Un virage à cent quatre-vingt degrés. Voilà comment on pourrait résumer en quelques mots l'orientation prise par le treizième épisode de la saga Final Fantasy. Dès les premiers jours suivants sa sortie sur l'archipel en décembre 2009, Final Fantasy XIII avait fait couler beaucoup d'encre virtuel sur les forums des sites spécialisés du monde entier, de nombreux joueurs criant au scandale pour faire part de leur surprise et de leur incompréhension vis-à-vis des déjà célèbres “interminables couloirs” de FFXIII.
En effet, et ce n'est plus un secret pour personne depuis la parution des premières impressions des joueurs et de la presse spécialisée à la sortie du jeu, Final Fantasy
XIII -ou en tout cas une très longue partie de son aventure- se résume à une succession de couloirs : des couloirs à sens unique, aux embranchements quasi-inexistants pendant plus de 25 heures de jeu, truffés de monstres et entrecoupées de scènes cinématiques (utilisant le moteur du jeu pour la plupart), avec par-ci par-là un coffre, ou un point de sauvegarde. C'est toujours assez dur à croire tant qu'on n'a pas pris la manette en main soi-même, mais une fois ceci fait, il faut se rendre à l'évidence : d'innombrables aspects habituellement inhérents aux RPG, et aussi, bien sûr à la série des FF, ont intégralement disparu. Avant de se lancer dans FFXIII, et avant de pouvoir se permettre de le juger, il faut en effet avoir à l'esprit que
Square Enix a délibérément “ignoré” tout ce qui fait l'essence même d'un RPG : adieu les villes, les villages, les PNJ, l'exploration, le plaisir de découvrir une nouvelle zone, de fouiner, de taper la discute avec les villageois, ou tout simplement d'ouvrir une porte (!). Mais, me direz-vous, s'il n'y a plus tout ça, peut-on encore parler de RPG? Et je vous répondrai que oui, c'est toujours un « role playing game », mais qui a laissé tout son côté 'aventure' de côté. Au profit de quoi? De l'action, et des combats, qui sont, à mon sens, la principale -et peut-être la seule vraie et incontestable qualité de ce nouveau bébé.
Parlons donc des combats, qui sont à peu près le seul aspect du jeu qui devrait mettre tout le monde d'accord à propos de ce FFXIII (il y a aussi le scénario, j'y reviendrai en fin de test).
Square Enix a introduit une donnée tout à fait nouvelle dans le système de jeu qui peut se résumer en ces mots : “chaque combat est une fin en soi”. Concrètement, Final Fantasy
XIII oblige le joueur à appréhender le moindre combat avec la plus grande vigilance et l'oblige à rester attentif même contre des ennemis plus faibles. Et si la barre de vie et les altérations d'état sont restaurées entre chaque combat, c'est justement pour que le joueur soit en pleine possession de ses moyens au début de chaque confrontation, car les ennemis qu'il rencontrera sont coriaces et nécessiteront qu'il adapte sa technique en faisant usage des possibilités que lui offre le système de combat de ce treizième épisode.
Ce dernier est basé principalement, sur deux aspects : tout d'abord, l'apparition des
Roles, ces sortes de 'jobs' déguisés qui permettent de mettre sur pied une équipe de trois combattants aux aptitudes compensatoires. Concrètement, nous avons six variétés de
Roles : l'
Attacker, attaquant spécialiste des frappes physiques ; le
Blaster, maître en magies offensives ; le
Healer, mage guérisseur ; le
Defender qui protège les alliés en attirant les attaques ennemies ; le
Enhancer, un mage de défense qui a pour rôle essentiel de renforcer… les défenses, et enfin le
Jammer, chargé d'affaiblir l'ennemi en le matraquant de malus et d'altérations d'état. Le joueur dirige seulement le personnage principal -les deux autres persos étant dirigés par la console-, mais c'est lui qui décide directement du type de comportement que vont adapter les alliés pour faire face à chaque situation de combat, via les Optima. Les Optima, ce sont des combinaisons de 'jobs', que l'on peut mettre au point via le menu, avant chaque combat. Par exemple, il est fréquent de commencer les combats avec une Optima composée de 2 Attaquants et un Blister (mage), ou l'inverse (un attaquant et deux blasters, si l'ennemi est plus sensible aux attaques magiques) afin de rouer de coups l'ennemi dès le début du combat pour faire augmenter rapidement sa jauge de Break. Nous arrivons au deuxième point essentiel des combats de FFXIII, la jauge de Break : elle apparaît aux côtés de la barre de vie des ennemis, et augmente au fur et à mesure que l'ennemi subit des attaques -sauf pour certains boss, où d'autres techniques sont requises-. Une fois pleine, la défense du boss est 'breakée', donc cassée, et les attaques le visant infligent de fait beaucoup plus de dégâts. Il est impératif de maîtriser les techniques de Break, surtout contre les boss, pour faire descendre leur barre de vie de manière significative. Certains ennemis sont quasiment invincibles tant qu'on ne les a pas 'breakés'.
