Ca y est, nous y sommes, Fable, le projet titanesque de Peter Molyneux est enfin disponible. La main tremblante, le corps frissonnant, nous avons inséré le DVD tant convoité dans une Xbox prête à nous cracher ses tripes. Les yeux rivés sur l’écran, c’est non sans une certaine émotion que la rédaction de JeuxFrance a regardé la scène d’introduction du jeu. Soutenus par une musique fantastique, les noms des deux studios ayant participés au développement du jeu s’affichent : Lionhead Studios et Big Blue Box. Les images s’enchaînent dans un léger flou, lequel nous fait douter de la réalité de la chose : est-ce un rêve ? Non, il faut se mettre à l’évidence, l’attente est maintenant terminée. Fable est enfin là, bien décidé à tout écraser sur son passage. Alors, pari réussi pour Peter Molyneux ?
Quatre ans de développement, des centaines de personnes, des milliers d’heures de travail, des doutes, de nombreux reports, mais une volonté sans faille et une ambition hors du commun, voilà comment on pourrait résumer brièvement ce qu’il y a derrière
Fable. Annoncé à la presse en 2001 par le très médiatique Peter Molyneux sous le nom de
Project Ego,
Fable s’est vu présenté comme un jeu de rôle au concept révolutionnaire où le choix et la causalité sont au centre de toutes vos actions. Si certaines promesses faites par l'Anglais n’apparaissent pas dans le titre, à notre grand désarroi, il ne faut pas pour autant juger
Fable sur ce qu’il aurait dû être mais plutôt sur ce qu’il est, c’est-à-dire un jeu tout simplement énorme.
Animé par la vengeance
L’aventure débute par une jolie matinée dans un petit village du monde d’Albion, alors que vous n’êtes encore qu’un jeune enfant. Votre père vous demande d’acheter un cadeau d’anniversaire à votre grande sœur, puisque vous étiez trop occupé à faire moult bêtises dans la bourgade plutôt que de vous soucier à propos de votre frangine. Voyant que certains villageois ont besoin d’aide, vous prenez l’affaire en main et décidé de rendre service à vos compères en l’échange de quelques pièces. Par chance, un marchand est de passage et propose de vous vendre une boite de chocolat, gourmandise qu’adore votre sœur. Alors que vous venez tout juste d’offrir votre cadeau, le village se fait attaquer par une horde de bandits sanguinaires. Ces derniers mettent à feu et à sang toutes les habitations et tuent votre père sous vos yeux. Impuissant, vous avez le réflexe de vous cacher dans la forêt afin de ne pas vous faire repérer. Vous assistez, désarmé, à l’enlèvement de votre mère et de votre sœur. La tempête passée, vous retournez dans le village, complètement dévasté.
Soudain, un brigand, probablement resté sur les lieux pour piller les quelques maisons encore debout, s’approche de vous en courant, épée à la main. Vous pensez que votre dernière heure est arrivée, mais un mystérieux mage apparaît et vous sauve la vie. Il vous propose de vous emmener à la Guilde des Héros, lieu où vous allez grandir et apprendre à devenir un combattant. Animé par une soif de vengeance redoutable, vous le suivez… Dès lors, vous apprenez à vous battre, d’abord à mains nues, ensuite au bâton, puis enfin à l’épée. On vous offre aussi un arc, très utile pour atteindre certaines cibles lointaines. Vous assimilez également la magie, grâce à l’apprentissage de l’utilisation de votre premier sort, la foudre. Une fois entré dans l’âge adulte, le maître de la Guilde vous propose de passer le test final, épreuve que vous réussirez sans problème. Votre formation est terminée, vous êtes enfin un Héros, libre d’exercer son talent au service du Bien ou du Mal. C’est à ce moment précis que la véritable aventure de
Fable commence.
