Voilà désormais deux ans que The Witcher Netflix traîne sa bosse dans l’actualité. Une paire d'années passées a tenter d’inscrire durablement cette énième adaptation des aventures du Sorceleur dans le paysage télévisuel. Plus, si l’on se remémore un premier faux départ d’une certaine manière bénéfique au projet sous sa forme actuelle. Alors que la dernière ligne droite avant diffusion s’amorce doucement mais sûrement, la date fatidique étant fixée au 20 décembre prochain, il est plus que jamais temps de mesurer l’ampleur du chemin parcouru. Ou du moins d’en esquisser les contours dans les grandes largeurs. Mais pour cela il va encore falloir clairement identifier les origines du projet, leur donner une consistance pour en extraire le maximum d’enseignements éventuels sur l’avenir. Ensuite, et a l’occasion d’une seconde partie postérieure a la diffusion de la première saison, il sera question d’aborder cette série en sa qualité d’adaptation sans passer à côté des enjeux et autres ramifications propres à un tel exercice. Sorceleurs et Sorceleuses, bonne lecture.

«
The Witcher » et «
Netflix ». Deux entités que tout semble opposer sur le papier.
L’une a longtemps été le joyau culturel d’une nation entière, la Pologne. De la littérature fantastique par conséquent propice a l’évasion salutaire pour toute une population alors recluse derrière un tristement célèbre rideau de fer. Une source de fierté pour les uns, destinée à être un jour partagée avec les autres, The Witcher se présente aujourd’hui comme une marque qui a su semer de nombreuses graines sur son chemin pour culminer sur un vaste champ qui semble s’étendre jusqu’aux limites du possible.
L’autre est un colosse de l’audiovisuel mais pas seulement. Un pur produit de son temps qui se consomme partout et de toutes les manières. Une institution parfois contestée, mais concrètement jamais égalée ou même inquiétée par une concurrence qui ne se satisfait plus d’un simple rayon même fugace de lumière quand le Roi Netflix monopolise le soleil a lui seul.
Et pourtant, aussi troublante soit-elle au premier coup d’œil, l’union a bel et bien été célébrée. Point de grande cérémonie cependant, rien si ce n’est une simple lettre de faire-part 2.0 laissée a l’intention du net. Là, à peine le temps de convoler en nuit de noces que
les deux tourtereaux de fortune en profitent pour annoncer par la même occasion un heureux événement à venir. Ils semblent à peine se connaître mais la conception du joyeux petit rejeton n’est due qu’à une relation éclaire consommée dans la plus grande indécence au nez et à la barbe de tous. En revanche la période de gestation est-elle beaucoup plus sujette à la pudeur, laissant ainsi la porte grande ouverte à toutes les spéculations.
Certains lui prédisent ainsi une prédisposition à l'argent hérité de Netflix, craignant du même coup pour sa faculté à préserver une éventuelle filiation artistique empruntée à The Witcher. Des divinations en majeure partie assimilables à d’incessants commérages.
D’autres ont néanmoins souhaité laisser libre cours à leurs inspirations oniriques en s’imaginant un enfant porter le meilleur des deux mondes sur ses frêles épaules.
Comme un curseur figé en plein centre d’une ligne droite aux deux extrémités bien définies. Un entre-deux parfait en somme, un idéal qui voit chacune des qualités d’un parent complimenter celles de sa moitié pour former un tout majestueux. La perfection n’est toutefois pas de ce monde et si l’abus du chant lexical lié au mariage ou l’union en général a vite fait d’embellir n’importe quel genre d’histoire,
il est un fait inaliénable que l’association entre Netflix et la marque The Witcher a bien plus à voir avec le secteur de la finance. Cela n’empêche que pour certains l'idylles telle que romancées à l’extrême plus haut a bel et bien eu lieu. C’est le cas notamment pour un certain
Tomasz « Tomek » Bagiński. Son nom ne parlera sans doutes guère à bien grand monde, encore moins a ceux qui s’imaginaient lire un autre nom autrement plus célèbre a ce stade, a consonance Polonaise lui aussi, pourtant
il est un acteur direct de l’avènement futur du Sorceleur sur nos écrans.