Revenons à nos Optima : en fonction des ennemis et de l'état des alliés, le joueur pourra en cours de combat alterner -à sa guise et à volonté- entre les Optima qu'il aura préconfigurées avant le combat, c'est-à-dire changer à loisir le job de ses personnages, à l'aide d'une simple pression sur un bouton. En cas de gros dégâts subis suite à une offensive ennemie, hop, on bascule en mode 2 guérisseurs et un Enhancer ou Defender (voire 3 guérisseurs si vraiment nécessaire, quand ça devient possible, dans la deuxième partie du jeu, et pour peu qu'on ait une Optima configurée ainsi !), puis retour à l'offensive quelques secondes plus tard. Un ennemi insensible aux attaques physiques? Pas de problème, 2 mages et un guérisseur/defender/Enhancer au choix et selon la situation (à condition, toujours, d'avoir configuré ces Optimas au préalable : si vous n'avez pas d'Optima avec des mages, il faudra faire face avec des attaques physiques, et le combat risque de s'avérer long, très long !). Des tas de combinaisons sont donc possibles, et on se retrouve assez souvent à la dérive, voire sur l'écran de Game Over, suite à une mauvaise combinaison d'Optima face à un ennemi inhabituel. C'est le cas très souvent avec les boss, contre lesquels il faudra souvent passer par une phase de tâtonnement pour découvrir leur point faible et quelles tactiques adopter pour les vaincre. Cependant, que les joueurs novices se rassurent, le début de l'aventure est truffé de tutoriaux (d'ailleurs très bien foutus, comme les menus et l'interface) qui permettent de se familiariser en douceur avec les mécaniques du jeu. Au final, même si l'on dirige soi-même le personnage principal, on se retrouve un peu dans le rôle du coach qui donne des ordres à ses combattants, dans le sens où l'on doit constamment avoir l'œil sur les barres de vie, bien plus que sur ce qui se passe à l'écran.
Ca me permet de faire une transition tip-top sur la technique et les graphismes. Tout d'abord, je voudrais décerner un bon point à la fluidité du jeu, surtout remarquable pendant les combats, car avec le niveau de qualité des graphismes et animations, et le nombre d'effets en tous genres affichés à l'écran simultanément, il s'agit sans aucun doute d'une belle performance (lors de certaines cut scènes, de légers ralentissements sont apparus en de rares occasions, mais c'est minime). Techniquement, le point fort de Final Fantasy
XIII, ce sont ses personnages, superbement modélisés et pleins de vie. Du point de vue du character design en revanche, si d'aucuns trouveront l'héroïne Lightning vraiment classe et réussie, il n'en va pas de même pour tous les personnages, dont certains ont vraiment un look et un caractère particuliers (au hasard, Satz, sa coup afro et son Chocobo caché dans sa perruque). Cependant, c'est vrai qu'il en va ainsi dans chaque FF (rappelez-vous Cait Sith de FFVII, ou Kweena de FFIX), et globalement, les personnages de ce FFXIII s'en sortent quand même plutôt bien. Il faudra aussi m'expliquer comment Lightning arrive à courir avec une épée qui pend derrière ses cuisses, m'enfin bon, nous dirons que la 3D a fait fi des réalités de la gravité, et c'est tant mieux pour notre héroïne, que cela n'a vraiment pas l'air de gêner. Concernant les décors, il faut là aussi reconnaître que c'est réussi techniquement : les nombreux endroits traversés tout au long de l'aventure sont joliment modélisés et très variés (heureusement, car des couloirs pas variés, ça aurait été la corde...), la profondeur de champ est impressionnante, et même si les pinailleurs auront raison d'affirmer que parfois, on trouve des décors texturés à la va-vite, c'est globalement lisse et propre. Enfin, mention spéciale pour les scènes cinématiques, absolument superbes, qui font un sans faute. Impressionnantes !
