Un Dragon Quest accessible, techniquement au top, proposant un doublage US de qualité, sortant en France et traduit dans la langue de Molière. Les puristes pleurent, tandis le grand public applaudit.
Amputé de son chiffre attestant qu’il s’agit bien là du huitième opus de la série, le phénomène de société japonais nous parvient enfin avec près de vingt ans de retard, le premier opus étant sorti le 27 mai 1986 ! Bien entendu, vous offrir un cours de rattrapage en guise d’introduction de test révélerait quelque peu de l’absurdité et nous irons droit au but en attendant un éventuel dossier bien plus approprié pour une telle licence.
Dragon Quest n’est pas une série comme les autres. Du moins, pas chez nous. Au niveau mondial, il s’agit ni plus ni moins du précurseur du RPG japonais sur console. Au Japon, c’est tout simplement LE jeu, celui que chaque enfant connaît, celui dont chaque parent a au moins touché une fois, celui dont chaque sortie provoque l’émeute, celui qui se révèle être à chaque fois le jeu le plus vendu sur la machine sur laquelle il sort, etc… Un détail à retenir ? Lorsqu’en 1988 le troisième opus sortit dans les étalages nippons, la société reçut plusieurs centaines de plaintes de la part d’établissements scolaires tant le nombre d’élèves ayant séché les cours pour se procurer le jeu en question était énorme. Depuis ce jour, une loi fut signée comme quoi chaque nouvel opus de la licence devait sortir le samedi ou bien durant les vacances. Si l’on rajoute les mots « inventés » dans le jeu qui entrèrent dans la langue courante et que le thème principal de la série lui-même est chanté dans certaines chorales, vous commencez à comprendre l’ampleur de la chose. Sans prendre de risques, nous pouvons d’ores et déjà annoncer que la série n’atteindra jamais un tel engouement chez nous (tout comme aux US où la série passe plus ou moins inaperçue), voyons néanmoins si ce jeu est à la hauteur de sa réputation.
Un méchant très méchant et un gentil très gentil (mais pas d’humeur à parler)
Scénaristiquement,
Dragon Quest est l’antithèse parfaite des derniers
Final Fantasy qui, pour la plupart, s’égosillent dans des scénarios aux rebondissements faisant pâlir les plus grandes séries policières américaines et aux personnages psychologiquement tourmentés, au point d’atteindre une saturation évidente (même si le dernier opus semble arranger quelques points). Non,
Dragon Quest s’approche de la simplicité même : un royaume, un méchant, quelques personnages en danger, un héros et ses compagnons prêts à braver la mort. Le tout baignant dans une candeur pas vraiment désagréable, bien au contraire. Si l’aventure débute bien plus précipitamment qu’à l’accoutumée (dialogue + combat), on apprendra rapidement les motivations de ce petit groupe composé de deux combattants, un gnome vert (croisement entre un crapaud et Yoda) et une jument tirant son petit chariot : dans un royaume en paix apparente, un mage bouffon nommé Dolmagus s’accapare d’un bâton maudit enfermé dans la chambre du roi et en profite pour transformer ce dernier et sa fille afin qu’ils ne puissent plus jamais être reconnus par le peuple (le gnome et la jument donc, vous l’aurez compris). Une manière originale de se débarrasser de quelqu'un dirons-nous. Quoi qu’il en soit, après la destruction de son château, le roi Torode cherche vengeance et trouvera espoir en la personne d’un de ses gardes qui a mystérieusement survécu au désastre. Ce garde, c’est vous et vous allez devoir parcourir le monde à la recherche de coéquipiers afin d’aider votre bon roi et connaître les intentions de ce bouffon qui s’avérera être un meurtrier sans pareil.
