
C’est un peu, voir carrément la fête du slip depuis un an pour les amateurs d’immersive sim’ : entre les récents Deus Ex : Mankind Divided et Dishonored 2, les susnommés ont pu se gaver de bons jeux (Ce qui n’est malheureusement pas le cas des boîtes ayant financé ces titres, si l’on en croit les chiffres de vente). Les annonces System Shockiennes récentes (Remake et troisième opus confirmés) ainsi que celle du reboot de Prey à l’E3 2016 n’ont fait que confirmer cela : nous vivons une époque bénie, où, en l’espace d’un an, 3 jeux auront essayé de nous offrir un hommage aux mentors passés. Pour les deux premiers susnommés, la mission fut (relativement dans le cas de Deus Ex : MD) réussie. Il est l’heure de s’attaquer au dernier arrivé, à savoir Prey, l’hommage à peine voilé d’Arkane Austin au fondamental System Shock.
Un premier conseil : si vous n’avez rien vu du jeu jusqu’à présent, essayez d’éviter toute vidéo et autre critique un peu trop exhaustive. Le début du scénario est en effet une franche réussite, conditionnée par le degré d’ignorance du récepteur.
Un deuxième conseil : prenez le jeu comme il est et non comme ce que vous voudriez qu’il soit. Le titre a en effet « bénéficié » d’un bad buzz conséquent dans le microcosme des forums vidéoludique suite à l’annulation du Prey 2 de Human Head par Bethesda.
Sinon, devant l’avalanche de jeux de mot pourris que le jeu a déclenché en français, j’ai essayé de m’abstenir un maximum de vous en infliger plus que de mesure. C’est pourquoi seuls les inter-titres seront concernés par cette tiéperie, qui ne devrait pas tarder à se tasser.
Typhonnés du cerveau
Le jeu vous installe dans une uchronie où la Guerre Froide n’a jamais eu lieu. Plutôt que de se concentrer à engraisser le complexe militaro-industriel dans sa version violente et directe, les américains et les russes ont choisi de collaborer ensemble dans le domaine spatial, aidés en cela il est vrai par un évènement cosmique important. JFK n’est jamais mort, les années 70 ont refusé de disparaître et vous vous retrouvez donc en 2032 dans la peau de Morgan Yu, scientifique à San Francisco en partance pour Talos 1, gigantesque station spatiale dans laquelle le conglomérat Transtar expérimente sur les fruits de la collaboration russo-américaine. Comme vous vous en doutez vu le titre du jeu, cette expérimentation implique des extraterrestres un peu (beaucoup) agressifs (Le mot est faible). Et, vous le savez tous, la formule intérêts financiers privés+scientifiques+station spatiale+
aliens implique forcément un accident. Et pas un accident genre incident, non, plutôt le genre catastrophe à éradiquer le genre humain. Bref, la valeureuse ou le valeureux Morgan (vous choisirez le sexe de votre personnage en début de partie) va se retrouver mêlé(e) à cet imbroglio et devra manier de la clé à molette pour s’extirper de l’enfer dans lequel il/elle se trouve.
Talos 1 dans toute sa splendeur
Amimicalement vôtre
Le test, jusque là totalement sans révélations et garant d’une expérience de jeu immaculée, va maintenant s’enfoncer, tel un
neuromod en cours d’installation, dans une description un peu plus révélatrice du jeu. Si vous faites partie de la population qui n’a rien vu de ce dernier et compte tout de même se le procurer, vous êtes donc cordialement invité à déserter cette page (et pas d’ici Décembre, dès maintenant). Pour les autres, il est temps de se plonger un peu plus en détails dans ce digne successeur des jeux
Looking Glass.
