Si Batman est un des super-héros les plus classes et populaires de tous les temps, il faut bien avouer que le personnage crée par Bob Kane et Bill Finger en 1939 n'avait jusque-là pas eu droit à une adaptation vidéoludique véritablement à son niveau. Pourtant, au fil des années ce ne sont pas loin d'une vingtaine de jeux ayant pour héros le chevalier noir qui ont vu le jour. Las, aucun ou presque n'est resté dans les mémoires sauf peut-être l'opus sur NES. C'est avec cette énorme pression sur ses épaules que Batman : Arkham Asylum avance vers nous aujourd'hui. La malédiction est-elle levée ? L'homme chauve-souris a-t-il enfin l'adaptation vidéoludique qu'il mérite ?
Beaucoup trop obéissant pour que ce soit désintéressé, le Joker solidement attaché au moyen de menottes se laisse tranquillement conduire à l'intérieur de l'asile d'Arkham. Lançant quelques vannes dont il a le secret, il semble aussi décontracté que quelqu'un qui s'apprête à aller se baigner au bord de la mer. Évidemment, tout ça n'augure rien de bon et notre ami Batman l'a bien compris puisqu'il insiste pour l'accompagner personnellement jusqu'à sa cellule. « Pas possible ». Quelques minutes après, le Joker réussit à se débarrasser de ses deux gardes du corps et met son plan machiavélique en marche. Le voilà maître de l'Asile et il compte bien faire passer à Batman une des nuits les plus longues de son existence.
Dès les premiers instants, on est marqué par l'ambiance qui se dégage du titre. À la fois sombre et mature, elle n'est pas sans rappeler celle des films de Christopher Nolan. Les développeurs ne se sont pas moqués des joueurs et ont réalisé un vrai travail de fond pour proposer quelque chose de crédible. Visiblement très inspirés par les Comics des années 90 (il suffit de voir la patte graphique du titre), ils ont qui plus est eu le bon goût de proposer des dialogues très travaillés avec des répliques souvent excellentes. Comme souvent, les plus savoureuses sont évidemment réservées au joker qui prend une nouvelle fois un malin plaisir à malmener son « Batou ». Pour ne rien gâcher, les doublages français sont de bonne facture dans l'ensemble et le choix du lieu (l'asile, lieu parfait pour amplifier la démence sans égal du Joker) est cohérent.
Mais on n'est pas là pour se tourner les pouces et on se retrouve très vite plongé dans nos premiers combats. L'occasion de constater que les développeurs ont opté pour une approche très simplifiée du système de combat. Les attaques s'effectuent grâce à une touche tandis qu'un second bouton est assigné aux contres. Le tout s'enchaîne de manière extrêmement fluide et simple et les premiers combos ne tardent pas à arriver. Et si à l'issue de la démo on pouvait craindre de se retrouver face à un système de combat sans intérêt, car trop simple, force est de constater qu'une grande partie de nos craintes s'est évaporée. Ainsi, si le début se révèle effectivement trop facile, la multiplication des ennemis ne tarde pas à nous compliquer relativement la tâche. Il faut alors user de combos pour faire le ménage et s'en sortir sans trop de dommages. Des enchaînements dont le déclenchement nécessitera un sens du timing aiguisé ce qui viendra rapidement relever le challenge. Alors bien sûr on reste très loin de la complexité d'un
Ninja Gaiden, mais le côté Beat them all du titre offre de bonnes sensations, surtout en mode difficile, à défaut d'un challenge insurmontable. Dommage simplement que la panoplie de coups de Batman ne soit pas un poil plus variée.
Si ces phases de combat aux corps-à-corps nous ont relativement convaincus, à défaut de nous enthousiasmer, il en est tout autrement pour les passages où l'infiltration est de rigueur. Très jouissive, l'approche furtive sera indispensable dès que l'on rencontre des ennemis armés. Batman a beau être un super-héros, il demeure très sensible aux balles. Heureusement que les développeurs ont pensé à tout en nous proposant le mode détection, sorte de vision infrarouge qui met en surbrillance les éléments avec lesquels Batman peut interagir et nous montre en permanence l'emplacement des ennemis. Il devient alors possible de donner libre court à son imagination pour se débarrasser des ennemis de différentes manières. Utiliser son grappin pour se déplacer furtivement, éliminer les portes-flingues discrètement par-derrière, ou se suspendre à une gargouille pour pratiquer une élimination inversée ne sont que quelques-uns des moyens de faire. Qui plus est, en progressant dans l'aventure on débloquera de nouveaux bat-gadgets qui élargiront encore plus nos possibilités en nous permettant d'atteindre des endroits à première vue inaccessibles.
Brillant par certains de ses mécanismes de gameplay,
Batman : Arkham Asylum n'est pas pour autant dépourvu de défauts. Linéaire et relativement répétitif, le soft souffre d'un enchaînement des missions un petit peu trop prévisible ainsi que d'un environnement qui ne se renouvelle peut-être pas assez. Ainsi, on commence souvent par une phase de beat them all pur avant de traverser une salle de manière furtive et d'aller chercher des indices qui mèneront jusqu'à un Boss dont il faudra évidemment se débarrasser. Et là, on est obligé de constater à quel point les combats de boss ont été bâclés par les développeurs. Simples, répétitifs et sans originalités, ils nous laissent un goût de déception qui fait tache à côté de l'océan de qualités que possède le titre. Et c'est d'autant plus dommage que le design des Boss est très réussi visuellement. Par ailleurs, si le gameplay général du titre est bon, on ne peut s'empêcher de relever des petits défauts qui auraient gagné à être corrigés. On pense à une caméra parfois capricieuse dans les espaces confinés ou à ces conduits d'aération qu'on finit par connaître comme sa poche à force de les emprunter à tout bout de champ. On pense aussi au doublage des personnages secondaires et à des animations parfois trop rigides. Plus généralement, si le choix du lieu est largement bénéfique pour l'ambiance du titre, il se révèle beaucoup plus préjudiciable dès que l'on s'attarde sur la liberté d'action et la linéarité. Heureusement que les développeurs l'ont bien compris en proposant à plusieurs reprises des escapades à l'extérieur. Enfin, et malgré tous les efforts faits dans le domaine, il faut bien comprendre que le titre vaut bien plus pour son ambiance que pour son scénario.
Reste qu'il serait de mauvaise foi de s'attarder plus que nécessaire sur les défauts d'un titre dont les qualités sont bien plus nombreuses. Batman : Arkham Asylum est un titre jouissif où l'on prend un grand plaisir à incarner un chevalier noir plus classieux et souple qu'il ne l'a jamais été dans aucun autre jeu vidéo. Un titre qui se vit davantage qu'il ne se joue et où la fin de l'histoire principale n'est pas la fin de l'aventure. Batman AA est bourré de bonnes idées, de bonus à collectionner et de défis à réaliser. C'est aussi un soft très propre graphiquement qui exploite à merveille l'Unreal Engine 3. Batman : Arkham Asylum, c'est enfin un hommage vibrant à Batman en particulier et à l'univers DC Comics plus généralement. Un indispensable assurément et certainement un des plus grands jeux de super-héros de tous les temps.