ZOOM : Tomasz Bagiński
Né en 1976 un jour de 10 janvier, Tomasz grandit à Białystok, une ville industrielle du Nord-Est de la Pologne. Plus tard et encore étudiant, il s’installe un temps à Varsovie pour y suivre les cours portant sur l'architecture donnée à l’académie technologique locale. Cependant, si le jeune homme se destine très tôt a la création, il entend l’employer à autre chose qu’a la conception de structures diverses et variées . Non, sa fibre créatrice à lui n’est animée que par un besoin ardant de divertir. Ce faisant il entreprend assez vite un changement de carrière qui lui permettrait au mieux de donner vie à ses idées. De toutes les options possibles, l’animation prend très vite le pas sur les autres . Un art qu’il vise à maîtriser seul et à son rythme comme tout bon autodidacte qui se respecte. Depuis il est de notoriété parmi ceux qui l’ont un jour côtoyé que quand une image s’anime, ses yeux pétillent. Le bonhomme ne voit toutefois plus loin que ce qu’un simple regard peut offrir, il est l’un de ces artistes pour qui l’intention créatrice importe plus que son expression a l’écran.
Cryptique a souhait, son premier court-métrage, « Rain » sorti en 1998 ne raconte à ce titre rien de clairement arrêté, si ce n’est rien du tout. Ouvertes à toutes les interprétations, les quelque trois minutes de vidéo proposée ne contiennent pas la moindre seconde de narration a même de lier les séquences entre elles. Est-ce la un véritable coup de génie d’un artiste qui abandonne ici sciemment son rôle d’orateur pour le laisser aux spectateurs, sachant que le sens donné aux images variera ainsi en fonction de la perception de tout a chacun ? Ou bien un simple essai un peu trop pompeux pour son propre bien d’un animateur en herbe qui a simplement voulu un cadre pour justifier une collaboration avec Éric Serra ? Difficile de trancher. Pour autant et qu’importent les retours, Rain n’a pas manqué de taper dans l’œil d'un tout jeune studio Polonais justement spécialisé lui aussi dans l’animation : Platige Image. Bagiński devient ainsi le garant d’une certaine image de marque pour une structure qui travaille essentiellement à la commande et qui s’en remet quasiment à lui seul pour définir et en définitive exprimer le style créatif maison.
Quand en 2002 las de se conformer en cochant des cases sur un cahier des charges aux contraintes imposées, il prend le parti d’utiliser les ressources de son équipe pour réaliser un second court-métrage : The Cathedral. Une production à la narration là encore épurée a son minimum, a la différence qu’elle se propose de contextualiser visuellement une nouvelle littéraire éponyme rédigée par Jacek Dukaj. Nouvelle non moins volontairement évasive cependant. Reste que techniquement The Cathedral constitue une certaine prouesse a l’égard d’un budget au montant jamais dévoilé mais que l’on devine loin de constituer le dixième de la somme qu’un blockbuster 3D de cette époque pouvait engouffrer à lui seul. Surtout, la patte artistique est unanimement applaudie par tout un parterre de spécialistes du milieu, dont le jury des Academy Awards qui va jusqu’à le nominer l’année suivante dans la catégorie meilleure court-métrage d’animation, ceci sans remporter le précieux sésame. Tout le contraire de sa réalisation suivante parut en 2005 : Fallen Art, décoré d’un BAFTA pour son utilisation ingénieuse de la technique du stop motion ainsi que pour son « humour » pour le moins décalé.

Andrzej Sapkowski: l’homme sans qui cet article n’aurait simplement jamais pu voir le jour. Une moindre perte compte tenue du monument que représente The Witcher aujourd’hui. Quitte à parfois déborder de son champ de vision, a son grand regret avoué. Du reste
l’histoire le retiendra à jamais comme le premier homme à avoir posé sa pierre à l’édifice. Aussi, d’un naturel bougon, le romancier n’a jamais été le dernier à réclamer le respect qui lui est dû. Ce qui n’a fatalement jamais plaidé en sa faveur auprès du public international. Il faut dire que le sieur a toujours su se montrer aussi à l’aise a l’écrit qu’en public en y défrayant régulièrement la chronique. En effet depuis une bonne décennie
Sapkowski n’a jamais su dire non à une polémique quand une diatribe cinglante s’offre à lui. D’ailleurs les journalistes ne sont pas les derniers à lui tendre des perches tant la personnalité clivante de l’intervenant génère de vives réactions. Mais comme toutes ces personnalités qui ne laissent clairement personne indifférent, Sapkowski a également toujours pu compter sur le soutien sans failles d’une brigade d’aficionados. Tomasz Bagiński en a d’ailleurs très tôt investi les rangs.