Vous vous retrouvez donc sur une Talos 1 désertée et visiblement victime d’une erreur fatale quant à la gestion de l’isolation de la race extraterrestre, à savoir les Typhons. Ces derniers, bien que prédateurs forcenés et menaces ultimes de tout être vivant passant dans leur parage, furent mis en quarantaine suite à leur découverte, étudiés abondamment et sont à l’origine d’avancées scientifiques révolutionnaires pour l’espèce humaine, que ce soit au niveau fondamental ou pratique, à l’exemple des
neuromods. Ces derniers, commercialisés par Transtar, permettent à un être humain d’acquérir tout type de connaissance (linguistique, musicale…) ou capacité (force…) immédiatement moyennant une injection neuronale cérébrale. Les applications possibles et pratiques étant sans limites, le succès fut donc immédiat. S’ensuivent allégresse entrepreneuriale, curiosité scientifique débridée et laissez-faire gouvernemental, amenant logiquement à un accident industriel d’ampleur potentiellement supérieure à l’explosion simultanée de tous les sites SEVESO et nucléaires mondiaux. Vous allez donc devoir trouver un moyen de contenir et gérer cette crise, en commençant par comprendre comment on a bien pu en arriver à cet état apocalyptique. Le tout au milieu de bestioles (les mimics) pouvant prendre la forme du mobilier à proximité (très bel effet de morphing au passage) et dont le but ultime est de violemment s’enfoncer dans vos orifices faciaux histoire de vérifier si vos abats ne seraient pas disponibles pour leurs 4 heures.
Je n'en dirais pas plus quant aux tenants et aboutissements de l'histoire mais y'a deux, trois trucs très bien trouvés et le scénario se laisse suivre avec plaisir, pour peu que le joueur participe activement à sa découverte via les écrits disponibles sur la station. Bref...
Je vous raconte pas la facture pour acheminer tout ce matos dans l’espace...
Typhon 6 et autres cellulaires
Après avoir assisté à l’un de ces pique-niques sur l’un des survivants et avoir pu constater dans la foulée que ces petites bestioles ne sont visiblement pas la seule forme qu’adopte la menace étrangère, vous serez contacté par un mystérieux personnage vous adjoignant de rejoindre votre bureau, personnage qui sera votre ligne rouge tout au long du jeu (et là, le titre tout pourri de cette section prend sens !).
Vous vous retrouvez donc à suivre les indications du susnommé dans cette immense station spatiale, luxueuse au possible dans les quartiers de vie, plus froide, métallique et pratique dans les quartiers médicaux ou scientifiques. Voir carrément spartiate et moins raffinée dans ses plus vieux modules (l’histoire se chargera d’expliquer les raisons de ce dernier point). Le soin apporté à la construction et à la vraisemblance du terrain de jeu est un des gros points forts du titre. On prend plaisir à découvrir ces nouveaux espaces, clairement identifiables et suffisamment variés, avec leur identité propre, pour ne pas induire un sentiment de déjà-vu au cours de l’aventure. Le raffinement des cabines réservées aux classes aisées de l’équipage contraste avec les modules primordiaux de recherche scientifique. Les fonctions énergétiques de la station ne dépareilleraient pas dans un site industriel terrestre classique, et les espaces liées aux transports de marchandises semblent adaptés à l’idée des potentiels avantages exploitables pour une telle fonction en milieu spatial. Le jeu alterne corridors et plus vastes espaces de manière convaincante pour le rythme du jeu et la cohérence globale de cette station imaginaire.
C’est tout suite moins rutilant pour les quartiers sans visiteurs…
A l’image de Dishonored, l’architecture des lieux est réaliste et fonctionnelle, les objets présents, utilisables dans le
gameplay, semblent faire partie intégrante du décor et avoir chacun leur utilité. Les reliquats de cette micro-société spatiale et de sa vie sociale interne ont aussi bénéficié d’un souci de mise en profondeur de l’univers tout aussi soigné que son visuel : les différents
mails, les notes ramassées, les ouvrages découverts (bien que répétés) arrivent à créer une image dynamique de Talos 1 et de l’univers auquel elle est reliée avant, pendant et après la catastrophe. Vous croiserez par exemple une pièce qui par la simple adjonction de multiples notes sommaires arrivera à installer chez le joueur le sentiment qu’ont pu expérimenter les scientifiques lorsque les choses ont commencé à tourner au vinaigre. Dans un autre quartier, une portion de l’insouciance et de l’activité des passagers lorsque les choses se déroulaient conformément aux prévisions. C’est bien foutu, le ton change, passant du plus sérieux au plus frivole, et cela permet d’ajouter de l’humour à un jeu qui en serait sinon assez dépourvu.
Les ressources amassables sont elles aussi vraisemblables, grâce à une astuce permettant à la fois de satisfaire les systèmes de jeu et de renforcer l’impression d’immersion dans une station autonome : la station est en effet équipée de multiples recycleurs et fabricateurs, qui vous serviront donc à convertir les déchets ramassés (que ce soit des peaux de banane, des papiers froissés, des disques durs H.S. ou autres déchets plausibles) en un certain nombre d’unités synthétiques, organiques, métalliques ou exotiques, lesquelles vous permettront de fabriquer différents objets si vous avez trouvé au cours de votre exploration les plans afférents.
