Retour dans le passé une nouvelle fois et cette fois-ci, c'est Inafune qui passe au grill de
4Gamer. La traduction vers l'anglais est due à Cheesemeister sur le
forum de Gaf. L'entretien date du 18 Octobre 2010 et vous trouverez la première partie de cet entretien
ici.
Le monsieur en question
Travailler avec des occidentaux, discuter abondamment et bien communiquer
On peut admettre le recours aux développeurs externes, mais pourquoi occidentaux ? Il doit y avoir une raison outre les coûts.
A cause de leur supériorité.
Techniquement?
Oui. Ils sont aussi bien plus passionnés. C'est une des grosses raisons. Comme dit précédemment en ce qui concernait les introductions en bourse, les développeurs occidentaux sont bien plus fractionnés qu'au Japon : le tiers inférieur est, ça me peine de le dire, esclave. Dans un environnement dans lequel il n'est pas inhabituel d'être licencié, vous devez bien faire votre travail et faire un effort pour être remarqué. Ils ont fait des progrès, et ça continue.
Contrairement au système d'emploi à vie japonais profondément ancré [dans les mentalités], vous êtes directement responsable de votre propre succès ou échec. La motivation est donc différente.
Exactement. Leur niveau de volonté est totalement différent. En face, les développeurs japonais, de haut en bas de l'échelle, ont un sentiment homogène. Bien sûr, ce ne sont pas vraiment des esclaves, mais par contre, le fait d'avoir créé un succès ne signifie pas que vous en retirerez quelque chose.
J'ai entendu dire qu'il y avait des « carottes » de plusieurs millions de Yens mais que c'était dépendant de la bonne volonté de l'entreprise et que vous ne pouviez obtenir plus. Que ce soit bon ou mauvais est un autre sujet mais c'est l'un des avantages d'un système d'emploi ''courtois''.
Oui. Les primes se montent à des centaines de milliers de Yens. Même les directeurs n'en ont pas des supérieures à 2 millions et des poussières. Bien sûr c'est mieux que rien mais dans un système où vous cherchez à faire rentrer 100 millions de Yens d'un coup, cette différence semble plutôt stupide.
Ce n'est donc pas qu'un problème d'argent mais aussi [un problème] de sentiment de progression totalement différent.
Exact. Même les personnes aux échelons les plus bas travaillent aussi dur qu'ils le peuvent pour progresser. Chez les développeurs occidentaux, tous ceux à la direction obtiennent leur propre bureau, un avantage envié. Chacun se dit
« je veux aussi mon propre bureau ». Ce genre d'attitude d'affamé mène à progresser dans de bonnes directions, et c'est pour ça que j'aime les développeurs occidentaux.
Quels sont donc les inconvénients à l'utilisation de développeurs occidentaux alors ?
Tout d'abord vous ne pouvez les laisser seuls. Même avec des compétences techniques, ils manquent souvent d'idées et de concepts pertinents pour les utiliser. C'est exactement pour cette raison que je suis un bon parti pour eux (rires). Ils n'ont pas à faire parti du haut du panier. Je veux juste travailler avec une équipe qui a un bon potentiel et une attitude de travail positive.
Pour aller plus loin, qu'en est il de la gestion du calendrier et du contrôle qualité ? De ce que j'en ai entendu globalement jusqu'à maintenant, ces deux sujets sont habituellement la principale cause d'échec des projets avec des développeurs occidentaux.
Un peu comme si vous ordonniez à un studio « ça doit être ce genre de jeu. Nous comptons sur vous ! » et que vous regardiez le prototype sans que ce soit vraiment ce que vous vouliez. Etant donné l'échéance déjà repoussée et le budget déjà dépassé, vous ne voulez pas que ça n'ait servi à rien et vous continuez donc.
Vous savez vraiment comment ça se passe. Mais ce n'est pas limité à l'étranger, ça s'applique aussi ici et même aux départements internes des éditeurs (rires).
Il n'y a qu'une seule manière d'éviter ça : de toujours discuter de ce qui est amusant dans le jeu. Vous pourriez penser qu'une partie est amusante tandis qu'un autre en trouve une autre amusante. Ca arrive fréquemment et ça peut se terminer en désastre pour le produit final. Vous devez en discuter jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé, quoi qu'il en coûte. Après ça une bonne communication est nécessaire pour gérer tout ça.
Pour dire les choses simplement, c'est la partie la plus difficile de la réussite.
C'est très difficile mais c'est exactement pour cette raison que la communication est une bonne chose. Même si quelqu'un peut faire un boulot, vous avez toujours besoin de le suivre.
