Sony profite de cette fin d’année pour éditer sur notre vieux continent le majestueux Genji, premier jeu d’action/aventure de la firme de développement Game Republic dirigée par Yoshiki Okamoto, producteur de la série Onimusha chez Capcom. Si certaines similitudes entre les deux titres tendent à faire crier au plagiat dès le premier coup d’œil, une observation légèrement plus poussée fera cependant agréablement déchanter les plus récalcitrants.
Certes, les premiers contacts avec le soft de
Sony n’aident pourtant pas à lui arracher son individualité. L’introduction, bien que de toute de toute beauté, nous plonge tout droit dans un hypothétique
Dynasty Warriors (Koei), tandis que l’aspect visuel
in game de la plupart des protagonistes semble nous mettre directement aux commandes d’un énième membre du clan Oni. Heureusement, une fois le pad en main et les premiers adversaires dépecés, la tension chute, un sourire s’esquisse sur les lèvres, et l’on se sent fin prêt à découvrir ce qu’est véritablement ce
Genji. Dégainez vos katanas, sortez les fleurs de cerisiers, et pénétrez dans l’univers poético guerrier de
Genji avec ce test du premier essai
made in Game Republic sur PlayStation 2.
Amahagane… à vos souhaits
L’histoire de
Genji prend place dans un Japon féodal émoussé par le sabre, dans lequel l’aristocratie est mise à mal jusqu’à son extinction par de violentes guerres de clans. Kiyomori, seigneur du puissant clan barbare des Eishi, usant des divins pouvoirs de mystérieuses pierres appelées Amahagane, finira par mettre fin à cette guerre suite à une ultime bataille l’opposant à l’armée du clan Minamoto. A présent, le pays se retrouve donc sous le joug des Eishi, imposant un règne de terreur sur toute la populace. Mais ce serait sans compter la rébellion du jeune seigneur Yoshitsune qui, âgé de seize ans, se trouve être l’un des seuls survivants du légendaire clan
Genji, à l’origine unique détenteur de l’Amahagane et qui compte bien le redevenir… Et c’est sabre en mains, et avec l’aide des Tamayoribito, clan protecteur de l’Amahagane, et d’un moine guerrier colossal du nom de Benkei que vous partez, bille en tête, en vue d’une aventure épique et poétique vers la libération d’un royaume. Certes, cet abattage scénaristique ne semble pas être des moins convenus, mais il a le mérite de mettre en scène l’histoire véridique (quelque peu romancée et avec l’aspect fantasmagorique en plus bien sûr) des deux héros de guerre que sont Yoshitsune Minamoto et Benkei. En sachant cela, et connaissant leur tragique destin, on est d’autant plus touché d’incarner ces protagonistes, véritables figures emblématiques du Japon du douzième siècle.
Le cadre étant donné, intéressons-nous à présent au
gameplay du bébé de
Game Republic qui se révèle être en soi une bonne surprise. Effectivement, outre la possibilité barbare de
blaster du samurai mutant à tout va par simple tapotement des touches « carré » et « triangle » comme dans bon nombre des softs du genre (à l’instar de certains Onimusha et
Devil May Cry pour ne citer qu’eux), ce « Hack’n Slash » innove avec l’instauration d’une alternative, classieuse, tactique, se révélant indubitablement indispensable… son nom : Kamui. Cette nouvelle faculté que possèdent Yoshitsune et son comparse de treize pieds de haut, découle directement des pouvoirs de l’Amahagane. En effet, cette mystérieuse pierre donne la possibilité à son utilisateur de créer un champ subspatial dans lequel le temps se voit ralenti et les ennemis contraints à l’attaque. Ainsi donc, lorsque la demi-douzaine d’ennemis se ruent sur vous avec ferveur dans ce nouvel espace-temps, il ne vous reste qu’une chose à faire, attendre ! Eh oui, attendre patiemment, sans jamais se précipiter, l’apparition de la petite icône vous indiquant que vous pouvez effectuer votre coup… Vous disposerez alors d’une seconde pas plus pour presser ladite touche (qui s’avérera être toujours la même fort heureusement). En cas de succès, la mort pour l’adversaire est instantanée et vous n’avez plus qu’à un enchaîner les autres dans le même rythme… Cependant si vous échouez, l’espace est dissolu et vous n’avez plus qu’à recommencer au gré de votre ligne d’essence mystique. Un QTE au pays du bourrinage en quelque sorte, le calme avant le tsunami, terriblement jouissif et efficace. Par ailleurs, ne croyez pas vous fourvoyer dans une quelconque facilité en effectuant cette manœuvre, certains boss étant tellement rapides que votre temps de réaction devra se compter en dixièmes de seconde, et ce, malgré l’utilisation indispensable pour l’occasion d’un double Kamui (temps ralenti quatre fois).
