Deux ans après Of Orcs and Men, Cyanide part à nouveau à la conquête de cet univers, bien avant la Grande Guerre, mais pour un jeu d'infiltration mi-figue, mi-raisin.
Si vous avez déjà joué au sympathique
Of Orcs and Men, vous allez retrouver Styx, le premier représentant de sa race, le gobelin, bien avant qu'il ne fasse équipe avec un Orc, et donc bien avant cette aventure vieille de deux ans.
Cyanide n'en avait donc pas fini avec nous et propose donc une aventure intitulée
Styx : Master of Shadow. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un jeu d'infiltration dans lequel il va falloir contrôler notre « héros » à travers six chapitres divisés à chaque fois en quatre niveaux. Même si le scénario n'est pas forcément des plus passionnants, il nous entraîne dans le sillage des origines du gobelin que l'on incarne : vieux de 200 ans, il est aussi malicieux que sanguinaire, et sur son passage, il ne va pas faire que des heureux. Direction la Tour d'Akenash, une gigantesque zone qui cache en son cœur l'Arbre-source de l'Ambre, une substance qui, lorsqu'on l'ingère, permet de disposer de plusieurs pouvoirs.
Vous allez ainsi devoir maîtriser tout un tas de capacités afin de vous frayer un chemin. Dans chacun des niveaux, vous aurez en effet une multitude de possibilités pour rejoindre votre objectif. Qu'il s‘agisse de passer par les toits, les balcons, ou plutôt sous les tables, de vous enterrer dans les conduits secrets, ou tout simplement de franchir des couloirs où les humains rôdent (mais pas que), il y a forcément quelque chose à faire pour arriver jusqu'à la fin de la zone. C'est d'ailleurs là tout l'intérêt de
Styx : Master of Shadow. C'est un vrai jeu d'infiltration. On peut faire vraiment ce que l'on veut tout en vivant intensément certains moments. Il est par contre complètement inutile d'essayer de vous battre, le gobelin que l'on se traîne n'a aucune armure, et dès que l'on se retrouve face à un ou plusieurs ennemis, on est obligé de subir un système de combat horriblement mal fichu et frustrant.
Tout d'abord, si vous vous faites repérer et que l'icône au-dessus de l'adversaire passe au rouge, celui-ci va tenter de vous blesser. S'il est trop proche de vous dans le cas d'un CaC, la caméra va vous obliger à combattre. Entendez par là que si vous voulez vous enfuir, c'est peine perdue : il faut alors l'affronter et trop souvent y perdre la vie. Malgré la présence d'une dague, on ne peut pas donner des coups, le héros doit se contenter d'esquiver les frappes de l'adversaire en appuyant sur la touche au bout moment, et au bout de deux trois assauts, vous pourrez enfin assassiner votre proie dans un bruit laissant peu de place à l'espoir de survivre très longtemps. L'erreur n'est pas pardonnée : soit vous arrivez à esquiver, soit au bout de deux coups, vous passez l'arme à gauche. C'est d'autant plus frustrant qu'on vous oblige à subir le combat, alors même que vous étiez bien décidé à l'éviter en fuyant la zone.
Mais si c'était encore le seul défaut du titre, on pourrait facilement passer outre, car l'intérêt d'un jeu d'infiltration, c'est évidemment d'éviter les combats, mais le jeu de Cyanide manque à beaucoup de règles d'or du genre, ce qui est difficilement pardonnable. Le plus gros point noir du jeu est à trouver du côté de l'IA, véritable catastrophe ambulante. Par exemple, on va effectivement devoir comprendre les rondes des ennemis dans les couloirs, ou sur les balcons, mais c'est sans compter sur l'aspect imprévisible des ennemis dès que vous commencez à vous mettre en marche en ayant pourtant bien pris en compte la ronde en cours. Et ce n'est pas une feature, c'est bien un bug, car ce changement de direction intempestif est généralement dû à une I.A. qui a eu la « maladresse » de shooter contre un mur, une table, ou d'autres joyeusetés. Les problèmes d'I.A. sont légions et son très souvent responsable de vos différents échecs. Si le die & retry est amusant notamment pour réécrire son infiltration, il l'est beaucoup moins quand on endure un ou plusieurs adversaires qui rendent une partie horriblement longue inutilement.
