Amateurs d’histoire japonaise, Kessen III s’adresse à vous. Souvenons-nous de Kessen premier du nom, qui nous proposait d’incarner les forces de Tokugawa Ieyasu, fondateur du shogunat Tokugawa après sa victoire à Sekigahara en 1600. Ensuite, le second volet changeait complètement d’atmosphère en nous plongeant au cœur des batailles chinoises, peu après l’extinction de la dynastie Han. Après ce passage en Chine, Koei revient aujourd’hui aux origines de la série, au pays des samouraïs, puisque Kessen III met en scène un personnage clé de l’histoire japonaise : le célébrissime Nobunaga Oda.
Pour apprécier
Kessen III à sa juste valeur, il est bon de s’intéresser ne serait-ce qu’un instant au contexte historique dans lequel il s’inscrit. 1467-1568 : ère Sengoku, aussi appelée « ère des provinces en guerre ». Au cours de ce siècle de barbarie, plusieurs grands personnages ont lutté pour le pouvoir ; ils étaient tous animés par une volonté d’unifier un Japon sujet à des guerres incessantes entre les différents fiefs (régions). Nobunaga Oda était l’un d’entre eux, certainement le plus connu en Occident, à cause de son caractère bien trempé et sa détermination à toute épreuve (qualités qui le mèneront loin d’ailleurs). Souvent refoulé du côté du mal, comme dans le jeu
Onimusha, Nobunaga est ici le héros. Un jeune héros vaillant, charismatique et plein de fougue.
Koei nous propose donc un point de vue différent, qui permettra d’aborder la réalité historique d’une autre façon.
Ado Aganubon
Une fois le contexte établi, voyons de quoi est constitué ce
Kessen III. Tout d’abord, il faut savoir que sa localisation est tout à fait exemplaire. Les voix japonaises originales ont été judicieusement conservées (on peut aussi les mettre en anglais), le jeu est intégralement en français, et les sous-titres sont excellents. Depuis début 2005,
Koei possède une filiale française, et ça se ressent. On peut les féliciter pour ce travail impeccable de localisation.
Kessen III est présenté comme un jeu d’action/tactique/stratégique, puisque le but est de diriger une armée composée de différentes unités, et d’anéantir les forces ennemies. Enfin, la plupart du temps, il suffira simplement de tuer le général ennemi pour remporter la bataille. Il faudra donc savoir faire la part des choses entre stratégie et attaque frontale, d’autant que la difficulté aura vite fait de se corser une fois passées les premières missions. À chaque début de mission, on nous indique le nom du commandant à battre, et la mission est gagnée lorsque celui-ci est vaincu. Cela dit, des troupes menées par d’autres leaders se mettront en travers de notre chemin au cours des missions. Les cibles principales sont indiquées sur la carte, mais il y a un certain nombre de troupes ennemies qui nous prendront par surprise. Avant chaque mission, un plan d’attaque devra être établi, et il est possible d’y paramétrer pas mal d’éléments : quelle unité attaque, quelle est sa stratégie d’attaque, comment placer les unités de soutien aux côtés des unités de commandement, quel ordre donner à chaque unité, etc. En cours de combat, il est possible de passer d’une unité à une autre à l’aide du bouton L2, ce qui permet de vivre la bataille sur plusieurs fronts en même temps. Le choix des troupes est assez large : lanciers, archers, fusiliers, ninjas, troupes montées ou non, etc. C’est en passant par le magasin que l’on pourra acheter de nouvelles troupes, mais aussi des armes, armures, casques, accessoires, et autres objets qui permettront d’augmenter les statistiques de nos commandants. À la fin des missions, d’autres commandants se joindront parfois à nous, ce qui permet d’obtenir de nouvelles troupes gratuitement. Vu la rareté de l’argent, ce n’est pas un mal. Au niveau des statistiques, cela fonctionne un peu comme dans un RPG : chaque commandant possède des statistiques de base, qui augmenteront régulièrement, au fur et à mesure de l’évolution de son niveau, et en achetant de nouveaux objets.