Si vous donnez tout le budget et le temps souhaité à des développeurs internes japonais pour un jeu, n'importe quel type de développeurs peuvent faire un boulot raisonnable. C'est évident. Le problème c'est qu'on ne bosse pas comme ça.
Pourquoi est il nécessaire d'avoir ce type d'environnement quant on vise le marché mondial ?
Parce que c'est ce que le marché demande. La part du Japon [en ce qui concerne les jeux au niveau mondial] n'est que de 10%. Ce nombre veut tout dire. Aussi longtemps que vous faites des jeux à gros budget, que vous ne pouvez terminer du jour au lendemain, la seule façon d'engranger des bénéfices est de vendre à l'étranger.
Cependant aucun jeux japonais autres que ceux de Nintendo arrivent à se placer dans le top 50 des meilleurs ventes. Je veux donc faire reconnaître les jeux japonais à l'échelon mondial : c'est ma mission.
Les gens ont eu tendance à interpréter [vos récentes actions] comme un abandon de votre part du Japon afin de favoriser la création de titres destinés au marché mondial.
Ce n'est pas vrai (rires). Tant que je serais japonais, les jeux que je ferais seront tous des jeux japonais. Quant ils se vendent donc mondialement, ça contribue à sauver l'industrie japonaise vidéoludique. Ce n'est pas une question de vendre des jeux au Japon pour le Japon ou en Amérique pour l'Amérique. Dead Rising est un jeu japonais réalisé au Canada. Ce n'est pas un jeu occidental.
Maintenant que vous le mentionnez, l'iPhone que tout le monde adore est fabriqué en Chine en fait.
Je me demande pourquoi les gens ne peuvent comprendre celà pour les jeux.
Onimusha:Warlords
L'indépendance : faire toutes sortes de projets créatifs non limités aux jeux, et tout de suite
Travailler avec des studios de développement occidentaux est quelque chose que vous êtes le seul à avoir fait chez Capcom.
Exact.
Vous serez donc libre d'appliquer cette méthode ''Inafune'' après être devenu indépendant et d'en faire votre contribution à l'industrie vidéoludique ?
Oui. Nous avons parlé de nombreuses choses qui se sont passées avant que je ne me décide à partir mais si je pouvais y ajouter une chose, c'est que pendant un moment je me suis demandé en vain pour quelles raisons exactes le Capcom actuel faisait des jeux.
Ce n'est pas quelque chose qu'ils veulent réellement?
Et bien... J'ai une impression différente quand c'est exprimé si simplement mais c'est peut-être la même chose. Les gestionnaires vérifiaient toujours que les résultats d'une période étaient conformes à ceux de la prochaine période. Ce n'était pas un problème de vouloir personnellement réaliser tel ou tel jeu mais de ne pas être en mesure de remplir les objectifs si vous ne le terminiez pas : vous ne pourriez pas revenir à l'équilibre.
Mais c'est un problème qui vous suivra même après être devenu indépendant.
C'est absolument exact mais les choses que je peux faire seront démultipliées. Même ça c'est un plus pour moi.
Pour l'exprimer franchement, ne pas avoir à supporter le fardeau salarial de 1000 personnes est un bénéfice phénoménal. Encore une fois, si Capcom investit 90% de son activité dans la fabrication et vente de jeux, vous ne pouviez nier que le responsable du développement subit une pression incroyable. J'étais toujours dirigé par les résultats, en devant prendre les mesures adéquates quelles qu'elles soient si ils n'étaient pas suffisants... Je ne cessais de réfléchir à comment remplir les objectifs... J'étais empêché de pouvoir faire ce que je voulais.
Ce ne sera plus le cas. En pensant à ceci, mes rêves peuvent vraiment s'étendre. Tant que j'étais chez Capcom, je ne pouvais rien faire d'autre que des jeux mais je ne serais plus lié à ça maintenant.
Dites nous donc s'il vous plaît ce que vous prévoyez de faire.
Il y a tant de choses que je veux faire. Je ne serais pas tenu par un seul titre étant donné que je ne crois pas que vous devez vous appuyer sur une licence pour survivre. Je veux faire des jeux bien sûr, mais aussi des films et des romans.
Vous voulez donc vous attaquer à toutes sortes de tentatives créatives ?
Oui je veux être créatif. Je pense qu'il est bon de ne pas être uniquement limité par les jeux.
Prévoyez vous ceci après avoir pris un peu de temps pour recharger les batteries ?
Non, je veux commencer dès maintenant. Je meurs si je m'arrête.
Comme les thons c'est ça ?
Oui (rires). Je veux commencer dès que possible. Bien sûr je veux faire des jeux.