Comme pour d’autres jeunes Polonais, la découverte de la saga littéraire à la fin des 80 fut pour lui une révélation. Sa nouvelle favorite, «
Un Grain de Vérité », sorte de relecture au vitriol de l’œuvre culte «
Beauty And The Beast », donne d’ailleurs parfaitement le ton à sa mission future. Car lui ne s’est jamais complètement senti a l’aise dans la peau de ce simple lecteur.
A vrai dire voilà depuis maintenant trente ans que Bagiński caresse l’espoir d’un jour pouvoir adapter The Witcher sur nos écrans. Tel un aventurier face au défi de sa vie, aucune montagne symbolique n’aura jamais été trop élevée pour empiéter sur sa volonté profonde. À ce titre le risque de finir tète la première dans la poudreuse n’est pour lui qu’une simple formalité, tout au plus le signe d’une mauvaise prise. Une de plus pour un grand rêveur qui jamais ne cesse de se mettre en quête d’un point d’ancrage susceptible de le conduire au sommet. Ceci en vue de pouvoir hisser fièrement un drapeau aux couleurs de sa madeleine de Proust.
Ce rêve, il finit par le tutoyer une première fois du bout du doigt en 2007 lorsque lui et l’ensemble des troupes de Platige Image sont mandatées pour une nouvelle réalisation. Or celle-ci revêt une importance toute particulière à ses yeux, puisque directement affiliée a l’objet de son ambition de toujours. Cela a aussi grandement à voir avec l’identité des fameux commanditaires. Une bande de joyeux lurons qui hier encore tentaient de se faire un nom en gratifiant la jeunesse Polonaise de jeux vidéos étrangers. Rien de bien folichon sur le papier si seulement ils ne s’efforçaient pas de les distribuer avec grand soin, localisation cinq étoiles ainsi qu’éditions collector somptueuses comprises.
Une responsabilité acquise a la force de conviction auprès d’éditeurs influents pour qui la Pologne n’était qu’un marché de niche, de la basse besogne tout au plus. Un point de vue contesté par deux représentants locaux :
Marcin Iwiński et
Michał Kiciński. Deux anciens vendeurs à la sauvette de CD piratés sur lesquels figure tout le caviar du RPG Occidental autrement inaccessible par voix légale. Plus tard bien décidé à installer durablement leur patrie dans le paysage vidéoludique, ils se professionnalisent tout en se jurant de ne jamais oublier leurs origines modestes :
CD Projekt est né.
Mais leur coup de maître reste à venir quand au début des années 2000 l’accord est passé avec Andrzej Sapkowski pour adapter l’univers de The Witcher en jeu vidéo. Mieux encore, le flaire de l’auteur lui fait défaut au pire moment. Incapable de prendre un minimum aux sérieux ses partenaires en devenir et encore moins leur secteur d’activité,
il se retrouve à renoncer de son plein gré au moindre profit financier à faire valoir sur le pourcentage de ventes. Tout juste se contente-t-il d’une enveloppe de quelque huit-mille euros avant de filer à la Polonaise pensant le contrat finement négocié.
De leur côté, CD Projekt peuvent des à présent débuter la réalisation de leur tout premier jeu. Une adaptation des aventures du Sorceleur donc, mais pas dans le secteur que Bagiński c'est un jour vu foulé de son art. La place chronologique occupée par le jeu au sein de la saga n’est pas non plus pour lui déplaire.
Puisque The Witcher le jeu est une suite à The Witcher les romans, CD Projekt lui doit donc à lui ainsi qu’à son équipe la primeur d’animer pour la première fois a l’écran l’une des nouvelles de la saga littéraire. En l’occurrence le combat final opposant
Geralt de Riv à la
Strige de Wyzima tel que rédigé dans la nouvelle «
Le Sorceleur », la première d’entre toutes. Un cadre tout trouvé pour servir de scène d’introduction au jeu.
Couronné du succès qu’on lui connaît, The Witcher va connaître deux suites, autant d’occasions pour Bagiński de réunir son équipe encore et toujours préposée à l’élaboration de cinématiques. Bien que motivé d’un enthousiasme sans bornes, il mesure alors toute l’étendue du chemin qui lui reste à parcourir pour mener son projet à termes. Suffisamment implanté dans le milieu, Platige Image croule littéralement sous les propositions de tierces parties.
