Symbole du jeu qui ne peut plaire à tout le monde, Heavy Rain a réussi avec le temps à faire son petit chemin coté ventes, motivant Sony à lâcher quelques billets supplémentaires à David Cage et sa team pour une nouvelle production qui, là encore, risque de ne pas mettre tout le monde d'accord.
On ne va pas revenir sur la longue campagne de communication hormis le rush final qui permettait de se rendre compte que Cage assume désormais pleinement le fait de jouer le mixe entre jeu vidéo au cinéma, avec une sérieuse tendance à balancer dans le second cas entre la mise en avant des acteurs principaux (Ellen page et William Dafoe), l'avant-première au Grand Rex de Paris et, comble absolu même s'il s'agit d'une bonne idée pour faire parler du titre : une fiche spécifique sur le site
Allociné. Parti de là, accuser
Beyond : Two Souls d'être un film interactif nouvelle génération reviendrait à reprocher à un FPS d'être un FPS. On nous a vendu le jeu comme tel et il ne faudra donc pas s'étonner de passer la majeure partie de l'aventure à regarder à l'écran en appuyant sur quelques boutons avec un coup de stick par-ci par-là de temps à autre.
Forcément, avec ce premier constat, le scénario a intérêt de suivre. Les choses partent d'ailleurs assez bien, le « jeu » nous contant la vie de Jodie, demoiselle qui a la particularité d'être accompagné depuis sa naissance par une entité invisible (Aiden) irrémédiablement reliée à elle et agissant selon son bon vouloir (majoritairement celui du joueur donc). De la petite enfance à l'âge adulte avec tout un tas d'événements entre deux, on suit donc le vécu d'une miss qui n'a pas trop de bol, versant facilement une larme tous les trois chapitres, le tout dans une chronologie un peu à la
Memento où on passe d'un moment à l'autre de sa vie même si on ne comprendra pas toujours l'utilité du procédé, sans parler qu'on aura parfois tendance à s'y perdre un peu dans ce fouillis malgré l'affichage d'une rapide chronologie à chaque début de chapitre. Le doublage est en passant réussi (encore plus en VO), la mise en scène d'une certaine qualité et certains personnages sont attachants mais voilà, à mesure qu'on avance, le classicisme pointe un peu le bout de son nez.
Car malgré une tentative pour jouer autour du mystère,
Beyond ne possède pas le scénario du siècle. Ni dans l'espace du jeu vidéo, encore moins dans le domaine du cinéma. On ne va pas spoiler mais la deuxième partie du jeu nous livre peu à peu les clés d'un récit qui s'avère au final moins surprenants que prévu, particulièrement coté rebondissements. Après, évidemment, l'expérience est à prendre dans sa globalité et de ce coté, Cage est tout de même parvenu à livrer sa fameuse « émotion », avec quelques séquences qu'on peut qualifier de marquantes et/ou intéressantes à vivre. Dommage que le tout soit parfois entrecoupé de chapitres où le niveau baisse drastiquement. On pourra parler d'une certaine forme d'expérience qui reste à l'appréciation de chacun. Si vous êtes du genre à verser une larmichette pour un rien et que vous parvenez à facilement rentrer dans la peau du personnage (plus facile pour une fille donc), le titre pourra facilement vous happer et vous faire vivre des moments rarement vécus dans le jeu vidéo. En revanche, si vous vous contrefoutez de savoir ce que ressent une petite fille devant sa poupée ou si, adolescente, vous devez embrasser ou non le garçon au premier slow, va y avoir plus d'un joueur qui risque de rester sur le bas-coté.
En revanche, s'il y a bien une chose qu'on peut difficilement reprocher à cette nouvelle production de Cage, c'est sa partie technique. Certes, l'étroitesse de 95 % des décors permet de jouer du cache-misère et de s'attarder uniquement sur l'essentiel. De toute manière, si vous insistez quitte à sortir du récit où à en faire qu'à votre sauce, c'est le retour au monde du jeu vidéo avec une Jodie qui opérera un brusque demi-tour sans parfois en donner la raison, sans parler de la petite mention pour Aiden, l'esprit passe-partout mais qui étrangement ne peut pas passer certaines structures parce que le jeu l'a décidé ainsi. Film interactif on vous dit. Mais pour ce qui est du travail sur les effets, les décors, la modélisation des personnages et bien entendu l'animation, le travail force le respect, surtout que le principe des multiples sessions dans la vie de l'héroïne permet d'offrir une très grande variété dans les décors, certains totalement inattendus à moins d'avoir suivi toute l'actualité depuis l'annonce.
Reste le gameplay. La faille chez Cage en somme. De ce coté, difficile de donner un avis autre que le sien tant le joueur pourra être seul juge de l'expérience. Mais dans les faits, la plupart du jeu fait dans l'ultra-simpliste avec des déplacements rapides (mais souvent lourd dans bien des situations), quelques points blancs pour signifier des actions à effectuer en un coup de stick droit et bien entendu nos chers QTE. Au moins, la prise en main est pour chaque public, surtout ceux n'ayant jamais touché à un JV de leur vie, et hormis quelques séquences actions où on ne perçoit pas toujours dans quelle direction appuyer, le jeu ne nous prend jamais à défaut, même chose concernant Aiden, qu'on peut incarner à n'importe quel moment (ou presque, on va y revenir ci-dessous) dont les actions se résumeront à faire bouger des objets, soigner une plaie (dans le cadre du scénario) ou activer un flashback (idem).
Un système qui fonctionne plutôt bien si on sait à quoi s'attendre et si on reprochera une fois de plus le titre de ne jamais faire dans la prise de risque pour nous permettre de sortir du récit (Aiden ne peut pas être incarné dans certains passages), la sensation d'avoir le choix dans les actions reste plaisante, le chapitre « vengeance » façon Carrie en moins gore en est déjà une preuve. D'ailleurs, si de loin, ce genre de gameplay laisserait entendre une jolie replay-value, on tombe dans le même piège que dans
Heavy Rain ou
The Walking Dead : recommencer le jeu reste fortement déconseillé pour en garder le meilleur souvenir tant un second run a tendance à faire ressortir les différentes ficelles du développement. En effet, on se rend facilement compte que les choix lors de la première partie sont assez éphémère sur le véritable déroulement de l'aventure (hormis dans la dernière ligne droite) vu que, quoi qu'on fasse au final, le titre sait habilement nous remettre sur les rails du scénario et la conclusion reste souvent la même, à quelques détails près.
Les plus | Les moins |
+ Techniquement au top
+ Le travail sur la modélisation
+ Ellen Page attachante
+ Le doublage (surtout US)
+ De la variété dans les séquences
+ Certains passages marquants
+ Le trip d'incarner Aiden
+ Un jeu fait pour plaire à tous... | - … mais qui ne plaira pas à tous
- Le scénario pas si extraordinaire
- Les déplacements bien lourds
- Quelques passages en retrait
- A ne faire qu'une seule fois sous peine de gâcher l'expérience
- Les vrais choix n'arrivent qu'à la fin |
Conclusion: Malgré des critiques déjà divisées à l'époque de Heavy Rain, Cage reste sur sa lancée en proposant avec une expérience unique tout en assumant désormais sa politique basée dans le domaine du film interactif. Qu'on aime ou non, on reconnaîtra le travail effectué sur la forme et si la traque du tueur à l'origami fut capable à l'époque d'offrir davantage de suspense, Beyond mettra davantage en avant l'émotion et des moments très rares dans le jeu vidéo. Maintenant, si pour vous, le jeu vidéo reste avant tout synonyme de gameplay, il est évident que vous n'avez pas frappé à la bonne porte.