Ce serait génial que vous pouviez vous faire la main dans les médias sociaux.
Oui c'est vraiment un des trucs qui se développent rapidement.
Est-ce que Capcom est impliqué là-dedans ? Ou pas du tout ?
Capcom bien sûr comprend les jeux sociaux et mobiles mais je ne pense pas qu'ils les comprennent vraiment.
Comprendre mais pas vraiment les comprendre.
Pour clarifier, utilisons le tabagisme comme analogie.
Il n'y a personne qui ignore que le tabagisme est mauvais pour lui. Absolument toutes les personnes qui fument le savent. Mais ça ne signifie pas qu'ils comprennent ce fait. Que les fumeurs continuent à fumer alors qu'ils savent que c'est mauvais pour eux signifie qu'ils ne comprennent pas vraiment. Les gens qui comprennent n'agissent pas si hypocritement.
En ce qui concerne les jeux sociaux c'est la même. Ils disent juste des trucs comme
« Les jeux sociaux deviennent nécessaires », « les jeux réseau sont importants » et
« les progrès occidentaux sont importants ». Ils peuvent avoir la connaissance mais ils ne comprennent pas vraiment ce que ça signifie.
Ce n'est certainement pas limité à Capcom.
C'est plus que probable. Si ils comprenaient, pourquoi ne se focalisent ils pas plus sur le développement occidental, pourquoi ne prennent ils pas les jeux sociaux plus au sérieux et ainsi de suite. Chaque fois que je posais la question, j'avais des réponses comme
« parce qu'on est occupé sur d'autres choses » et
« c'est sur nos listes de choses à faire ».
C'est la même avec le tabagisme. Les fumeurs disent qu'ils ne veulent pas arrêter alors qu'en fait c'est à cause de leur propre faiblesse qu'ils n'en sont pas capables. La faiblesse de ne pouvoir être en mesure de le faire, ou de ne pas comprendre, a de grosses répercussions corporelles.
Allez vous appliquer cette manière de penser à tout ce que vous faites ?
Comme?
Les films et autres.
Ah d'accord. J'ai toujours voulu faire des films, en demandant à chaque personne à qui je parle :
« Et un film ? ». On me disait [i]« J'aimerais aussi mais je suis occupé ».
J'étais aussi occupé mais je l'ai fais. Ce qui est différent c'est peu-être que que je suis plus inquiet de la critique. Vous devez être capable d'accepter une certaine quantité de critique mais vous ne pouvez trop vous en préoccuper. La raison pour laquelle tout le monde continue sans cesse de faire les mêmes jeux est que si ils sont identiques, ils ne seront pas critiqués. Si j'avais seulement fait Megaman je n'aurais probablement pas autant été critiqué.
Si c'est un jeu tout neuf, n'y a t'il pas toujours le souci qu'il puisse échouer ou être mal reçu ? Pas seulement pour les jeux, les nouveaux genres de films font face au même problème aussi.
Ils sont trop intimidants à réaliser ?
Exact. Ils sont trop intimidants. Bien sûr vous ne pouvez être imprudent ou trop en faire mais vous ne pouvez être trop apeurés non plus. Même avec l'industrie japonaise du jeu, chacun sait ce qui va mal mais personne ne l'admet : c'est effrayant. Lorsque je parle avec des personnes de l'industrie ils disent tous des choses comme
« Oui vous avez raison Inafune-san » et
« c'est vraiment une honte que le TGS meurt »... Je suis juste le seul à le dire en public.
Mais si tout le monde le comprend, ils n'ont pas besoin que quelqu'un sorte du bois et le dise.
Si ce n'est pas dit, les gens en auront-ils conscience ?
Prnez un de vos amis qui ne cesse de dire des choses désagréables. Vous devriez leur dire :
« eh, t'as pas l'impression d'abuser » ou
« ta façon de parler sort vraiment du lot » ou
« tu devrais faire attention à ce que tu dis lorsque tu rencontres des gens pour la première fois ».
« Quoi ? Vraiment ? Je suis vraiment comme ça ? », « oui tu l'es vraiment ». C'est donc un problème [de savoir] si il vaut mieux leur dire ou l'éviter parce qu'ils ne l'apprécieront pas et que ce sera juste une façon de les importuner.
Vous pensez donc que vous devriez leur dire.
Je ne suis pas quelqu'un qui peut rester silencieux sur ce sujet. Si c'est mauvais c'est mauvais. De nombreuses personnes ne s'en sont pas rendu compte mais je fait aussi partie de ces gens.
