On pourrait dire que, durant cette dernière décennie, quelque chose s’est profondément fissuré dans la manière dont les fandoms fonctionnent. Mais en y réfléchissant bien, ce schisme n’est pas apparu du jour au lendemain. Il s’est construit lentement, par strates successives.
J’ai le sentiment que durant les années 2000, les fandoms (ceci sans être parfaits) étaient globalement plus harmonieux. Les débats existaient, bien sûr, mais ils ne prenaient pas l’ampleur quasi idéologique qu’ils ont aujourd’hui. Les désaccords restaient souvent confinés à des préférences personnelles plutôt qu’à de véritables fractures communautaires.
Prenons Star Wars : la prélogie (1999–2005) a suscité des critiques, parfois sévères, mais elle n’a jamais provoqué la guerre culturelle que l’on observe depuis la postlogie Disney. Même chose pour Dragon Ball GT : largement critiqué, parfois rejeté, mais rarement au point de diviser durablement le fandom en camps irréconciliables.
Dans le jeu vidéo, le constat était similaire. Les années 2000 regorgeaient de titres marquants, toutes plateformes confondues. Peu importe qu’on soit fan de JRPG, de FPS, de jeux de plateforme ou de jeux d’action : il y avait toujours des hits fédérateurs.
Des jeux comme Final Fantasy X, Metal Gear Solid 2 et 3, Halo, Shadow of the Colossus, Kingdom Hearts, Resident Evil 4, GTA San Andreas ou encore Zelda: Wind Waker ont marqué leur époque, parfois malgré des choix artistiques ou scénaristiques discutés.
Même lorsqu’un jeu faisait polémique genre Sonic the Hedgehog (2006) par exemple, il était perçu comme un accident industriel, pas comme le symptôme d’un système entier en crise.
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L’ère PS360 : le début de la fragmentation
À mes yeux, l’ère PlayStation 3 / Xbox 360 marque un tournant décisif. C’est une génération charnière, à la fois brillante sur le plan technique, mais aussi porteuse des germes de nombreuses dérives actuelles.
C’est durant cette période que plusieurs tendances lourdes s’installent :
-Explosion des DLC payants
-Début de la standardisation des jeux (moteur, gameplay, structure)
-Montée en puissance du marketing agressif
-Recherche accrue de rentabilité à court terme
Si cette génération a offert de très grands jeux (Mass Effect, Bioshock, Red Dead Redemption, Dark Souls), elle a aussi commencé à normaliser certaines pratiques qui allaient devenir problématiques par la suite.
Les fandoms, eux aussi, commencent à se fragmenter davantage. Les discussions deviennent plus polarisées, notamment avec l’essor des forums spécialisés, puis des réseaux sociaux. Les critiques ne portent plus seulement sur la qualité des œuvres, mais sur ce qu’elles représentent ou symbolisent.
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PS4 / Xbox One : la perte de repères
L’ère PS4 / Xbox One accentue encore ce phénomène. Les jeux gagnent en photoréalisme, mais perdent parfois en identité. La prise de risque diminue fortement. Beaucoup d’éditeurs préfèrent exploiter jusqu’à l’épuisement des licences existantes plutôt que d’en créer de nouvelles.
On observe :
-Une généralisation des microtransactions
-Des jeux conçus comme des services plutôt que comme des œuvres finies
-Des sorties parfois précipitées (Anthem, Cyberpunk 2077 à son lancement)
-Une homogénéisation des gameplays (open world, crafting, arbres de compétences similaires)
Cette logique a un impact direct sur les fandoms : chaque décision de design devient un sujet de controverse. Chaque jeu est analysé, disséqué, comparé, souvent dans une logique de confrontation permanente.
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Le virage mobile et l’industrie japonaise
Un autre élément important est le virage pris par l’industrie japonaise avec l’explosion du mobile gaming. Face au succès phénoménal des smartphones au Japon, de nombreux studios ont redirigé leurs ressources vers :
-Les gacha
-Les jeux free-to-play
-Les modèles basés sur la rétention et la monétisation
Cela a eu pour effet de laisser certaines licences historiques en sommeil, ou de les transformer profondément, parfois au détriment de leur ADN d’origine. Pour une partie du public, cela donne l’impression que les développeurs eux-mêmes ne savent plus sur quel pied danser : console, mobile, service, nostalgie ou modernité.