Des combats dynamiques
L’une des particularités de
Fable est de proposer des combats intégralement en temps réel. Si certains titres, comme l’excellent
Star Wars Knights of the Old Republic, proposaient déjà une approche plus active des combats, le titre de
Lionhead Studios propose quant à lui des combats proches des jeux d’action classiques. Pas de tour par tour donc, les joutes font ici appel à vos réflexes et à votre dextérité. Comme expliqué plus haut, il y a différentes manières de venir à bout de vos adversaires. La première et la plus simple sera d’utiliser votre arme – vos poings étant nettement moins efficaces. Locker l’ennemi avec la gâchette gauche, tourner autour de lui pour le déstabiliser via le joystick droit, effectuer des roulades sur le côté ou parer les coups avec la touche Y, enclencher l’attaque spéciale avec la touche B, et frapper avec X, voilà comment se présentent, sur le papier, les combats de
Fable. Mais face à plusieurs adversaires, l’usage de la magie se verra primordial si vous ne voulez pas manquer d’énergie. Pour l’utiliser, il faut appuyer simultanément sur la gâchette droite et sur l’un des boutons X, Y, B et A. L’arc s’utilise quant à lui plus ou moins de la même manière que les armes classiques, puisqu’il est aussi possible de locker ses ennemis. Pour plus de précisions, il est possible de passer en mode manuel grâce à une pression sur le joystick gauche. Deux niveaux de zoom s’offrent alors à vous.
Si l’on pourrait croire, suite à la lecture de ce dernier paragraphe, que combattre dans
Fable semble aussi complexe que de marquer un but pour l’équipe de France, il n’en est rien. Après quelques minutes d’entraînement, on maîtrise sans problème le maniement des diverses interfaces. Et grâce notamment à une incroyable panoplie d’armes et de sorts, les combats se révèlent particulièrement jouissifs, tant ils réclament de vous une implication importante. A l’instar de jeux de baston,
Fable intègre un système de combo, intitulé ici « multiplicateur de combat ». Lors des affrontements, frapper l’ennemi successivement – sans se faire toucher – augmentera votre multiplicateur. Plus le nombre de ce dernier est élevé, plus votre récompense sera grande. On peut néanmoins regretter le fait que certains combats, lorsqu’une dizaine d’adversaires sont présents, tournent parfois à la confusion générale.
Cause et effet
Le système de personnalisation du personnage, inhérent à tout jeu de rôle, se veut, lui aussi, très poussé. Selon votre manière de combattre et de résoudre les quêtes, vous gagnerez quatre types de points d’expériences : l’expérience générale, et l’expérience spécifique (force, adresse, et volonté). Comme son nom l’indique, l’expérience générale peut s’utiliser pour n’importe quel attribut du héros tandis que l’expérience spécifique s’adresse uniquement à l’un des trois attributs principaux. L’utilisation d’armes de mêlée (épées, haches, gourdin, massue, etc.) fait gagner de l’expérience de force, l’utilisation d’armes à distance (arcs, arbalètes, etc.) fait gagner de l’expérience d’adresse, et enfin, l’utilisation de pouvoirs magiques fait gagner de l’expérience de volonté. Pour utiliser les points d’expérience, il faudra vous rendre à la Guilde, sur la source verte. La personnalisation se fait donc sur les trois attributs principaux évoqués ci-dessus. Les points de force vous permettront d’améliorer votre physique, votre santé ou votre résistance, les points d’adresse vous permettront d’accroître votre vitesse ou encore votre ruse (idéal pour voler des objets en toute discrétion) et les points de volonté serviront à apprendre ou à perfectionner les nombreux sorts existants (foudre, furie, boule de feu, ralentissement du temps, soin, etc.).