A gauche, un fidèle allié. Au centre et à droite, quand tu vois ce truc, tu sais qu’il est temps d’aller passer un peu de temps avec le dit allié.
La survie sur Talos 1 vous demandera en effet de maximiser vos récoltes et d’utiliser, tout du moins au début, avec parcimonie les balles, kit de médecine et autres objets, et de compenser les manques par une utilisation intelligente du recyclage. Vous pourrez aussi décider d’utiliser le décor comme élément de destruction des ennemis et par exemple utiliser les nombreuses bonbonnes de gaz présents pour occire vos adversaires. Rien ne vous empêche non plus d’utiliser la construction organique des niveaux pour éviter des passages dangereux en profitant par exemple des nombreux accès maintenance et ainsi vous la jouer plus discret, à défaut de saisir les opportunités d’avancer non détecté. Si la carrière de coureur de
Forest Gump a toujours provoqué en vous un petit pincement au cœur, vous pourrez aussi l’émuler. Bref, comme d’habitude dans les jeux Arkane, bien que l’objectif soit unique, les moyens d’y parvenir sont aussi variés si ce n’est plus que la variété d’ennemis ou de situations que vous aurez à affronter.
Des niveaux qui savent utiliser la verticalité et l’absence de gravité
Le jeu vous laissera donc la possibilité de choisir votre style de jeu, possibilité accentuée par l’arbre des compétences. Ces dernières, déblocables par l’utilisation des fameux
neuromods trouvés au fil de l’aventure, se divisent en 3 branches initialement, couvrant chacune un secteur spécialisé : la branche sécurité vous permettra par exemple d’être plus discret, de frapper plus fort avec votre clé à molette, de bénéficier d’un effet de ralenti en combat, de pouvoir améliorer votre armement, de soulever de plus lourdes charges… La branche ingénieur vous permettra de pouvoir pirater les terminaux et ordinateurs croisés, via un mini-jeu de hacking relativement simple, d’agrandir votre capacité inventaire, de pouvoir réparer les équipements défaillants de la station comme les tourelles automatiques ou les recycleurs… La branche scientifique améliorera votre total de santé, l’efficacité des trousses de soins… Jusque là, c’est relativement classique, bien que cela puisse largement suffire pour terminer le jeu. Mais, scénario oblige, arrivera un moment dans l’aventure où vous pourrez mettre à profit les capacités de vos adversaires (en les scannant préalablement) et débloquerez donc 3 nouvelles branches, avec des pouvoirs s’apparentant plus à ceux d'un magicien qu’à ceux d'un soldat : vous pourrez par exemple émuler la capacité des mimics à se transformer en élément du mobilier et certains passages infranchissables de prime abord vous seront grand ouvert. Une petite ouverture quelque part ? Transformez vous en tasse et glissez vous dans ce trou de souris. Un ennemi un peu trop retors pour votre armement actuel ? Déguisez vous en chaise et laissez passer la menace.
La contrepartie de se transformer ainsi en vos ennemis, c’est que votre ADN deviendra de plus en plus chargé en éléments étrangers, et vous vous apercevrez vite que le jeu vous le rappellera. Ce qui a pu vous servir en début de partie deviendra peut-être une nuisance par la suite…
Au niveau des armes, le début de jeu sera plutôt frugal mais le canon GLUE (un canon de mousse expansive) vous permettra de dépasser le simple rôle offensif attribué traditionnellement à ce type d’équipement et servira de moyen d’exploration, en vous permettant par exemple de construire des escaliers ou d’isoler des menaces environnementales. Un vrai bonheur que d’accéder à une zone de manière « originale » pour récupérer un flingue que certains ont visiblement récupéré des heures plus tard ou finalement s’apercevoir que l’armement léthal dont on dispose semble peu adapté aux ennemis présents à l’intérieur. Sans parler du fusil à fléchettes en caoutchouc, apparemment simple instrument ludique pour les employés de la station mais finalement bien pratique pour accéder à certaines zones lorsqu’on a investi ni dans le piratage ni trouvé la carte d’accès ou mot de passe correspondant.
