Les ennuis d'une mauvaise soirée alcoolisée peuvent se payer au prix fort le lendemain matin et c'est presque avec la gueule de bois post-scandale autour de Unity que Ubisoft a lâché un nouvel Assassin's Creed qui n'a jamais réussi à trouver le hype jusqu'à son lancement.
Londres, 1868. Une époque où les cieux s'assombrissent de fumée face à l'industrialisation constante notamment orchestrée par l'arrivée des chemins de fer et des débuts de l'électricité. Dans ce théâtre emprunt d'une nouvelle ambiance capable de passer de la bourgeoisie à la pauvreté des enfants travailleurs et de la montée des gangs de rue, un certain templier, Crawford Starrick, va profiter de cette percée économique pour affirmer son emprise sur le monde, en faisant un vilain sommet toute classique, même pour la série. Et pour le contrer, il faut évidemment des héros et cet épisode nous offrira donc les jumeaux Jacob et Evie, pas non plus bien originaux mais assez attachants dans leur manière de se lancer constamment des pics (personnalité différente oblige), mais qui poseront un problème aux amateurs de background travaillé : où est la mise en scène ?
En effet, depuis trois ans, on assiste à une étrange mise en retrait de toute forme de travail sur l'univers. Black Flag a mis fin à la méta-histoire, Unity s'est amusé à mettre le contexte historique en arrière plan et aujourd'hui, c'est Syndicate qui se permet de nous balancer deux assassins à la figure sans chercher à pousser leur propre histoire. AC II, III & Unity étaient de bon exemple sur la présentation du héros mais désormais, tout est acquis, ce qui permet au moins de réduire la durée du tutorial relou, unique chose qui nous satisfera ici après des années à nous apprendre en détails comment se cacher et assassiner le moindre ennemi. Bref, on se contentera au final d'un scénario dans la norme digne d'un film sans surprise, au cœur d'une époque moins marquante que dans d'autres épisodes mais qui permettront de croiser comme de coutume quelques têtes connues dont Darwin et Karl Marx.
Et bien entendu, à défaut de livrer quelque chose de haletant, l'ambiance est au moins clairement au rendez-vous déjà en terme de sonorités même si l'on continuera de se demander pourquoi la moitié du peuple parle anglais et l'autre français (y'a un moment, faut quand même savoir faire un choix). Le constat est un poil plus mitigé concernant la technique. On évite la surabondance de bugs qui a frappé Unity même si certains persistent, on a enfin droit à 30FPS à peu près stable (là encore belle évolution par rapport à l'expérience passée) mais on continue de manger l'aliasing et des textures moins bonnes que d'autres. Remarquons au moins un meilleur travail au niveau du popping et pour cause : les développeurs ont fait le choix de mettre fin aux foules massives du précédent épisode pour quelque chose de plus carré et finalement plus agréable. Et bien sûr, malgré quelques aléas de temps à autre, le titre reste dans le haut du panier coté rendu brut avec une mention particulière à certains panoramas qui touchent du doigt le photo-réalisme, et des textures au sol tout simplement prodigieuses pour peu qu'on prenne le temps de s'y attarder.
Concernant l'aventure elle-même, point de grandes surprises vu que l'on reste dans les mêmes fondamentaux que dans le précédent avec la totalité de la carte accessible d'entrée mais des quartiers évidemment plus dangereux que d'autres. Chaque chapitre consiste à remplir quelques missions principales, demandant parfois d'utiliser un des deux personnages en particulier, et on constatera de manière générale que le rythme est au rendez-vous, ce qui n'est pas bien difficile vu que la formule Unity est conservée, s'étant permis elle-même d'imposer il y a un an l'attendu retour aux sources en matière d'infiltration et de possibilités pour atteindre son objectif. A ce propos, la nouvelle équipe a jugé bon de perfectionner la chose, déjà avec la possibilité de cacher les corps et surtout de pouvoir à nouveau siffler pour attirer x ennemi, l'un des manques aberrants du précédent cru. Hormis cela, on retrouve tous les fondamentaux du genre : couteau à lancer, bombe fumigène, fléchettes empoisonnées pour rendre fou un ennemi, alliés à recruter sur le chemin et… un grappin.
Oui, grande nouveauté rapidement mis en avant dans le scénario, le grappin fait donc son entrée dans la série, l'équipe de développement ayant probablement jugé que cet accessoire était une belle valeur ajoutée dans la trilogie Batman Arkham. Problème, dans les épisodes du chevalier noir, le grappin agissait en binôme avec la possibilité de planer. Un peu comme dans Just Cause finalement où l'un ne va pas sans l'autre. Sauf que « l'autre », on ne l'a pas dans AC Syndicate et il faudra donc se contenter de la possibilité de grimper plus vite au sommet de x bâtisse… du moins quand cela fonctionne. Car ici, ça ne fonctionne pas toujours et on galère un peu le nez en l'air à attendre que le logo d'accroche apparaisse, jusqu'à s'énerver à bourriner le bouton dédié, quitte à enclencher une envolée vers un endroit qu'on ne souhaitait pas forcément. Pas dramatique pour une série où la grimpette est une routine mais parfois frustrant. Heureusement, l'utilisation à l'horizontale fonctionne beaucoup mieux et permet ainsi de passer d'un haut sommet à un autre sans se taper l'usant trajet, ajoutant même de nouvelles possibilités d'approche dans certaines zones. On se demandera juste par quel tour de magie les deux protagonistes parviennent à semi-glisser sur une corde en ascension mais passons.
