
Pac-Man @ ECTS
Il ne faut pas chercher à se le dissimuler, si la firme de Kyoto n’en finissait pas d’aligner « hits sur hits » comme le proclament ses aficionados - acquis à la cause du géant japonais depuis des années quitte à en avoir les yeux ankylosés -, le Nintendo Gamecube, formidable système de jeux vidéo s’il en est, ne se trouverait pas dans sa délicate position actuelle. Pour le joueur lambda qui n’est pas censé avoir l’écho de tout l’historique des compagnies de jeux vidéo avant de poser son pouce sur le paddle, force est de reconnaître que les dernières productions de Shigeru Miyamoto et de ses hommes de main ont alterné le bon et le vraiment moins bon. Parmi les « jeux de banlieue » du constructeur asiatique, Pac-Man a définitivement trouvé son chez-soi. Malheureusement pour une telle licence…
Un concept originel simple et bien desservi au premier abord
La licence phare de Namco est sans contexte la plus vieille des légendes du jeu vidéo. A son actif, moult réadaptations souvent ratées mais une aura toujours aussi large dans le secteur après de longues années passées sur les « showfloors » de toute la planète. Nintendo n’aura par conséquent pas fait une folie destructrice en s’amourachant de ce titre à la fois très addictif, simple, et au potentiel multijoueur élevé. En quelques mots, l’une des définitions du jeu vidéo selon Nintendo. On se dit qu’avec le talent habituel de l’équipe EAD, renouveler l’intérêt autour de ce titre ne sera que jeu d’enfant. Et on a parfaitement raison, tout du moins dans un premier temps.
Un titre qui cherche à promouvoir l’utilisation du câble link
Nintendo en avait fait l’un de ses plans de bataille, la connectivité Gamecube/GBA serait l’arme suprême du constructeur au moment même où selon les dirigeants de la firme du plombier moustachu Microsoft et Sony s’empêtreraient dans les mailles du « non rentable » jeu online. L’insolent plombier italien pensait même que le GBA pourrait incarner le rôle du célèbre cheval de Troyes, et faire pénétrer le Gamecube dans tous les salons en rendant ce dernier indispensable aux côtés de l’un des plus beaux succès commerciaux de la firme. Ce concept de mix marketing pouvait sembler intéressant de prime abord, mais au fil des mois aucun jeu sortant véritablement du lot n’a été capable de séduire les foules et de rendre la connectivité GC/GBA parfaitement attrayante, et ce même dans les rangs des fans ultimes de la compagnie. Ironie du sort, ce fut même un jeu Sega (Sonic Adventure 2 Battle) qui le premier utilisa le fameux câble link…
Une formidable adaptation
Ne crachons pas dans la soupe. Le joueur fan de Pac-Man, et il est loin d’être un cas isolé, se régalera devant une telle qualité d’adaptation. D’ailleurs, tout le monde s’amusera devant ce titre, mais pas forcément pour les même raisons. Il est certain que jamais le concept du jeu n’a été aussi bien exploité, et l’on ne peut que féliciter le travail des ingénieurs en plaisir de chez Nintendo qui ont, dans un premier temps, bien réussi leur mission. Pour jouer à ce titre un impératif : posséder un Game Boy Advance (SP ou non) et 3 manettes gamecube (Wavebird ou non). Après, le jeu et le plaisir qu’il nous procure est immédiat, ce qui est en soi une très belle réussite. L’un des joueurs prend le contrôle de Pac-Man et ce en s’emparant du GBA, les trois autres incarnent les méchants fantômes, contrôlés via les manettes Gamecube. Ensuite, tout est affaire de champ de vision. Explications…
Le concept de la vision rapprochée
Le joueur qui incarne Pac-Man joue sur son écran GBA, et nulle part ailleurs ! Pourquoi est-ce un atout ? Tout simplement car le petit glouton jaune dispose ainsi de son écran de jeu dédié, ce qui permet au joueur qui l’incarne de disposer d’une focale différente de celle des joueurs incarnant les fantômes. En fait, à l’heure des discours d’égalité sociale, tout est ici affaire d’inégalité devant la vision. Le joueur qui dirige Pac-Man aura la chance inouïe de pouvoir percevoir sur son écran GBA l’intégralité du labyrinthe que constitue l’aire de jeu, tandis que les joueurs dirigeant les fantômes n’auront qu’un espace de vision circulaire apparaissant sur l’écran de télévision qui ne leur offre qu’une vue très rapprochée de la situation. Alors que les fantômes avanceront à l’aveuglette pour tenter d’intercepter Pac-Man, celui-ci pourra à tout moment localiser ses adversaires et ainsi se positionner au mieux à chaque instant. Pour les fantômes, aucun indice excepté la fine traînée blanche que laisse filer derrière lui sieur Pac-Man quelques secondes après son passage. Aucun indice si ce n’est le positionnement approximatif des deux autres fantômes via un mini-radar. Ceci est très restreint pour élaborer une stratégie de chasse approfondie, et c’est tant mieux pour le fun!