C’est donc sans remords aucuns qu’il met de la distance avec l’entreprise qu’il a menée sur les sentiers de la gloire. Temporairement tout du moins. Un laps de temps salutaire a l’organisation d’un plan de bataille titanesque détaillé à la virgule près. Il a été réalisateur de courts-métrages, animateur de quelques créations 3D cumulant des millions de vues à travers le globe, le voilà désormais à briguer la place de metteur en scène d’un film.
Son film, sa consécration : The Witcher au cinéma. La réalisation de son vœu le plus cher sous la bénédiction de Sapkwoski. Sous le joug d’un moment d’euphorie, Tomasz fait rapidement part de la bonne nouvelle à travers un premier communiqué à l’intention du plus grand nombre.
Nous sommes alors en 2015 et à la différence de la fierté émanant de son discours, la réception publique est-elle autrement plus tiède. Il faut dire que cette année les fans historiques de la saga et nouveaux venus se réunissent pour célébrer la sortie de
The Witcher 3. Rien de moins que la conclusion en beauté de quelque trois années passées a vampiriser l’actualité, cristallisant ainsi les plus folles attentes. À partir de cet instant une conclusion s’impose chez les plus observateurs :
si The Witcher peut se lire auprès d’un public d’initiés, surtout il ne se conçoit plus autrement que manette en main auprès de la majorité. De là, imaginer cet univers prendre vie sur le grand écran sans la moindre trace d’interaction s’apparente à de l’hérésie. Mais plus encore, le choix scénaristique entrepris par le projet cinématographique intrigue. Deux heures de divertissement censé mélanger deux nouvelles n’entretenant aucun rapport entre elles, si ce n’est le recueil qu’elles partagent : « Le Sorceleur » et «
Le Moindre Mal ».
Pire encore, Bagiński promet une série à sa succession en cas de succès en salle, ce qui a tout lieu de servir de carotte à peine déguisée. Aussi, les quelques noms agrémentant une liste de producteurs couronnés au Royaume d’Hollywood n’aident pas franchement à disperser la vague de dédain ambiante.
Annoncée au mauvais moment avec un timing qui ne pouvait que difficilement lui être plus défavorable, l’avenir de la franchise sur grand écran semble à jamais compromis. En coulisses Bagiński ne se démotive pas pour autant. À mille lieues de battre en retraite, il sait le temps opportun a une profonde remise en question. Sans doutes un peu trop présomptueux, la communication autour du projet prend en conséquence fin dès son annonce.
Aussi, il mesure toute là prétention que peut avoir sa démarche auprès des joueurs. C’est un fait, le jeu vidéo et le cinéma n’ont jamais fait bon ménage. L’un a inspiré directement l’autre qui lui a rendu la pareille via quelques pistes à explorer, mais une fois réunis l’alchimie n’a pour ainsi dire jamais transcendée les esprits.
De ce fait et entant qu’illustre inconnu a leurs yeux, Bagiński a commis l’impudence de prétendre à la confiance de joueurs pour qui le passé a su être beaucoup trop douloureux en la matière. Parcequ’en cette période ceux-ci ne jurent pratiquement que par la trilogie de CD Projekt et que leur nombre se voit de plus en plus grandissant, éteindre à mesure préventive le feu de leurs critiques en stipulant vouloir adapter la série littéraire uniquement n’y change rien.
Puisqu’il ne peut décemment pas espérer vendre le projet en son nom propre, il lui faut donc démarcher auprès d’un distributeur qui saura raviver la flamme. Tache qu’il met une nouvelle paire d’années à accomplir.
Le 17 mai 2017. Une date a marquer d'une pierre blanche puisque synonyme de l’investiture d’un généreux bienfaiteur au capital sympathie du projet : Netflix. Une annonce surprise car vierge de toute rumeur la précédant. Auprès du public agréé, la nouvelle étonne autant qu’elle éveille la curiosité. De tous les candidats potentiels, Bagiński a donc décidé de s’aligner avec la toute puissante multinationale Californienne. Une alternative parmi tant d’autres sur le papier, dont
HBO, longtemps envisagée par un groupuscule de fans comme seule entité audiovisuelle a même de retranscrire le ton résolument mature de l’œuvre originale, y compris dans ses moindres excès.
