DISCLAIMER : ATTENTION CETTE ANALYSE CONTIENT DES SPOILS MAJEURS SUR L’HISTOIRE ET MINEURS SUR CERTAINS TABLEAUX DU JEU DONC SI VOUS VOULEZ VOUS GARDEZ LA SURPRISE PASSEZ VOTRE CHEMIN
Qu’est-ce que Celeste ?
L’histoire de Madeline, une jeune femme de 21 ans (au premier abord on pourrait penser à tort que c’est une gamine) quittant sa douce chaumière ainsi que sa famille pour gravir le Mont Celeste. Une montagne escarpée se targuant, en plus de présenter milles périls, d’avoir des pouvoirs mystiques. Cette entreprise répondant, à priori, au besoin pour elle de se prouver à elle-même qu’elle est capable de relever un défi en apparence insurmontable.
Mais sinon… en vrai, qu’est-ce que Celeste ?
Une fois le synopsis bazardé, on comprend que Celeste va plus loin que la quête intimiste d’une alpiniste en herbe, en recherche de sensations fortes.
Celeste c’est tantôt du citron aspergé sur des plaies béantes dont la résonnance est foncièrement universelle. Tantôt de la confiture de fraises étalée généreusement sur une quête autrement plus sérieuse et touchante que ce que laisse paraitre sa direction artistique générale.
Qu’est-ce que Celeste, si ce n’est un hommage aux résilients ainsi qu’aux blessés de ce navire que l’on nomme la vie ?
Sans doute tout a déjà été dit sur cet indé sortie il y a maintenant plus de 3 ans (janvier 2018 quand même) mais cela me démangeait la plume d’en toucher un mot au ressort de mon expérience au départ fort douloureuse pour un noob du genre plateformer. Au point de l’avoir lâché au 3ème stage pendant près de 2 ans. Pour finalement lui accorder le temps qu’il mérite pour qu’il me prouve son étrange capacité à stimuler, gratifier voire apaiser en plusieurs endroits.
Ce qui peut paraitre paradoxale lorsque l’on décrypte un conte, finalement assez cryptique, sur ses sujets pouvant faire fuir les âmes sensibles, tel que la névrose (voire la psychose si l’on considère l’alter égo de Madeline comme l’expression d’un trouble dissociatif de l’identité), la dépression emmenant avec elle des plaies à tiroirs que nombre se trainent malgré eux mais souvent inaudibles aux autres.
Celeste ne fait définitivement pas le récit de Madeline, ni de Théo « Instapixer » (Instagrameur donc) en quête de sens et vivant le blues du salariat ou Mr Oshiro un gérant d’hôtel incapable de faire le deuil d’une ère révolue mais bien de ces autres. D’eux. De nous, cette élite non revendicative de notre statut exceptionnelle, singulier, souvent embarrassant car mal compris. Des individus comme vous et moi ayant souffert à un moment donné de notre parcours de vie sans avoir de recours pour remonter la « pente », raide, savonneuse dans ses prises. Souhaitant intimement être vu ou reconnu dans nos efforts pour y arriver.
En recherche de sens et souhaitant « level up » afin de sortir de son vallon de solitude et remonter sur la montagne avec les autres alpinistes qui semblent voir dans leur ascension une issue qui nous échappe. Qui nous parait idiote mais nous fait secrètement espérer y voir le pic (la fin ?) et le paysage au-delà de la façade froide et escarpée. Le jeu prend d’ailleurs un malin plaisir à illustrer de manière habile ce « poids » que représente le passé enfoui de Madeline à travers le gros sac qu’elle se trimballe depuis le début de sa quête et qu’elle finira par confier lors de la descente finale à son double maléfique qui a finalement pour seule mission de la protéger et la délester de ses doutes, craintes et trauma. Ennemi au départ, Madeline cherchera à la combattre en vain sans comprendre sa vraie nature, puis à tenter de l’abandonner avant de finalement la confronter - « De quoi as-tu peur ? Moi aussi j’ai peur. Tu es mon double donc tu es moi. Tu me fais du mal mais finalement de quoi toi tu as peur ? » - pour mieux se réconcilier et faire alliance avec elle pour se surprendre à réussir l’inenvisageable. « Gravir la montagne ».
