Près de deux ans après son annonce qui a quasiment sauvé à elle-seule l'E3 2012, Watch Dogs est désormais disponible dans les bacs. Tuerie ou déception ? Ni l'un ni l'autre l'ami.
Si on ignore encore si
Watch Dogs deviendra une vraie licence plus ou moins annuelle, tout le monde aura des chances de se souvenir d'un premier épisode à la communication aussi osée que rocambolesque. Presque catastrophique diront certains. Du grand show de 2012 qui a mis le public à genoux à l'époque où, rappelons-le, ni la Xbox One ni la PlayStation 4 n'avaient encore été officialisées, le titre est ensuite tombé dans le mutisme pour revenir en 2013 avec une édition qui sentait soudainement très fort le downgrade, quelle que soit l'édition. Mais cela n'empêchait pas le projet d'être un pilier du lancement « Next-Gen » avant l'annonce d'un report de six mois pour éviter le tsunami
GTA V, mettant en place une véritable levée de boucliers de la part des joueurs qui n'a d'ailleurs pas eu le temps de redescendre entre leaks de qualité technique en deçà de ce qu'on pouvait attendre, un second report pour la version Wii U, annonce de multiples DLC dont une seconde campagne (ce qui la fout toujours mal pour un jeu reporté de plusieurs mois), record d'éditions différentes jusqu'à frôler le sketch et enfin affaire de l'embargo jusqu'au Day-One qui généralement ne donne pas la plus grande confiance qui soit. Heureusement, une fois le jeu entre nos mains, on est heureusement bien loin de l'hécatombe.
Déjà graphiquement, aucun rapport avec les leaks de l'angoisse. Non, en fait, eux concernaient surtout les versions PlayStation 3 et Xbox 360 qui font un peu de la peine, et pas forcément face aux nouvelles consoles puisque le jeu arrive même à ne pas tenir la comparaison devant
Grand Theft Auto V en terme de détails et de rendu (et même du IV sur certains points), ajoutant un clipping très prononcé et un frame-rate peu reluisant, ce dernier cas restant peut-être le principal point commun avec la série de Rockstar. Sur PlayStation 4 et Xbox One, c'est déjà bien mieux sans pour autant nous renverser comme un
Infamous : Second Son sur le plan purement graphique. Avec son 900/792p selon la console (inutile de prononcer les concernées) et son 30FPS qui a au moins le mérite ici d'être constant,
Watch Dogs fait dans l'efficace avec certains plans qui valent le coup d'oeil, surtout avec un beau coucher de soleil ou de nuit (la pluie faisant toujours aussi bien les choses) et des animations très travaillées. On en attendait évidemment beaucoup plus et on se dira surtout que Ubisoft a eu les yeux plus gros que le ventre, pas aidé par un développement assez calamiteux, laissant tout de même quelques espoirs pour une éventuelle et surtout probable suite.
Pour l'heure, attardons nous sur ce premier épisode qui s'est toujours proclamé être une nouvelle licence selon les dires d'Ubisoft même si dans les faits, ça sent quand même très fort le
Assassin's Creed, la grimpette en moins (on devient fainéant les siècles avançant). D'ailleurs, pour être plus précis,
Watch Dogs se contente avant tout de réutiliser la « formule Ubisoft » mise en place depuis le premier épisode de la saga des assassins/templiers, jusqu'à être reprise dans
Far Cry, avec un monde ouvert, des missions principales, des points centraux mais pas toujours obligatoires qu'il faudra « débloquer » pour permettre d'accéder à toutes les possibilités d'une zone, dont un tas de choses annexes. C'est du classique et on n'est de base aucunement dépaysé si ce n'est pas l'arrivée du hacking, au cœur de ce nouveau projet. Ironie de la situation, l'éditeur le plus touché par les leaks a donc souhaité mettre en avant un univers où toutes données est susceptibles de fuiter grâce aux bons soins de quelques initiés dont vous faîtes évidemment partie.
C'est d'ailleurs le point de départ du scénario avec notre hackeur, aidé par sa petite bande, qui au détour d'un braquage nouvelle génération va faire face à l'inattendu : se faire hacker lui-même par un groupe qui ne souhaite pas voir une bande de bras cassés faire les malins sur des territoires aux enjeux beaucoup plus importants. Résultat, ce qui devait être un simple petit coup de pression pour vous prévenir va tourner au drame et la mort de votre nièce. Vengeance ! Du classique de base et c'est de toute manière ce qui ressortira de l'ensemble de l'histoire, parvenant à mettre quelques bons personnages en avant sans atteindre l'excellence d'un Rockstar, particulièrement pour notre personnage principal assez froid et très générique dans son comportement comme son apparence, le genre qu'on serait capable de ne même pas reconnaître s'il revenait en guest dans une suite. On sent qu'après
Assassin's Creed, il est tout de suite plus difficile d'établir un univers vraiment béton sans avoir une base historique sur laquelle se reposer et si le titre offre son lot de rebondissements, certains clairement téléphonés, il est dommage de ne pas avoir réussi à poser un background suffisamment tentaculaire pour nous happer dans un monde qui semble avoir des allures de simple one-shot (même s'il en sera autrement on s'en doute).