Or, si la maison d’accueil de Game of Trones a toujours eut le don de flairer la bonne adaptation au moment propice, les limiers du clan Netflix n’ont concrètement rien à leur envier. Tout ce qui rentre fait ventre, et un simple coup d’œil sur le catalogue de la plate-forme tend à le confirmer. Outre les créations originales imaginées de toutes pièces, nous y retrouvons ainsi des réalisations en lien direct avec des œuvres plus ou moins célèbres en provenance de divers horizons. Du cinéma ou encore de la télévision bien sûr, mais surtout de la littérature sous toutes ses formes recensées :
romans, comics, manga, pas un seul symbole de la pop culture n’échappe au radar Netflix.
Là, du haut de ses quelque huit romans, la saga du Sorceleur collectionnait déjà tous les arguments pour convaincre l’ogre Netflix de lui céder une parcelle de terrain. Mais The Witcher c’est aussi et surtout une œuvre trentenaire qui a sue diversifier son activité, se muant tour à tour en bande dessinée puis en jeu vidéo selon les convenances de l’époque.
Un univers devenu trans-média quasiment au berceau en somme. En soi une évidence pour Netflix. Mais aucune alliance digne de ce nom ne saurait se concrétiser sans un partage équitable des gains. Si la plate-forme de vidéos à la demande peut ainsi se féliciter d’ajouter un énième nom à son palmarès, pour le Sorceleur il s’agit surtout de conquérir le dernier bastion du divertissement qui s’est jusqu’a lors refuser à lui : le petit écran.
Une conquête pourtant entreprise de longue date et marquée par un premier siège en 2001 sous la forme de « The Hexer ». Un rendez-vous entre une œuvre et son public par l’entremise d’un écran géant très vivement critiqué dès sa sortie. La raison a cela, l'absence totale d’un soupçon de fil conducteur d’une scène à l’autre soutenue par un montage abrutissant. Fait qui s’explique de par la nature véritable de ce projet filmique :
un résumé long de deux heures d’une série éponyme comprenant treize épisodes et sortie seulement douze petits mois a sa succession. Une bassesse d’investisseurs zélés qui n’est pas sans rappeler un antécédent en la matière avec deux des trois films
Spider-Man des années soixante-dix « construits » sur la base d’un montage de divers épisodes de la série télévisée diffusée a la même époque.
ZOOM :
The Hexer

À première vue il semble difficile d’extraire The Hexer la série de toute la ribambelle de productions en provenance directe des pays de l’Est qui s’approprient parfois à elles seules toute une case horaire. Du lundi au Vendredi, de préférence après le repas du midi sur toutes les chaînes publiques qui se « respectent ». Un rendez-vous bien familier et tant prisé par nos chers aïeux qui peuvent ainsi profiter d’un somnifère tout ce qu’il y a de plus naturel. Une bien triste comparaison qui n’en reste pas moins a même de définir au mieux l’effet ressenti après visionnage par tout un consortium d’individus. Plus tard, nombreux furent cependant ceux qui firent l’effort d’investir un peu de leur précieux temps en vue d’une potentielle entreprise de réhabilitation d’une adaptation partie d’un bon sentiment mais sacrifiée sous l’hôtel du profit. En digne source d’inépuisables railleries, l’héritage laissé par The Hexer se transmet aujourd’hui à travers moult images animées à la gloire de quelques séquences d’une profonde médiocrité.
Pourtant la série n’est totalement dénuée de qualités a l’image d’un casting composé en grande partie de pointures du cinéma Polonais. À ce titre il est de notoriété publique que la caméra ne flatte jamais aussi bien le lectorat de Sapkowski que quand elle se fixe pour mettre en images des personnages cultes de leur univers favoris. Là, leurs interprètes ont tout le loisir de faire étalage d’un respect certains de leurs modèles tels que couché(e)s sur papiers. Les choses se corsent en revanche dès lors qu’il s’agit de retranscrire tout ce qui n’a pas trait à la performance d’acteur. À commencer par l’écriture générale qui voit à plusieurs reprises un épisode adapter deux nouvelles qui n'entretiennent aucun rapport et qui ne s’embarrasse guère d’un quelconque lien narratif susceptible d’uniformiser le récit. Plus regrettable encore, toute la notion mythologique de l’œuvre originale succombe ici à l’insuffisance criante d’un budget conséquent susceptible de l’élever à autre chose qu’un abus d’animations 3D vieillottes, pour rester poli.