« L'industrie japonaise ne vaut rien » et
« les jeux japonais ne sont pas bons ». Je veux donc améliorer les choses et obtenir gain de cause sur ce sujet. Je n'essaye pas de dire quoi que ce soit de présomptueux du style je suis le meilleur et les autres sonnt mauvais. J'essaye au mois du mieux que je peux mais il reste du chemin à parcourir. C'est exactement pour cette raison que j'ai besoin d'étudier.
Le thème que vous abordez est quelque chose dont vous avez longuement parlé depuis un bon bout de temps.
Oui c'est le cas. En tout cas, comme chacun le sait, nous ne pouvons nous passer d'apprendre des développeurs occidentaux et d'essayer de les singer. C'est important de combiner les bons points des jeux japonais et les choses apprises de l'étranger pour créer des jeux de type japonais qui peuvent être soutenus sur les marchés occidentaux. Actuellement cependant, le seul capable de le faire avec des jeux typés japonais est Nintendo.
Ca prend du temps de satisfaire ces marchés. Est-ce que c'est comme ça avec tout ?
Oui. Si vous disiez que les rouleaux de
nattô sont super goûtus et aviez ouvert un bar à sushi en Californie qui ne servait que des rouleaux de
nattô, il n'y aurait pas de clients.Vous devriez cuisiner des rouleaux de
nattô adaptés aux goûts américains.
Ce n'est pas que les rouleaux ne puissent pas avoir de succès, mais si vous appreniez d'un chef étranger qu'il est plus facile de manger les rouleaux en ajoutant de l'encornet, vous seriez dans l'obligation de procéder à un changement de la recette considéré par les japonais comme la vraie recette. Ce n'est pas que les rouleaux de
nattô soient mauvais à strictement parler.
Donc, pour un de mes jeux comme Dead Rising, c'est très japonais comme jeu. Cette part est intentionnelle. Les canadiens qui l'ont développé ont aussi dit que ce serait mieux ainsi. Ce n'est pas comme si ils avaient dit
« faisons un jeu pas créé par des japonais ! ».
Afin de viser cet objectif donc il semblerait que vous deviez devenir un développeur totalement indépendant.
Oui. En étant complètement indépendant je souhaite étendre ma créativité. Si j'accepte du travail d'un éditeur il y aura des restrictions et beaucoup de choses ne seraient plus possibles. Je veux éviter ça si possible. Les éditeurs ont des points forts ou faibles et des choses sur lesquelles ils sont [plus ou moins] bons ou mauvais. Je veux appliquer mon propre jugement et poursuivre dans une telle position.
Etre complètement indépendant est difficile dans l'industrie vidéoludique japonaise actuelle, [en étant] réaliste.
Oui ça l'est. C'est pour ça que je veux créer un environnement de possibilités et appliquer mes efforts sur ce point. Comme je l'ai déjà dis plusieurs fois, je veux aussi faire d'autres choses que des jeux.
Que les personnes de l'industrie vidéoludique ne devraient faire que des jeux n'est rien d'autre qu'un genre de ''bons sens''. Ce ''bon sens'' peut simplement n'être qu'une reconnaissance implicite mais je ne veux pas être retenu par ça. Il y a beaucoup de ''bons sens'' comme ça.
Donc pour les studios de développement, on leur dit probablement des choses comme « Voilà 3 milliards de Yens (37,5 millions de dollars), faites donc 2 titres avec. Ne faites rien d'autre. »
Oui. Le dire comme ça peut être égoïste, mais dire non à ceci peut aussi être égoïste (rires). Je pense juste que c'est important d'avoir un environnement dans lequel vous pouvez parler en tant qu'égaux.
Je me demande sur quelles types de bases repose cette règle. Est-ce que c'est parce que celui qui paye est tout puissant et au sommet ?
Il y a aussi le désir d'obtenir le contrôle total.
Prendre le contrôle total ressemble à tourner la vis. Ce n'est probablement pas très éloigné de « je suis celui qui paye pour avoir ça réalisé, ne faites donc rien de votre propre initiative ».
Ah, ok. Ce n'est pas très éloigné.
Un autre point, bien que les éditeurs ne vont pas apprécier que je dise ceci, c'est qu'ils jouent souvent de la carte financière. Il y a cependant de nombreuses façons de sécuriser des fonds.
Ce peut être facile ou rapide (ou pas) mais il y a des banques, des investisseurs en capital risque, des fonds et toutes sortes de possibilités... Je vois où vous voulez en venir.
D'autre part, vous ne pouvez emprunter des idées ou concepts de jeux. Que ce soit une banque, des investisseurs ou des fonds, vous n'avez nulle part où aller pour les emprunter. Les droits de propriétés sont la véritable monnaie de l'industrie du jeu.