L'occasion de mentionner qu'elles rythment le jeu de façon cycliques, souvent très ponctuelles (beaucoup de scènes très courtes, on n'y perd pas en dynamisme), mais on est loin d'avoir affaire à un 'jeu-film', syndrome récurrent des RPG de ces dernières années (à vrai dire, il y a des moments où l'on se dit qu'on aurait préféré assister à un film où l'on pose la manette, plutôt que de devoir courir tout droit dans ces couloirs sans fin où rien ne se passe). A ce sujet, le level design accuse de sérieuses faiblesses puisque, outre les couloirs sans fin dont on a suffisamment parlé, il y a parfois d'étranges redites dans les niveaux (à plusieurs reprises, il faut traverser 3 fois un couloir quasiment identique), et d'une manière générale, l'architecture des niveaux est relativement maladroite : des dizaines de cul-de-sac qui n'ont aucune raison d'être, des zigs-zags à répétition par manque de créativité, etc. Parfois, on s'ennuie ferme. Heureusement que c'est joli et que des ennemis sont là pour vous réveiller... Au niveau de la bande son, les musiques de Masashi Hamauzu oscillent entre très bonnes et anecdotiques, mais d'une manière générale, elles m'ont semblé manquer d'un peu de folie, d'un peu d'épique. Pas une mélodie qui reste dans la tête après avoir terminé le jeu, et ce malgré quelques musiques qui sortent indéniablement du lot. Quelques thèmes 'jpopesques' parsèment également l'aventure, ce qui apporte une touche de légèreté dans les mélodies de Final Fantasy
XIII. Tout l'aspect bruitages est quant à lui tout à fait réussi, et il en va de même pour les voix, clairement bien choisies.
Avant de conclure, un petit mot sur le scénario, qui se laisse suivre avec plaisir, mais qui met deux bonnes dizaines d'heures avant de se stabiliser, après de longues heures d'errances et de flashbacks hasardeux permettant de découvrir le passé et le caractère de chacun des personnages. J'ai trouvé qu'il était difficile de se plonger dans l'univers proposé par le jeu, et dans la peau des persos (peut-être notamment parce qu'ils sont tous mis au même rang ; il n'y a pas un seul héros, mais six), mais une fois que les bases de l'histoire sont posées, on assiste aux scènes cinématiques avec un certain plaisir. Pour résumer l'histoire, absolument 'inrésumable' et truffée d'un vocabulaire sorti de nul part auquel il faudra vite s'habituer, sachez que nos héros vivent dans un monde futuriste, dans une gigantesque cité flottante et utopique, Cocoon, créée il y a très longtemps par les fal'Cie et complètement isolée du monde sauvage, Pulse.
Les fal'Cie ont confié le gouvernement de Cocoon à des machines, et les humains y ont longtemps vécu en paix, loin de tout contact avec le monde extérieur (Pulse). Mais comme dans tout régime vivant en autarcie totale, certains habitants ont réussi à avoir des contacts avec le monde extérieur, et la tension monte entre le gouvernement et les groupuscules de rebelles qui commencent à se poser des questions sur la réalité de leur vie et de leur planète, Cocoon. Mais le gouvernement ne veut pas se laisser marcher sur les doigts et décide de procéder à des 'purges', qui consistent à expulser de la cité toute personne soupçonnée d'avoir eu des contacts avec le monde extérieur. Quel joli parallèle avec certains régimes encore en vigueur sur notre belle planète... C'est là que nos héros entrent en jeu : ils sont pour la plupart de simples habitants de Cocoon, mais se retrouveront bien vite liés par un destin commun : ils sont choisis par les fal'Cie de Pulse, et deviennent des l'Cie, ce qui concrètement veut dire qu'ils ont été élus par une force obscure qui va les obliger à remplir une mission, qu'ils devront trouver eux-mêmes afin de ne pas devenir des rebuts de l'humanité à l'apparence mi-machine mi-zombie, et d'obtenir l'immortalité. Au départ paumés, nos héros prendront petit à petit conscience de leurs pouvoirs et de leur rôle à jouer pour venir en aide aux habitants de Cocoon. Tout un programme.
Avant de vous jeter sur ce Final Fantasy XIII, soyez prévenus : Square Enix est reparti de zéro et n'a pas hésité à balayer d'un revers de la main un certain nombre de fondements du RPG japonais, dans le but de nous offrir une expérience nouvelle. Du moins c'est ce qu'on aurait pu croire, mais dans la pratique, la plus grande partie de l'aventure n'est qu'une interminable succession de couloirs sans fin, dans lesquels le joueur n'a autre divertissement que celui d'enchaîner les combats les uns après les autres. Fort heureusement, c'est justement le système de combat qui permet à FFXIII de sortir la tête de l'eau, grâce à son dynamisme et son équilibre presque parfait. On ne se lasse pas des combats, et c'est que qui pousse le joueur à ne pas abandonner de dépit face aux couloirs vides. D'autre part, le soin esthétique et technique apportés par Square Enix sont indéniables, et l'on appréciera ce mélange bien dosé entre phases de jeu et scènes de contemplation. Et (mal)heureusement, la malédiction des couloirs sans embranchements prend fin après plus de 20/25 heures ! C'est là que le jeu (scénario, richesse du système de combats) prend son envol, et si vous n'avez pas lâché en cours de route, sachez que la seconde partie de l'aventure de nos héros mérite vraiment d'être vécue.