En réalité, The Hexer ne « brille » qu’à l’instant ou elle s’autorise à outrepasser sa nature profonde d’adaptation. Un total de deux épisodes dont un particulièrement bienvenue car retraçant une enfance en partie imaginée de toutes pièces pour le Sorceleur plus tard surnommé le Loup Blanc. Rien de transcendant mais une délicate intention tout de même, d’autant qu’elle ne prête à aucune comparaison avec la saga littéraire. Pour le reste The Hexer c’est la tragique histoire d’une série qui avait tout pour être au minimum correct et qui parvient même à atteindre sporadiquement cet objectif avant de s’écrouler sous le poids de trop nombreuses invraisemblances. Un faux raccord, un costume acheté au magasin de farces et attrape du coin, un rictus disgracieux a travers un maquillage d’une laideur innommable, autant de tares qu’un regard même amateur ne peut occulter. Le bilan est lourd, d’autant plus quand il arrive à certains épisodes de traîner l’ensemble de ces casseroles. De quoi instaurer une certaine forme de malaise quelque cinquante deux minutes durant.

Bien que le simple fait de le mentionner soit prohibé au sein des exécutifs et a fortiori en hautes instances,
The Hexer de par son existence n’a pas tant à vertu de provoquer quelques bons fou-rire a son audimat que de poser un a un les jalons de ce que doit, ou plutôt ne doit pas être The Witcher à l’écran : une copie conforme de son homologue et modèle fait d’encre. L’objet d’une thèse à laquelle pourrait se livrer une certaine
Lauren Schmidt Hissrich. Il faut dire que ce n’est pas le temps qui lui manque depuis qu’elle a scellé à tout jamais le devenir du Sorceleur sur un terrain qu’elle connaît bien pour l’avoir arpenté à maintes reprises.
Elle qui se voit déjà réinvestir ses fonctions de chef d’orchestre pour un minimum de six saisons supplémentaires, la voilà désormais pendue aux lèvres de l’opinion publique.
Aussi est-elle déjà en droit de souffler sachant sa présence assurée pour une seconde saison, quelque part un indicateur de la confiance absolu de ses employeurs a l’égard du service rendu.
Passé a la production le sens du devoir accompli, Tomasz Bagiński se contente depuis d’intervenir dans les débats en qualité de témoin de moralité pour le compte du Sorceleur. S'il distille ici et là quelques notions de bases sur ce qu’est The Witcher, il s’installe également confortablement à la table des décisionnaires. À leur tête Lauren Schmidt Hissrich donc. Une pupille de la nation Netflix qui lui a offert l’opportunité d’obtenir ses galons sur des séries comme
Daredevil et
The Defenders afin d’en devenir une lieutenante émérite.
Déployée dans un premier temps seule en zone hostile, sa mission première est de convaincre les adeptes de la saga littéraire de ses nobles attentions. Une vaste opération séduction qui se déroule principalement sur le compte Twitter de l’intéressée. Un trône tout trouvé pour celle qui se voit très vite élever au rang de sainte par toute une foule en liesse. Fréquemment les fans s’amassent donc autour de leur muse pour la suivre dans sa découverte en temps réel de l’univers du Sorceleur.
Or Si miss Hissrich se défend à juste titre de prêcher la bonne parole en induisant les gens à la faute sur ses intentions réelles, cette précision n’intervient que trop tardivement auprès d’une populace qui a confondu fines séries d’analyses et promesses en bonne et due forme.
Pour le pouvoir en place l’heure de la conquête a sonnée. Avec en tète de cortège une ingénue pour qui le savoir est une arme délicate qu’elle manie avec la plus grande précaution. Elle, la transfuge de l’empire Netflix qui entend bien marquer de son empreinte l’univers du Sorceleur.
Mais dans l’ombre une cohorte d’irréductibles fans s’organisent en prévision d’un coup d'État a l’encontre de la porte-parole, si ce n’est une simple pièce rapportée, d’une autorité qu’ils jugent dictatoriale. Aussi et partir de cet instant, la moindre sortie médiatique de la nouvellement promue showrunner va se voir scrutée a la virgule prés.