Mais là où
Fable va plus loin, c’est au niveau des choix et des conséquences directes de ces choix. Comprenez par là que vos actions détermineront votre alignement (petite jauge disponible dans les options vous montrant où vous vous situez sur l’échelle du Bien et du Mal) et, par répercussion, votre apparence physique. Par exemple, si vous tuez des innocents, des cornes pousseront sur votre tête et des insectes voleront autour de vous. A l’inverse, si vous décidez de sauver des innocents des griffes de bandits ou de monstres, vos yeux deviendront plus clairs et vous attirerez des papillons. En fonction de vos actes, les villageois vous accueilleront plus ou moins biens. Ils peuvent vous acclamer, vous détester, vous fuir, vous craindre, vous respecter, ou même se moquer de vous. C’est là que le système d’expression entre en jeu. A la manière de
Les Sims, vous pouvez exprimer votre humeur grâce à la panoplie – croissante tout au long du jeu – de symboles émotifs, utilisables par l’intermédiaire du pavé directionnel. Roter, péter, flirter, s’excuser, glousser, ou encore frimer ne sont qu’un mince aperçu des nombreuses possibilités de communication, toutes ayant une réelle conséquence sur les individus que vous rencontrerez.
Ainsi, si vous vous amuser à lâcher des pets à chaque fois que vous croisez un passant, ne vous étonnez pas que l’on ne vous prenne pas au sérieux. Dans le même registre, évitez de roter au visage des filles, elles n’apprécient pas vraiment et risquent de ne pas vouloir de vous comme mari. Car oui, il est aussi possible de se marier (aussi bien avec une femme qu’avec un homme) et d’acheter sa propre maison. Mieux : vous ne souhaitez pas payer mais devenir tout de même propriétaire ? Très bien, alors, éliminez tous les habitants du village et faites louer vos maisons aux prochains arrivants. Mais ce n’est pas tout puisque de nombreuses autres possibilités de personnalisation sont aussi de la partie : changer de coupe de cheveux, se raser ou au contraire, aller se faire tailler une jolie moustache chez le barbier, s’habiller (ou non) comme on le souhaite (il est même possible de porter des robes), se faire tatouer, etc. Pour la première fois dans un jeu de rôle, on a vraiment le sentiment que son héros est unique et que l’on évolue librement.
For liberty !
Les quêtes sont déposées à la Guilde. Il existe deux types de quêtes : les quêtes obligatoires, apparaissant en dorées sur la carte, qui sont obligatoires pour faire progresser l’histoire, et les quêtes optionnelles, apparaissant en argentées. Les missions proposées sont globalement très diversifiées et il y a vraiment de quoi faire varier les plaisirs. D’autant plus que de nombreux mini-jeux s’ajoutent à la liste : black-jack, monnaie-golf, paires de cartes, etc. Un point noir subsiste tout de même. La durée de vie du jeu, malgré son fort potentiel de rejouabilité, se révèle plutôt courte pour un jeu de rôle. En effet, une petite dizaine d’heures suffiront aux plus aguerris d’entre vous pour terminer le soft, sans effectuer la multitude de quêtes optionnelles évidemment. Mais au vue des incroyables possibilités de jeu, et du background extrêmement riche, il sera franchement dommage de ne pas explorer le monde d’Albion de fond en comble, tellement ce dernier recèle de détails.
Fable est un titre qui se déguste comme un grand vin.
Graphiquement,
Fable est tout simplement magnifique. Les textures sont d’une richesse hallucinante, la modélisation des divers protagonistes est exceptionnelle, les décors fourmillent de détails en tout genre et les effets spéciaux en mettent plein la vue. L’architecture des paysages est d’une rare finesse, et le design est véritablement unique.
Rarement un jeu vidéo avait atteint un tel niveau de beauté visuelle. Le tout est soutenu par des couleurs magiques et un léger effet flou brillant donnant une enveloppe magique au titre. Il faut le voir pour le croire. Les plus exigeants pourront toutefois remarquer que le
frame-rate n’est pas d’une constance parfaite, et que les zones d’ombres ont tendance à quelque peu « clipper » sur les personnages lors des cinématiques. Du côté des musiques, le constat est tout aussi fabuleux. Danny Elfman, compositeur très respecté dans l’univers du cinéma, nous offre ici une bande-son grandiose qui en fera frissonner plus d’un. Cerise sur le gâteau, les doublages sont tout en français et sont relativement convaincants, et il en va de même pour les bruitages.