Si j'avais donc une super idée et qu'après être parti j'allais voir Capcom et [leur] présentait une idée de jeu
« pourquoi ne me faites vous pas réaliser ce produit ? », ils diraient ensuite durant les négociations :
« ça va. Ca représente combien ? » et que je leur disais
« 2 milliards de Yens », ils diraient
« bien ». Mais après, lorsque le jeu sort, les droits de propriétés sont pour Capcom. N'est-ce pas étrange ?
Oui ça semble plutôt étrange, bien qu'il en ait toujours été ainsi.
Les Mangas sont cependant différents. Par exemple,
Akira Toriyama, son studio Bird et l'éditeur
Shueisha se partagent les droits de propriétés. Pourquoi est-ce différent entre les mangas et les jeux? C'est un autre problème que l'industrie du jeu rencontre actuellement.
Ce n'est évidemment pas qu'un problème de simplement revendiquer les droits de propriété, mais peut-être que le temps est venu d'envisager leur partage entre éditeurs et développeurs. C'est une autre chose que j'aimerais changer. Je ne sais bien sûr pas combien d'années ça pourrait prendre.
Recore (Xbox One): plus d'infos très bientôt (début Août à la Gamescom)
La véritable motivation derrière le travail avec des développeurs occidentaux : nous devons plus changer
Quel est la première étape pour y arriver ?
Je suis bon non à employer des centaines de développeurs et devoir travailler avec la peur des résultats mais à correctement amener un concept à sa maturité et continuellement communiquer ce concept aux développeurs. Je peux faire ça où que se situent ou travaillent les développeurs. Ils peuvent être des développeurs internes chez un éditeur, des externes ou même occidentaux. Je peux faire du développement collaboratif.
Beaucoup de développeurs japonais ne sont que des artisans, ce pourrait donc être plutôt compliqué.
Je suis resté chez Capcom plus de 20 ans, j'ai donc quelque chose de
capcomien. Si j'assemble ce que j'ai avec le studio de développement que le partenaire apporte, quelque chose de nouveau sera créé. Si ce produit a de bons résultats, c'est superbe.
Comme vous l'avez mentionné, si un produit connaît une demande à l'étranger, il a une grande valeur.
Oui. C'est absolument ma spécialité. Par exemple, SFIV a vendu 200 milles exemplaires au Japon et 2,3 millions à l'étranger. Resident Evil 5 s'est vendu à 600 milles exemplaires au Japon et à 5 millions à l'étranger.
Plus on regarde les nombres et plus on pourrait penser que tout le monde chercherait à être présent sur les marchés occidentaux.
D'un autre côté, si vous poussez [cette logique] à l'extrême, est-ce que ça ne vous entraînerait pas aussi à une situation où le marché japonais deviendrait hors sujet ?
Ca ne pourrait être le cas. Du moins je ne le pense pas. On ne joue pas au foot dans les pays où le foot n'est pas présent n'est-ce pas ?
Ah, une autre analogie difficile à comprendre...
Actuellement l'équipe de foot japonaise n'est pas si forte et elle ne peut pas gagner la Coupe du Monde. Le Japon n'a donc pas de football. ce n'est pas un problème où tout le monde doit aller au Brésil. Mais si des personnes peuvent aller au Brésil ou en Europe, c'est bien. Mais tant qu'un pays n'a pas de football, un mouvement pour faire du football ne sera pas établi.
Si possible donc, vous devez vous améliorer en football. Ca demande des efforts. Vous ne pouvez simplement abandonner parce que vous ne gagnez pas les tournois internationaux.
Ce pourrait être une mauvaise chose à dire, mais est-ce que ça ne signifie pas qu'il est préférable de produire les jeux à l'étranger ?
Pas du tout. C'est pareil que les bons joueurs de football qui partent en Europe. Ils n'y vont pas pour y vivre mais pour apprendre le football mondial.
Ce fut identique avec
Itô Hirobumi, qui est parti voir le monde, est revenu au Japon, est devenu premier ministre et changea à la fois le gouvernement et le Japon. Les bons joueurs de foot reviennent, deviennent de bons meneurs et entraîneurs et changent le foot japonais.
Je vois ce que vous voulez dire mais je pense qu'il y a un autre élément requis : le savoir du côté utilisateur.
Absolument. Si vous ne savez pas ce qu'est le football mondial, vous ne pouvez certainement pas l'expliquer au public. C'est pour ça que nous avons des médias comme 4Gamer (rires).
Et bien je pense que...