Une carte générale d’Owari (la province de Nobunaga) constitue l’interface qui précède les missions. Sur cette carte, on a accès au château qui permet de faire le point sur l’état des unités, de consulter les annales des batailles passées, et de s’occuper de l’équipement. Lorsqu’on achète de l’équipement, des chiffres indiquent le degré de puissance des armes ou de protection des armures ; on peut simplement regretter l’absence de possibilité de comparaison entre les différents équipements. Au début, on ne sait pas trop quoi acheter, car il est difficile de comparer en un coup d’œil l’équipement du magasin avec le nôtre. Des flèches de couleur ou des chiffres comparatifs n’auraient pas été de trop. Outre le château, on trouve aussi sur cette carte des magasins pour faire les achats, et enfin une liste des batailles qui nous attendent. Il y a plusieurs sortes de batailles : les batailles scénarisées qui font avancer l’histoire (on ne peut pas toutes les faire en une seule partie, puisque lorsqu’on en choisit une, les autres disparaissent), les batailles décisives qui clôturent le chapitre, indiquées en rouge sur la carte, et enfin les petites batailles (escarmouches), facultatives, mais très importantes pour augmenter les caractéristiques des généraux.
Plus d’action
Je parlais plus haut d’un plan d’attaque, revenons-y un instant. Il est possible de donner des ordres aux différentes troupes avant et en cours de mission. Malheureusement, ces ordres sont assez limités, et même si l’IA est correcte (attaque automatique en cas d’agression, suivi permanent de l’unité de commandement), cela nuit beaucoup à l’aspect tactique de
Kessen III. Les joueurs qui ne veulent pas se prendre la tête avec le conseil de guerre et la disposition des troupes sur la carte pourront opter pour un positionnement automatique de celles-ci. En ce qui concerne les attaques à proprement parler, elles sont de trois types : l’attaque simple avec carré, qui fait attaquer tous les soldats en même temps. L’attaque spéciale, en maintenant triangle, permet d’asséner un coup plus puissant (lorsque les troupes sont montées, les chevaux sautent en avant). Tout cela se fait comme dans un jeu d’action, c’est-à-dire que les troupes attaquent lorsque l’on appuie. Enfin, en pressant R1, on fait attaquer les unités de soutien. Il existe aussi des capacités spéciales, un peu comme des sorts, qui ont toutes sortes d’effets : altération d’états, guérison, attaque du général seul contre tous, etc. A l’aide de parchemins disséminés sur le champ de bataille et disponibles dans les boutiques, de nouvelles compétences spéciales pourront être acquises. Enfin, le bouton L1 permettra de réaligner les troupes afin d’être plus efficace dans l’attaque (cela recentre aussi la caméra). Une jauge en haut à gauche nous montre d’ailleurs si nos troupes sont bien alignées ou non. On pourra regretter une certaine tendance à mitrailler le bouton carré à case d’une certaine facilité de l’ensemble, mais les situations sont en général suffisamment variées et originales pour qu’il y ait un minimum de stratégie à établir. La topographie du terrain a aussi son rôle à jouer dans les attaques, notamment celles des archers.
Techniquement,
Kessen III surpasse son prédécesseur : que ce soit au niveau des graphismes, de la distance d’affichage, du
frame-rate, il n’y a pas grand-chose à redire. Les décors varient avec les saisons, les cartes sont assez vallonnées et malgré le nombre d’animations présentes à l’écran lors des grandes batailles, le jeu reste parfaitement fluide. Concernant les
cut-scenes, vu leur fréquence il valait mieux qu’elles soient réussies, et c’est le cas : les visages sont superbement modélisés, et la mise en scène est d’une manière générale très dynamique. Ces
cut-scenes ponctuent l’action très souvent : entre les missions, elles permettent de faire avancer l’histoire, et en cours de mission, elles interrompent régulièrement le jeu pour présenter les généraux ennemis ou l’avancée de telle ou telle troupe. Il y a fort à parier que certains joueurs les trouveront même trop nombreuses à leur goût. Dernier point, l’ambiance sonore a été particulièrement soignée. Les musiques collent bien à l’ambiance, les voix originales sont excellentes, et les sons lors des batailles tout aussi bons. Finalement, ce qui fait défaut à ce
Kessen III, c’est un certain manque de possibilités stratégiques, des objectifs de missions trop peu variés, une certaine répétitivité dans les affrontements (c’est le genre qui veut ça), et aussi quelques problèmes d’IA. Malgré tout,
Kessen III s’impose comme le meilleur de la série, et devrait ravir sans trop de problèmes les amateurs d’histoire féodale japonaise et d’action/stratégie.