Révélation depuis la première image diffusée du jeu :
Dragon Quest : L’Odyssée du Roi Maudit sera en 3D. Si le fan pouvait crier au blasphème à l’époque, force est de constater aujourd’hui que le jeu est magnifique techniquement et l’on remercie encore Square-Enix d’avoir confié le projet aux talentueux développeurs de chez
Level-5, la nouvelle boîte montante du RPG, déjà connue pour des hits comme
Dark Chronicle ou
Rogue Galaxy. Certes, les développeurs ont fait un travail d’orfèvre qui non seulement met en valeur le travail d’Akira Toriyama (chara designer de Dragon Ball et Arale pour les incultes), mais qui garde cette patte, ou plutôt cette fidélité en l’univers de la série qui se remarque dès les premiers pas dans une ville : l’église comme unique moyen de sauvegarde existant, les quelques petits magasins, le bar pour récolter d’importantes informations, le puits, l’alternance jour-nuit… Rajoutons à cela les petits détails comme les différentes jarres que l’on peut casser pour y trouver divers objets et surtout cette impression que chaque ville ou village a sa propre histoire et ses problèmes à résoudre qui sont parfois bien loin de votre but initial, mais dont la récompense sera toujours à la hauteur de vos attentes. Nous n’avons pas été trompés sur la marchandise, c’est bel et bien un
Dragon Quest que nous avons sous les yeux avec toute l’ambiance qui s’en découle, même si l’âme nostalgique du joueur de la première heure regrettera la 2D pourtant austère (il suffisait de voir l’immondice de
Dragon Quest VII qui reste pourtant l’un des meilleurs épisodes) qui, si elle ne nous permettait pas d’apprécier le design des personnages et la présence de scènes hilarantes au possible entre Torode et le barbare Yangus, faisait travailler notre imagination et permettait à chacun de voir les choses d’une façon différente… Un peu comme un bon livre…
Super Saiyajin VS Slime
Loin des houleux pèlerinages à travers une centaine de couloirs colorés,
Dragon Quest n’a heureusement pas renié son côté aventure en passant le cap de la 3D contrairement a beaucoup de ses congénères. Comprenez par là que le classicisme est de mise avec une avancée « village/informations + donjons/boss + carte du monde jusque prochain village + rebelote », mais avec la technique en bonus et un maquillage qui ne laisse presque pas transparaître un système de jeu
old school. Le gros point fort reste la présence d’une vraie carte du monde avec son lot de dénivelés, de changements de climat, de secrets... Parcourir les terres du royaume et apercevoir notre prochaine destination à l’horizon pour s’en approcher petit à petit procure un plaisir de jeu immédiat, même si nous n’échapperons pas bien entendu à une foultitude de temps de chargement pas forcement longs, mais malheureusement présents en assez grand nombre. Dommage également que l’écran n’affiche qu’un seul personnage, il aurait été amusant de voir sur la carte du monde la charrette nous suivre au lieu d’un unique bruit de fond laissant imaginer la chose. Notez que comme tout bon RPG qui se respecte, il vous sera possible de vous procurer plusieurs moyens de transport, histoire de voyager par la voie des mers ou des airs et si l’envie de ne plus user vos chaussures se fait sentir, une sorte de panthère issue du cinquième opus acceptera de se laisser « grimper dessus » tel un chocobo pour ainsi gagner quelques précieuses minutes, mais également perdre l’occasion de combattre.
Si vous aviez déjà entendu parler de la série par le passé, vous êtes probablement au courant de l’aspect dépouillé dont faisaient preuve les différentes batailles : un fond d’écran, des ennemis vus de face aux animations somme toute réduites et les textes de mise (attaquer…). Vos personnages ? Nada, les combats se déroulant dans un sens à la première personne, il était impossible de voir vos personnages autrement qu’en pixel lors des phases à pied. Comme dit plus haut, les premières secondes permettent de tâter les bases du système de combat et l’on est pas surpris de retrouver la caméra placée de la même manière qu’auparavant… jusqu’à ce que vous ayez fini de sélectionner vos attaques et que la vue se place alors de la même manière qu’un RPG classique, montrant clairement vos personnages porter leurs différentes attaques. Surprenant sur le coup. L’animation a également été revue à la hausse, que ce soit chez les ennemis ou dans les décors, heureusement pourra-t-on penser après avoir constaté le magnifique portage de
Dragon Quest V qui était déjà une perle à ce niveau. Reprenons où nous en étions, ce dernier
Dragon Quest garde donc l’héritage de ses prédécesseurs avec son principe de tour par tour et les différentes options de combats on ne peut plus simples comme l’attaque, la magie, l’utilisation d’un objet, la défense ou la fuite. Vous pourrez choisir les attaques de vos trois coéquipiers, ou, telle la série des
Tales of, faire appel à une des différentes IA qui leur permettra de combattre automatiquement.