Une course poursuite inégale
Pac-Man doit donc échapper aux spectres lancés à ses trousses tout en récoltant le maximum de points : pour cela il lui faut déguster un maximum de boules jaunes présentes sur son parcours. Côté revenant, l’enjeu sera inversé, et en outre de tenter la capture du petit glouton il faudra également manger un maximum de boules. Cela n’est pas tout. En effet, dans le jeu original, pour gagner un maximum de points il fallait également déguster des fruits présents sur le parcours… Sur Pac-Man for Gamecube point de diversité niveau fruits, mais la présence de cerises au pouvoir redoutable et redouté, en correspondance directe avec le concept de la vision rapprochée : chaque fois que Pac-Man mange une cerise la vision du plateau des fantômes se réduit de plus belle, rendant « l’arrestation de Pac-Man » presque impossible. A contrario, dès que l’un des fantômes mange une cerise, la caméra se focalisant sur ces derniers s’élève quelque peu et élargit par la même occasion leurs champs de vision ! Dernier soubresaut dans ce gameplay sans surprise mais efficace, la présence de billes qui une fois dégustées par Pac-Man permettent à celui-ci de dévorer les fantômes comme de vulgaires cerises ou boules jaunes, renvoyant ces derniers au centre du labyrinthe ! Le vicieux concept du chat et de la souris est en branle…
Un bon jeu, MAIS…
Certes, Pac-Man à la sauce 128 bits est un bon jeu. Simple, immédiat, prenant, avec un concept bien renouvelé, il n’y a pas de quoi trop se plaindre en apparence. Mais passé la première demi-heure d’utilisation on s’ennuie déjà lourdement, et on cherche en vain les autres modes de jeu et possibilités de s’échapper à la routine qui s’instaure. De plus, inutile de cacher les évidences, la création de ce jeu n’aura pas exigé plus de 3 mois de travail pour ses concepteurs (3 semaines simplement pour la version GBA !), et cela se voit nettement. Un jeu 128 bits, qui n’en est pas un. Si ce jeu n’en est pas moins plaisant, on ne peut qu’envisager une sortie à un prix de moins de 30 EUR. Sinon les fans crieront sans aucun doute au foutage de gueule ! Et pourquoi pas une sortie avec Zelda Four Swords, histoire de faire passer la pilule à des fans qui s’attendaient tout de même à plus gros pour contrer les jeux de la concurrence, Gran Turismo 4 et Fable en première ligne ? Le dilemme de Nintendo se trouve aujourd’hui là : enfermé dans ses contradictions, le constructeur nippon s’enterre dans son concept du « nous proposons des jeux différents » quitte à ne plus concevoir des titres véritablement fédérateurs. Il n’y a pas d’intérêt particulier à cela pour les hardcore gamer, mais assurément encore moins pour Nintendo. Alors pourquoi s’entêter à produire de pseudo jeux, en laissant apparaître avec assurance que les vrais Game Giant seront présentés à l’E3 de l’an prochain (scénario qui reste le même depuis trois ans) ? Pour masquer un manque flagrant de réelles nouveautés marquantes ?
Pac-Man version Gamecube est un gentil amuse-gueule, mais ne méritera votre investissement que s’il est proposé à un prix très réduit ou encore offert avec un prochain gros titre Nintendo. L’effort effectué pour renouveler la saga est sans contexte intelligent, mais on aura tendance à se demander si Nintendo n’aurait pas pu se lancer dans la conception d’un jeu d’un autre calibre. Car avec Zelda Four Swords et Pac-Man, les détracteurs de la console ont des arguments (totalement faux) concernant la faiblesse technique du Gamecube. Quel dommage que Nintendo ne fourbisse pas encore tous les efforts dont il est capable…
posted the 09/03/2003 at 04:44 PM by
Gamekyo