Donc le point central reste le hacking qui permet d'ailleurs d'apporter du neuf et de se démarquer suffisamment d'un
Grand Theft Auto. Votre smartphone peut tout faire ou presque à commencer par pouvoir « scanner » n'importe quel habitant de la ville, l'occasion de placer quelques jokes pour les développeurs sachant que la principale utilité sera, selon les PNJ, de transférer un peu de leur pognon sur votre compte et d'activer ce qu'on appelle les quêtes fedex : intercepter appels ou SMS permettant d'ouvrir des liens vers des paquets cachés (objets, argent) ou un crime en cours. L'utilité de votre appareil sera d'ailleurs des plus essentiels lors des courses-poursuites, que vous soyez le chasseur ou la proie. En effet, l'équipe ayant eu l'idée totalement tordue de ne pas offrir la possibilité de tirer en conduisant (bienvenue au début des années 2000), il sera impératif de jouer de l'environnement pour arriver à vos fins. Toutes les fonctionnalités ne sont pas acquises de base (xp et gain de compétences sont là pour ça) mais en vrac, on pourra modifier les feux rouges pour créer un carambolage, faire sauter des trucs explosifs, remonter des plots de sécurité, fermer des barrières, lancer un blackout (idéal quand on veut être discret), brouiller les communications des flics...
Malgré les possibilités accrues, la prise en main est des plus faciles et chaque chose avec laquelle interagir se fait par l'intermédiaire d'un seul et unique bouton, nos propres objets (type brouilleurs) en utilisant un autre. Dommage que le menu des armes/objets (toujours sous forme de roulette) soit aussi mal foutu, demandant une dextérité façon poulpe en rut pour pouvoir sélectionner certains objets désirés tout en maintenant sa conduire. Et toujours dans le domaine du hack, idéal en missions principales comme secondaires, on pourra utiliser les caméras environnantes (ultra nombreuses) pour se « déplacer virtuellement ». De quoi ouvrir un nouveau type de puzzle où, exemple basique : une grille est fermée devant vous, l'interrupteur est sur un toit inaccessible, et vous devez donc passer d'une caméra à l'autre pour pouvoir zieuter les hauteurs et pirater le terminal dédié. Parfois, ce genre d'action ouvre une phase mini-jeu chère à Ubisoft, classique mais sympathique même s'il faudra prendre en compte que l'action sur le terrain (et donc les déplacements ennemis) continue pendant que vous avez le nez ailleurs.
Et comme on l'a dit plus haut, le titre reprend une formule propre à
Assassin's Creed au niveau des quêtes annexes, faisant qu'il n'est pas déplaisant de se promener un peu pour fouiner, notamment dans le but de gagner de l'expérience, avec à la clé armes, véhicules et capacités. La ville n'est pas forcément un modèle de fun absolu à parcourir, Chicago oblige, mais on ne s'ennuiera pas non plus, la variété et la taille du terrain étant au programme avec toujours une fonction de raccourcis rapides pour les moins patients. La plupart des sessions seront consacrées au hacking avec les exemples décrits plus haut et quelques reprises de la saga précitée (en plus travaillée) comme des codes QR qu'il faut regarder sous un certain angle avec la bonne caméra pour débloquer quelques messages cachées. Signalons également la présence de mini-jeux assez inattendus pour le genre (mais malheureusement pas assez profonds) et qui pour le coup vont bien plus loin qu'un GTA avec carrément une session à bord d'une araignée-mécha pour laisser libre court à nos pulsions en terrorisant la ville. Un bon point.
Et pour les missions principales, c'est un peu la même chose, mais en plus poussée avec généralement une mise en avant de l'infiltration mais qui ne marche pas toujours, l'IA étant comme souvent dans ce type de jeu pas très folichonne et on nous laisse au moins le choix des armes avec la possibilité d'y aller en tactique en usant des caméras pour éponger les rangs adverses de loin (déclencher des explosifs notamment), sachant que l'envie d'y aller à la bourrin ne posera pas le moindre problème vu l'arsenal mis à notre disposition. Du moins tant qu'on reste au maximum à couvert, quelques balles étant suffisantes pour nous mettre à genoux (la santé remonte très rapidement de toute façon). Le dernier point à évoquer restera le online plutôt bien foutu puisque directement intégré au solo sans être vraiment intrusif avec la possibilité d'accepter plusieurs modes de jeu jouables jusqu'à huit, dont des courses de voitures ou du versus à objectif, avec en passant la petite touche
Dark Souls pour envahir le monde d'un joueur en le hackant sans être repéré par la victime, ou inversement. Pas une révolution mais de quoi encore pousser un peu plus un contenu qui pour le coup s'avère des plus satisfaisants.
Les plus | Les moins |
+ Le hacking intéressant
+ Très bonne durée de vie
+ Les capacités à débloquer
+ Le choix dans l'approche
+ Chicago très bien retranscrit
+ Les features multi
+ Reste sympa graphiquement | - Scénario peu travaillé
- Le héros transparent
- Ne pas pouvoir tirer en conduisant : cette blague !
- Mieux vaut éviter de revoir le trailer de l'E3 2012
- Le syndrome du premier épisode |
Conclusion : Oui, le syndrome du premier épisode est un peu la manière de résumer l'expérience offerte par Watch Dogs. Sur de nombreux points, le titre est incapable de lutter contre le travail d'un certain Rockstar, que ce soit sur l'aspect technique (relatif à la puissance des machines), sur le moteur physique, sur le scénario, les personnages ou encore le multi. Mais les idées sont là et permettent au titre de ne pas s'imposer comme une simple copie, rien que par le hacking qui offre une nouvelle manière d'exploiter les situations, à pied comme en conduisant. Un coup d'essai au final très efficace pour nourrir sa nouvelle machine, à défaut d'être la claque du siècle auquel on s'attendait il y a deux ans.