La Wii un succès au goût amer
Voilà qu’après bientôt 2 ans, je trouve le temps ou plutôt le courage (merci pour les encouragements @Sussudio) d’écrire un nouvel article et de partager mon analyse de la Wii. Je m’excuse donc de reprendre si tard cette analyse. A défaut d’être réactif, je dispose désormais d’encore plus de recul sur la situation. Je vous invite à lire
mon ancien article qui explique pourquoi Nintendo a choisi de se différencier de la concurrence et ainsi mieux saisir la continuité de mes propos.
Et bien commençons...
Avec plus de 100 millions de consoles Wii vendues, on ne peut pas dire que la Wii fut un échec. Cependant si le succès est au rendez-vous, il laisse un arrière goût d’amertume.
La recette du succès
1- Le motion gaming
La Wii aura été un succès populaire qui aura réuni plusieurs générations devant la télé et démocratisé encore plus le jeu vidéo. Il ne faut pas séparer ce succès populaire à celui encore plus grand de la DS qui partage de nombreux points communs. L’ingrédient essentiel de ce succès est sans nul doute le motion gaming. Ce dernier est à rapprocher de l’écran tactile de la portable de Nintendo. En effet ces deux types d’interaction ont pour objectif commun de simplifier les contrôles. D’ailleurs cette volonté du géant japonais remonte même bien avant. Comme l’expliquait Miyamoto, le pad Game Cube a des boutons avec des formes différentes pour les distinguer au toucher et ainsi les retenir plus facilement sans regarder sa manette (les gens qui jouent sur Snes, Dream et Xbox comprendront). Des boutons toujours plus nombreux décourageaient d’emblée les non initiés à apprivoiser cette technologie (où c’est R3 ?). En économie, on appelle cela une barrière à l’entrée. Nintendo a fait exploser cette barrière avec la Wii.

Leurs publicités étaient de véritables tutoriaux faciles à comprendre pour tout le monde. N’importe qui se sentait en mesure de pouvoir jouer lui aussi. Sans compter que la manette à la forme d’une télécommande. La zapette est devenu si familière dans les foyers depuis longtemps (et oui, les plus anciens ou les plus pauvres savent encore qu’on devait se lever pour zapper, heureusement qu’il n’y avait que peu de chaînes à l’époque).
Enfin Wii Sports étaient un coup de génie non pas seulement au niveau du motion gaming mais aussi de son thème car si certains concepts comme Tetris sont exclusivement propres au jeu vidéo, le sport est un thème qui parle à tous.
2- Une technologie abordable

L’un des fondamentaux de la firme de Kyoto est de vendre une technologie maîtrisée à un prix abordable (je parle de la puissance de la console pas de la précision de la wiimote lol). A 250 euros, on pouvait se permettre d’acheter la console en double et 2 wiimotes en prime au prix d’une PS3 qui était vendu à 600 euros à son lancement. Bien entendu les deux machines ne jouaient pas dans la même catégorie si bien que la PS3 était même vendue à perte. Cependant pour ceux qu’on appelle le grand public (autrement dit pas toi lecteur), le prix est déterminant dans bien des achats.
3- N’aie crainte je te tiens la main

Autre habilité de Nintendo, l’interface de la console a été voulu minimaliste et simplifiée. Les différentes chaînes Wii sont de simples icones collées les unes à côtés des autres comme les applications d’un smartphone. Les Mii ne regorgent pas non plus de beaucoup de détail. Tous ces aspects, qui paraissent neuneus et agaçants pour les habitués, sont en fait très rassurants pour quelqu’un qui n’est pas familier avec cette technologie. Cette habitude chez Nintendo de tenir par la main le consommateur se retrouve également dans nombres de leurs jeux jusqu’à en faire parfois trop comme dans Zelda Skyward Sword par exemple.
4- Plus que du jeu vidéo