Toujours dans cette optique d’actualisation de la série, deux nouveautés font leur apparition : la première se situe à chaque upgrade de niveau d’un de vos personnages. Vous recevrez un certain nombre de points (entre 3 et 9) qu’il faudra placer dans une des cinq parties d’un tableau, dont 4 ayant un rapport direct avec le genre d’armes que peut équiper ce même personnage. En résumé, s’équiper d’un boomerang alors que vous aviez mis depuis le début du jeu des points dans la section épée relève de la gageure et il est conseillé pour cela d’abandonner dès le début une ou deux sortes d’armes pour consacrer ces points aux autres, ainsi qu’à la cinquième option qui vous octroie des magies utilisables avec n’importe quel type d’armes. Enfin, la seconde trouvaille permet, au lieu de porter un coup, de passer un tour en se concentrant afin d’augmenter grandement sa puissance pour le prochain assaut. Jusqu’à trois concentrations peuvent être accumulées (quatre par la suite), mais la moindre altération d’état (empoisonné, endormi…) remettra la jauge à zéro. En revanche si vous parvenez à atteindre votre but, la puissance de l’attaque pourra se voir multipliée par vingt, ce qui, vous l’avouerez, n’est pas négligeable contre un boss un peu trop résistant.
Modernisation d’un mythe
Si, comme venons de le constater, le passage à la 3D n’a absolument pas dénaturé l’essence de la série, il y a néanmoins un point qui semble avoir souffert : la durée de vie. Oh, ça reste du très bon niveau bien entendu avec une grosse quarantaine d’heures au compteur, mais lorsque l’on se souvient de la quête principale de
Dragon Quest VII qui nous avait demandé la bagatelle de 80 heures (minimum), il y a de quoi l’avoir en travers de la gorge. Il y a bien entendu matière à doubler le temps de jeu avec l’abondance de quêtes secondaires : fouiller le décor à la recherche de médailles pour obtenir de l’équipement rarissime plus tard, user de l’alchimie grâce à l’invention de Torode et créer des objets inédits, passer des heures dans l’indémodable casino, recruter les monstres de combats (visibles sur la carte, il suffit de les toucher) et se constituer une équipe de rêve pour combattre dans des arènes… De quoi s’occuper pendant quelques bonnes semaines, et sans ressentir une once d’ennui ne serait-ce qu’une seule seconde.
Avant d’en terminer et de vous laisser foncer chez votre revendeur préféré, abordons le cas un peu spécial de la localisation qui mérite quelques mots. En effet, aussi beau qu’il puisse paraître,
Dragon Quest : L’Odyssée du Roi Maudit en version japonaise gardait les quelques détails qui ont fait la force de la série et qui sont aujourd’hui intouchables là-bas : musiques en version midi, pas la moindre voix, menus identiques au premier épisode de la série, bruitages cultes, mais immondes pour un non-initié… Au lieu de « tenter le coup » en craignant les réactions des joueurs américains et européens, Square-Enix a tout simplement mis le jeu au goût du jour. Les menus sont maintenant dans la veine d’un
Dark Chronicle, le son est réorchestré, et le jeu a vu la plupart de ses dialogues doublés en américain par des professionnels, donnant ainsi un peu plus de vie au jeu et accentuant l’humour lors des différentes scènes.
Aurions-nous là un joyau ? Assurément pour tous ceux qui découvrent la série. Car oui, si nous tenons là un jeu plus ou moins parfait, que ce soit techniquement ou dans sa conception, c’est plutôt du côté du background que le fan sourcillera, car en y réfléchissant, le monde et même l’histoire de ce dernier
Dragon Quest n’offrent pas cette espèce de flamme qui brillait dans les anciens opus, comme le cinquième qui proposait une aventure sur plusieurs générations, le quatrième avec son système de chapitres et qui ne démarrait vraiment qu’après avoir traversé la moitié du jeu ou encore le septième qui offrait au joueur un monde « à découvrir » (ceux ayant joué comprendront). Pour faire simple, nous assistons ici à une sorte de renaissance dont nous retiendrons surtout la claque technique, les excellentes scènes, le destin tragique du roi et les protagonistes. Quant à l’aventure, si elle est excellente pour tous les néophytes, elle manquera probablement de tonus pour ceux qui suivent la saga depuis le premier épisode.