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Bien sûr on peut ajouter également le facteur politique et culturel qui ajoute divers sujet, plus ou moins sensible comme l’introduction de thématiques politiques et sociétales contemporaines dans certaines œuvres.
Si la fiction a toujours été politique d’une manière ou d’une autre, la manière dont ces thèmes sont parfois intégrés aujourd’hui est perçue par une partie du public comme maladroite, forcée ou déconnectée de l’univers concerné.
Ce phénomène a contribué à transformer certains fandoms en champs de bataille idéologiques, où l’on ne discute plus tant de gameplay, de narration ou de mise en scène, mais de positionnements moraux, culturels ou militants.
Au final, tout cela crée une cacophonie. Les développeurs semblent tiraillés entre :
-Innovation et sécurité financière
-Fans historiques et nouveau public
-Vision artistique et impératifs marketing
-Console, mobile, service en ligne
Et les fandoms, en miroir, reflètent ce malaise. Là où il y avait autrefois des communautés majoritairement unies par une passion commune, on observe aujourd’hui une multitude de sous-groupes, souvent antagonistes, chacun défendant sa vision « légitime » de la licence.
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Et maintenant, quels remèdes possibles ?
La question n’est donc peut-être pas de savoir si «c’était mieux avant», mais plutôt de comprendre comment on en est arrivé là, et surtout comment on peut en sortir.
Les années 2000 n’étaient pas parfaites. Elles avaient leurs échecs, leurs controverses, leurs licences bancales. Pourtant, malgré tout, elles semblaient reposer sur un socle commun : celui d’un plaisir partagé, d’une curiosité collective, et d’une industrie qui osait encore expérimenter sans craindre en permanence le retour sur investissement immédiat.
Aujourd’hui, le jeu vidéo est plus vaste, plus accessible et plus rentable que jamais, mais paradoxalement, il semble aussi plus fragmenté, plus tendu, plus bruyant. Entre la pression des actionnaires, les modèles économiques agressifs, les débats idéologiques et la peur de prendre des risques créatifs, l’industrie paraît parfois avancer à tâtons, sans véritable cap clair.
Alors la vraie question se pose :
-Faut-il un retour à des jeux plus contenus, plus finis, moins pensés comme des services ?
-Les éditeurs doivent-ils oser créer de nouvelles licences plutôt que d’exploiter indéfiniment les mêmes franchises ?
-Le modèle économique actuel est-il compatible avec une vision artistique forte ?
-Les communautés peuvent-elles retrouver un espace de discussion plus apaisé, ou les réseaux sociaux rendent-ils cela impossible ?
Et enfin, les joueurs ont-ils eux-mêmes un rôle à jouer dans cette évolution, par leurs attentes, leurs achats et leurs réactions ?
Je n’ai pas de réponse définitive à ces questions. Mais une chose est sûre : le malaise que beaucoup ressentent aujourd’hui n’est pas le fruit d’une simple nostalgie. Il est le symptôme d’une industrie et de communautés qui cherchent encore leur équilibre.
Et vous, selon vous, quels seraient les remèdes possibles ? Le problème vient-il avant tout des éditeurs, des développeurs, du public… ou d’un mélange de tout cela ?
Bref je pose ici mon interrogation et mes inquiétudes sur une industrie que j'aime et apprécie depuis mes plus jeunes années.
Des acteurs qui préfèrent acheter des licences et virer les talents, plutôt que d'assumer leurs propres licences. Des acteurs qui priorisent le profit mais qui ne parviennent pas à faire des jeux à budget maîtrisés (malgré les licenciements à tout va).
A mes yeux les jeux sont parti pour être de plus en plus chers et de moins en moins plaisants, de manière générale. Tant que des petits studios (comme Sandfall) pourront se faire connaître, le jeu vidéo subsistera. Mais je ne suis pas particulièrement optimiste pour la suite.
Tu compares une personne en irl et virtuel aujourd'hui, ils font double jeu
Mais ce qui est sûr avec les années passées, l'attitude des gens se dégrade.
Même chose avec le cinéma. Y’a encore du jeu, mais je pense à BB, qui pourrait incarner la puissance d’un Delon en 2025 ? Personne.
Je penche plus sur la "casualisation" du divertissement qu'est le jeu vidéo plutôt pour un des impactes ayant occasionné son "déclin".
shambala93 magneto860 ouais même son de cloche pour la musique et le cinéma malheureusement.
Tu as vu le film marche ou crève ? et bien c'est un peu ça maintenant.