Si Wii Sports était le porte-drapeau de la console, d’autres jeux ont permis à la Wii de débusquer un public toujours plus large. Mais doit-on toujours appeler cela des jeux dans certains cas. Voilà un débat qui pourrait faire l’objet d’un article entier lui aussi. L’exemple le plus marquant est sans nul doute Wii Fit. Si certains mini-jeux sont inclus, Wii Fit reste avant tout un programme de remise en forme interactif. On pourrait également citer sur DS : Leçons de cuisine - Qu'allons-nous Manger Aujourd'hui ? désigné par jeuxvideo.com comme un logiciel à juste titre.
Ces quelques ingrédients expliquent en partie le succès de la Wii. On pourrait citer le fait que Mario soit plus connu que Mickey aujourd’hui auprès des enfants ou encore la synergie joué par la Nintendo DS depuis le lancement de son modèle light.
Comme un goût amer
1- Un train de retard technologique
S’il est un élément avec lequel la Wii ne peut faire le poids, c’est assurément la puissance de ses concurrentes HD. Certains moteurs ne peuvent être portés comme le très répandu Unreal Engine 3. De ce fait, pour un même jeu, il faut développer à part une version Wii comme ce fût le cas pour les Call of Duty par exemple. L’écart de puissance ne se fait pas seulement sentir sur la qualité des détails graphiques mais aussi sur d’autres éléments. L’édition Dead Rising Chop till you Drop et son nombre famélique de zombies ne donne ainsi plus du tout le même intérêt de gameplay que sur Xbox 360.


A cela s’ajoute une sortie vidéo qui n’a pas su anticiper l’arrivée rapide et massive de la HD et l’absence d’un disque dur qui limitera quasi totalement les évolutions software de la machine.
2- Un effet bis repetita
Le manque de puissance se fait aussi ressentir du côté des licences Nintendo. En effet, si Mario Galaxy nous en mets plein les mirettes et peut même se targuer de donner une leçon à nombre de jeux HD, certains jeux Wii dits « gamers » furent des suites directes de jeux sortis sur Gamecube :








Ces jeux sont loin d’être mauvais bien au contraire ; mais comment ne pas voir une redite de ce qui est déjà sorti sur la console précédente. Le sentiment de passer sur une nouvelle génération est parfois difficile à avaler pour beaucoup lorsque leurs yeux se penchent sur des jeux en HD. Le principal intérêt de ces jeux par rapport à leurs homologues sur GameCube est le fait qu’ils bénéficient du motion gaming. On pourrait mettre en parallèle à ces jeux la gamme « Nouvelle façon de jouer !» :




Il n’est pas toujours besoin de plus de puissance pour apporter des nouveautés dans une franchise. Cependant le gap technologique d’une plateforme à une autre permet néanmoins de relancer un tout nouvel intérêt pour des jeux aux concepts fermés et redondants. Je pense notamment à F-Zero ou Wave Race qui aurait eu peu d’intérêt à sortir sur Wii si ce n’est au niveau du gameplay au Wii Wheel ou encore du jeu en ligne ; et encore.
3- Connecté et pourtant si seul
Aussi surprenant que cela puisse paraître Nintendo s’est essayé au online bien avant la Wii ou la GameCube. Là non plus, Nintendo ne fait pas jeu égal dans ce domaine vis-à-vis de la concurrence ; et ce encore aujourd’hui. Le online très répandu sur PC est devenu l’une des recettes à succès du jeu vidéo sur console ces dernières années. Conséquences, le contenu de certains jeux en mode hors ligne est devenu rachitique et le mode multi-joueurs sur même écran passé aux oubliettes. Nombre de joueurs ne jouent même plus au mode solo de leurs jeux et ne jurent que par le online.