Si nous éduquions correctement les utilisateurs quant aux jeux étrangers, ils seraient plus remarqués. Ce qui signifie que les jeux japonais seraient aussi plus remarqués. Red Dead Redemption devrait être capable de vendre un million d'exemplaires et pas de simplement s'arrêter à une centaine de milliers et des poussières. Les créateurs, les utilisateurs et les hommes d'affaires ont tous besoin de plus changer.
Ce que vous dites pourrait cependant être interprété comme du suprémacisme pro-jeux occidentaux.
Au strict minimum, les jeux occidentaux sont plus amusants. En utilisant mon analogie précédente, le foot européen est bien supérieur au japonais. Vous ne pouvez battre l'Espagne avec uniquement de la volonté. Ce que nous devons donc faire maintenant est de connaître le foot espagnol, le français, l'anglais et ainsi de suite. Si je dis ça les gens vont dire
« Inafune-san ne regarde rien d'autre que le foot européen ». Le truc c'est qu'il est nécessaire de reconnaître nos fautes et d'apprendre des développeurs occidentaux.
La fierté de la création japonaise de jeux ne mourra pas si facilement cependant. Les japonais peuvent réaliser de grandes choses lorsqu'ils travaillent ensemble. Parce que j'adore le Japon, je ne veux pas qu'il perde face à l'Amérique ou l'Europe. Si je ne me souciais pas du Japon je me contenterais de partir.
J'en suis certain.
Et donc si je le peux, je veux changer l'industrie vidéoludique japonaise. Je ne veux pas l'abandonner. Après avoir quitté Capcom, je ne veux pas par exemple juste aller travailler pour EA, Activision et Rockstar. Ce serait abandonner le Japon.
Je ne connais Capcom qu'en tant qu'éditeur, je veux donc voir les bons et mauvais côtés des autres éditeurs au Japon ou à l'étranger et selon les retours et avis de tout le monde sur l'industrie vidéoludique japonaise, la changer.
Vous prenez donc le rôle de déclencheur d'un changement dans l'industrie des jeux japonais.
Il y a déjà un premier déclencheur (Nd4Gamer : Inafune-san respecte depuis longtemps
Hino-san de Level 5, ce pourrait donc être celui dont il parle), et je veux continuer à partir d'ici et être une force supplémentaire de dynamisme.
Pour en revenir à la précédente discussion, je veux par différentes façons que les créateurs soient plus conscients d'eux mêmes et arrêtent de n'être que des
salarymen. Si tous les créateurs ressentent la même chose, l'industrie changera sans le moindre doute. Ca ne demande qu'un [petit] changement.
Onimusha:Warlords (Encore)
Je veux vraiment faire du commerce : le président n'a que deux boulots
Mais si vous êtes indépendant, ça signifie que vous serez président d'entreprise. Avez vous des ambitions à ce sujet ?
Je veux vraiment faire du commerce.
Je ne penserais pas que vous le voudriez en temps normal.
Je sais (rires). Pour en revenir au premier point, n'est-ce pas quelque chose que les créateurs dans la quarantaine devraient être? Ce type de personnes devrait gérer les affaires.
Pour quelle raison ?
45 ans c'est encore assez jeune pour un homme d'affaires. Du côté économique, en revenant sur mes efforts précédents, je pouvais réussir à créer un bon environnement pour des personnes dans la vingtaine et trentaine et réaliser de grands produits. Ca ne serait pas mal du tout. En cas de réussite, ça s'étendra à l'industrie et les joueurs en profiteront complètement.
Vous formeriez donc la prochaine génération.
En me remémorant ma position de président chez
Daletto, être président est facile. Vous pouvez laisser les comptes aux professionnels. Il n'y a que deux choses importantes : évaluer vos employés et exprimer vos rêves. C'est tout. Si vous ne pouvez les exprimer, personne ne saura quoi faire.
Dans ce type de travail donc, trop se concentrer sur les nombres est contre-productif à la nature des affaires.
Oui. S'inquiéter des variations de pourcentage des coût et des bénéfices par rapport à l'année précédente n'est pas le rêve.
Il est aussi nécessaire de laisser les employés faire les choses qu'ils trouvent [d'eux mêmes]. Il y a à la fois des bonnes et des mauvaises méthodes bien sûr. Les personnes dans notre activité ne suivent particulièrement pas les ordres. Même si vous leur dites quel type de jeu ce doit être, ils ne le feront pas. Ils ne le veulent pas.
N'est-ce pas simplement de l'égoïsme?
Oui probablement (rires). A ce stade, c'est bon de travailler conjointement.
« Je pense à ce type de jeu de zombies et ai pensé que ça pourrait être bien comme ça. Quel type de zombies serait bon selon toi ? » et ainsi de suite.
