
ITW Raphael Colantonio
Interview de Raphael Colantonio, premier concepteur et directeur du jeu Arx Fatalis.
Pouvez-vous nous décrire Arx Fatalis en quelques mots ?
C'est un RPG médiéval fantastique en 1st person avec une approche temps réel. C'est en quelques sortes la rencontre entre le monde du 1st person et le monde du RPG.
Combien de temps a duré le projet Arx Fatalis ?
Depuis la création de la société jusqu'à la sortie française, 3 ans se sont écoulés. Il faut noter que cela inclus la recherche d'éditeur, ainsi que la préproduction, les tools, etc...
Les objectifs que vous vous êtes fixés au départ ont ils été atteints ?
Plus qu'atteints. Nous nous étions fixés des buts plus simples. Déja, nous nous étions donné une contrainte de maps 2D avec des élévations, mais pas de design réellement 3D, puis nous avons changé ça. Aussi, nous avons rajouté beaucoup de features alors que nous avancions dans la production: par exemple le fait de voir son personnage en 1st person, avec les pieds, etc... Au début le programmeur avait oublié de masquer les polygones du héros, on a trouvé ça cool, alors on l'a gardé. Après, on s'est rendu compte à quel point garder ces petites idées qu'on trouvait sympa nous a coûté en travail et en transpiration, mais il faut admettre que pas mal de features ont été rajoutés à la volée, ce qui est a la fois bien et a la fois pas souhaitable si on veut tenir des délais.
Quelles expériences avez-vous souhaité offrir au joueur avec Arx Fatalis ?
Plusieurs choses... Une des premières volontés était de faire partager notre passion pour l'ancienne génération de RPG que les nouveaux joueurs n'ont pas connus: des jeux comme Dungeon Master, Ultima 7 ou Ultima Underworld. Donc, nous avons essayé de transposer ces recettes qui ont tellement fonctionné sur nous mais cette fois, dans un moteur actuel et dans des qualités de productions actuelles. Puis la deuxième chose, c'est l'immersion, la peur, l'oppression. Les expériences qui m'ont le plus marqué en tant que joueur sont celles ou je me projetais complètement dans le corps du héros, récemment j'ai eu cette sensation avec Thief. Aussi, j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les jeux qui arrivent à faire peur, c'est pourquoi nous avons concentré nos efforts sur la trouille dans certaines parties de Arx Fatalis.
Effectivement, à certains moments, on sent cette oppression monter. D'autres jeux vous ont-ils inspirés dans le développement d'Arx Fatalis ?
Underworld, Ultima7 et Thief sont les 3 sources d'inspiration qui me viennent a l'esprit. Au début, nous espérions obtenir la licence de Underworld 3, car j'avais contacté Richard Garriott (Origin), ainsi que Paul Neurath (créateur de Underworld), et ils étaient tous deux très chauds à l'idée de nous fournir la licence, puis ensuite tout s'est compliqué avec Electronic Arts...
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées pendant le développement du jeu ?
Le fait de faire sa propre technologie en même temps que le jeu et l'anticipation par rapport a obtenir un jeu équilibré. Mais nos plus grosses difficultés ont été techniques. Car faire un moteur a l'heure ou tout le monde utilise du middleware, ce n’est pas simple.
Lorsque l'on joue à Arx Fatalis, on sent que le monde dans lequel on évolue a été incroyablement soigné. L'interaction avec les nombreux objets et personnages est impressionnante. Ceci n'a t-il pas été trop dur à mettre en place ?
Oh que si, j'ai failli oublier de vous en parler ! Nous étions 3 pour scripter le jeu et les IA ! Le pire, ce n'est pas vraiment de coder les interactions, c'est de prévoir toutes les combinaisons possibles car le jeu n'est pas linéaire, il fallait donc que l'histoire retombe sur ses pieds quelque soit l'ordre dans lequel le joueur fait les choses, et surtout quelque soit la façon dont il décide de les faire. Nous avons donc passé beaucoup de temps (mais pas assez, vu le nombre de patchs) à débuguer toutes les situations les plus folles dans lesquelles se mettent les joueurs.
