussi énormément L'Arc En Ciel, le groupe de rock japonais qui écrivit le thème de fin pour Final Fantasy : The Spirits Within » déclare Matsuhana. Chanter un karaoké fut le relâchement final pour l'équipe, une occasion de célébrer ce qui avait été accompli.
« Je me souviens être assis dans l'avion et me dire calmement à moi-même : ''je dois garder mon sang-froid là'' » - Hideo Kojima à propos du succès de la BA à l'E3
Sur le vol de retour vers Tokyo après le spectacle, Kojima était au firmament.
« Ces quelques jours furent la meilleure période de ma vie pour être honnête » se souvient il avec un sourire sur le visage, comme pour suggérer que la pression des dernières heures lui ont presque fait oublier cet instant vieux d'une année.
« Je me souviens m'asseoir dans cet avion et juste me dire silencieusement à moi-même : ''je dois garder mon sang-froid là. Je ne dois pas devenir trop excité ou me considérer comme une star. Je dois maintenir un [certain] niveau d'humilité'' ». Alors que
Metal Gear Solid lui apporta le respect et l'adhésion fervente des fans, la BA de
Metal Gear Solid 2 servit d'étincelle à la frénésie qui éleva Kojima au niveau du créateur de Mario, Shigeryu Miyamoto.
Kojima se sentait plutôt bien quand il arriva à Tokyo. En fait, il n'en pouvait plus d'attendre de raconter à sa femme combien ses quelques jours avaient été les meilleurs de sa vie. En arrivant à sa maison dans Tokyo, Kojima salua sa femme et commença à lui raconter l'E3.
« Je lui ait dit comment tout s'était déroulé parfaitement et elle m'a en gros répondu ''Oh vraiment ? C'est bien'' » se souvient il en riant.
« C'était vraiment triste parce que je ne pouvais même pas commencer à partager avec elle mon véritable niveau d'enthousiasme. J'aimerais vraiment qu'elle ait pu être là pour voir les réactions à l'E3. »
Peut-être que la réaction de sa femme était exactement ce dont Kojima avait besoin ; une expérience humble pour lui faire réaliser une chose, que le jeu était loin d'être fini. Alors que l'E3 2000 fut un temps fort pour l'équipe, la pression n'allait que s'accroître. A partir de maintenant tous les regards seraient tournés vers Kojima et son équipe pour savoir si ils pouvaient réaliser un jeu capable de répondre aux attentes et louanges engendrées.
La suite se trouve
ici. Bonne lecture à ceux qui la poursuivront. Et bon jeu à ceux qui le font, que ce soit la première fois (les chanceux!) ou la cinquantième fois (les acharnés!).
Je retiens le coup de maitre à imposer raiden.... Aucun trailer, aucune image... Chapeau et surtout quel courage sur une suite aussi attendue
Du même niveau que Conker où on attendait un jeu 3d dans un univers tout rose!
J'aime beaucoup cette citation : « C'est mon Metal Gear et je peux le détruire si je veux le faire» .
Combien de développeurs seraient aujourd'hui prêts à aborder le futur de leur licence phare avec un tel état d'esprit ? Faire jouer un personnage autre que Snake pendant une grande partie de l'aventure, fallait quand même oser le faire. C'est également intéressant de lire la façon dont il adapte la mise en scène des cinématiques en fonction des capacités du hardware.
Le père Kojima a beau me lourder des fois avec son teasing à deux sous, ça n'empêche qu'il a une vision du JV qui force le respect. Qu'on aime ses jeux ou pas, il tente d'amener le média un peu plus loin. Et on ne peut que regretter l'actualité récente le concernant.
Le 1 et le 2 , les best MSG.
Mais surtout, c'est la fin de malade qui m'a foutu une grosse claque
C'est quelque chose que tu ne pourrais plus refaire aujourd'hui, je pense.
En tout cas on peut le critiquer, mais c'est vrai que le mec avait quand même des baloches en adamantium. Quand tu fais un coup pareil, t'as intérêt à avoir de sacrés arguments derrière.
dacta c'est le meilleur Koji
loudiyi tout comme toi je l'ai fais sans être au courant de quoi que ce soit, la grosse baffe. Et la fin est encore plus pertinente aujourd'hui qu'à l'époque. Une véritable œuvre d'art à mon sens.
terminagore ça se touche (beaucoup) sur la maturité du média aujourd'hui mais Kojima aura beaucoup fait pour lui donner ses lettres de noblesse et le faire progresser vers plus de maturité à mon sens. Ces jeux ne sont pas que des simples jeux, on peut en retirer énormément.