Donc en soit Celeste pour moi c’est…
Si l’on m’imposait de décerner un seul et unique prix à Celeste (il en mérite pléthore à commencer par sa bande-son), ce serait celui de l’allégorie filée la plus esthétique et la plus subtile qu’il m’ait été donné de voir dans un jeu (Night in the Wood, Inside, Limbo, Little Nightmare ou encore SpiritFarer étant pas mal aussi dans leur genre). Que ce soit le processus thérapeutique qu’est le dépassement de soi représenté par l’ascension frénétique de Madeline, ces tableaux dépeignant des paysages urbains en fond de plateformes mouvantes incrustées de feux tricolore nous permettant ou non de franchir un océan de pics meurtriers, un temple tapissé de miroir où il faudrait fermer les yeux tout du long ne pas voir ce qu’ils reflètent de nous, nos facettes les plus distordues, les plus laides. Que dire de cette dernière ligne droite où la tension à son comble laisse voir une volonté sincère de rebondir après avoir passé tant de temps « sous l’eau et avoir du mal à remonter » comme le dit avec justesse Madeline.
Celeste surprends et maitrise un sous-genre de la plateforme dont je n’ai pas souvenir avoir souvent joué, les plateformer à puzzle. En tête, j’aurai Ori and the Blind Forest, Wario Land 4, Little Nightmare, Portal (que j’avais effleuré à l’époque). Ce qui est fort dans cette formule c’est que le duo du studio Matt Make Games a crée une osmose entre la thématique et le gameplay sans faire perdre le fil aux joueurs dans des tribulations indigestes ou des mini jeux hors de propos. Ici on parle de mal-être, de complexes, d’auto-flagellation, de perte d’estime de soi ainsi que d’autres facéties bien joyeuses qui sans jamais se déclarer ouvertement comme tels permettent une double lecture à une histoire profondément humaine.
Relançant ma partie sur une Face B (version alternative d’un stage mais avec un curseur de difficulté : sauce Harissa), il m’aura fallu persévérer à la manière de Madeline pour traverser des tableaux retors, punitifs mais jamais injustes. Exaltant par son challenge bien dosé, mélancolique par une direction artistique bien inspirée et des personnages les uns plus que les autres attachants et vibrants de maladresses mais surtout de bonnes intentions. On peut dire que Celeste ne m’aura pas laissé indifférent dans sa forme et dans son fond tant il se noie sous de nombreux atouts tel que ses phases de gameplay se renouvellant malgré son genre d’appartenance, des combats de boss intelligents et haletants, une DA colorée profitant de nombreux effets de lumières, météorologiques participant à l’ambiance générale et parfois du level design.
kisukesan J'avais vu sur les réseaux des artwork sur Céleste avec une évocation à la cause LGBT et lu furtivement que Madeline était trans mais je pensais que c'était une interprétation à posteriori de certains fans.
Je n'en ai pas parlé car tu viens de me l'apprendre
killia la réalisatrice en parle aussi je ne l'ai appris que récemment moi aussi mais dans c'est cas là, je pense toujours être le seul à ne pas le savoir !
killia et voici le lien vers ce qu'elle en dit, ça peut être cool de l'ajouter en fin d'article [URL]https://maddythorson.medium.com/is-madeline-canonically-trans-4277ece02e40[/url]
kisukesan merci pour le partage, j'ai lu en entier l'interview qui est intéressante.
Effectivement, c'était pas explicite dans le jeu et elle le dit elle même que c'est ajout en post production quand elle a compris qu'elle était trans.
Elle dit d'ailleurs des choses qui rejoignent mon propos central : c'est un jeu qui permet à tout le monde de s'identifier à Madeline que l'on soit cis ou trans, enfant ou adulte, d'une ethnie ou d'une autre.
Et c'est ce qui fait la force du jeu finalement, le fait qu'ils ne l'aient pas rendu intimiste (ce qui se révèle parfois tout aussi intéressant) mais universel dans son propos : comment gérer ses complexes, blessures et l'incompréhension de son entourage.