Une autre nouveauté pour le genre vient aussi pointer le bout de son nez dans ce
Genji qui tend vraiment à se démarquer des productions existantes. Il s‘agit de l’accumulation d’expérience en vue de faire passer des niveaux à vos protagonistes à l’instar d’un RPG. La vie, l’attaque, ainsi que la défense peuvent ainsi être améliorées par ce biais, mais pas seulement. En effet, tout au long du jeu et des niveaux que vous pourrez revisiter à loisir afin de booster vos compétences, se trouvent, disséminés, ci et là, des essences d’Amahagane. Ces dernières permettent alors au joueur d’octroyer davantage de pouvoir aux capacités précitées, et ce, via un menu spécifique accessible à tout moment (exit les bornes de customisation). Tout ceci n’est donc pas de l’ordre de l’innovation, mais bel et bien du renouveau et ce n’est pas pour nous déplaire. Ainsi, pour continuer dans la customisation, nos deux héros pourront équiper diverses armures, armes ou autres accessoires dopants, tous récupérables au cours de l’aventure et même constructibles auprès de l’ami forgeron du coin, moyennant finances. Seulement, pour ce faire, des matériaux rarissimes devront lui être acheminés, ces derniers n’étant pour la plupart accessibles qu’en effectuant un Kamui sur un Boss convenu… Bonne chance. Enfin, sachez qu’il vous sera possible d’incarner Benkei et Yoshitsune quand bon vous semblera (à l’exception de deux ou trois « passages obligés »), et que si l’un se révèle plus doué dans l’explosion de portes ou de troncs d’arbres, l’autre ne s’en révélera que plus agile (et surtout rapide) pour explorer des hauteurs inaccessibles à son compagnon de deux cents livres. Toutefois, ces petites différences de capacités se verront vite classées à l’apanage des gadgets étant donné que ces caractéristiques, et donc l’intérêt du changement de protagoniste en tant que tel, ne seront en rien obligatoires pour avancer dans l’aventure… dommage ? Pas tant que ça, car il en faudrait du courage pour se farcir la moitié de soft avec un Benkei affublé d’une lenteur proportionnelle à son poids (qui je le rappelle est « colossal ») ! Pour en finir avec l’évaluation ludique, un bon esprit de liberté, tout droit inspiré des RPG, souffle donc sur ce
Genji… et l’on ne peut qu’apprécier cet état de fait lorsque l’on connaît la rigueur qu’impose en général ce genre de softs.
Une réalisation du feu de Dieu
Abordons à présent un autre point fort de ce
Genji, à savoir sa réalisation. Tout d’abord, graphiquement disons le tout net, c’est une pure merveille. Les décors sont tout simplement magnifiques et emprunts à une poésie de couleurs chatoyantes et d’animations en tout genre : les fleurs, l’herbe, les pétales de cerisiers dansent gaiement au gré du vent, l’eau ruisselle et clapote sous vos pas, les bâtiments, bien que peu nombreux, offrent un design harmonieux et se permettent même d’offrir quelques interactions inattendues... Petit bémol cependant pour certains intérieurs exigus à la redondance architecturale trop souvent soutenue. Le
chara design général est de qualité et nous place dans la peau d’un Yoshitsune plus classe que jamais. Les mouvements sont fluides, très peu de ralentissements sont à dénoter et les effets (qui évitent intelligemment l’overdose) de toute beauté. De plus, l’intrigue est amenée par de nombreuses CG de très bonnes factures qui ne semblent pourtant pas trancher avec les graphismes
in game… Nul doute, la Playstation 2 sort ses tripes sans concession avec ce titre, et même si l’aliasing, bien que léger, reste omniprésent, il ne gêne en rien l’action magnifique que nous offrent les développeurs. Côté son, même topo : les thèmes musicaux des compositeurs Tomoatsu Kikuchi et Seiichi Negi sont grandioses et ne sont pas sans rappeler ceux du mastodonte Allemand Hans Zimmer sur son travail dans « The Last Samurai ». Le travail d’acteur des comédiens pour le doublage, bien que juste, n’est pas forcément des plus convaincants et un peu plus de vigueur dans le ton n’aurait fait de mal à personne, d’autant que les versions Anglaise et Japonaise sont toutes deux disponibles selon vos goûts… un autre petit plus dont on ne saurait se plaindre. Dans la même lignée, les bruitages sont du meilleur cru, et une fois entendu on ne pourra plus oublier ce petit son strident, amenant un calme sourd relatif au déclenchement du Kamui et représentant si bien le changement d’espace temps. Mais attention, à présent nous allons devoir aborder un point douloureux… le seul véritable point faible du jeu, mais qui existe indubitablement et retire une bonne partie des lettres de noblesse acquises par ce titre : sa durée de vie. Il ne vous faudra en effet pas plus de six à sept heures de jeu pour venir à bout du scénario une première fois… il est ensuite plus difficile d’y revenir malgré l’ajout de nombreux bonus à débloquer lors d’une deuxième aventure. C’est dommage, car si le scénario s’était révélé plus rebondissant (et long en toute logique) grâce à une meilleure utilisation de personnages secondaires comme Yoritomo Minamoto et Hidehira Fujisawa, on aurait vraiment eu droit à un chef-d'œuvre plus qu’à un magnifique hors-d'œuvre.