Est-ce vrai que vous avez présenté votre jeu à Microsoft et à Sony ?
Oui. Nous l’avons présenté à Sony avant d'avoir signé avec notre éditeur PC puis il y a 1 an, notre éditeur l'a présenté à Microsoft pour sa Xbox. Dans les deux cas, le jeu a été refusé.
Pourquoi ne pas avoir essayé chez Nintendo ?
La GameCube n'était pas encore sortie, et nous avions un peu le moral à zéro après avoir été rejeté par Sony et Microsoft. D'autre part notre jeu est assez 'lugubre' pour un jeu Nintendo.
Pensez-vous que Nintendo a toujours cette étiquette de jeu 'pour enfants' ?
Apparemment non, puisque Resident Evil est passé sur Nintendo.
Selon vous, quelle est la plate-forme la plus apte à satisfaire aussi bien les joueurs que les développeurs ?
Le PC. Il ya une souris, de la puissance... Au niveau des consoles, je dirais la Xbox vu que le PC n'a pas le vent en poupe en ce moment...
Arx Fatalis sera-t-il adapté sur console ?
Cela reste indéterminé pour l'instant… Si il y a une demande, nous serons ravis de la satisfaire...
Même sur une console dont l'architecture est complètement différente de celle d'un PC (comme la PS2) ?
Ce serait certainement un exercice difficile, mais intéressant.
Intéressant ? Les développeurs de Quake 3 Revolution ont pourtant avoué s'être arraché les cheveux à cause de la faible mémoire de la console.
Oulà, j'en doute pas, leur machine est plutôt indécente du coté mémoire !!! Ceci dit, cela reste une expérience certainement enrichissante (sans jeu de mot).
Avez-vous d'autres projets en cours ?
Oui, 2 : Arx Fatalis 2 et un autre secret pour l’instant. Nous allons essayer de vendre les 2, mais si ça se trouve, nous n'en ferons qu'un. Ou peut-être même aucun.
Allez-vous de nouveau présenter vos nouveaux projets à Sony et Microsoft ?
L'éditeur le fera peut être.
JoWood restera votre éditeur ?
Pour Arx Fatalis version console certainement, pour le reste, je ne sais pas encore.
Avez-vous le sentiment d'avoir réalisé avec Arx Fatalis un grand jeu vidéo ?
C'est toujours difficile d'avoir du recule sur sa propre réalisation... en tous cas, je pense que nous avons fait ce que ne voulions, et même plus. Je ne sais pas si le jeu sera rentable, mais nous avons tenu à rester intègre et à ne pas sacrifier le gameplay sur l'autel des lois de marché. Quand a la question 'est-ce un grand jeu ?' je préfère laisser répondre les joueurs…
Certains vous comparent déjà au Hideo Kojima ou Warren Spector français, qu'en pensez-vous ?
J'ai énormément de respect pour Warren Spector, ses jeux sont des chefs-d’œuvre, mais on ne peut pas me comparer a lui dans la mesure ou c'est un pionnier, c'est un vrai symbole du jeu vidéo. Je l'ai souvent rencontré et pour moi c'est une idole. J'ai d’ailleurs reçu des félicitations d'un de ses designers qui a adoré la démo de Arx Fatalis. Ce fut un grand honneur pour moi, c'est le genre d'emails qui fait vraiment plaisir.
Si vous deviez dire quelques mots aux visiteurs de Jeux-France, que leur diriez vous ?
Je ne sais pas trop... disons que je leur demanderais de tester la démo et puis d'acheter Arx Fatalis s’ils aiment, car il faut encourager les petits développeurs qui prennent beaucoup de risque dans ce monde où les jeux à licence font la lois.
Arkane Studios a donc deux nouveaux projets : Arx Fatalis 2 et un jeu secret (selon nos sources, il s’agirait d’un jeu d’infiltration, peut-être un futur Splinter Cell ?). Aucune date de sortie n’a été dévoilée pour l’instant (fin 2003/2004 ?). En attendant des informations supplémentaires sur ces deux titres, jetez vous sur Arx Fatalis, un vrai monument ludique.
publié le 25/07/2003 à 23:10 par
Gamekyo