Les stations de sécurité vous permettront de localiser d’éventuels survivants
Une preystation de qualité
Au niveau technique, le jeu tourne apparemment comme une balle sur PC, la version PS4 non Pro est stable et relativement belle. Le mérite en revenant plus à sa DA qu’à ses graphismes purs, mais on ne peut pas tout avoir et l’accent mis sur le
gameplay plutôt que les artifices visuels ne devrait pas surprendre outre-mesure les habitués. Le jeu est stable (à 30
ips), pas eu de bugs bloquants ou marquants (excepté sur le gros ennemi du jeu et un problème de
pathfinding qui m’a bien arrangé sur le coup). Il est tout de même conseillé de faire le jeu sur PC vu la vivacité des ennemis et la possibilité de régler le FOV au-delà de 85° (uniquement via
une manip’ à l’heure actuelle).
La durée de vie devrait s’établir entre une dizaine d’heures si vous
rushez comme un dératé poursuivi par un xénomorphe et une trentaine d’heures si vous êtes du genre à explorer les moindres recoins et remplir toutes les quêtes secondaires, en sachant que le jeu dispose de rejouabilité (je n’ai par exemple rien investi dans les pouvoirs
aliens sur ma première partie, et une pièce m’a semblé être inaccessible de fait).
Bref, c’est l’heure de conclure (y’a une tasse qui me semble bizarre à côté du PC et je ne sais pas si j’aurais le temps de m’épancher plus encore) et c’est du tout bon. Si vous aimez la philosophie qu’incarne Arkane, vous pouvez foncer sans aucun souci. Si vous aimez la S.F. et que l’exploration d’une station spatiale à la dérive vous branche, vous devriez aussi vous jeter dessus. Quant à ceux qui ont toujours rêvé d’incarner un astronaute/cosmonaute (uchronie oblige), le jeu réserve une petite surprise qui devrait vous enthousiasmer.
Résumé
Un (très) bon jeu vidéo de plus en cette année 2017 qui aura décidément connu un premier semestre de qualité. A l’image des prédécesseurs susnommés, le jeu ne réinvente pas la roue mais exécute sa formule avec brio. On pourra peut-être lui reprocher une dernière partie moins haletante, avec des allers-retours malvenus et un scénario (sur cette dernière partie et un certain élément) s’apparentant à de la série B mais le plaisir fut là sur les deux premiers tiers, et la fin surprendra les moins attentifs/paranos ou fouineurs d’entre nous.
En espérant que le jeu rencontre du succès et qu’on puisse avoir la suite des aventures de notre protagoniste.
Pour la note, c’est 9 ganglions sur 10. Si vous préférez les viscères, mettez en 8.
« Qu’est-ce qu’il veut avec ses ganglions l’autre con ? »
Les points chasseur :
-(Très) bon scénario de SF
-Des ambiances/constructions visuelles, sonores narrativement et structurellement adéquates ainsi que variées
-Un certain pouvoir, original que ce soit en principe ou en pratique
-Les diverses possibilités de style de jeu
-L’aspect survie, via le recyclage et le crafting
-Le système Looking Glass : bel hommage et utilisation astucieuse du système
Les points proie :
-Une spatialisation des sons ennemis toujours aussi chelou que dans Dishonored 2
-Une dernière partie lourde avec ses A/R et les temps de chargements liés (sur consoles)
-Des pics de difficulté soudains
-30fps+manette (sur console)+mimics : not sure it’s a good recipe bro’
-On attend la suite maintenant 
Note : captures provenant de la version PS4 normale, en 720p donc (le jeu est en 1080p, 30ips stable)
Surtout avec des critiques si bien écrites
Bon sinon, bah le jeu rassemble tous ce qui fait pour moi un jeu de grande qualité donc c'est mon gros plaisir de l'année pour l'instant. Tellement de possibilités, la bande son, la DA, l'ambiance, le scénar bref, tout est là.
Très bel article au passage
voxen
Sinon le mien je l'ai affronté à l'arboretum, dans les escaliers de la serre avec des tourelles partout et moi qui le fusil perché sur des caisses empilées, chacun sa strat de planqué tu vois
torotoro59 Alors ça c'est sale, vraiment. Mais sache que c'est un pure régal. Je découvre des nouveautés à chaque fois. D'ailleurs sans spoiler, iglooo la zone du quartier de l'équipage, j'ai changé tout mon style de jeu pour cet endroit, et puis le délire avec... hum... le gars quoi
Je vais surement craquer pour le jeu et en grand fan du premier ce n'était pas gagné.
madness7 merci
J'ai lu un peu partout sur le net que c'était le "bioshock" de la génération.
En terme d'estime probablement