Vous les guidez donc dans le projet.
Exact. Si ils répondent
« et bien, peut-être que ce type là serait bien », c'est super. Je réponds
« oh ça a l'air bien ». Je dispose déjà de plusieurs réponses possibles évidemment. En étant capable d'attirer les gens dans un projet, non seulement ils penseront
« ah il prend en compte mon opinion » mais j'obtiendrais aussi des avis sur lesquels je me dis
« oh je n'avais pas pensé à ça ». C'est une bonne technique pour les deux partis. A l'instant où j'incorpore l'opinion des autres, on passe du
« jeu qu'Inafune-san réalise » à
« mon jeu ».
C'est là que la motivation change.
Un autre truc que je fais, par exemple, est de donner l'ordre aux gens d'
« aller au Nord ». Je ne donne par contre pas d'instructions quant aux directions pour y aller. Je les laisse se débrouiller par eux-mêmes. Ils peuvent prendre un taxi, y aller en train ou même marcher. En dehors de la partie la plus importante je laisse le reste entre leurs mains. En ce qui concerne la conception des personnages, je garde la partie la plus importante mais laisse les personnes faire le reste comme elles le souhaitent.
C'est alors que ça devient leurs jeu, et c'est une façon différente de récolter leurs pouvoirs. Les gérer est nécessaire pour s'assurer que les choses ne dérapent pas, mais si vous agissez ainsi et que le produit est un succès ils gagneront de la confiance. Si ils gagnent de la confiance ils seront capables de travailler dur sur les prochains projets aussi.
Qu'est-ce que vous vouliez alors dire plus tôt par l'existence de « mauvaises méthodes » ?
En poursuivant selon le même cheminement de pensée, quelqu'un va penser
« oh je peux faire ça même si Inafune-san n'est pas là ». Ils peuvent penser:
« Je sais que je suis censé aller au nord et qu'on m'a fait confiance quant aux détails » mais pour une raison ou une autre ils commencent à marcher vers l'ouest ou le sud. Malgré ça je pense que cette technique a une grande valeur.
Recore, développé avec le studio Armature et prévu pour 2016 sur XboxOne
Les créateurs et producteurs sont complètement différents : passer de zéro à un ou d'un à dix
Inafune-san, j'ai peur que nous n'ayons bientôt plus de temps.
Oui ça fait bientôt 3 heures.
Bien que ce n'ait pas été l'entretien que j'avais envisagé, ça a vraiment été un sujet sensationnel. Vous voulez peut-être dire quelque chose aux lecteurs de 4Gamer ?
(Après avoir réfléchi) C'est difficile de le dire rapidement...
Je pense sans aucun doute que de nombreux lecteurs de 4Gamer aiment les jeux. C'est pour cette raison que je veux [que dans ce pays] il y ait plus d'opportunités pour approfondir la connaissance publique des jeux, comment les réaliser et sur l'industrie elle-même. Tout ça via 4Gamer bien sûr (rires).
Nous ferons de notre mieux.
Actuellement il n'y a des nouvelles que sur les nouvelles sorties (et c'est bien sûr très important) et que ce soit une bonne ou mauvaise chose, vous n'entendez rien sur les trucs qui se passent en coulisses. Vous n'avez que ce qui provient de l'éditeur. Mais j'espère que les créateurs se mettront en avant de plus en plus pour que vous puissiez voir à la fois le bon et le mauvais et qu'en connaissant les deux partis, vous soyez en mesure de décider si vous voulez accorder votre soutien ou pas.
Je pense qu'il serait bon que vous puissiez lire dans la presse (comme 4Gamer) non seulement [des articles sur] des marques comme Capcom mais aussi [des articles] sur les personnes qui réalisent les jeux et avec quelles émotions ils sont réalisés. Si ça arrive, l'industrie ne changera t elle pas ? Jusqu'à maintenant, il y a beaucoup d'entretiens qui ne présentaient que la ligne officielle des compagnies.
Oui parfois nous ne pouvons poser de questions trop directes et ça finit par ressembler à une proclamation impériale.
Oui ca ressemble à ça. Je ne pense pas que ce soit quelque chose que les lecteurs souhaitent forcément lire. Ce peut être le producteur qui parle mais vous pourriez dire que c'est la même chose que si la personne en charge du
marketing parlait.
Ce que les lecteurs veulent vraiment lire, c'est les véritables pensées du producteur, leurs messages cachés, profonds, ce qu'ils ont dû affronter et une image globalement plus entière. Ai-je tort ?