Toujours du côté de l'I.A., celle-ci a également tendance à voir et à ne pas voir des choses aberrantes. Il nous est très souvent arrivé d'être face à un ennemi sans qu'il puisse nous voir, alors bien que l'on était en pleine lumière. D'autres fois, un adversaire va réussir à vous apercevoir alors que vous avez l'ambre lumineuse qui vous indique que vous ne pouvez pas être vu et que vous êtes collé contre un mur… et que celui-ci vous cache pourtant du champ de vision de l'I.A.. Et il suffit en outre de se mettre un peu en hauteur pour qu'elle vous perde de vue.
Ce gros défaut gâche clairement une expérience de jeu qui est pourtant bourré de petites qualités qui n'arrivent cependant pas à le compenser pleinement. On apprécie la grandeur de chacun des niveaux, donnant accès à une aire de jeu aux dizaines de possibilités. Les pouvoirs de Styx apportent aussi beaucoup de choses au gameplay : on peut se dédoubler, user d'un acide pour éliminer les corps sans les cacher, on peut également faire un peu de bruit pour attirer un adversaire et le tuer derrière un mur, se cacher, jouer sur les effets de lumière, mais aussi les sons que l'on fait pour attirer l'I.A. à un endroit stratégique, détruire la chaîne d'un lustre pour qu'il tombe un peu plus bas et ainsi attirer l'attention, mais aussi jouer avec le bruit de ses pas (trois niveaux sonores)… il y a largement de quoi faire pour les férus d'infiltration. Mais Styx : Master of Shadow s'illustre également sur la partie visuelle. Non content d'offrir un level design varié, le jeu de Cyanide s'avère plutôt joli pour un jeu dans cette catégorie de prix, utilisant la lumière de manière très intéressante, et proposant une identité unique et forte. Certains décors sont vertigineux, et dommage que les gardes ont tous tendance à se ressembler.
Le jeu arrive aussi à proposer une durée de vie longue comme le bras. Si on doute du fait que l'on voudra s'y replonger vraiment à cause des problèmes d'I.A. et ce, malgré la présence d'une fonctionnalité permettant de refaire un niveau, il y a là encore de quoi passer plusieurs dizaines d'heures en compagnie du jeu. Car outre les objectifs du scénario, il faudra prendre en compte les éventuelles missions secondaires (comme ramener un corps jusqu'à sa planque, un objet, tuer une cible), ainsi que les trophées déblocables (finir une mission en X minutes, ne pas se faire remarquer, ne pas tuer de gardes…), et les éventuels succès/trophées qui sont là aussi nombreux. Dans chaque zone, il y a aussi entre 10 et 30 jetons d'or à récupérer dans les vastes niveaux, et ils sont parfois très bien gardés, tout comme les reliques d'ailleurs.
Les plus | Les moins |
+ Le level design à tomber
+ De nombreuses possibilités d'infiltration
+ Les objectifs secondaires
+ Le doublage
+ Durée de vie et rejouabilité | - IA à jeter à la poubelle
- Bugs à foison
- Les combats
- On ne peut pas se suspendre (!)
- Scénario peu inspiré
- Beaucoup de clones |
Conclusion : Styx : Master of Shadow aurait pu être un excellent jeu. D'ailleurs, si l'on met de côté les quelques soucis de gameplay, ça en est un. Les fans d'infiltration hardcore en auront clairement pour leur argent, surtout qu'il est loin d'être onéreux (environ 30€). Le problème, c'est que tous les efforts des développeurs pour assurer au jeu une durée de vie énorme et un level design de qualité sont complètement plombés par une I.A. catastrophique (et c'est un doux euphémisme). Ce défaut agit comme un répulsif rendant l'expérience finale laborieuse, et qui mérite trop souvent la poubelle par frustration.