Une erreur tant nombreux sont ceux qui vont se jeter à corps perdus dans une manœuvre de déstabilisation d’une force o combien inamovible. Toujours prêt à invoquer une fantasmagorique clause «
de non-respect de l’œuvre originale » pour justifier leur refus systématique du changement, ceux-là se réclament défenseurs de l’héritage Sorceleur. Un groupuscule d’individus passionnés a l’extrême mais heureusement jamais vraiment malveillants y compris sous couvert de l’anonymat du net.
Cependant quand plus tard un escadron isolé prend a sa charge de populariser un mouvement contestataire en arborant les couleurs de The Witcher 3 en guise d’idéal à atteindre au contraire d’un choix de casting ou d’une décision créative qu’ils estiment décevante,
le malaise s’installe autour d’une série critiquée non plus pour ce qu’elle promet éventuellement d’être, mais désormais pour ce qu’elle ne sera pas : une retranscription du versant vidéoludique de la saga. Un gage de qualité certain pour le travail de CD Projekt Red qui est parvenu avec le temps à s’accaparer l’image de la franchise. Cependant nul ne saurait ignorer qu’un tel accomplissement ne s’est pas fait sans quelques libertés vis-à-vis de son modèle. D’ailleurs son existence même n’a été rendue possible que par le détournement de la fin originelle de l’œuvre littéraire.
En réalité cette trilogie ne se contente pas seulement d’adapter les romans, elle en fait tout au plus un socle scénaristique sur lequel s’appuie une suite en bonne et due forme. À voir au mieux comme une alternative au matériau d’origine, la série de CDPR a qui plus est été « désavouée » de la chronologie officielle d’un commun accord entre les deux parties. De quoi permettre une totale liberté créative aux développeurs et le droit à Sapkowski, si l’envie lui en prend un jour, de marquer un nouveau chapitre de son histoire, canon celui-ci.
En résumé, se fier à The Witcher 3 comme meilleure représentation possible de cet univers se résume en l’état à donner du crédit a de la fan-fiction.
Plus tard la mutinerie de comptoir vire cependant à l’insurrection quand, au détour d’un ragot, Netflix se voit reprocher de sacrifier la
mythologie Slave ainsi que le
folklore nordique pourtant au cœur de l’expérience The Witcher sur l’hôtel de la diversité. En cause :
un casting pour le rôle de Cirilla rapporté comme étant ouvert uniquement aux candidates dites issues de minorités ethniques. Multiples sont ainsi les voix qui se sont élevée pour, en leurs termes, s’indigner d’une volonté manifeste de Netflix de céder aux sirènes de la bien-pensance à des fins pécuniaires et en dépit de toutes considérations de l’œuvre de Sapkowski. Si l’on se gardera bien d’émettre un quelconque jugement de valeur sur chacun des profils intervenus dans la discussion, il est ici essentiellement question de fans soucieux de la bonne restitution d’un univers qu’ils pensent immuable. Dans ces conditions mieux vaut encore s’en remettre à l’avis du père de la saga qui y va de sa déclaration choc : «
Je ne suis pas le pape et The Witcher n’est pas la Bible. ».
Ce même Sapkowski qui n’a par ailleurs jamais été le dernier à user un peu d’encre pour pointer du doigt les dérives d’une société sclérosée par le refus de la différence sous couvert du carcan de la fantaisie tout au long de sa propre saga.
Dans l’absolu toutes ces critiques se révèlent assez symptomatiques de l’appropriation faite de la saga dans son entièreté par une communauté de fans qui se refusent à l’idée que l’objet de leur passion puisse être refaçonné aux dépens de leurs souvenirs et désirs les plus profonds.
Seulement une adaptation n’a pas pour but de répondre à un cahier de doléances émis par la première horde d’admirateurs venue, mais bien de pérenniser une œuvre dans le temps au-delà de toutes considérations de son format, son ton, et même de sa genèse. En achetant les droits de distribution, Netflix n’a ainsi signé aucun accord de principe stipulant la restitution de l’essence même de la saga telle que nous pensions la connaître, pour ça autant s’en remettre aux livres audio. En conséquence, la première règle c’est qu’il n’y a aucune règle, rien n’est à jamais gravé dans le marbre, et si Sapkowski s’en remet a la dimension biblique pour l’exprimer,
le fait est qu’a trop se laisser bercer de nostalgie, le futur ne peut être que source d’angoisse...