C'est ce que je veux dire aux joueurs. Ce serait mieux si je pouvais parler correctement mais ce n'est pas toujours facile de faire comprendre mes pensées et ce pourrait être retenu contre moi, mais je veux raconter l'histoire comme elle est.
Au delà de transmettre aux joueurs ces informations par cette lecture, j'espère qu'ils seront capables de décider si ils veulent (ou non) me supporter.
A propos, un créateur est aussi quelqu'un qui prends un zéro et le transforme en un. De nombreux créateurs et producteurs à travers le monde prennent ce un et le transforment en 10. Les deux sont complètement différents l'un de l'autre. J'espère que les lecteurs de 4Gamer seront capable de comprendre cela. J'espère donc que les créateurs seront jugés en tant que créateurs.
Ce pourrait être irréaliste pour les joueurs de déterminer ça.
Vous êtes en train de dire qu'ils ne comprennent pas les entretiens apparaissant dans des médias comme 4Gamer ?
Ce pourrait ne pas être possible d'expliquer des concepts de jeux, les intentions souterraines et autres à des personnes qui ne sont pas des créateurs. C'est quasiment que des discussions sur les systèmes de jeu, les règles du nouveau jeu, les personnages ou les prévisions de vente. Et bien parfois vous entendez parler des vraies intentions sous-jacentes. Bien sûr ça sort du manuscript soigneusement préparé de l'éditeur (rires).
Oh je vois (rires). Je pense que c'est probablement le plus facile à comprendre. Si j'avais beaucoup de titres, j'indiquerais uniquement le passage du zéro au un et en resterait là.
...Je vois. J'ai pu grâce à vous obtenir une connaissance approfondie bien que je me demandais comment vous pouviez gérer 30 titres.
Si vous partagez la propriété sur le développement d'un concept de base, des choses comme la couleur des vêtements, des paysages ou la conception de l'Interface Utilisateur ne sont pas tant de gros problèmes. La raison donc pour laquelle les gens ne peuvent pas passer de zéro à un est qu'elles ont tendance à trop ouvrir leur bouche. Beaucoup de personnes, si elles ne font rien si ce n'est de l'ouvrir, finissent par dire qu'elles veulent faire ceci et cela aussi. Vous ne pouvez travailler sur plusieurs projets ainsi.
Prendre un un et le transformer en dix semble assurément amusant, et j'arrive à voir ce que vous ressentez.
Maintenant vous voyez. Ca finit par ne pas être fait pour les autres, mais avant tout pour la personne qui le fait. Si un gros jeu unique met 3 ans pour être terminé, c'est tout ce que vous pouvez faire pendant ce temps. Même après 20 ans dans l'industrie, vous n'aurez pas réalisé plus de 7 titres. Après avoir retenu des concepts solides et les avoir confier à de bons développeurs, je fais alors ce qui vient ensuite : une belle composition.
Donc, ces « bons développeurs » peuvent être de n'importe où, à domicile ou à l'étranger.
Mais il n'y a pas beaucoup de personnes qui transforment ce zéro en un avec une réputation ou un prestige dans l'industrie du jeu.
Plus que les directeurs ou producteurs ce sont des conceptualistes. La raison pour laquelle il y a si peu de personnes connus et que peu bombent le torse et disent:
« J'ai créé ce concept ».
Bien sûr, ce n'est uniquement les conceptualistes qui sont géniaux. Vous ne pouvez réaliser de jeu sans à la fois ceux là et les gens qui prennent un 1 et le transforment en 10. Ce doit être compris. Ils ont des rôles totalement différents. Je pense que les lecteurs de 4Gamer seront capable de comprendre cela, et j'aimerais vous laisser là dessus.
Merci pour votre temps. La prochaine fois que nous nous rencontrerons, vous serez Inafune-san d'une nouvelle entreprise. Bonne chance.
Fin de l'entretien
Mighty No.9 débarque en Septembre de partout, en démat', en boîte, pas de jaloux!
Concernant les projets récents d'Inafune, outre
Mighty No.9,
Recore a été annoncé à l'E3. On en verra plus sur ce jeu (développé avec Armature) lors de la Gamescom, sur le stand Microsoft.
Mighty No.9, bientôt dispo de partout
après un Kickstarter au delà des espérances d'Inafune
Intéressant comme d'hab tes articles iglooo.
On ressent non pas comme une résignation chez les Japonais mais une humilité, mais aussi une capacité exprimée par certains créateurs à mettre leur orgueil dans leur poche et accepter l'état du jeu vidéo Japonais.
Ils puisent leur énergie dans cette sagesse, accepter qu'on a été dépassé c'est déjà une bonne chose.