Le fait de pouvoir jouer et retrouver en ligne ses amis permet de créer un effet boule de neige. En effet, il n’est pas rare que certains choisissent d’acheter tel jeu ou telle console pour y retrouver leurs amis. Les tournois ou encore le partage de ses exploits sur les réseaux sociaux ou sur Youtube ont permis à certains titres de devenir des phénomènes de société. L’impossibilité de communiquer directement par écrit ou par micro sur un titre comme Mario Kart par exemple provoque un sentiment d’isolement malgré que l’on joue en ligne. Cela en devient quasiment anachronique dans un mode de plus en plus connecté.
D’autres gros titres comme Smash Bros bénéficient d’un mode en ligne. Néanmoins, l’infrastructure online de Nintendo avec ses fameux codes amis ou encore sa stabilité perfectible rendent très contraignantes les parties et semble archaïque face au PSN et au Xbox Live. Nintendo n’a pas totalement saisit l’émulsion que provoque la compétition en ligne pour certains types de jeux. Cette compétition en ligne est d’ailleurs un thème que Nintendo essaye encore de conjuguer avec sa politique grand public comme en témoigne le prochain Smash Bros.
4 - Des concessions de gameplay
Si on nous mimait souvent une épée en brandissant la wiimote dans les trailers et les publicités, ce fut la douche froide à ce niveau lors de la sortie de Zelda Twilight Princess au lancement de la console. La reconnaissance de mouvement était cependant bonne pour ce qui était d’incliner, pointer et secouer la wiimote. Il aura fallu attendre la sortie du Wii Motion Plus et de rares titres l’exploitant comme Redsteel 2 ou encore Zelda Skyward Sword pour que la promesse initiale d’un gameplay immersif et précis soit rempli.

Au-delà de la précision ou non du dispositif, la wiimote et son nunchuk ne sont pas toujours adaptés au gameplay de certains jeux. Ainsi pour les jeux de combats comme Smash Bros ou encore les rpg comme Xenoblade, gesticuler dans tous les sens n’est pas nécessaire. On devine même que Nintendo impose parfois l’utilisation de la reconnaissance de mouvement dans certains titres qui auraient pu s’en passer tels que Donkey Kong Country Returns ou New Super Mario Bros Wii. Le motion gaming n’est pas à mettre à toute les sauces.
5- Un public nouveau et volatile
Nintendo a su séduire les non-joueurs mais les fidéliser est une autre histoire. Plus que les jeux, c’est avant tout le concept du motion gaming qui a attiré ce public. L’utilisation que certains consommateurs en font est similaire à un jeu de société auquel on se prête en famille ou avec des invités. La gamme des jeux Wii Sports, Play,… est d’ailleurs souvent penser sur un modèle de parties courtes et à plusieurs jusqu’à même se présenter tel un jeu de plateau dans Wii Party.
Malgré ces efforts, le nombre de jeux achetés en moyenne par les possesseurs de Wii par rapport à ses consœurs contemporaines est moins conséquent. La Wii est plutôt perçue comme un objet de divertissement pur par ce nouveau public. L’excitation retombée de la découverte d’une technologie qui donnait l’impression d’affranchir les barrières entre réalité et virtuel va retomber petit à petit. Kinect poussera encore plus loin ce sentiment, ce qui expliquera en grande partie son succès.
Ce qui était révolutionnaire hier ne l’est plus aujourd’hui, la Touch Generation de la DS et la Motion Generation de la Wii dispose désormais de ces technologies sur d’autres supports que sont les smartphones et tablettes. Si le divertissement ne se veut plus collectif, il est à bien moindre coût. Nul doute qu’une bonne partie de ce grand public séduit par la Wii se retrouvent aujourd’hui sur ces nouveaux supports.
Conclusion
Beaucoup diront que les core gamers et notamment une bonne partie des fans de la firme se sont sentis peu concernés voire trahis. Comme je l’expliquais dans mon article précédent, Nintendo n’aurait eu que peu d’intérêt à s’aligner sur le modèle emprunté par la concurrence. La Wii aura forcé les développeurs à sortir des sentiers battus en développant des jeux adaptés et originaux tels que Zack & Wiki : Le Trésor de Barbosa ou encore Kororinpa (les bons jeux ne font pas toujours les bonnes ventes malheureusement).
Si la particularité de la Wii en aura déçu plus d’un, elle aura néanmoins eu le mérite de changer les codes du jeu vidéo en s’imposant comme une véritable révolution à son époque. La concurrence va d’ailleurs très vite emboiter le pas.

La stratégie de Nintendo aura été très payante mais seulement sur le court terme. Ce nouveau positionnement va lui coûté cher sur la génération suivante. La stratégie employée avec la Wii U mérite elle aussi une analyse que je ne manquerais pas de développer (d’ici 2 ans peut être ;-).