S'ils avaient cloisonné cela à une simple question de transidentité, je ne sais pas si cela aurait eu la même résonnance.
Cependant, étant donné que cela fait parti du lore, je vais quand même rajouter le lien en fin d'article comme tu le propose
kisukesan ah j'oubliais, vu que tu parlais du dlc (que je n'ai pas encore fait), elle dit d'ailleurs avoir hésité à intégrer cette révélation pour garder "l'intimité" de Madeline intact mais qu'elle constitue quand même hors jeu une représentante de la communauté Trans.
killia c'était pour savoir si tu avais réussi à venir à bout de ce dlc, il est bien hardcore !
Pour ce que tu réponds, tu as raison, j'ai refait le jeu cet été pour le DLC avec cette lecture sur la transidentite mais il n'est pas nécessaire d'avoir cette grille pour l'apprécier pleinement.
Je suis totalement à contre courant sur ce jeu. Je n'ai jamais réussi à le finir, pas à cause de la difficulté mais parce que je me faisais royalement ch... tout simplement. Rien ne me donnait envie de continuer, l'histoire n'est qu'un prétexte totalement vide avec des personnages oubliés dans la seconde après la fin de leur "dialogue". Le gameplay est relativement sympa mais c'est tout. J'avoue que je suis totalement dépassé par les avis extrêmement positifs de la quasi intégralité des joueurs (je pense qu'il y a un effet de mode aussi). Clairement je dois passer à côté de quelque chose
lusso Je te rejoins complètement. Céleste fait partie de ces jeux qui ne me donnaient pas du tout envie à la base mais je me suis laissé tenter par les avis positifs unanimes. J'ai apprécié pendant une heure et c'est tout, j'ai vite déchanté. Et, comme toi, je n'ai même pas voulu aller au bout. Les mécaniques m'ont rapidement ennuyé et, avec le recul, je n'ai même plus aucun souvenir de ce jeu.
Voilà un jeu où j'ai vraiment du mal à comprendre tout cet engouement derrière
Perso, les fraises manquantes + les Face B plus les coeurs de cristal (nécessaire pour accéder au chapitre 8 bonus) c'était trop pour mon coeur
killia c'est étonnant que tu ne mentionnes pas que Céleste est aussi le récit de la transition de Maddy Thorson la réalisatrice ?
C'est ma piste préféré car c'est celle qui m'a fait découvrir le jeu, je ne pouvais ne pas la mettre.
Je n'en ai pas parlé car tu viens de me l'apprendre
Ça donne vraiment envie rien que pour les musiques que tu as posté
Effectivement, c'était pas explicite dans le jeu et elle le dit elle même que c'est ajout en post production quand elle a compris qu'elle était trans.
Elle dit d'ailleurs des choses qui rejoignent mon propos central : c'est un jeu qui permet à tout le monde de s'identifier à Madeline que l'on soit cis ou trans, enfant ou adulte, d'une ethnie ou d'une autre.
Et c'est ce qui fait la force du jeu finalement, le fait qu'ils ne l'aient pas rendu intimiste (ce qui se révèle parfois tout aussi intéressant) mais universel dans son propos : comment gérer ses complexes, blessures et l'incompréhension de son entourage.
S'ils avaient cloisonné cela à une simple question de transidentité, je ne sais pas si cela aurait eu la même résonnance.
Cependant, étant donné que cela fait parti du lore, je vais quand même rajouter le lien en fin d'article comme tu le propose
kisukesan ah j'oubliais, vu que tu parlais du dlc (que je n'ai pas encore fait), elle dit d'ailleurs avoir hésité à intégrer cette révélation pour garder "l'intimité" de Madeline intact mais qu'elle constitue quand même hors jeu une représentante de la communauté Trans.
Pour ce que tu réponds, tu as raison, j'ai refait le jeu cet été pour le DLC avec cette lecture sur la transidentite mais il n'est pas nécessaire d'avoir cette grille pour l'apprécier pleinement.
Bravo pour cet article !
Et merci
Voilà un jeu où j'ai vraiment du mal à comprendre tout cet engouement derrière