Autre modification : le système de combat. Déjà changé dans Unity qui mettait enfin un terme aux ennemis qui attaquaient à la queue-leu-leu, le gameplay gagne désormais en rapidité tout en gardant les principales bases comme le contre et le casse-garde. C'est carré et intuitif (faut dire que la formule commence à être exploité par tout le monde) mais ça manque peut-être un peu d'ajouts et comme pour Mad Max, certains contres ne sortent pas assez rapidement, faisant qu'on s'en mange parfois une alors qu'on gérait plutôt bien les choses. Composante RPG oblige (= y'a de l'expérience et des niveaux), on ne comptera plus les coups assenés pour dégommer un adversaire d'un ou deux level au dessus de nous, ce qui est tout sauf réaliste mais obligera au moins à appréhender certaines zones dans l'infiltration en abusant de nos couteaux de lancer qui en headshot dégomment n'importe quel ennemi quel que soit son niveau.
Augmenter en puissance se fait de trois façons. Tout d'abord et comme évoqué à l'instant, la montée en expérience vous fera gagner des niveaux et entre deux des points de compétences à répartir dans plusieurs arbres, ce qui est plutôt une bonne idée surtout que cela ajoute de nouvelles caractéristiques, certaines bienvenues (récolter automatiquement les biens d'un ennemi que l'on assassine au corps-à-corps), d'autres qui prêteront un peu à débat et briseront un peu plus le réalisme entre la possibilité de voir les ennemis à travers les murs grâce à la vision d'aigle ou encore Evie qui peut devenir invisible si elle reste immobile. Chacun jugera donc de la chose mais de notre coté, nous n'avons pas trouvé ça trop choquant en terme de gameplay. Après tout, on parle quand même d'une licence qui depuis bientôt 10 ans permet de sauter de 100m de haut pour atterrir sans bobo dans 1m de paille sans que ça dérange personne.
Les deux autres façons de booster les personnages est l'augmentation en puissance de l'équipement avec achat & craft (grâce à des coffres ENFIN généreux) mais également de lâcher quelques sous et éléments dans votre gang pour permettre divers choses : gain de pognons périodique, affaiblissement de l'équipement ennemi ou à contrario possibilité accrue des persos recrutés (armes à feu, gros balaise dans le lot, etc). On pourra même bénéficier de nouvelles charrettes, l'autre grande nouveauté annoncée dans cet épisode et qui fera sourire encore plus que le grappin devant une conduite totalement irréaliste, une option takedown (!!!) et des chevaux qui dégomment des lampadaires à la volée mais qui peuvent freiner devant un buisson. Là encore, ça fait très « JV » dans l'âme mais contrairement au grappin et aux capacités cheatées, on aura tendance à zapper rapidement cet ajout inutile (hormis quand ce sera obligatoire), nos propres capacités et les habitudes de téléportation étant suffisantes pour se déplacer rapidement dans un Londres de toute manière évidemment moins grand que dans la réalité. Même celle de l'époque.
Mais pour tout cela, on ne pourra décemment se contenter de la quête principale et encore une fois, les à-cotés sont au rendez-vous. Hormis les dizaines de coffres, les bugs Helix qui nous renseigneront (vite fait) sur le présent et les events aléatoires qui n'ont pas changé depuis un an, on trouvera deux sortes de phases secondaires, avec dans le premier cas des missions directement livrées par les personnages annexes et faisant comme dans Unity référence à l'époque, autant dans des faits avérés que via des légendes urbaines. Les autres seront répartis en quelques types qui se répéteront en boucle sur l'ensemble de la carte pour libérer des quartiers, et si l'objectif change, l'essentiel restera souvent de buter un tas d'ennemis sauf indications contraires dans le cadre d'un e récompense bonus. Des missions à picorer tranquillement, mais jamais désagréables… ni révolutionnaires. Comme tout le reste finalement. Notons d'ailleurs que dans une démarche de qualité (= on n'a pas le temps donc on se consacre à l'essentiel), la companion-app est passée à la trappe, ce qui est une franche bonne idée, à contrario du mode multi dont l'absence est regrettable. Non pas qu'on souhaitait retrouver l'oubliable Deathmatch mais la tentative coopération introduite dans Unity était clairement à explorer en profondeur. Surtout avec un duo de héros. Dommage pour le coup.
Les plus
Les moins
+ Une bonne ambiance
+ Un Londres crédible
+ Certains panoramas prodigieux
+ Une bonne partie des problèmes techniques sont désormais corrigés
+ La relation Evie/Jacob
+ L'infiltration toujours efficace
+ Les multiples système d'évolution
+ La faille « surprise »
- Quasiment rien sur le « présent »
- Scénario de plus en plus en retrait
- Des héros qui manque d'âme
- La gestion du grappin
- Les calèches inutiles
- Le coop a disparu
- Une formule qui s'use...
Conclusion : Dire que Assassin's Creed Syndicate est un mauvais jeu serait un mensonge. Ce n'est même pas un produit moyen, c'est un « bon » jeu, avec suffisamment d'atouts pour y prendre du plaisir. Problème, et on s'en doutait depuis la première présentation, la surexploitation commence sérieusement à poser problème et malgré tout un tas de belles choses, cet épisode ne pourra plaire qu'aux plus gros fans de la série… et ceux qui n'y ont jamais joué. Pour les autres, et on peut clairement le dire cette fois, c'est l'épisode de trop et on entend déjà arriver les soupirs de lassitude qui accompagneront l'annonce du prochain.
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